Télétravail : 22 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02975

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Télétravail : 22 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02975
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22 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02975

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 MARS 2023

N° RG 21/02975

N° Portalis DBV3-V-B7F-UYYW

AFFAIRE :

[L] [R]

C/

S.A.S. ATOS INTERNATIONAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARGENTEUIL

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F 21/00108

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL KÆM’S AVOCATS

Me Christophe DEBRAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [L] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

Représentant : Me Patricia GOMEZ-TALIMI de la SCP PDGB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : U0001

APPELANTES

****************

S.A.S. ATOS INTERNATIONAL

N° SIRET : 412 19 0 9 77

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM’S AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110

Représentant : Me Damien DECOLASSE de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [L] [R] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er août 2012, en qualité de ‘Senior Vice Président Saas Sales’ (statut de cadre dirigeant) par la société ATOS INTERNATIONAL, moyennant une rémunération composée d’une partie fixe et d’une partie variable.

L’article 7 du contrat de travail a prévu au profit de Mme [R] le bénéfice d’un plan d’attribution gratuite d’actions de la société ATOS INTERNATIONAL dites ‘actions de performance’.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite ‘Syntec’.

Un avenant au contrat de travail du 7 mars 2019 a nommé Mme [R] dans les fonctions de ‘SVP Head of Strategic SAP & CISCO Alliances’ à compter du 1er mars 2019 et a prévu, à effet rétroactif au 1er août 2018, le paiement d’une rémunération fixe à hauteur de 280 000,08 euros annuels et d’une rémunération variable sur objectifs, dite primes d’objectifs, d’un montant théorique brut de 183 000 euros annuels pour des objectifs atteints à 100 %.

Du 2 au 11 août 2019, Mme [R] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

A compter du 4 septembre 2019, Mme [R] a de nouveau été placée en arrêt de travail pour maladie, prolongé à de multiples reprises.

Le 2 novembre 2019 puis le 4 septembre 2020, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes d’Argenteuil d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société ATOS INTERNATIONAL et de condamnation de cette dernière à lui payer diverses sommes à titre notamment de rappels de salaire et d’indemnités de rupture.

Le 20 juillet 2020, la CPAM a reconnu le caractère professionnel (hors tableau) de la maladie de Mme [R].

Par un jugement du 14 septembre 2021, le conseil de prud’hommes (section encadrement) a :

– condamné la société ATOS INTERNATIONAL à payer à Mme [R] les sommes suivantes :

* 21 010,89 euros à titre de rappel de bonus pour l’année 2018 et 2 101,09 euros au titre des congés payés afférents ;

* 104 803,33 euros à titre de rappel de bonus pour l’année 2019 et 10 480,33 euros au titre des congés payés afférents ;

* 200 000 euros à titre de l’indemnisation de la non-allocation d’actions de performance au titre de l’année 2020 ;

* 340 735,01 euros à titre de complément de salaire pendant l’arrêt de travail pour maladie de janvier 2020 à avril 2021, en deniers ou quittance ;

– débouté Mme [R] du surplus de ses demandes ;

– débouté la société ATOS INTERNATIONAL de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné cette dernière à payer à Mme [R] une somme de 3 500 euros à ce titre ;

– ordonné à la société ATOS INTERNATIONAL de remettre à Mme [R] une fiche de paie récapitulative des sommes allouées, avec indication des années concernées pour chacune d’elles ;

– ordonné l’application de l’exécution provisoire fondée sur les dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail et fixé la moyenne des rémunérations des trois derniers mois à la somme de 38 650,13 euros ;

– ordonné que les intérêts légaux produisent leurs effets à compter de la réception par la société ATOS INTERNATIONAL de sa convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du 9 septembre 2020 en ce qui concerne le rappel de bonus des années 2018 et 2019 ainsi que les congés payés afférents, à compter de la réception par la société ATOS INTERNATIONAL de sa convocation à comparaître devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes d’Argenteuil en date du 22 avril 2021 en ce qui concerne les compléments de salaire, à compter du 1er janvier 2021 en ce qui concerne l’indemnisation de la non-allocation d’actions de performance au titre de l’année 2020 ;

– condamné la société ATOS INTERNATIONAL aux dépens.

