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24 février 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
21/02943
24/02/2023
ARRÊT N°121/2023
N° RG 21/02943 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OIHA
FCC/AR
Décision déférée du 23 Juin 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 20/01437)
MISPOULET M.
[F] [E]
C/
Association TANGUEANDO
CONFIRMATION TOTALE
Grosse délivrée
le 24 fevrier 2023
à Me Erick LEBAHR
Me Thibault TERRIE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
Madame [F] [E]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Erick LEBAHR, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
Association TANGUEANDO prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualité audit siège sis [Adresse 2]
Représentée par Me Thibault TERRIE de la SELARL TERRIE CHACON, avocat au barreau D’ALBI
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [F] [E] a été embauchée suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (28,50 heures par semaine) à compter du 1er juin 2016 par l’association Tangueando (La maison du tango), en qualité de secrétaire administrative chargée de communication.
La convention collective de l’animation est applicable.
Mme [E] a été placée en arrêt maladie du 1er août au 22 octobre 2019.
Par LRAR du 20 septembre 2019, Mme [E] s’est plainte auprès de l’association Tangueando de ses conditions de travail et du non paiement de ses heures complémentaires.
Par LRAR du 4 octobre 2019, elle a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.
La relation de travail a pris fin au 9 octobre 2019.
Le 28 octobre 2019, Mme [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de paiement d’heures complémentaires, de l’indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement abusif. L’association Tangueando a conclu à une démission et réclamé le paiement du préavis non exécuté. Le dossier a été radié le 21 octobre 2020 et réinscrit le même jour.
Par jugement du 23 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– dit que la prise d’acte du contrat de travail de Mme [E] produisait les effets d’une démission,
– rejeté l’intégralité des demandes de Mme [E],
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé les dépens à la charge de Mme [E].
Mme [E] a relevé appel de ce jugement le 1er juillet 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [E] demande à la cour de :
– réformer totalement le jugement,
– juger que la prise d’acte de la rupture s’analyse en un licenciement abusif,
– allouer à Mme [E] les sommes suivantes :
* un rappel de salaire de 13.482 € au titre d’heures complémentaires impayées avec les congés payés de 1.348 €,
* une indemnité compensatrice de préavis de 3.253 € (1.626,76 € x 2 mois) avec les congés payés afférents de 325 €,
* 8.134 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif (5 mois x 1.626,76 €),
1.626,76 € étant le salaire moyen brut des 12 derniers mois,
* 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles que Mme [E] a été contrainte d’exposer pour la défense de ses intérêts dans le cadre de la procédure d’appel,
– condamner l’association Tangueando aux dépens.
Par conclusions responsives notifiées par voie électronique le 7 février 2022, auxquelles il est expressément fait référence, l’association Tangueando demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d’une démission et débouté Mme [E] de l’intégralité de ses demandes,
– réformer le jugement en ce qu’il n’a pas condamné Mme [E] à verser à l’association Tangueando l’indemnité compensatrice de préavis et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
En conséquence :
– condamner Mme [E] à verser à l’association Tangueando les sommes suivantes :
* la somme forfaitaire de 1.642,08 € correspondant au montant de l’indemnité compensatrice de préavis de démission non exécuté,
* 3.600 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter Mme [E] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner Mme [E] aux entiers dépens de l’instance.
MOTIFS
1 – Sur les heures complémentaires :
Mme [E] réclame un rappel de salaire à temps plein sur 3 ans en soutenant qu’il y a lieu à requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein en application de l’article L 3123-6 du code du travail, issu de la loi du 8 août 2016, faute de mentions des horaires dans le contrat de travail, de sorte que le contrat de travail est présumé être à temps plein. Elle ajoute qu’elle travaillait bien à temps plein.
Aux termes de l’article L 3123-14 ancien du code du travail, en sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, applicable en l’espèce au contrat de travail du 1er juin 2016, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit, et il doit mentionner la durée hebdomadaire ou le cas échéant mensuelle du travail et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile, la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée du travail fixée par le contrat.
