Votre panier est actuellement vide !
23 février 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/04032
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04032 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDULC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juillet 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F20/01049
APPELANTE
Madame [G] [V] épouse [E]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Stéphane DEMINSTEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E2095
INTIMÉE
S.A.S. EUROVENT CERTITA CERTIFICATION
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Sophie BARA, avocat au barreau de PARIS, toque : L0289
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente
Madame Nicolette GUILLAUME, présidente
Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, rédactrice
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [G] [V] épouse [E] a été engagée par la société Eurovent Certita Certification en qualité d’assistante administrative dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée du 25 juin 2018.
La convention collective applicable à la relation de travail est celle des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec.
Le 29 octobre 2019, la société intimée et plusieurs de ses collaborateurs étaient destinataires d’un message anonyme dénonçant le comportement de trois collaboratrices et notamment celui de Mme [V] épouse [E] auquel étaient joints des captures d’écran provenant d’un compte whatsapp.
Mme [V] épouse [E] a été placée en arrêt de travail à compter du 13 novembre 2019.
Le 22 novembre 2019, elle a notifié à la société Eurovent Certita Certification la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail.
Souhaitant que sa prise d’acte produise les effets d’un licenciement nul, Mme [V] épouse [E] a, par acte du 4 février 2020, saisi le conseil de prud’hommes de Paris.
Par jugement du 30 juillet 2020, notifié aux parties par lettre du 25 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Paris a :
-condamné la SAS Eurovent Certita Certification à verser à Mme [V] épouse [E] les sommes suivantes :
-2 879 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
-287,90 euros au titre des congés payés afférents,
-719,75 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
-10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
-exécution provisoire au titre de l’article 515 du code de procédure civile,
-débouté Mme [V] épouse [E] du surplus de ses demandes,
-condamné la SAS Eurovent Certita Certification aux entiers dépens.
Par déclaration du 20 avril 2021, Mme [V] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 8 juillet 2021, Mme [V] demande à la cour :
-de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la Société Eurovent Certita Certification a manqué à son obligation de sécurité et prévention,
-de réformer pour le surplus la décision déférée en ce qu’elle l’a déboutée de ses autres demandes,
statuant à nouveau :
-de fixer son salaire de référence à la somme de 2 879 euros,
à titre principal :
-de dire et juger qu’elle a subi un harcèlement moral,
-de dire et juger que la prise d’acte de la rupture intervenue le 22 novembre 2019 produit les effets d’un licenciement nul,
-de condamner la société Eurovent Certita Certification à lui verser les sommes suivantes :
-2 879 euros d’indemnité de préavis,
-287,90 euros d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
-719,75 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,
-51 822 euros d’indemnité pour licenciement nul,
-17 274 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,
-17 274 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et de prévention,
-de dire et juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la réception par la Société Eurovent Certita Certification du courrier de convocation à l’audience du Bureau de jugement, soit le 17 février 2020,
à titre subsidiaire :
-de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la Société Eurovent Certita Certification a manqué à son obligation de sécurité et prévention,
-de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Eurovent Certita Certification à verser à Madame [G] [V] épouse [E] les sommes suivantes :
-2 879 euros d’indemnité de préavis,
-287,90 d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
-719,75 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,
-de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
-débouté Madame [G] [V] épouse [E] de sa demande à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-fixé le montant des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et de prévention à la somme de 10 000 euros,
statuant à nouveau,
-de condamner la société Eurovent Certita Certification à lui verser les sommes suivantes :
-5 785 euros d’indemnité pour licenciement nul,
-17 274 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et de prévention,
-de dire et juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la réception par la Société Eurovent Certita Certification du courrier de convocation à l’audience du Bureau de jugement,
-de condamner la Société Eurovent Certita Certification à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 20 janvier 2023, la société Eurovent Certita Certification demande à la cour :
– révoquer l’ordonnance de clôture du 17 janvier 2023, pour permettre l’admission aux débats des pièces de l’intimée produites le 20 janvier 2023 en réponse aux pièces produites par l’appelante le 16 janvier 2023, veille de l’ordonnance de clôture,
– A défaut de révocation de l’ordonnance de clôture, Rejeter des débats comme tardives les pièces n°51,52 et 53 produites par l’appelante, et les pièces 21,22 et 23 produites en réponse par l’intimée,
-de dire et juger que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par Madame [E] doit être qualifiée de démission,
-de débouter Madame [E] de l’intégralité de ses demandes,
-de condamner Madame [E] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d’appel,
-de condamner Madame [E] aux entiers dépens d’instance et d’appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Sophie Bara, Avocat au Barreau de Paris, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture fixée initialement au 17 janvier 2023 a été révoquée et reportée à l’audience de plaidoiries fixée au 23 janvier 2023.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS
I- Sur l’exécution du contrat de travail
A- Sur le harcèlement moral
Le harcèlement moral s’entend aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, d’agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Par ailleurs, aux termes de l’article 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement, l’employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, la salariée indique que dans la nuit du 28 au 29 octobre 2019, les échanges privées qu’elle avait eu avec deux de ses collègues sur un groupe whatsapp ont été piratés et diffusés et en justifie par la production desdits messages et d’un constat d’huissier (pièces 2.1 et 2.2).