Le 8 octobre 2021, Mme [R] a interjeté appel de ce jugement.

À l’issue d’une visite de reprise du 21 novembre 2022, Mme [R] a repris le travail au sein de la société ATOS INTERNATIONAL dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique en ‘télétravail’.

À compter du 6 janvier 2023, Mme [R] a été placée en arrêt de travail pour maladie sur la base d’un avis d’arrêt de travail mentionnant une rechute de maladie professionnelle.

Aux termes de ses conclusions du 23 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, Mme [R] demande à la cour de :

1°) confirmer le jugement sur l’allocation d’une somme de 200 000 euros au titre de l’indemnisation de la non-allocation d’actions de performance au titre de l’année 2020, l’application de l’article 700 du code de procédure civile, les intérêts légaux,

2°) infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société ATOS INTERNATIONAL et dire que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– fixer le salaire mensuel à la somme de 42 231,60 euros ;

– condamner la société ATOS INTERNATIONAL à lui payer les sommes suivantes :

* 147 810,60 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 126 694,81 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 12 669,48 euros au titre des congés payés afférents ;

* 183 230,70 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

* 420 2316 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 767 537,50 euros à titre de rappel de salaire au titre de la non allocation d’actions de performance au titre des années 2019, 2020, 2021 et 2022 ;

* 703 168,24 euros à titre de rappel de bonus (2018, 2019, 2020, 2021, 2022) et 70 316,82 euros au titre des congés payés afférents ;

* 730 473,09 euros à titre de rappel de compléments de salaire pendant l’arrêt de travail pour maladie (de janvier 2020 à octobre 2022) et 73 047,31 euros au titre des congés payés afférents ou subsidiairement les sommes de 152 648,58 euros et 15 264,46 euros au titre des congés payés afférents à ces mêmes titres ;

* 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’article 1104 du code civil ;

* 20 000 euros au titre du préjudice moral et financier subi ;

* 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et 20 000 euros à ce même titre pour la procédure suivie en appel ;

– ordonner à la société ATOS INTERNATIONAL de lui remettre un bulletin de salaire et des documents sociaux de fin de contrat rectifiés, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et se réserver le droit de liquider cette astreinte ;

– ordonner le versement des intérêts de droit à compter de l’introduction de la demande et l’anatocisme ;

– débouter la société ATOS INTERNATIONAL de ses demandes ;

– condamner la société ATOS INTERNATIONAL aux dépens.

Aux termes de ses conclusions du 23 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société ATOS INTERNATIONAL demande à la cour de :

– infirmer le jugement sur les condamnations prononcées au profit de Mme [R], la remise de documents sociaux, les intérêts légaux, l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

– confirmer le jugement attaqué pour le surplus ;

– statuant à nouveau sur les chefs infirmés, à titre principal, débouter Mme [R] de l’ensemble de ses demandes et, à titre subsidiaire, limiter les condamnations pécuniaires aux sommes suivantes :

* 38 866,76 euros au titre des actions de performance ;

* 61 000 euros à titre de rappel de bonus pour la période de septembre à décembre 2019;

* 125 753,33 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 109 748 37 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 65 152,45 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

* 109 748,37 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner Mme [R] à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 24 janvier 2013.

SUR CE :

Sur le rappel de salaire au titre du défaut d’allocation d’actions de performance pour les années 2019, 2020, 2021 et 2022 :

Considérant que Mme [R] soutient que l’article 7 du contrat de travail prévoit, à titre d’élément de rémunération, l’attribution chaque année d’actions gratuites de la société ATOS INTERNATIONAL, dites ‘actions de performance’, d’une valeur de 200 000 euros ou à défaut d’une telle attribution, le versement d’une somme de 200 000 euros ;

Qu’elle fait valoir que :

– en 2019, la valeur des actions attribuées s’élevait à seulement 29 320 euros, ce qui entraîne un rappel de salaire à ce titre d’un montant de 170 680 euros ;

– en 2020 et 2021, aucune action ne lui a été attribuée, ce qui entraîne un rappel de salaire d’un montant de 400 000 euros ;