En l’absence d’écrit, le contrat de travail est présumé à temps complet et il appartient à l’employeur d’apporter la preuve du temps partiel, et de prouver que le salarié n’a pas été placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devrait travailler ni obligé de se tenir constamment à la disposition de l’employeur.
En revanche, si le contrat de travail est conforme à l’article L 3123-14, c’est au salarié qu’il incombe de démontrer qu’il devait travailler chaque jour selon des horaires dont il n’avait pas eu préalablement connaissance dans le respect du délai de prévenance, ce qui lui imposait de rester en permanence à la disposition de l’employeur.
Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l’espèce, le contrat de travail mentionnait bien la répartition de la durée de travail : lundi 6h, mardi 7h, mercredi 2h30, jeudi 8h30 et vendredi 4h30 ; or l’article L 3123-14 n’exige pas que les horaires soient mentionnés. Le contrat de travail était donc conforme au texte, la présomption de temps plein ne s’applique pas et il appartient à Mme [E] soit de prouver qu’elle était placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devrait travailler et était obligée de se tenir constamment à la disposition de l’employeur, soit de fournir des éléments suffisamment précis sur des horaires de travail à temps plein, en application de l’article L 3171-4.
Sur le premier point, Mme [E] se borne à affirmer que le flou des horaires ne lui permettait pas de cumuler son emploi avec un autre, sans plus de détails ; or l’association Tangueando produit des mails de Mme [E] dont il ressort que c’était elle qui fixait ses propres horaires et qui les modifiait le cas échéant.
Sur le second point, Mme [E] renvoie à :
– sa pièce n° 23 faisant état de 6,5 heures complémentaires par semaine comme suit : 1h le jeudi (fin 22h30 au lieu de 21h30) + 2,5h d’appels téléphoniques et mails en dehors des heures de travail + 3h en moyenne pour les événements, la communication web, la comptabilité, les réunions et entretiens – soit 6,5h par semaine ou 26h par mois ; elle chiffre ainsi un rappel de salaire de 13.482 € brut sur la base de 6,5h x 52 semaines x 3 ans ;
– sa pièce n° 24 ‘description des activités de Mme [E] sur une année’ qui est une copie incomplète d’un tableau mentionnant les événements mensuels, les événements annuels et les événements partenariaux, les jours et les horaires, avec des totaux de 339,5 heures complémentaires sur une année, 301 heures complémentaires sur une autre année, et 296,5 complémentaires sur une dernière année – les années concernées n’étant pas mentionnées – soit une moyenne mensuelle de 26 heures complémentaires ; il est ajouté des heures de télétravail de 13h par mois, soit un total de 39 heures complémentaires par mois ;
– des attestations de Mme [D], ex trésorière de l’association (2), M. [P], adhérent (1) et M. [V], membre (2), disant que Mme [E] effectuait des heures complémentaires pour des événements particuliers, et joignant le tableau ci-dessus, mais en sa version complète, avec les horaires de travail contractuels, et mentionnant que les années concenées par les heures complémentaires sont les années 2017, 2018 et 2019 ; les intéressés ont signé ce tableau ;
– des attestations de membres ou adhérents : MM. [M] (1), [H] [J] (2), [K] (1) et [L] (1), affirmant que Mme [E] participait à des événements le soir et le week end.
Ainsi, Mme [E] présente des éléments suffisamment précis pour que l’association Tangueando puisse répondre.
Or, Mme [D] et MM. [P] et [V] valident un tableau établi par Mme [E], alors que l’une est trésorière et les deux autres adhérent ou membre, et qu’ils n’ont pas assisté à tous les événements et n’étaient pas en mesure de constater personnellement l’ensemble des horaires de travail accomplis par Mme [E] ; d’ailleurs, ils certifient aussi que Mme [E] effectuait 13 heures de télétravail par mois qu’ils pouvaient encore moins constater personnellement et que d’ailleurs Mme [E] ne réclame même pas. De surcroît, la réclamation salariale de Mme [E] est inexacte puisqu’elle liste des événements chaque année et évalue un rappel de salaire forfaitaire en fonction d’un dépassement horaire journalier, alors que les heures supplémentaires doivent être appréciées sur la semaine, et sans tenir compte des congés payés et périodes d’arrêt maladie.
Par ailleurs, des adhérents de l’association Tangueando (MM. [X] et [U], Mmes [Z] et [T]) attestent que Mme [E] était non seulement salariée mais aussi membre de l’association, et qu’elle participait à des événements en qualité de bénévole, en plus de ses activités salariées, car tous les membres étaient invités à faire du bénévolat. C’est d’ailleurs ce qu’indiquait Mme [E] dans son mail du 1er juillet 2016, disant ‘je ne souhaite pas considérer d’heures complémentaires car si elles existent elles sont bénévoles (en tant que membre de l’association)’.
Chaque mois, de juillet 2016 à septembre 2019, Mme [E] adressait alors à l’association Tangueando ses relevés d’heures effectuées chaque jour, relevés qui servaient à établir les bulletins de paie, et les heures de travail déclarées n’excédaient pas les 28,5 heures hebdomadaires.
Lors du conseil d’administration du 27 mars 2018, Mme [E] indiquait que son salariat concernait la communication et une partie de la gestion administrative et qu’elle faisait aussi du bénévolat sur l’événementiel. Ce n’est que par courrier du 20 septembre 2019 , quelques jours avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, qu’elle a réclamé le paiement d’heures complémentaires. En effet, dans son mail du 11 mai 2018, elle s’est bornée à indiquer qu’elle était ‘habituellement au-dessus de (ses) heures de travail fixées par (son) contrat de travail’, et le président de l’association lui a répondu que la difficulté était liée au fait qu’elle était aussi bénévole, qu’il était possible d’en parler au conseil d’administration et d’envisager une compensation, et qu’elle devait faire une répartition de son temps entre les diverses activités. Toutefois, Mme [E] a continué à envoyer ses relevés d’heures, comme avant, qui n’excédaient pas 28,5 heures.
La cour considère donc que l’association Tangueando fournit des éléments établissant que Mme [E] n’a pas accompli d’heures complémentaires, et déboutera la salariée de sa demande de ce chef, par confirmation du jugement.
2 – Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est un mode de rupture du contrat de travail par l’effet duquel le salarié met un terme au lien salarial en se fondant sur des griefs qu’il impute à son employeur. Elle entraîne immédiatement et définitivement la rupture du contrat de travail ; pour être valable, elle n’a pas à être acceptée par l’employeur, lequel n’a pas à en accuser réception ; inversement, le simple fait que l’employeur en accuse réception et remette au salarié ses documents de fin de contrat ne signifie pas que l’employeur admet tacitement le bien-fondé des reproches du salarié. Les termes de la lettre de prise d’acte ne fixent pas les termes du litige. Il appartient à la juridiction prud’homale de déterminer les effets de cette prise d’acte ; ainsi, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse selon la nature des manquements reprochés à l’employeur, s’ils sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; à l’inverse, elle produit les effets d’une démission si les manquements de l’employeur ne sont pas caractérisés ou pas suffisamment graves. La charge de la preuve pèse sur le salarié.
Mme [E] ne fonde sa demande de requalification de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse que sur le non paiement des heures complémentaires, que la cour vient d’écarter.
La salariée sera donc déboutée de ses demandes liées à la rupture (indemnité compensatrice de préavis et congés payés, dommages et intérêts pour licenciement abusif), la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’une démission, par confirmation du jugement.
A titre reconventionnel, l’association Tangueando réclame une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois, soit 1.642,08 €, la convention collective nationale prévoyant un préavis d’un mois en cas de démission, demande que le conseil de prud’hommes n’a pas examinée.
Le dernier salaire au moment de la rupture était bien de 1.642,08 € ainsi qu’il résulte des bulletins de paie. Ajoutant au jugement, la cour condamnera donc la salariée au paiement de cette somme.
3 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
La salariée qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles. L’équité commande de laisser à la charge de l’employeur ses propres frais.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, et, y ajoutant :
Condamne Mme [F] [E] à payer à l’association Tangueando la somme de 1.642,08 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Condamne Mme [F] [E] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.
La greffière La présidente
A. Raveane C. Brisset.