Elle fait valoir qu’en arrivant au travail, elle n’avait pas été informée de la divulgation desdits messages et qu’elle a été menacée et agressée verbalement par Mme A.H. à son arrivée au travail, ce dont elle a alerté son employeur par mail du même jour à 9h03 (pièce 4).
Elle produit en outre le témoignage de plusieurs de ses collègues et ainsi :
– celui de Mme N. C. (pièce 5) qui atteste :
-avoir été informée du piratage des échanges whatsapp de l’appelante avec deux collègues ainsi que des commentaires de l’auteur de ce piratage ;
-avoir également été informée que Mme [E] avait été prise à partie par une autre salariée puis appelée avec ses deux autres collègues, victimes également du piratage, en salle de réunion ;
– avoir aperçu le responsable des ressources humaines dans le bureau de l’appelante puis vu cette dernière quitter l’entreprise ;
– que des réunions ont ensuite été organisées et qu’il a été expliqué aux salariés qu’il avait été demandé à Mme [E] et à ses deux collègues de rester chez elles à la suite de la divulgation des messages qu’elles avaient échangés et qu’il leur a été demandé de rester courtois entre eux et de ne pas discuter de l’affaire
– que le lendemain, un message audio a été envoyé par M.V.M. demandant à ce qu’il soit fait pression sur la direction pour que les trois salariés soient licenciées ;
– que le même jour, la direction de l’entreprise a informé le personnel qu’un audit social serait mis en place ;
– que la diffusion des échanges whatsapp de ses collègues tels que commenté par la personnel les ayant diffusés avait entraîné un véritable séisme et que ses collègues n’ont pas été soutenues (pièce 5).
– celui de Mme V.C. qui indique :
– avoir reçu une conversation whatsapp à son réveil avec en titre : ECC (Eurovent) informations importantes, la conversation commençant par : ‘les informations qui vont suivre sont des conversations privées’ et faisant référence à un groupe intitulé trio incluant l’appelante et comportant des commentaires des captures d’écrans, lesquels l’ont bouleversés par leur violence ;
– avoir parlé aux trois salariés concernées qui n’étaient pas informées ;
– que l’appelante est revenue en larme dans son bureau car elle venait d’être menacée par une collègue ;
-avoir alerté la direction qui a convoqué ses collègues et leur a demandé de rentrer chez elles par sécurité puis a fait le tour des locaux pour tenter de calmer l’atmosphère ;
– que le lendemain le groupe a été alimenté par deux messages vocaux de N.M. en appelant à la révolte pour le licenciement du trio et à la réintégration d’une autre salariée ;
– que l’atmosphère qui a régné alors dans l’entreprise l’a empêchée de dormir de nombreuses nuits, ce dont elle a parlé avec un autre salarié, C.F., qui lui a dit que ces ‘salopes’ ne devaient pas revenir au bureau et est devenu agressif et insultant avec elle (pièce 6).
– celui de M. A.M., responsable des ressources humaines (pièce 7) qui précise :
– avoir été informé le 29 octobre au matin par la direction de la divulgation des échanges whatsapp des trois salariés et des commentaires de la personne les ayant divulgués mais avoir été tenu à l’écart de la gestion des conséquences en résultant ;
– avoir accueilli ensuite l’appelante en larme qui lui a dit qu’A.H., lui avait dit de ne pas s’approcher d’elle ou lui parler et que sinon elle la collait au mur ;
– avoir ensuite rencontré avec la direction les trois salariés et qu’il leur a été demandé de rentrer chez elles ;
– avoir suggéré à la direction le contact d’une personne spécialisée dans la gestion de crise et qu’il lui a alors été demandé de rester à l’écart du dossier ;
– que malgré ses messages vocaux, M.N.M n’a pas été sanctionné.