– en 2022, la valeur des actions attribuées s’élevait seulement à 3 042,50 euros, ce qui entraîne un rappel de salaire d’un montant de 196 957,50 euros ;

Qu’elle réclame ainsi un rappel de salaire d’un montant total de 767 537,50 euros ‘au titre de la non-allocation d’actions de performance’ ;

Que la société ATOS INTERNATIONAL conclut à titre principal au débouté ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige : ‘Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites’ ;

Qu’en l’espèce, les stipulations en litige de l’article 7 du contrat de travail de Mme [R], relatives à l’attribution d’actions gratuites de la société ATOS INTERNATIONAL, sont ainsi rédigées : ‘vous serez éligibles au plan de motivation long terme (LTI) en vigueur au moment de votre arrivée au sein de l’entreprise. Ce plan peut être modifié et/ou annulé par ATOS à tout moment et sans préavis.

Toutefois, au cas où ce plan ne pourrait être mis en ‘uvre au cours de la première année, il vous sera versé une compensation en cash pour un montant brut de 200 000,00 euros (deux cent mille euros). Ceci vous sera octroyé tous les ans’ ;

Qu’il ressort des débats et des pièces versées, et notamment de ces stipulations contractuelles et des plans d’actions gratuites d’actions de performance, des éléments relatifs à l’attribution d’actions depuis l’embauche de la salariée, que la société ATOS INTERNATIONAL s’est seulement engagée, d’une part, à attribuer à Mme [R] annuellement, à titre d’élément de rémunération, des actions gratuites sans obligation quant à leur nombre et à leur valeur, lesquels sont discrétionnaires, et, d’autre part, en cas de non-attribution d’actions gratuites, à payer à Mme [R] une somme annuelle de 200 000 euros brut ;

Que dans ces conditions, pour l’année 2019, la société ATOS INTERNATIONAL s’est ainsi acquittée de son obligation salariale en attribuant à Mme [R] des actions gratuites d’une valeur de 29 320 euros ;

Que, pour les années 2020 et 2021, il est constant que le contrat de travail de Mme [R] a été suspendu du fait de son arrêt de travail pour maladie à compter de septembre 2019 ; que Mme [R] n’est donc pas fondée à demander le paiement de cet élément de salaire pour ces années-là, étant précisé qu’elle ne forme par ailleurs ci-dessous aucune demande sur le fondement des stipulations de la convention collective ou de l’accord d’entreprise relatives aux garanties de ressources pendant un arrêt de travail ;

Que pour l’année 2022, d’une part, Mme [R] n’est pas, pour le même motif tirée de son arrêt de travail pour maladie qui a couru jusqu’au 21 novembre 2022 , fondée à réclamer le paiement d’une somme à ce titre jusqu’à cette date et d’autre part, pour le surplus de cette période, la société ATOS INTERNATIONAL a alloué à Mme [R] des actions gratuites au titre de cette année-là ; que Mme [R] a donc été remplie de ses droits à ce titre ;

Qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de débouter Mme [R] de ses demandes à ce titre, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges ; que le jugement sera donc infirmé sur ce chef ;

Sur les rappels de rémunération variable, dits bonus, pour les années 2018, 2019, 2020, 2021, 2022 :

Considérant qu’il appartient à l’employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d’un salarié et, lorsqu’il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation ;

Qu’en l’espèce, s’agissant du rappel de rémunération variable pour le second semestre de l’année 2018, il ressort de l’avenant du 7 mars 2019 modifiant la rémunération fixe et variable signé par Mme [R], que l’augmentation du montant de la rémunération variable n’est entrée en vigueur que le 1er août 2018 ; que Mme [R] n’est donc pas fondée à réclamer un rappel de bonus d’un montant de 1 416,24 euros en invoquant une augmentation intervenue dès le 1er juillet 2018 ;

Que s’agissant du rappel de rémunération variable pour le premier semestre de l’année 2019, il ressort des débats et des pièces versées que la société ATOS INTERNATIONAL ne justifie pas que des contrats commerciaux, dont Mme [R] réclame la comptabilisation dans ses résultats semestriels, ne remplissaient pas les critères ‘de classification JBD’ ou n’ont été portés à sa connaissance que durant le deuxième semestre de cette année là ; qu’en effet, la société ATOS INTERNATIONAL se borne à invoquer les déclarations unilatérales de ses propres responsables des ventes et à verser sur ce point un document dénommé ‘audit interne’ qui n’est qu’une compilation de centaines de courriels rédigés en anglais et partiellement traduits en français, lesquels sont incompréhensibles, ainsi qu’un courriel adressé à Mme [R] le 31 juillet 2019 accompagné d’un tableau totalement illisible ; que l’employeur ne démontre pas dans ces conditions qu’il s’est acquitté de ses obligations salariales à ce titre ; qu’eu égard à la somme payée à ce titre par la société ATOS INTERNATIONAL, qui s’élève à 47 696,67 euros, et au montant maximum du bonus semestriel qui s’élève à 91 500 euros au vu de l’avenant du 7 mars 2019, il y a lieu d’allouer à Mme [R] une somme de 43 803,33 euros, outre 4 308,33 euros au titre des congés payés afférents, étant précisé que l’appelante ne démontre pas l’existence de stipulations contractuelles prévoyant le paiement d’une rémunération variable supérieure à ce maximum de 91 500 euros en cas de dépassement des objectifs ;

Que s’agissant du rappel de rémunération variable pour le second semestre de l’année 2019, Mme [R] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 2 au 11 août 2019 puis à compter du 4 septembre suivant ; que la société ATOS INTERNATIONAL a payé à Mme [R] une somme correspondant à 2/6ème du montant maximal de sa rémunération variable, afférente à la période effectivement travaillée sur ce semestre ; que la société ATOS INTERNATIONAL justifie donc avoir rempli l’appelante de ses droits salariaux à ce titre ;

Que s’agissant du rappel de rémunération variable pour les années 2020, 2021 et 2022, il est constant que Mme [R] était également placée en arrêt de travail pour maladie ; que l’employeur n’avait donc aucune obligation de fixer des objectifs au début de chacun des exercices correspondants, contrairement à ce que prétend l’appelante ; qu’il y a donc lieu de débouter Mme [R] de sa demande de rappel de salaire formée à ce titre ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé en ce qu’il statue sur les rappels de ‘bonus’ et les congés payés afférents ;

Sur le ‘complément de salaire’ pendant l’arrêt de travail pour maladie de janvier 2020 à octobre 2022 :

Considérant que Mme [R] demande, en se fondant sur le contrat de prévoyance conclu par la société ATOS INTERNATIONAL en application d’un accord d’entreprise, un rappel de sommes au titre de la garantie de ressources pendant son arrêt de travail pour maladie, à hauteur de 100 % de son salaire dont elle fixe la moyenne à 42 231,60 euros brut, hors attribution d’actions gratuites ; qu’elle réclame ainsi une somme de 730 473,09 euros outre les congés payés afférents ;

Qu’à titre subsidiaire, elle soutient que les calculs produits par la société ATOS INTERNATIONAL sont incohérents et qu’il convient de lui allouer une somme de 152 640,58 euros à ce titre, outre 15 260 4,46 euros au titre des congés payés afférents ;

Que la société ATOS INTERNATIONAL conclut au débouté en faisant valoir que Mme [R] a été remplie de ses droits ;

Considérant en l’espèce, qu’il ressort de l’accord d’entreprise en litige que les sommes versées en complément des indemnités journalières de Sécurité sociale visent à garantir le paiement de 100 % du salaire net des douze derniers mois précédant l’arrêt de travail mais seulement dans la limite de la ‘tranche C’ qui s’élève à 8 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale ; que la rémunération de Mme [R] dépassant les limites de la ‘tranche C’, elle n’est pas fondée à réclamer un complément d’indemnités journalières à hauteur de l’intégralité de son salaire net, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges ; qu’elle sera donc déboutée de sa demande principale ;

Que s’agissant de la demande subsidiaire, la société ATOS INTERNATIONAL verse aux débats des décomptes très précis, démontrant que les sommes versées à Mme [R] au titre du contrat de prévoyance ont été, à juste titre, calculées sur la base d’une rémunération annuelle en net de 250 292,40 euros, correspondant aux limites de la tranche C, que le taux de 100 % de cette rémunération en net a été appliqué dans les calculs et que le montant des indemnités journalières de sécurité sociale a été déduit pour leur valeur brute conformément à la page 28 de la notice d’information sur la prévoyance invoquée par la salariée ; que l’employeur démontre ainsi avoir rempli Mme [R] de ses droits à ce titre, étant précisé que le tableau qu’elle présente dans ses conclusions est incompréhensible ; que Mme [R] sera donc déboutée de sa demande subsidiaire ;

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail et ses conséquences :

Considérant qu’au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société ATOS INTERNATIONAL, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [R] invoque les manquements suivants :

1°) la non-allocation d’actions gratuites à hauteur de 200 000 euros en 2019, 2020 et 2021, évoquée ci-dessus ;

2°) le non-paiement de l’intégralité de sa rémunération variable, dite bonus, du second semestre de l’année 2018 à 2022, évoqué ci-dessus ;

3°) un harcèlement moral de la part de sa hiérarchie ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé et constitué par une ‘mise à l’écart dans ses fonctions’ et un comportement de défiance à son égard ;

4°) le non-paiement de l’intégralité des compléments d’indemnités journalières au titre de l’arrêt de travail pour maladie en 2020, 2021 et 2022, évoqué ci-dessus ;

5°) une proposition de rupture conventionnelle formulée par sa hiérarchie pendant son arrêt de travail pour maladie en septembre 2019 ;

6°) une reprise du travail en mi-temps thérapeutique, du 21 novembre 2022 au 6 janvier 2023, fautive et aggravant sa situation de santé en ce qu’elle est restée sous la subordination hiérarchique de M. [C], aucune mission claire ne lui a été allouée, aucun objectif ne lui a été assigné pour le premier semestre 2023, aucun accès aux systèmes informatiques ne lui a été attribué, une proposition d’avenant relative à son mi-temps thérapeutique lui a été faite supprimant l’attribution d’actions gratuites ;

Que Mme [R] réclame en conséquence l’allocation d’une indemnité conventionnelle de licenciement, d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité compensatrice de congés payés et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Que la société ATOS INTERNATIONAL conclut au débouté en faisant valoir qu’elle n’a commis aucun manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail ;

Considérant qu’un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations ; qu’il appartient au juge de rechercher s’il existe à la charge de l’employeur des manquements d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s’apprécient à la date à laquelle il se prononce ; qu’aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’en application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L. 1152-1 du même code, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu’en l’espèce, s’agissant des manquements mentionnés au 1°) et 4°) ci-dessus, ces faits ne sont pas établis ainsi qu’il a été dit ci-dessus ;

Que s’agissant du non-paiement de l’intégralité de rémunération variable mentionné au 2°), seul un manquement afférent au premier semestre de l’année 2019 est établi ainsi qu’il a été dit ci-dessus ;

Que s’agissant du harcèlement moral invoqué au 3°), Mme [R] se borne à alléguer un retrait de ses comptes clients, une mise à l’écart de réunions, une volonté de l’évincer de son poste, des menaces de ses supérieurs hiérarchiques, sans verser aucun élément sur ces points ; que les pièces médicales versées aux débats, et notamment la reconnaissance de maladie professionnelle par la CPAM, ne contiennent aucun élément relatif à un harcèlement moral ou à une faute de l’employeur à l’origine de la dégradation de l’état de santé ; que Mme [R] ne présente ainsi pas d’éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral ;

Que s’agissant de la proposition de rupture conventionnelle du contrat de travail pendant l’arrêt de travail pour maladie invoquée au 5°), l’échange de courriels intervenu au mois de septembre 2019 entre Mme [R] et sa hiérarchie ne fait ressortir aucun abus de la part de l’employeur et montre même à l’inverse que Mme [R] a accepté d’engager des discussions sur ce point ; qu’aucun manquement n’est donc établi à ce titre ;

Que s’agissant de la reprise du travail en mi-temps thérapeutique mentionnée au 6°), il ressort des pièces versées aux débats, et notamment d’échanges de courriers et de l’avenant au contrat de travail du 7 décembre 2022 relatif à ce mi-temps, que le poste de ‘responsable Alliance Mondiale’, similaire à celui précédant son arrêt de travail, lui a été attribué dans le respect des dispositions de l’article L. 1226-8 du code du travail, avec description précise des fonctions dans une fiche de poste et que Mme [R] a effectivement occupé ses nouvelles fonctions ainsi que le montre les courriels professionnels qu’elle a envoyés jusqu’au 5 janvier 2023 à sa hiérarchie en présentant son plan d’action pour son nouveau poste ; qu’aucun élément ne démontre par ailleurs un harcèlement moral infligé par M. [C], ainsi qu’il a été dit ci-dessus, nécessitant un changement de hiérarchie ; que par ailleurs, contrairement à ce qu’elle soutient, la proposition d’avenant relatif au mi-temps thérapeutique ne contient aucune suppression de la rémunération en action gratuites, une clause mentionnant expressément que le contrat de travail initial reste inchangé sur les points non visés par l’avenant ; que les pièces versées démontrent en outre que Mme [R] a été rétablie dans l’essentiel de ses accès informatiques, le reste étant en cours de validation par la direction compétente ; qu’enfin, Mme [R] n’est pas fondée à invoquer un manquement dans la définition des objectifs afférents à la rémunération variable pour l’année 2023, cette dernière ayant été placée en arrêt de travail pour maladie dès le vendredi 6 janvier 2023 et le retard de quelques jours ainsi constaté ne pouvant être considéré comme fautif ;

Qu’il résulte de ce qui précède que seul un manquement salarial ancien, afférent au 1er semestre de l’année 2019, et portant de surcroît sur une somme de 43 803,33 euros, minime au regard du montant total de la rémunération annuelle de la salariée, est établi ;

Que ce seul manquement ne rend pas impossible la poursuite du contrat de travail ;

Qu’en conséquence, il y a lieu de débouter Mme [R] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et de ses demandes subséquentes ; que le jugement sera ainsi confirmé sur ces différents points ;

Sur les dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail :

Considérant que Mme [R] invoque à ce titre les manquements mentionnés ci-dessus au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail ; que le seul manquement salarial établi est réparé par l’allocation du salaire correspondant ainsi qu’il est dit ci-dessus ; que Mme [R] ne justifie d’aucun autre préjudice à ce titre ; que le débouté sera donc confirmé ;

Sur les dommages-intérêts d’un montant de 20 000 euros au ‘titre du préjudice moral et financier subi’ :

Considérant que Mme [R] n’invoque aucun moyen au soutien de cette prétention ; que le débouté sera donc confirmé ;

Sur la remise d’un bulletin de salaire et de documents de fin de contrat sous astreinte :

Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’ordonner à la société ATOS INTERNATIONAL de remettre à Mme [R] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt et de la débouter de sa demande de remise de documents de fin de contrat ; que le jugement attaqué sera infirmé sur ce point ;

Que le débouté de la demande d’astreinte sera en revanche confirmé, une telle mesure n’étant pas nécessaire ;

Sur les intérêts légaux :

Considérant qu’il y lieu de rappeler que la somme allouée ci-dessus, qui a un caractère salarial porte intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes ;

Que la capitalisation des intérêts légaux sera en outre ordonnée dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

Que le jugement sera infirmé sur ces points ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il statue sur ces deux points ; qu’en outre, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué, sauf en ce qu’il statue sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et les demandes subséquentes, les dommages-intérêts pour manquement à l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail, les dommages-intérêts pour préjudice moral et financier, l’astreinte, l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société ATOS INTERNATIONAL à payer à Mme [L] [R] une somme de 43 803,33 euros à titre de rappel de rémunération variable pour le premier semestre de l’année 2019 et une somme de 4 308,33 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts légaux à compter de la date de réception par la société ATOS INTERNATIONAL de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes,

Ordonne à la société ATOS INTERNATIONAL de remettre à Mme [L] [R] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt,

Déboute Mme [L] [R] du surplus de ses demandes,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d’appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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