– celui de M. J.B. qui indique avoir dû calmer des salariés afin d’éviter qu’ils s’en prennent à ses collègues dont les messages ont été piratés et avoir pu constater que des collègues s’acharnaient contre elles (pièce 8).
Elle produit en outre au débat le message diffusé par son collègue N.C le 30 octobre 2019 par lequel il indique notamment : ‘ll faut s’assurer que ces trois nanas ne remettent pas les pieds dans cette boite (…) je compte sur vous pour aller mettre la pression'(pv de constat d’huissier- pièce 2-2).
L’appelante justifie en avoir alerté la direction et la médecine du travail sur le sentiment d’insécurité qu’elle ressentait à la suite de la divulgation de ses échanges whatsapp et de l’agression dont elle avait été victime (courriels du 30 octobre 2019 -pièces 11 et 12) ainsi que sur la dégradation de son état de santé (mail du 15 novembre 2019 et arrêt pour troubles anxios dépressif – pièce 19) et avoir fait valoir avec ses collègues être victime d’une situation de harcèlement au travail.
Elle établit également que le mercredi 30 octobre 2019, son employeur lui a demandé de reprendre le travail dés le lundi (pièce 15).
Elle justifie en outre qu’afin d’éviter les contact avec A.H., elle faisait transiter les messages qu’elle devait lui adresser dans le cadre professionnel par un membre de la direction (pièce 17).
Elle produit aussi des échanges entre d’autres collègues comportant notamment des moqueries (pièce 40).
Les éléments ainsi présentés par la salariée laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral dés lors qu’il en ressort qu’elle n’a pas été soutenue par son employeur alors qu’à la suite de la divulgation d’ échanges whatsapp interceptés et commentés à son insu par une personne qui n’ a pu être identifiée , elle a été menacé par un collègue tandis qu’un autre a diffusé un nouveau message en invitant ses collègues à mettre la pression sur la direction pour qu’elle ne revienne pas dans l’entreprise et que concomitamment elle justifie d’une dégradation de son état de santé.
Toutefois, l’employeur justifie avoir diffusé un message le 29 octobre 2019 à 9h12 aux collaborateurs destinataires du message whatshapp litigieux en leur précisant qu’ils avaient été destinataires d’informations piratées et en leur demandant de ne pas nourrir de commentaires et de suspendre toute discussion en face à face sur le sujet en attendant qu’il prenne des mesures (pièce 1).
Il n’est en outre pas contesté qu’il a reçu les trois salariés, leur a demandé de rentrer chez elle le temps d’apaiser la situation et qu’il a reçu ensuite les autres collaborateurs par groupe.
La société intimée justifie en outre que le 30 octobre 2019, elle a à nouveau adressé un message aux collaborateurs destinataires du message whatsapp litigieux en leur demandant de ne pas utiliser ces informations dont la provenance était douteuse et susceptible d’avoir été obtenues illégalement (pièce 2) et qu’elle a en outre informé l’ensemble des salariés qu’elle constatait l’émergence d’une logique de clans et de dénonciations anonymes qui n’était pas acceptable et qu’elle allait procéder à un audit social confié à un prestataire extérieur (pièce 3).
Elle justifie également avoir proposé à l’appelante et à ses deux collègues de la recevoir individuellement et avoir fait droit à leur demande de poursuivre le télétravail jusqu’au 12 novembre (pièce 5 et 6).
Elle établit aussi avoir mis en place une cellule d’écoute psychologique effective à compter du 12 novembre 2019 au bénéficie des trois salariés (pièce 4).
Elle justifie en outre avoir adressé un courriel détaillé à l’appelante par lequel elle lui a précisé à les démarches qu’elle avait entreprises depuis la divulgation de la communication whasapp litigieuse et qu’elle faisait diligenter une enquête sur les faits de harcèlement dont elle se prévalait dans le cadre de laquelle elle serait entendue (courriel du 18 novembre 2019- pièce 8).
Elle justifie encore avoir réuni le CSE le 21 novembre 2019 afin de l’informer de la mise en place d’un audit relatif aux risques psycho sociaux et d’une enquête sur les faits de harcèlement moral confiés au cabinet Altair (pièce 11).
Elle produit aussi au débat le rapport d’enquête relatif aux faits de harcèlement moral dénoncé par Mme [E] et ses deux collègues dont il ressort que les faits de harcèlement ne peuvent être factuellement retenus à l’issue de l’enquête mais que celle-ci établit que les trois salariées ont adopté des comportements irrespectueux, tenu des propos injurieux, employé des méthodes visant à isoler, écarter des personnes et ce de façon directe et indirecte ayant entraîné une dégradation de l’état de santé mentale des salariés ciblés et qu’il y a urgence à sortir de la situation de crise, ce qui ne pourra se faire sans un changement radical de la mentalité de ces salariées (pièce 15).
Par la production de l’ensemble de ces éléments, l’employeur justifie que les décisions qu’il a prise à l’issue de la divulgation des conversations whatsapp litigieuses étaient justifiées dans un premier temps par la nécessité d’apaiser les tensions et de permettre à la salariée, qui a été autorisée à télétravailler jusqu’au 12 novembre 2019 et à laquelle il a notamment proposé d’être entendue et de recevoir un suivi psychologique, de reprendre son travail dans un climat apaisé puis par celle de disposer d’éléments objectifs sur le climat social dans l’entreprise et les faits de harcèlement dont la salariée faisait valoir être victime.
L’employeur justifie donc que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
B- Sur le manquement à l’obligation de sécurité
Selon l’article L. 4121-1 du code du travail l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1) des actions de prévention des risques professionnels,
2) des actions d’information et de formation,
3) la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L. 4121-2 du code du Travail détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre.
Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l’employeur le fait d’exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l’employeur doit assurer l’effectivité de l’obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise.
En l’espèce, s’il résulte des pièces dont le contenu a été ci avant rappelé et des développement qui précédent que l’employeur a accompli les diligences nécessaires pour apaiser le climat social tout en permettant à l’appelante et à ses deux collègues de bénéficier d’une période de télétravail, d’être entendues et de bénéficier d’un suivi psychologique, il en ressort également que nonobstant le comportement agressif et menaçant de Mme A.H. et particulièrement inadapté de M. N, il ne justifie avoir pris aucune mesure concrète les concernant, le témoignage de Mme A.H faisant valoir avoir été rappelée à l’ordre étant insuffisant à démontrer la matérialité des mesures prétendument prises, aucun rappel écrit ne venant au demeurant corroborer la réalité du dit rappel à l’ordre (pièce 23 de l’employeur).
Aussi, en ne protégeant pas les salariés contre les comportements agressifs adoptés par d’autres salariés à leur encontre, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.
Compte tenu du préjudice de la salariée, lequel est objectivé par les courriels qu’elle a adressé à son employeur, l’agression qu’elle a subie ainsi que par son arrêt de travail, le jugement sera confirmé en ce qu’il lui a alloué à ce titre une somme de 10 000 euros.
II- Sur la prise d’acte de la rupture
Dans le cadre de l’exception d’inexécution il est admis que les manquements de l’employeur à l’exécution de bonne foi du contrat de travail peuvent justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié dès lors que ce dernier établit que ces manquements sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, peu important que la lettre par laquelle le salarié prend acte ne stigmatise qu’une partie des griefs finalement évoqués à l’appui de la demande dès lors que cette lettre ne fixe pas les limites du litige.
Il appartient aux juridictions de se prononcer sur l’imputabilité de la rupture.
En l’espèce, le manquement par l’employeur à son obligation de sécurité justifie que la prise d’acte de la rupture produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera donc également confirmé en ce qu’il a alloué à la salariée :
-2 879 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
-287,90 euros au titre des congés payés afférents,
-719,75 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
sommes dont les montants, non strictement contestés, sont conformes à ses droits.
La salarié ne forme pas de demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu’elle n’est donc pas saisie de demande sur ce fondement.
III- Sur les autres demandes
En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à Mme [V] épouse [E] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.
La société intimée qui succombe sera en outre condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté Mme [V] épouse [E] de ses demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
L’INFIRME en ce qu’il a débouté Mme [V] épouse [E] de ses demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE la société Eurovent Certita Certification à verser à Mme [V] épouse [E] la sommes de 1000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
CONDAMNE la société Eurovent Certita Certification aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE