Télétravail : 22 mars 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01767

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Télétravail : 22 mars 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01767
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22 mars 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/01767

Arrêt n° 23/00233

22 mars 2023

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N° RG 21/01767 –

N° Portalis DBVS-V-B7F-FRKP

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Forbach

24 juin 2021

F 20/00063

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt deux mars deux mille vingt trois

APPELANTE :

S.A.R.L. CYBER GALERIE MARCHANDE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Alain MARTZEL, avocat au barreau de SARREGUEMINES

INTIMÉE :

Mme [F] [P]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me May NALEPA, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [F] [P] a été employée à compter du 1er février 2008 en qualité de responsable expédition par la SARL Cyber Galerie Marchande, après avoir lors de la création de la société courant décembre 2007 acquis 49% des parts sociales, son compagnon M. [Z], gérant, possédant 51% des parts sociales.

Mme [P] et M. [Z] étaient pacsés, mais ils ont dissous ce lien au mois de janvier 2019.

Mme [P] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 25 février 2019.

Par courrier du 6 mai 2019 Mme [P] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 16 mai 2019.

Par lettre recommandée datée du 21 mai 2019 Mme [F] [P] a été licenciée pour faute lourde.

Par acte introductif d’instance enregistré au greffe le 28 avril 2020, Mme [F] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Forbach en contestant le bien-fondé de son licenciement.

Par jugement contradictoire en date du 24 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Forbach section commerce a statué comme suit :

”Dit et juge que le licenciement du 21 mai 2019 pour faute lourde de Mme [P] est sans cause réelle et sérieuse ;

Constate que le solde de tout compte établi par la SARL Cyber Galerie Marchande ne produira aucun effet libératoire ;

Condamne la société Cyber Galerie Marchande à payer à Mme [P] [F] :

– la somme de 34 561,38 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, soit le 24 juin 2021,

– la somme de 9 508,95 euros brut au titre de l’indemnité de licenciement, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020,

– la somme de 6 583,12 euros brut au titre du préavis, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020,

– la somme de 658,31 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020,

– la somme de 2 126,60 euros brut au titre des jours non rémunérés de la mise à pied, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020,

– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [P] :

– de sa demande de 9 874,68 d’indemnité en réparation du préjudice moral,

– de sa demande de 13 166,24 euros pour exécution déloyale du contrat de travail.

Ordonne à la SARL Cyber Galerie Marchande :

– de délivrer à Mme [F] [P] le certificat de travail expurgé de fautes sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans la communication de la pièce une fois expiré le délai de 8 jours suivant la notification par le greffe de la présente décision. Le conseil se réserve expressément le pouvoir de liquider l’astreinte,

– de délivrer à Mme [F] [P] l’attestation Pôle emploi expurgée de fautes sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans la communication de la pièce une fois expiré le délai de 8 jours suivant la notification par le greffe de la présente décision. Le conseil se réserve expressément le pouvoir de liquider l’astreinte ;

Déboute la partie demanderesse du surplus de ses demandes ;

Déboute la partie défenderesse de ses demandes à titre reconventionnel ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire pour les dispositions du présent jugement qui ne bénéficient pas de l’exécution provisoire de droit prévue par l’article R 1454-8 du code du travail, étant précisé que la moyenne des trois derniers mois de salaire est fixée à la somme de

3 291,56 euros brut ;

Condamne la SARL Cyber Galerie Marchande aux frais et dépens de l’instance”. 

Par déclaration transmise par voie électronique le 14 juillet 2021, la SARL Cyber Galerie Marchande a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 1 juillet 2017.

Par ses conclusions datées du 7 mars 2022, la SARL Cyber Galerie Marchande demande à la cour de statuer comme suit :

”Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Forbach en ce qu’il a débouté Mme [P] de ses demandes de 9 874,68 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice moral et 13 166,248 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Forbach en ce qu’il a :

– jugé la rupture du contrat de travail dénuée de cause réelle et sérieuse ;

– condamné l’appelante à payer à Mme [P] :

34 561,38 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse majorés des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

9 508,96 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, majorés des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020 ;

6 583,12 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 658,31 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, majorés des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020 ;

2 126,60 euros brut au titre des jours rémunérés de la mise à pied, majorés des intérêts ;

500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Forbach en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de Mme [P] à lui payer :

2 000 euros au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

2 000 euros en réparation du préjudice causé par ses agissements motivés par l’intention de nuire à l’entreprise ;

4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [P] aux entiers frais et dépens de l’instance, toutes taxes comprises”.

La SARL Cyber Galerie Marchande émet des réserves sur l’impartialité du conseil de prud’hommes de Forbach, en faisant état de première part du fait que Mme [G], salariée qui a été victime des agissements de Mme [P] retenus au titre des griefs justifiant le licenciement de cette dernière, a travaillé avec le président du conseil de prud’hommes au sein du magasin à l’enseigne Cora dans le passé et a eu avec ce dernier des différends d’ordre syndical, et de seconde part du fait que Mme [P] travaille désormais avec lui au sein du magasin Cora de [Localité 6].

Elle observe également que la lettre de licenciement était suffisamment précise, et que Mme [P] n’a pas estimé nécessaire de formuler une demande de précision des motifs de rupture.

La société Cyber Galerie Marchande écarte le moyen relatif à la prescription des faits visés dans la lettre de licenciement qui est soulevé par Mme [P], en expliquant que le comportement cette dernière a brutalement changé à compter de février 2019, et que les griefs se sont succédés à compter de cette date.

S’agissant du bien-fondé du licenciement pour faute lourde, la société Cyber Galerie Marchande soutient que celui-ci était inévitable au regard de l’obligation de sécurité de l’employeur, puisque les agissements et propos de Mme [P] ont eu pour conséquence directe un harcèlement moral à l’égard des salariées Mmes [G] et [I].

La société appelante fait valoir que les griefs sont précis, appuyés par des éléments concrets et en lien avec la vie professionnelle de Mme [P], puisqu’ils ont été commis par la salariée sur le lieu de travail et, s’agissant de son comportement à l’égard de ses collègues, durant le temps de travail. Elle ajoute que non seulement tous les griefs figurant dans la lettre de licenciement se rattachent à la vie professionnelle, mais qu’ils ont occasionné un trouble caractérisé dans l’entreprise.

Au titre des violences verbales et psychologiques reprochées à Mme [P], la société Cyber Galerie Marchande évoque le témoignage de Mme [G], qui relate que Mme [P] se rendait dans les locaux alors qu’elle était en arrêt maladie pour l’insulter et pour la menacer, et observe que les dires de Mme [G] sont corroborés par ceux de Mme [I], dont le témoignage détaille le comportement insultant et menaçant de l’intimée.

La société Cyber Galerie Marchande conteste l’allégation de Mme [P] – qu’elle qualifie de mensongère et fallacieuse – selon laquelle sa collègue Mme [G] aurait entretenu une relation avec son ex-conjoint M. [Z], et ajoute que même avérée une telle relation ne pourrait tenir lieu de circonstance atténuante des fautes de l’intimée.

La société Cyber Galerie Marchande conteste les affirmations de Mme [P] à propos de l’inopposabilité du règlement intérieur, et ajoute que même en l’absence de règlement intérieur valable le comportement pour lequel cette dernière a été licenciée reste gravement fautif. Elle mentionne que Mme [P] coupait volontairement le courant pour désorganiser l’entreprise, que l’intimée se servait des moyens de la société dans son intérêt personnel au préjudice de son employeur, et que Mme [P] n’a pas hésité à forcer les serrures du bureau du gérant M. [Z].

La société se prévaut du témoignage de M. [O] qui précise que Mme [P] avait pour objectif de faire « couler la boîte », qui est concordant avec celui de Mme [G] qui indique également que Mme [P] a pris des documents officiels dans l’objectif de nuire à la société.

La société Cyber Galerie Marchande mentionne que la production d’extraits du compte privé Facebook de Mme [P] est loyale, comme provenant de l’ordinateur situé au bureau d’accueil des clients ; elle explique que les discussions privées de l’intimée paraissaient sur l’écran sans besoin d’identification, Mme [P] ayant actionné les notifications automatiques.

L’appelante rappelle que la production de ces extraits est possible si elle est indispensable à l’exercice de son droit à la preuve, et que l’atteinte à la vie privée du salarié est proportionnée au but poursuivi.

S’agissant de la demande de l’intimée de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, la SARL Cyber Galerie Marchande retient que Mme [P] est incapable de justifier d’un quelconque dénigrement et qu’elle fait preuve de mauvaise foi en insinuant que l’accès à la cuisine lui serait réservé.

Enfin, la SARL Cyber Galerie Marchande demande le paiement de dommages intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ainsi que l’octroi de dommages et intérêts pour préjudice financier. Elle fait valoir que le comportement délibéré de Mme [P] a gravement désorganisé l’entreprise durant les semaines ayant précédé son licenciement, et que l’exécution provisoire du jugement de première instance n’a pu être financée qu’au moyen d’un prêt bancaire.

Par ses conclusions datées du 9 décembre 2021, Mme [F] [P] demande à la cour de statuer comme il suit :

”Débouter la partie appelante de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

Confirmer le jugement n°20/00063 rendu en date du 24 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Forbach en ce qu’il a :

– dit et jugé que le licenciement du 21 mai 2019 de Mme [F] [P] pour faute lourde était sans cause réelle et sérieuse ;

– constaté que le solde de tout compte établi par la SARL Cyber Galerie Marchande ne produira aucun effet libératoire ;

– condamné la SARL Cyber Galerie Marchande à verser à Mme [F] [P] :

la somme de 32 561,38 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, soit le 24 juin 2021;

la somme de 9 508,95 euros brut au titre de l’indemnité de licenciement, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020 ;

la somme de 6 583,12 euros brut au titre du préavis, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020 ;

la somme de 658,31 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020 ;

la somme de 2 126,60 EUR brut au titre des jours non rémunérés de la mise à pied, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020 ;

– condamné la SARL Cyber Galerie Marchande à verser à Mme [F] [P] une indemnité sur la base des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné à la SARL Cyber Galerie Marchande :

de délivrer à Mme [F] [P] le certificat de travail expurgé de fautes sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans la communication de la pièce une fois expiré le délai de 8 jours suivant la notification par le greffe de la présente décision. Le conseil se réserve expressément le pouvoir de liquider l’astreinte ;

de délivrer à Mme [F] [P] l’attestation Pôle emploi expurgée de fautes sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans la communication de la pièce une fois expiré le délai de 8 jours suivant la notification par le greffe de la présente décision. Le conseil se réserve expressément le pouvoir de liquider l’astreinte ;

– débouté la partie défenderesse de ses demandes à titre reconventionnel ;

– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire pour les dispositions du présent jugement qui ne bénéficient pas de l’exécution provisoire de droit prévue par l’article R. 1454-28 du code du travail, étant précisé que la moyenne des trois derniers mois de salaire est fixée à la somme de 3 291,56 euros brut ;

– condamné la SARL Cyber Galerie Marchande aux frais et dépens de l’instance ;

Néanmoins, pour le surplus,

Infirmer le jugement n°20/00063 rendu en date du 24 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Forbach en ce qu’il a débouté Mme [F] [P] du surplus de ses demandes, notamment de la demande en octroi d’une indemnité de 9 874,68 euros en réparation du préjudice moral,

13 166,24 euros pour l’exécution déloyale du contrat de travail, condamné la SARL Cyber Galerie Marchande à verser une indemnité de 500 euros sur base des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Partant, réformer le jugement n°20/00063 rendu en date du 24 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Forbach comme suit :

Condamner la SARL Cyber Galerie Marchande à verser à Mme [F] [P] :

– la somme de 9 874,68 euros en réparation du préjudice moral subi par Mme [F] [P] ;

– la somme de 13 166,24 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail dans le (du) chef de l’employeur ;

Juger que lesdites sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour du dépôt de la demande en justice ;

Condamner la SARL Cyber Galerie Marchande à verser à Mme [F] [P] une somme de

2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause ;

Condamner la SARL Cyber Galerie Marchande aux frais et dépens de l’instance d’appel ;

Condamner la SARL Cyber Galerie Marchande à verser à la partie intimée la somme de 2 500 euros au titre de l’instance d’appel, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à raison des frais irrépétibles qu’elles ont dû engager pour faire valoir ses droits”.

En réplique aux observations de la société Cyber Galerie Marchande sur l’impartialité des premiers juges, Mme [P] explique que le fait qu’elle soit employée par l’enseigne Cora de [Localité 6] et qu’elle travaille prétendument pour le même employeur que le président du conseil de prud’hommes de Forbach n’est nullement de nature à influencer la décision rendue. Elle précise qu’elle n’a jamais été confrontée directement ou indirectement au président du conseil de prud’hommes, et qu’elle ignorait même qu’il travaillait au sein du magasin Cora de [Localité 6].

Au titre de la contestation du licenciement pour faute lourde, Mme [P] soutient à titre principal que les griefs non datés énumérés par l’employeur dans sa lettre de licenciement ne revêtent nullement le caractère de précision requis par les dispositions du code du travail.

Mme [P] fait valoir à titre subsidiaire que les faits reprochés sont prescrits, sinon formulés tardivement pour justifier une faute lourde, puisqu’ils sont antérieurs de plus de deux mois à la date de la procédure de licenciement, et que l’employeur ne saurait feindre qu’il les ignorait.

En troisième lieu Mme [P] conteste l’ensemble des griefs.

Mme [P] soutient que l’employeur ne peut lui reprocher des faits relevant de la vie privée pour justifier un licenciement disciplinaire ; elle souligne qu’elle a été placée en arrêt maladie ininterrompu pour la période courant du 25 février 2019 au 24 juin 2019, qu’elle ne se rendait plus dans les locaux professionnels de la société, et que le seul lien qu’elle maintenait malgré elle avec les salariés était lors des apparitions impromptues de ces derniers dans les parties privées de la maison d’habitation.

Mme [P] note que la complexité de sa situation tient à la difficulté à séparer sphère professionnelle et sphère privée, l’entreprise étant installée dans l’immeuble abritant le domicile privé des parties.

Mme [P] explique que suite à son arrêt maladie pour dépression, elle refusait que les autres employés continuent à prendre leur pause dans la cuisine de la maison, et que c’est dans ce sens qu’une mise en demeure a été adressée à la société par son conseil pour préserver sa santé, mise en demeure à laquelle la société n’a pas donné suite, alors que l’employeur a pour obligation de garantir la sécurité et préserver la santé de ses salariés.

Mme [P] observe que si l’employeur invoque l’existence d’un règlement intérieur, elle-même n’en a jamais eu connaissance ; elle émet l’hypothèse qu’un tel document a été établi « frauduleusement pour les seuls besoins de la cause » (sic).

Mme [P] retient qu’à supposer les propos qu’elle aurait pu tenir à l’encontre des différents membres de l’entreprise (qu’elle conteste fermement) avérés, ceux-ci ont été formulés dans un cadre strictement privé et sont relatifs à des événements appartenant au domaine privé et ne sauraient en aucun cas être retenus à son encontre pour justifier une sanction professionnelle.

Mme [P] conteste la valeur probante des attestations dont se prévaut l’employeur, qui sont rédigées par des salariés placés sous un lien de subordination et empruntes de subjectivité, plus particulièrement celle de Mme [G] qui est une amie de longue date de M. [Z].

Mme [P] soutient que les photographies accompagnant le témoignage de Mme [I] ont été tirée de son ordinateur professionnel sans son accord et durant son arrêt de travail,

Mme [P] ajoute que les seules attestations produites par l’employeur, émanant d’autres salariés, ne peuvent être considérées comme suffisantes pour établir la réalité des griefs.

Mme [P] conteste également avoir utilisé des biens de l’entreprise à son bénéfice personnel, avoir volé des documents en fracturant les locaux de l’entreprise, et avoir délibérément provoqué des coupures de courant.

Mme [P] observe que les extraits de son compte Facebook produits par l’employeur proviennent d’une conversation privée, et non de son mur accessible au public, et qu’ils ont été obtenus de façon déloyale et relèvent de la liberté d’expression.

Mme [P] conteste toute intention de nuire à l’entreprise, et conteste l’existence d’un trouble dans l’entreprise en lien avec les faits d’ordre privé.

Elle soutient que les propos auxquels se rapporte l’employeur ont été sortis de leur contexte ; elle rappelle qu’ils ont été tenus par elle dans le cadre d’une conversation privée via Facebook lorsqu’elle se trouvait dans une phase de détresse émotionnelle, et ajoute qu’elle possède quasiment la moitié des parts sociales de l’entreprise.

Mme [P] réclame, outre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, en faisant valoir que la procédure engagée par l’employeur a nui à sa carrière et à sa réputation et qu’elle a été visée par une plainte pénale pour des prétendues menaces d’où une procédure pénale traumatisante. Mme [P] précise qu’elle-même a déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse et harcèlement.

Sur l’octroi d’une indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail, Mme [P] invoque le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ainsi que la mauvaise foi du gérant, « qui a tout fait pour accabler la salariée et l’écarter de l’entreprise ».

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La cour observe à titre liminaire que la société Cyber Galerie Marchande met en cause l’impartialité de la formation de la section commerce du conseil de prud’hommes de Forbach qui a rendu la décision querellée, en expliquant qu’après le prononcé de celle-ci elle a eu connaissance d’une part que l’un de ses membres, M. [X] [E], a été en conflit avec Mme [K] [G], concernée comme victime des agissements de Mme [P], et d’autre part que M. [E] travaille au sein du magasin Cora de [Localité 6] et côtoie Mme [P] qui a le même employeur.

A l’appui de ses allégations la société Cyber Galerie Marchande produit le témoignage écrit de Mme [G] qui évoque sa situation professionnelle au sein du magasin Cora de 1997 à 2009 (sa pièce 33).

Cependant aucun élément objectif ne permet de confirmer les allégations de la société Cyber Galerie Marchande relatives à la réalité de liens à caractère professionnel entre Mme [P] et M. [X] [E], et qui soient de surcroît de nature à altérer l’impartialité de ce dernier.

De plus, à supposer les données de fait relatées par la salariée de la société Cyber Galerie Marchande réelles quant à ses relations passées avec l’un des conseillers prud’homaux, celles-ci ne sont pas de nature à mettre en cause l’impartialité de la formation paritaire de la section commerce du conseil de prud’hommes de Forbach, et ce tant au regard du fait que la salariée en cause, Mme [G], n’est pas partie au litige qu’au regard de ce que les faits que cette dernière évoque sont anciens de plus de dix ans.

Le moyen relatif au manque d’impartialité du conseil de prud’hommes de Forbach évoqué par la société Cyber Galerie Marchande dans le corps de ses écritures n’est donc pas pertinent, étant de surcroît observé que la société Cyber Galerie Marchande n’en tire aucune autre conséquence que celle de l’infirmation de la décision déférée.

Sur le licenciement pour faute lourde

La société Cyber Galerie Marchande, qui a pour activité la commercialisation de pièces détachées pour l’électroménager, de produits d’équipement de la maison et consommables, a été créée en décembre 2007 par deux associés, M. [Z] gérant associé majoritaire avec 51 parts sociales sur 100 et Mme [P] ayant acquis 49 parts sociales sur 100.

Mme [P] a été employée en qualité de responsable expédition à compter du 1er février 2008, sans qu’un contrat de travail écrit ait été rédigé.

Le siège de la société a été fixé au domicile des deux associés à [Localité 4], soit une maison d’habitation acquise pour moitié indivise par M. [Z] et par Mme [P] le 26 février 2007 où a également été organisée l’activité commerciale de l’entreprise, le sous-sol de l’habitation étant dédié à celle-ci ainsi qu’un bureau collectif situé à l’étage de la maison, où se trouvaient également les pièces de vie des associés. Au moment de la rupture des relations contractuelles l’effectif de la société était de six personnes, soit cinq salariés et le gérant associé majoritaire, M. [Z].

Le 20 février 2008 les deux associés ont conclu un PACS, qui a été dissous quelques 11 années plus tard soit le 16 janvier 2019 par déclaration conjointe.

En l’état du dernier bulletin de salaire produit aux débats par l’intimée (mars 2019), Mme [P] percevait au moment de la rupture un salaire mensuel brut de 3 291,56 euros pour un travail à temps complet de 151,67 heures.

Après avoir bénéficié de congés du 18 au 24 février 2019, Mme [P] a été placée en arrêt maladie à compter du 25 février 2019, et ce de façon ininterrompue jusqu’à la rupture des relations contractuelles.

Par courrier en date du 6 mai 2019 Mme [F] [P] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 16 mai 2019 avec mise à pied conservatoire et interdiction d’accès aux locaux « exclusivement professionnels ».

La lettre de licenciement pour faute lourde en date du 21 mai 2019, qui fixe les termes du litige, est rédigée comme suit :

« Les faits précis qui motivent notre décision sont en eux-mêmes parfaitement anormaux, constitutifs d’une violation flagrante et intentionnelle de vos obligations et révélateurs d’une volonté de nuire à l’entreprise.

En vous en prenant directement et personnellement à vos collègues, ainsi qu’à son gérant, vous vous livrez à un véritable travail de sape et de déstabilisation de l’entreprise et créez délibérément une ambiance de travail délétère et insupportable. Sans le moindre scrupule, la fin semblant à vos yeux justifier tous les moyens, vous accumulez nombre d’agissements délibérément malveillants et violents, certains relevant de l’incrimination pénale, aussi intolérables que détestables.

Nos griefs sont de divers ordres, tous plus graves les uns que les autres.

Dans un esprit totalement malsain, vous créez et cultivez la mésentente et le conflit avec des membres de votre entourage professionnel que vous prenez avantage ou plaisir à déconsidérer et à fragiliser, sans le moindre égard pour les conséquences lourdement préjudiciables de vos agissements, dont vous n’ignorez pourtant rien.

Ainsi vous livrez-vous à des man’uvres de déstabilisation, des actes de malveillance et à des violences psychiques sur la personne de Mme [I] et plus encore de Mme [G], cette dernière étant en situation souffrance au travail médicalement constatée depuis plusieurs semaines.

Vous vous êtes livrée à de multiples manifestations haineuses, insultes ainsi qu’à des tentatives d’intimidation et pressions psychologiques répétées, sans compter les agressions verbales et propos calomnieux et diffamatoires visant spécialement Mme [G] (notamment d’entretenir une relation extra conjugale avec le signataire).

Il est constant que vous avez, dans et en dehors de l’entreprise – notamment sur les réseaux sociaux – de manière répétée proféré des menaces de violences physiques et de mort à l’encontre de Mme [G].

Vos propos sont aussi glaçants qu’ils sont édifiants : « j’ai envie de lui tirer les cheveux et de lui trancher la gorge » (lors de l’entretien préalable vous avez expressément admis vouloir lui tirer les cheveux et tenté, sans conviction d’ailleurs, de contester l’avoir menacée d’égorgement), « je vais t’empoisonner » ‘ tenus à plusieurs reprises à Mme [G] ou encore « je souhaite la voir morte » dans le cadre d’un message écrit.

Ne reculant devant rien, vous avez sur le lieu de travail volontairement cassé les lunettes de Mme [G] !

Entre autres mesquineries accumulées vous prétendez que l’accès à la salle de repos ou l’utilisation du frigo s’y trouvant seraient interdit à vos collègues ‘ soit une remise en cause unilatérale d’un usage en vigueur dans l’entreprise depuis une dizaine d’années. Au demeurant, de manière provocante, vous avez à plusieurs reprises retiré du frigo les aliments et repas déposés le matin par vos collègues.

Comme si cela n’était pas suffisant vous portez atteinte au droit à l’image de vos collègues, accessoirement de celui du gérant de la société, en les photographiant contre leur gré presque quotidiennement lors de la pause déjeuner.

Vos menaces et agressions verbales inqualifiables, vos comportements et propos infondés et injustifié(e)s caractérisent des violences mentales indignes et intolérables sur vos collègues.

Globalement vos agissements ne sont pas seulement désagréables, insupportables et irrespectueux, mais font aussi subir à ces dernières une inacceptable dégradation de leurs conditions de travail.

Il est intolérable que pour nos collaboratrices, en particulier Mme [G], le travail à vos côtés soit devenu une réelle épreuve et même souffrance’ au point de provoquer un arrêt de travail prolongé.

Vous avez à leur égard largement dépassé les limites de l’acceptable, vos agissements répétés, que nous ne pouvons ni tolérer, ni excuser étant de nature à caractériser un harcèlement moral.

En vertu de notre obligation de sécurité, il est de notre responsabilité et devoir de mettre un terme immédiat à vos agissements et de sanctionner votre comportement totalement fautif.

Par ailleurs, nous vous reprochons, malgré vos tentatives de dénégation lors de l’entretien préalable, les effractions et le vol de documents dont l’entreprise a été victime – étant ici souligné que seul l’accès à la partie professionnelle des locaux a été fracturé, sans effraction de la porte d’accès principal aux locaux – ainsi que la dégradation de biens (porte et serrure, outre les tiroirs du bureau du signataire) et tentatives de détérioration de l’équipement et des fichiers informatiques, ceci pour avoir volontairement actionné disjoncteurs et interrupteurs concernant la partie professionnelle des locaux (ce que vous avez tenté de contester lors de notre entretien ‘ en avouant n’avoir actionné que le disjoncteur principal !).

Nous avons enfin appris que vous vous livriez régulièrement à une utilisation non autorisée à des fins personnelles de moyens, y compris en personnel, de biens appartenant à l’entreprise, accessoirement en abusant de votre autorité pour faire croire à vos collègues que vous seriez la « patronne » en l’absence du signataire. Ainsi leur avez-vous imposé de faire des étiquettes pour expéditions Colissimo ou autres (ventes Ebay ou autres) et avez utilisé des sachets d’expédition pour vos envois personnels.

Plus généralement, nous vous faisons le grief de vouloir désorganiser volontairement le fonctionnement de l’entreprise, aussi bien par les pressions psychologiques, man’uvres et manipulations répétées exercées visant directement vos collègues et indirectement le gérant de l’entreprise’ ce que vous avez ouvertement et publiquement revendiqué en exprimant votre souhait de voir la « boite couler » par écrit ‘ ce dont il reste d’indélébiles traces (lesquelles sont conservées de manière sécurisée) tout comme de beaucoup d’autres de vos messages retrouvés sur les réseaux sociaux.

En conséquence de votre comportement anormal et inexcusable, de votre intention de nuire à l’entreprise par divers moyens, mais aussi de la grave atteinte portée aux conditions de travail de vos collègues et à leur santé mentale, nous devons constater, que votre maintien dans l’entreprise pendant la durée d’un préavis est devenu impossible et que votre contrat de travail doit être rompu pour faute lourde’».

Il résulte des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute lourde résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail commise par le salarié dans l’intention de nuire à l’employeur ou à la structure qui l’emploie, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif, et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

La charge de la preuve des griefs et de la qualification de la faute lourde, qui implique la démonstration d’une intention de nuire, incombe à l’employeur.

Mme [P] conteste son licenciement pour faute lourde en soutenant en premier lieu qu’il est impossible pour l’employeur de se fonder sur des faits non datés pour prononcer un licenciement pour faute lourde ; elle considère que les faits qui lui sont reprochés par l’employeur ne sont pas « énumérés ».

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, c’est-à-dire l’imputation au salarié d’un fait ou d’un comportement assez explicite pour être identifiable en tant que tel, et de nature à permettre ainsi une vérification par des éléments objectifs.

Aussi il importe peu que les faits ne soient pas datés dans la lettre de licenciement, si l’employeur peut établir la date des faits qu’il invoque à partir des éléments de preuve qu’il produit.

Ce moyen sera donc rejeté.

Mme [P] considère en second lieu que les griefs sont atteints de prescription, sinon tardivement formulés par l’employeur au soutien d’une faute lourde.

La cour rappelle que l’article L.1332-4 du code du travail impose à l’employeur de déclencher des poursuites disciplinaires dans le délai de deux mois à compter du jour où il a eu connaissance des faits dans toute leur étendue et leur gravité. Ces dispositions légales ne font pas obstacle à la prise en considération de faits anciens de plus deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est ensuite poursuivi ou répété.

Il résulte toutefois des termes de la lettre de licenciement que celle-ci évoque des comportements fautifs de Mme [P] à partir du 25 février 2019, date de son retour de congés et de début de son arrêt maladie, qui ont été perpétrés au détriment des autres membres du personnel, au point de dégrader l’ambiance de travail et de porter atteinte à l’état de santé de deux salariées, mais aussi au détriment du fonctionnement de l’entreprise en provoquant des coupures de courant, de sorte que de par le caractère répétitif de certains faits qui se sont poursuivis pendant la période de deux mois précédant l’engagement de la procédure disciplinaire le 6 mai 2019, les griefs ne sont pas prescrits.

De surcroît, l’employeur fait état de l’effraction du tiroir du bureau du gérant et du meuble de rangement derrière le bureau de M. [Z] en l’absence du gérant au cours du début du mois d’avril 2019 (photographie des tiroirs dégradés en date du 10 avril 2019 ‘ sa pièce 5), ayant occasionné des détériorations des équipements (porte, serrure, tiroirs), et à cette occasion du vol de documents (photographie des tiroirs dégradés en date du 10 avril 2019). Ces faits sont intervenus dans le délai de deux mois avant les poursuites disciplinaires, et ne sont donc pas prescrits.

Le moyen tiré de la prescription des faits fautifs sera également écarté.

Mme [P] soutient par ailleurs que la faute lourde implique la mise en ‘uvre immédiate du licenciement, dès lors que l’employeur a connaissance de la réalité et de la connaissance de la faute, et que les griefs sont « reprochés trop tardivement à la salariée de sorte que la faute perd son caractère de gravité ».

Il convient toutefois de relever que dès lors que l’usage par l’employeur de son pouvoir disciplinaire est exercé dans les délais conformes aux règles de prescription, les modalités calendaires appliquées n’ont pas d’incidence sur la réalité des griefs.

Aussi le licenciement pour faute lourde implique la démonstration par l’employeur d’une intention de nuire de la part du salarié, qui n’est pas forcément révélée par un seul comportement, et en l’espèce la nature de certains griefs reprochés à Mme [P] (malveillance et harcèlement moral) implique que les faits se sont répétés dans le temps.

Ce moyen sera également rejeté.

Sur la réalité des griefs

Au soutien des griefs tenant aux comportements fautifs manifestés par Mme [P] à l’égard de ses collègues de travail, la société Cyber Galerie Marchande produit les attestations des deux salariées concernées qui, outre le gérant M. [Z], composaient le personnel présent au sein de l’entreprise, soit Mesdames [G] et [I], cette dernière ayant été embauchée à titre temporaire à compter de juin 2018 jusqu’au mois de juillet 2019 en remplacement d’un salarié absent pour cause de maladie, M. [C], qui a repris son poste au cours du mois de mai 2019, alors que Mme [G] travaillait au sein de l’entreprise depuis une dizaine d’années (2009).

Le témoignage de Mme [K] [G], adjointe au responsable née comme M. [Z] en 1965, relate de façon circonstanciée la dégradation de ses conditions de travail sur trois pages (sa pièce 5) comme suit : 

« Mme [P] part en vacances du 18 au 24 février 2019. C’est à son retour que ce que j’ai vécu comme un calvaire commence.

Avec son conjoint M. [Z], ils ont pris la décision de se séparer fin décembre 2018. Ils se dépacsent en janvier 2019. Au retour de ses vacances, je suis victime de harcèlement de la part de Mme [P]. Elle se met en arrêt maladie et change complètement de comportement vis-à-vis de moi. Elle m’accuse d’entretenir une liaison avec son ex-compagnon qui est également mon employeur et mon meilleur ami depuis plus de 30 ans.

Un matin nous prenons le café dans la cuisine juste avant de nous mettre au travail, chose que nous faisions pratiquement tous les jours, elle est d’ailleurs avec nous, installée sur le canapé du salon. Quand je retourne au bureau elle me suit et commence à m’insulter de tous les noms :

« grosse salope, tu es le petit toutou à [T], tu lui lèche les bottes, tu te mets à genoux devant lui et fait tout ce qu’il te dit, t’es qu’une grosse connasse, une menteuse, une traînée, tu dois certainement coucher avec lui…je te hais ». Elle claque la porte à tel point que tous les murs en tremblent et s’enferme dans sa chambre en criant des paroles que je ne comprends plus. Je suis complètement choquée et abasourdie. Dans les jours qui suivent, elle détruit tous les objets, cadeaux que je lui ai offerts. Dans les albums elle déchire toutes les photos ou j’apparais ou griffonne « pute » dessus’ »’ « L’atmosphère devient, pour moi, sournoise et malveillante ‘ »’ « Elle vient s’installer au bureau pendant les heures de travail, alors qu’elle est toujours en arrêt maladie. Fait des petits sourires en coin, soupir et souffle lorsqu’on parle entre nous ou avec les clients. M. [Z] est obligé de lui interdire l’accès à l’ensemble des pièces concernant l’entreprise, afin de retrouver une atmosphère plus sereine car nous sommes tous très affectés par son attitude et son comportement.

J’ai été embauchée au sein de l’entreprise Cyberpièces en mars 2009 avec le statut d’adjointe au responsable. Ceci afin de pouvoir gérer l’entreprise quelle que soit la situation. En cas d’absence, je dois pouvoir remplacer chacun des employés y compris le directeur. Je prends des initiatives, M. [Z] m’a donné plein pouvoir en son absence. Cela permettait au couple [Z] / [P] de pouvoir partir ensemble en vacances par exemple, sans avoir à se soucier de l’entreprise.

Du fait de son absence je dois donc prendre la place de Mme [P]. Cette dernière prolonge sa maladie à plusieurs reprises. Elle semble s’en vanter car elle l’affiche publiquement sur son compte Facebook et précise bien que c’est « pour nous faire chier, et que ça va durer ».

Comme je suis obligée de rester à l’emballage pendant ce temps, je prends la décision de réorganiser le local prévu à cet effet’ »’ « Lorsqu’elle s’en aperçoit Mme [P] s’emporte à nouveau, elle vient m’insulter en bas dans le local emballage. A nouveau des insultes avec de nombreuses injures et méchancetés : « tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça, t’es pas chez toi ici, grosse salope, sale pute » ainsi que d’autres grossièretés que je n’ai plus en mémoire. J’essaie de lui parler, je la considérais comme une amie avant ces évènements. En effet nous entretenions de bonnes relations, nous partions en vacances ensemble, avions des activités communes et nous passions beaucoup de temps ensemble. J’étais compatissante, sa séparation devait lui causer du chagrin. Malgré ma tentative d’apaiser la situation, le ton monte. Mme [P] devient menaçante : elle ne veut plus que je lui adresse la parole, elle me dit qu’elle veut que je crève, qu’elle veut m’empoisonner, me dit que je dois surveiller mes arrières, que je n’aurais plus jamais la conscience tranquille à partir d’aujourd’hui, elle y veillera. Pendant ma pause déjeuner, elle retourne l’ensemble des tiroirs que je venais de ranger sur le plan de travail.

Je suis absolument choquée, je ne m’attendais pas à cela, je ressens sa haine qui me traumatise. A partir de ce moment-là elle me fait vraiment peur et je ne lui dis plus un mot. Je ne lui adresserais plus jamais la parole, même lorsqu’elle viendra à nouveau pour m’insulter. Par exemple, un matin où j’arrive au travail et discute devant l’entrée avec un client qui attendait. En passant en voiture à côté de moi, Mme [P] ouvre la fenêtre pour me traiter de « Sale grosse pute », alors que le client est toujours présent.

Les jours passent en s’empirant, cela devient un cauchemar pour moi. Je ne veux plus aller au travail, j’ai la boule au vente, j’ai peur. Je fais des malaises, j’ai des vertiges dès que je suis au travail. Je suis tellement terrorisée qu’à chaque fois que je la croise j’ai mon c’ur qui s’emballe, j’ai peur qu’elle m’agresse, qu’elle s’en prenne à moi, je sais qu’elle a de la force et ne pense pas faire le poids. L’atmosphère devient invivable’ »’. « Elle émet aussi des insultes à notre encontre en passant dans le couloir ou nous tire la langue et nous fait des doigts d’honneur.

Mme [P] commence également à me harceler sur les réseaux sociaux en citant mon nom (voir photos FB) dans les commentaires injurieux’ »’ « En l’absence de M. [Z], Mme [P] nous interdit à ma collègue et moi-même, l’accès à la cuisine en collant un post’it sur la table pour nous en informer’ »’ «  tous les soirs, Mme [P] sort mes aliments du réfrigérateur’ »’ « Mme [P] prend également des photos de ma collègue et moi en train de manger dans la cuisine, nous menace d’aller porter plainte à la gendarmerie (ce qu’elle fera) et nous insulte toutes les deux

Le 7 avril MM. [Z] part en Guadeloupe, voyage prévu depuis longue date avec mon mari M. [G]. Je dois donc me retrouver seule dans la maison avec ma collègue Mme [I] et Mme [P]. Cela me rend malade. En accord avec Mme [I], je modifie mes horaires de travail pour arriver le matin et partir le soir avec elle. Mme [I] veille constamment sur les déplacements de Mme [P] pour que je ne me retrouve pas seule avec cette dernière en bas à l’emballage. J’ai peur qu’elle me fasse du mal. C’est cette semaine-là qu’elle dira à Mme [I]: « J’ai juste envie de lui tirer les cheveux en arrière et l’égorger » en parlant de moi ‘ »… « Le 16 avril, Mme [P] tord et rend inutilisable(s) mes lunettes restées sur le plan de travail pendant ma pause (voir photo n°3). Pendant les heures de travail elle met la musique à tue tête dans la maison, nous avons du mal à entendre les clients au téléphone’ » « ..elle fracture le bureau de M. [Z] pour subtiliser son courrier personnel qu’il m’avait demandé de mettre sous clef dans son tiroir, entre autre ses relevés bancaires. Je m’aperçois qu’elle a également pris des documents officiels de l’entreprise’ »’ « Au retour de M. [Z] je me mets en arrêt maladie pour dépression, situation qui durera encore plusieurs mois ».

A ce témoignage de Mme [G] sont joints : la photocopie d’un post-it qui comporte la mention manuscrite « Ma cuisine n’est pas une salle de pause », des photographies de lunettes tordues, des photographies d’un tiroir de bureau forcé, une feuille de papier illustrée d’une photographie sur laquelle il est écrit « virer pour [K] la pute occasionnel  » (sic), des avis d’arrêt de travail de Mme [G] à compter du 18 avril 2019 jusqu’au 21 juillet 2019, et un certificat médical du docteur [N] en date du 18 février 2021, qui évoque l’« état anxio dépressif réactionnel à ses conditions de travail » de Mme [G] (pièces 5 bis et 5 ter).

Le témoignage de Mme [A] [I], née en 1993 (sa pièce 6), a été rédigé le 25 août 2020, alors que cette dernière n’était plus employée par la société appelante depuis plus d’un an et occupait un emploi de conceptrice vendeuse. Il décrit les faits suivants : 

« J’ai été embauchée par la société Cyberpièces le 25 juin 2018, dans le cadre d’un remplacement d’arrêt maladie concernant M. [C] [V]. Ceci étant ma première activité dans la vie professionnelle, en dehors des différents stages que j’ai pu effectué(er) par le passé.

Peu de temps après mon arrivée dans la société, Mme [P] [F] m’a déclaré que son couple avec M. [Z] [T] n’était pas au beau fixe. » …. « Fin décembre 2018, elle m’annonce qu’ils ont pris la décision de se séparer, mais que tous deux continueront de travailler au sein de Cyberpièces, ce que me confirme M. [Z]. Jusque février 2019, moment où Mme [P] part en congés, du 18 au 24 février 2019, l’ambiance est pesante, mais cela est supportable.

C’est à son retour de congés que l’enfer commence. Nous avions dès lors face à nous une personne complètement différente. D’une personne un peu sotte, nous apparait alors une mégère. Ces vacances, et son entourage chez qui elle s’est rendu(e) (d’après ses dires) durant ses congés ont du lui ouvrir les yeux sur la situation et sur ce qu’elle avait à perdre. Elle s’est à partir de ce jour mis(e) en arrêt maladie. Le fait que pour Mme [P], rien n’est de sa faute, elle est donc la victime de toutes situations. Plutôt que de penser que son comportement et sa prise de poids au fil des années ont pu les séparer M. [Z] et elle-même, il fallait une raison extérieure. En conséquence la solution la plus simple à tous ses malheurs ne pouvait qu’être une liaison entre M. [Z] et Mme [G]’ ».

« A partir du jour où elle [Mme [P]] a eu un doute concernant cette relation [entre Mme [G] et M. [Z]], elle a choisi d’être abjecte avec Mme [G], avec qui elle a longtemps été amie. A de nombreuses reprises elle m’a dit des choses malvenues à son sujet, sans raison, étant donné que toutes les deux n’échangeaient plus ensemble. Enfin c’est plutôt Mme [G] qui n’échangeait plus avec Mme [P] car celle-ci ne pouvait s’empêcher de l’insulter dès qu’elle l’apercevait « Grosse salope », « Connasse », « Traînée » ne sont qu’un échantillon de l’éventail des mots doux auxquels Mme [G] avait le droit chaque jour. Si cela ne s’arrêtait qu’à cela… Mme [P] sortait le panier repas de Mme [G] du réfrigérateur de la cuisine, qui a toujours été considéré comme la salle de pause, énoncé dans le règlement que j’avais notamment signé à mon arrivée dans les locaux. Elle s’est mis(e) à détruire des objets liés de près ou de loin à Mme [G], tels que ses lunettes de vue, des cadeaux qu’elle avait pu lui faire, des photos,’ »’. « Alors même qu’elle est en arrêt maladie (Mme [P]) s’installe dans le bureau dans lequel nous travaillons, non seulement pour y faire peser une atmosphère des plus pesantes, mais également pour recueillir des informations concernant l’activité. M. [Z] a donc été obligé de lui interdire l’accès aux pièces dédiées à l’activité de Cyberpièces, afin que nous puissions travailler dans un cadre « acceptable ». Elle nous coupe le courant dans les pièces destinées au travail, au niveau du disjoncteur, ce qui entraine perte des données, du travail, et a fortiori de temps. Elle m’avait également énoncé de façon très claire qu’elle souhaitait que M. [Z] et Mme [G] souffrent autant que ce qu’elle pouvait souffrir, et qu’elle serait prête à tout, notamment à trouver toutes les solutions imaginables, voir(e) inimaginables, pour que la société cesse d’exister. Elle a forcé plusieurs meubles qui contenaient des documents confidentiels appartenant à la société, et m’a affirmé, fière que cela venait d’elle et qu’elle avait transmis le tout à une personne étrangère à la société. »’ « A de nombreuses reprises j’ai échangé avec Mme [G] au sujet de cette situation, bien évident, en plus d’être choquée et affligée de cette situation, elle était complètement démunie et ne savait comment réagir face à un tel comportement. Elle en venait à faire des malaises, à en avoir des idées noires, ne sachant plus de quelle manière se sortir de cette situation. Je lui rappelle, même si je me doute bien qu’elle le sait, qu’elle a une famille, un mari, ainsi que deux enfants, et que pour eux, elle ne peut pas baisser les bras et laisser Mme [P] affecter tout cela. Mme [G] fait alors preuve d’une totale ignorance concernant Mme [P].

Durant ce temps, Mme [P] m’énonçait les différents coups bas qu’elle avait pu faire à Mme [G] et je répondais à chaque fois que cela était inutile, que cela la satisferait un court instant mais que six mois, un an, ou même cinq ans plus tard, cela ne lui apporterait rien de plus et qu’il valait mieux arrêter tout de suite ; qu’au-delà de cela, elle a encore deux filles, adolescentes… »’« Mais un vendredi midi, le 12 avril 2019 si je ne m’abuse, alors que M. [Z] est en congés, elle vient dans l’encadrement de la porte afin de me parler encore une fois de Mme [G]. Cette fois ci les propos sont nettement plus forts, déplacés, et même dangereux « Quand je vois [K] [[G]] dans ma cuisine, j’ai envie de la tirer par les cheveux et de lui trancher la gorge ». Ces paroles ont été plus que choquantes pour ma part. Étant donné le comportement auquel nous faisions face chaque jour, cela était selon moi une réelle menace. J’en ai toute suite informé Mme [G] ainsi que M. [Z] dès son retour de congés.

Quand Mme [P] s’aperçoit que j’ai les (je les ai) prévenus, je suis également la cible de sa colère. Elle se met à me photographier, à mon insu, lors de ma pause déjeuner, attendant même cela pour prendre sa photo quotidienne et partir ensuite. Elle photographie également mon véhicule, pour une raison qui m’est inconnue’ Ses comptes Facebook ainsi que Google étant reliés à l’ordinateur sur lequel nous travaillions lors de l’accueil des clients, nous avions les notifications lorsque des nouveautés apparaissaient, notamment les photos à notre insu. M. [Z] a également déposé une plainte contre Mme [P] au vu de ses dires, et de son comportement. J’ai donc été convoqué(e) afin de témoigner de la situation. Un jour, suite à sa convocation, alors que Mme [P] écoutait à la porte, je suis sortie du bureau alors (afin) d’aller préparer des expéditions, durant l’arrêt maladie de Mme [G], et celle-ci m’est tombé(e) dessus en me criant « Tentative de meurtre, tentative de meurtre », ce à qui j’ai répondu « Je n’ai pas dit tentative, seulement menace. » en lui rappelant dans quel cadre elle avait tenu les propos s’y rapportant. Et alors que je descendais les escaliers, tremblante, au bord des larmes après cette ultime confrontation, elle m’a dit que je n’étais qu’ « une mytho qui faisait cela pour conserver son travail, et qu’elle m’appellerait à la barre où je ne pourrais plus mentir », à cela , je lui ai juste rappelé que cela n’était qu’un emploi alimentaire, et que contrairement à elle, j’ai des diplômes qui me permettent de prétendre à d’autres emplois.

La situation est telle, que le vendredi 26 avril 2019, je la mets en garde, lui rappelant que dans mon entourage très proche, j’ai une avocate, un délégué syndical ainsi qu’un conseiller prud’homal. A ces dires, elle appelle son avocate, en prétendant que je l’ai menacé(e) de « l’envoyer aux prud’hommes ».

Ce même jour, je décide d’aller voir mon médecin généraliste, qui au vu de mes propos a des craintes pour moi, qui fait 1 h de trajet, deux fois par jour, afin d’aller travailler. Celui-ci a peur que je fasse un accident, volontairement, afin de ne plus faire face à cette situation quotidiennement. Il me prescrit alors un arrêt maladie pour syndrome dépressif. Mme [G] étant en arrêt maladie puisque la situation n’était plus supportable pour elle, ma première pensée a été que si je ne pouvais plus aller travailler également, l’activité ne pourrait se faire seulement avec M. [Z]. J’ai donc pris sur moi, jusqu’au déménagement de Mme [P].
Mais le déménagement de Mme [P] ne signifie pas que tout est terminé. La fin de mon contrat le 13 juillet 2019 non plus. En effet, en apprenant que M. [Z] fréquentait une personne qui possède le même prénom que ma maman Mme [P] m’a contacté(e) via les réseaux sociaux, plus d’un mois après mon départ de la société, alors même que ma maman n’avait rien à voir dans cette histoire. »’ «  Mme [P] a brisé une part de nous tous. Toute personne n’ayant pas une force de caractère, un entourage compréhensif, aimant et à l’écoute aurait pu avoir une fin tragique face à une telle situation. Je peux vous certifier que trouver un emploi, après une première expérience de la vie active comme celle-ci n’est pas chose aisée, et qu’une reconstruction accompagnée de professionnels est nécessaire. »’..

A ce témoignage de Mme [I] sont notamment joints dans le corps du texte les photographies de deux personnes assises à la table de l’espace cuisine d’une pièce de vie – deux femmes ou une femme et un homme – et une photographie de deux véhicules stationnés le long d’une habitation), ainsi qu’un message téléphonique du contact [F] [P] adressé le 6 septembre 2019 qui évoque sa compréhension du soutien apporté à ”[K]” « pour aider [T] à me virer vu que ta mère était dans la course et a été présentée aux filles’ ». Est produit un certificat médical du docteur [W] en date du 22 février 2021, qui évoque que Mme [I] « a présenté le 26/04/2019 un syndrome anxieux suite à un épuisement professionnel. Elle a bénéficié de la prescription d’un arrêt de travail du 26/04/2019 au 08/05/2019 et d’un courrier pour avis psychiatrique » (sa pièce 6 bis).

La société Cyber Galerie Marchande produit également une attestation émanant d’un autre salarié composant l’effectif, M. [R] [J] né en 1958, technicien hotline demeurant à [Localité 5] (77) et employé en télétravail (sa pièce 7), qui relate :

« Tout d’abord, je tiens à indiquer que je ne fais l’objet d’aucune pression par le responsable d’établissement M. [T] [Z]. Je précise que mon contrat de travail s’achève le 31 août car je serai en retraite à partir du 1er septembre 2020.

Etant en télétravail, je n’ai pas directement été témoin des persécutions décrites plus bas. Par contre le désarroi dans lequel étaient plongées mes collègues de travail [K] et [A] était bien réel, pour ma part et perçu pendant nos échanges téléphoniques.

Fin février 2019, [K] [G] m’a fait part que [F] [P] la harcelait en la traitant de ”salope” et de ”trainée” en l’accusant d’avoir des rapports intimes avec M. [T] [Z], son ami d’enfance. Elle m’apprend par la suite qu’au mois d’avril [F] [P] lui a cassé ses lunettes de vue et que la serrure du bureau d'[T] avait été forcée pendant son absence.

J’apprends aussi que M. [Z], en septembre, avait constaté des anomalies dans la facturation (un de nos clients s’est vu avec une facture à zéro ou réglée).

Lors de notre dernier contact, avant que [K] ne soit en arrêt maladie, elle m’a fait part de ses angoisses et de la peur avec laquelle elle venait travailler tous les matins, et qu’elle ne pouvait plus supporter ces agressions permanentes et répétitives à longueur de temps de la part de [F] [P] et surtout lorsque M. [Z] était absent.

Concernant [A] [I], moins visée psychologiquement que [K] [G], elle me fait part de faits hallucinants : lorsque M. [Z] part à la Guadeloupe au mois d’avril 2019, [F] [P] leur interdit la cuisine lors des pauses déjeuner. Puis elle retrouve son déjeuner et celui de [K] [G] hors du réfrigérateur.

Au mois de mai 2019 [F] [P] allait jusqu’à attendre sur le canapé avec sa veste et son sac à main, pour prendre en photo les personnes qui mangeaient à table, dont [A] et M. [Z]. Une fois la photo prise, elle partait pour le reste de la journée.

Vers la mi-avril, lors d’une discussion sur un dossier client, [A] [I] m’apprend que [F] [P] venait juste de prononcer des menaces de mort envers [K] par cette phrase ”J’ai envie de lui tirer les cheveux en arrière et de lui trancher la gorge”. [A] [I] était choquée et je ressentais une forte peur dans sa voix.

Elle me confirme aussi que le bureau de M. [Z] a été forcé. ».

La société Cyber Galerie Marchande produit enfin le témoignage d’un client, M. [D] [U], technicien électroménager, qui atteste (sa pièce 16) :

« Le 28 mai 2019, alors que je venais pour des renseignements techniques chez Cyberpièces, j’étais au bureau avec M. [Z]. Il y avait également [V] et une secrétaire. A la fin de notre entretien, j’ouvre la porte du bureau pour sortir et tombe nez à nez avec Mme [P], son téléphone à la main. Elle fût surprise et me déclare qu’elle doit tout enregistrer, qu’elle fait ça à la demande de son avocate, parce que M. [Z] est un ”gros salopard”. La jeune secrétaire qui se lève de son bureau se fait alors traiter de « salope ».

Je lui explique que cela ne me concerne pas et ne me regarde pas.

Nous sortons ensuite avec M. [Z] et continuons notre discussion dehors. Mme [P] nous suit. Elle est sur le palier derrière moi. M. [Z] me dit de me retourner et c’est alors que je vois Mme [P] en train de faire une « grimace » et « un doigt d’honneur ». Elle arrête immédiatement quand elle voit que je me suis retourné.

Nous partons plus loin pour rejoindre mon véhicule stationné dans la rue en face. Mme [P] est maintenant à une fenêtre. Elle tient toujours son téléphone à la main devant elle comme si elle nous filmait. Cela durera jusqu’à ce que je monte dans la voiture et que je parte. ».

S’il ressort des données constantes du débat que Mme [G] était une amie d’enfance de M. [Z], gérant associé de l’entreprise et ancien compagnon de l’intimée, et que Mme [G] a fait partie de la sphère amicale du couple que formaient les associés, la sincérité de son témoignage et l’authenticité des faits qu’elle décrit sont d’autant moins contestables qu’elle détaille des comportements et propos insultants et menaçants répétés de Mme [P] à son encontre, qui sont confirmés par sa jeune collègue Mme [I], et que ces agissements ont ensuite été manifestés par Mme [P] à l’égard de Mme [I] dès lors que Mme [G] a été placée en arrêt maladie, y compris en présence de tiers extérieurs à l’entreprise.

Si Mme [P] met en doute l’objectivité des témoins au regard de leur seul lien de subordination, cet argument est d’autant moins pertinent que les attestations de Mme [I] et de M. [J] ont été établies alors que ces deux personnes étaient pour la première liée à un autre employeur, et pour le second à quelques jours de la retraite.

Quant à l’attestation de M. [U], qui est un client et par là-même ”étranger” à l’entreprise, s’il fait état de faits postérieurs de quelques jours au courrier de licenciement du 21 mai 2019 notifié à Mme [P], les faits qu’il décrit ne font que corroborer la description donnée par Mme [G] et par Mme [I] aux conditions de travail insupportables qu’elles ont été amenées à vivre en raison du comportement délibérément malveillant de Mme [P], et au détriment de leur santé.

Il ressort également de ce témoignage de M. [U] que Mme [P] a persisté dans son comportement délétère pour le fonctionnement de l’entreprise y compris après s’être vue notifier son licenciement pour faute lourde.

Aussi Mme [P] ne verse aucune pièce, aucune donnée concrète de nature à apporter une contradiction efficace aux éléments produits par l’employeur, et ce au-delà de ses propres déclarations devant les gendarmes, qui soit de nature à démontrer qu’elle-même aurait été victime de l’hostilité des salariés Mesdames [G] et [I].

Si Mme [P] évoque son état dépressif, au regard de la confusion entre les lieux dédiés à l’activité de l’entreprise et les lieux abritant la vie privée des associés illustrée par l’usage de la cuisine comme d’une salle de pause, cette réalité résulte des décisions du couple que formaient les deux associés d’organiser les lieux de leurs vies professionnelle et personnelle au même endroit, et la cour observe que le comportement malveillant de Mme [P] à l’égard des salariées Mmes [G] et [I] s’est manifesté non pas seulement durant les temps de pause mais aussi durant les heures de travail de ces dernières, en faisant notamment irruption dans le bureau collectif et au sous-sol.

Au-delà de l’existence d’un règlement intérieur définissant l’usage de la cuisine des associés comme salle de pause mise à disposition du personnel qui est contestée par l’intimée, et au-delà de l’opposabilité de ce document à l’intimée, il ressort des données constantes du débat que le personnel bénéficiait d’un usage lui permettant l’accès à certaines parties privatives de la maison abritant le logement et l’entreprise des associés, plus précisément l’accès à la cuisine et aux sanitaires. Mme [P] produit d’ailleurs elle-même (sa pièce 25) des photographies du bureau collectif qu’elle illustre en indiquant l’emplacement des espaces de travail du gérant, de Mme [G] et de Mme [I], local professionnel qui est installé au sein de l’habitation des associés et implique pour y accéder d’emprunter le hall desservant les parties privées de la maison.

Il ressort des déclarations faites le 16 avril 2019 par Mme [P] aux gendarmes « sur les conseils de mon avocat qui m’a encouragée à déposer une main courante » (sic) que l’intimée s’est alors « étonnée de me retrouver nez-à-nez avec deux employées » dans une partie privée de l’immeuble, soit la cuisine, tout en indiquant que l’une d’entre elle prénommée [A] (Mme [P] ne se souvenant plus de son nom) « m’a dit qu’elles avaient le droit d’être à cet endroit car mon ex-conjoint les a autorisées à prendre leur pause dans la cuisine. Je tiens à vous préciser que M. [Z] est actuellement en vacances en Guadeloupe et que, en tant qu’associée, c’est moi qui suis la patronne et qui décide du règlement de l’entreprise en son absence. » (sic ‘ pièce 22 de la société appelante et pièce 29 de l’intimée).

La cour relève qu’à l’occasion d’une précédente démarche effectuée le 15 mars 2019 auprès des gendarmes (pièce 22 de l’appelante), Mme [P] avait effectué une déclaration relative à sa situation conjugale, lors de laquelle elle n’avait à aucun moment évoqué être victime de comportements hostiles ou de propos insultants de la part des salariées de l’entreprise, puisqu’elle avait abordé l’attitude infidèle de M. [Z] en désignant la « secrétaire de l’entreprise » comme sa maîtresse en expliquant : « sachant que l’entreprise est à la maison, la maitresse de mon ex-compagnon est présente partout, même dans ma cuisine. Il s’agit d’une situation d’ensemble invivable pour moi »’ « la seule chose que je veux c’est qu’il me donne ce qu’il me doit et que je puisse quitter la maison et l’entreprise » (sic ‘ pièce 22 de l’appelante).

La cour relève que Mme [P] a également effectué une démarche auprès de la société Cyber Galerie Marchande, par le biais d’un courrier adressé à cette dernière par son avocat le 25 avril 2019 (pièce 28 de la société appelante), qui rappelle que Mme [P] est en arrêt de travail pour raison de maladie, que « vous vous permettez ainsi que certains salariés à empiéter sur les espaces privés de ma mandante », qu’ « en votre qualité d’employeur, il vous appartient de veiller à la sécurité tant physique que psychologique de vos salariés, et en aucun cas encourager ou taire des actes de malveillance ou d’harcèlement à l’encontre d’un de vos salariés », et qui met en demeure la société de « respecter les espaces privés d’habitation de ma mandante et interdit(re) à tous salariés de pénétrer dans ses espaces privés, notamment la cuisine ».

Si Mme [P] soutient dans ses écritures que les comportements qui lui sont reprochés relèvent non pas de sa vie professionnelle mais de la sphère de sa vie personnelle, ces allégations sont d’autant moins pertinentes que l’intimée s’est elle-même prévalue des obligations de l’employeur durant la suspension de son contrat de travail, et ce en exigeant la cessation de la mise à disposition d’une salle de pause au profit des salariés.

Aussi la cour retient que les comportements fautifs de Mme [P] se sont déroulés tant dans les locaux dédiés exclusivement à l’entreprise, que dans la salle de repos (qui était également la cuisine des associés), désignée comme telle dans un document intitulé « règlement intérieur spécifique » qui est produit par la société Cyber Galerie Marchande (sa pièce 2) et qui comportent les signatures de Mme [G] le 2 mars 2009, de M. [C] le 26 novembre 2010, de Mme [I] le 25 juin 2018, ainsi que les signatures de deux autres salariés les 25 mai et 15 juin 2020. En ce sens il ressort des données constantes du débat, telles qu’elles sont relatées par Mme [P] elle-même dans ses écritures, que les salariés ont bénéficié de l’usage de cet endroit comme salle de pause avant l’arrêt maladie de Mme [P], qui mentionne d’ailleurs dans ses écritures (page 21) que « suite à son placement en arrêt maladie, la salariée refusait à juste titre que les autres employés continuent à prendre leur pause dans la cuisine de la maison. ».

Dès lors, la cour retient que tant la réalité des insultes, menaces et intimidations répétées de la part de Mme [P] à l’encontre de Mme [G] et de Mme [I], que de leurs effets néfastes sur les conditions de travail de deux des salariés de l’entreprise au point qu’elles ont altéré leur santé, sont établis, ce qui répond à la définition du harcèlement moral.

La SARL Cyber Galery Marchande reproche également à Mme [P] d’avoir utilisé des biens et les locaux professionnels pour des envois personnels. Elle produit à ce titre, outre les attestations de Mme [G] qui relate que « Mme [P] se sert également dans les stocks d’enveloppes d’expédition, lettre Max et autres emballages à des fins personnelles » et de Mme [I] qui énonce que « Mme [P] subtilise en ce temps-là des biens et services propres à la société pour ses activités personnelles, telles que la vente d’habits sur VINTED », le témoignage de son salarié M. [C] qui, explique qu’il a été absent pour cause de maladie de septembre 2018 à mai 2019 et qui relate :

«’ cette dernière (Mme [P]) m’ordonnait très régulièrement de lui ”créer des étiquettes postales affranchies, à l’aide du logiciel prévu à cet effet, propriété de l’entreprise.

Ces étiquettes étaient destinées à des fins personnelles : en effet Mme [P] passait du temps sur Ebay, pendant son temps de travail, pour vendre des effets personnels (souvent des lots d’habits), ou acheter des objets divers. Elle me demandait ensuite d’imprimer les étiquettes affranchies nécessaires à l’expédition de ses colis, ou pour recevoir les objets qu’elle achetait, et ainsi éviter les frais de livraison demandés par l’acheteur.

D’autres étiquettes étaient prévues pour des échanges au sein de la famille (mère, s’ur’)

Chacun de ces envois est bien sûr facturé à Cyberpièces.

M. [Z] n’était pas au courant de ce fait, chose que j’ignorais étant donné le lien de proximmité entre Mme[P] et lui-même.

Lors de mon retour de maladie en mai 2019, et sachant les faits graves énoncés contre elle lors de son licenciement, j’ai évoqué cette situation, et en ai ainsi informé involontairement M. [Z].

Je ne saurais dire le nombre exact d’étiquettes que j’ai édité pour elle, car cela était irrégulier : parfois 3-4 étiquettes en un jour, parfois 1 ou 2 par semaine.

Il est sûr que le coût subi par l’entreprise s’élevait à plusieurs centaines d’euros’ ».

S’agissant du grief tiré de la tentative de détérioration des équipements et fichiers informatiques, la société Cyber Galerie Marchande se prévaut des témoignages :

– de Mme [G] qui mentionne qu’« à plusieurs reprises, elle [Mme [P]] coupe le courant au bureau, ce qui a pour effet de couper les ordinateurs et la perte du travail en cours. Nous sommes alors obligés de tout recommencer. Cela provoque également des coupures de téléphones, donc perte des appels de clients »’« elle coupe encore régulièrement le courant » ;

– de Mme [I] qui relate que « Elle [Mme [P]] nous coupe le courant dans les pièces destinées au travail, au niveau du disjoncteur, ce qui entraîne perte des données, du travail, et a fortiori de temps ».

Force est de constater que la répétition de coupures de courant, survenues dans l’ambiance tendue décrite ci-dessus, n’avait manifestement pas pour origine, comme l’explique l’intimée, le fonctionnement des appareils électroniques, mais la volonté de Mme [P] de faire perdre les fichiers informatiques en cours, les onduleurs n’étant pas installés sur la box internet.

Enfin s’agissant du grief tenant à la détérioration des portes et meubles suivie du vol de documents, la société Cyber Galerie Marchande produit des photographies de tiroirs dont la serrure a été forcée et se prévaut des précisions données dans les témoignages :

– de Mme [G] : « Elle [Mme [P]] fracture le bureau de M. [Z] (voir photo 4) pour subtiliser son courrier personnel qu’il m’avait demandé de mettre sous clefs dans son tiroir, entre autre ses relevés bancaires. Je m’aperçois qu’elle a également pris des documents officiels de l’entreprise » ;

– de Mme [I] : « elle [Mme [P]] a notamment forcé plusieurs meubles qui contenaient des documents confidentiels appartenant à la société, et m’a affirmé, fière, que cela venait d’elle et qu’elle avait transmis le tout à une personne étrangère à la société ».

La cour note que la société Cyber Galerie Marchande justifie que Mme [P] a fait l’objet d’une convocation à l’audience du 22 mars 2021 du tribunal correctionnel de Sarreguemines (sa pièce 18) pour des faits de modification de données résultant d’un accès frauduleux à un système de traitement automatisé, accès et maintien frauduleux, suppression de données résultant d’un accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données. L’employeur précise sans être aucunement démenti par l’intimée que Mme [P] a été déclarée coupable des faits de la prévention et condamnée par jugement correctionnel du 5 octobre 2021 à une peine d’amende assortie d’un sursis ainsi qu’à réparer le préjudice économique de la société à hauteur de 500 euros au titre du préjudice économique et 500 euros au titre du préjudice moral, ainsi qu’à 1 000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

La cour retient que la société Cyber Galerie Marchande démontre la réalité non seulement des griefs tenant aux faits de harcèlement moral commis par Mme [P] à l’encontre de Mme [G] et de Mme [I], mais aussi de ceux relatifs à l’utilisation par Mme [P] des biens professionnels à des fins personnelles, aux tentatives de perte de fichiers informatiques, aux effractions et vol de documents qui sont caractérisés par les preuves recueillies par l’employeur, non contredites par des éléments émanant de l’intimée.

S’agissant de l’intention de nuire, la société Cyber Galerie Marchande soutient que Mme [P] avait pour projet de faire « couler la boîte », et se prévaut des témoignages :

– de Mme [I] qui atteste notamment : «’Elle [Mme [P]] m’avait également énoncé de façon très claire qu’elle souhaitait que Monsieur [Z] et Mme [G] souffrent autant que ce qu’elle pouvait souffrir, et qu’elle serait prête à tout, notamment à trouver toutes les solutions imaginables, voir inimaginables, pour que la société cesse d’exister » ;

– de Mme [G] qui mentionne que Mme [P] avait pour objectif de « trouver une faille quelconque pour nuire à l’entreprise » ;

– de M. [S] [O], directeur médico-social, (sa pièce 16) qui relate les éléments suivants :

« Participant régulièrement aux lotos organisés par l’ADMQ, il m’a été donné l’occasion d’entendre Mme [P] [F] tenir des propos peu élégants à l’encontre de M. [Z] [T] entre février et juin 2019. Lors de ces échanges j’ai été amené à lui dire qu’une séparation n’était pas chose aisée, que bien souvent les torts étaient partagés et qu’il fallait garder à l’esprit l’intérêt des enfants et leur bien-être. Parallèlement, surtout depuis mars 2019 ; elle expliquait aux bénévoles de l’association dont faisait également partie M. [Z], qu’elle ferait tout pour faire ”couler la boite” de M. [Z], qu’elle aurait en sa possession des ”dossiers” et qu’il allait ”prendre cher”. Je lui ai fait remarquer que cette attitude était contre-productive que ce soit pour elle ou ses enfants. ».

La société Cyber Galerie Marchande produit également des extraits de conversation Facebook tirés du compte de Mme [P], qu’elle affirme avoir obtenus en raison du fait que cette dernière aurait laissé les notifications apparentes sur l’ordinateur du bureau d’accueil.

La société Cyber Galerie rappelle elle-même que des extraits d’un compte privé Facebook d’un salarié ne peuvent être produits que si cette production est indispensable à l’exercice de son droit à la preuve, et si l’atteinte à la vie privée du salarié est proportionnée au but poursuivi.

Faute d’une démonstration efficace par l’employeur de ce que ces exigences sont remplies en l’espèce, il y a lieu d’écarter des débats les extraits de compte privé Facebook (documents non cotés joints au témoignage de Mme [G]), qui n’apparaissent ni indispensables à l’exercice du droit à la preuve ni proportionnés au but poursuivi.

Il ressort des développements qui précèdent que Mme [P] a, par des comportements malveillants réitérés sous diverses formes durant plusieurs semaines, manifesté une volonté de désorganiser et nuire au fonctionnement de l’entreprise, en s’en prenant au personnel au point que l’une des salariées a été placée en arrêt maladie durant plusieurs semaines, en tentant de faire perdre des fichiers informatiques et en dérobant des documents, afin de compromettre la poursuite de l’activité de la société Cyber Galerie Marchande et provoquer sa fermeture définitive.

Si Mme [P] conteste cette intention de nuire en invoquant son propre intérêt, la teneur des témoignages produits par l’employeur, notamment celui de M. [O] évoqué ci-avant, démontre que Mme [P] a agi dans un but qui n’était pas guidé par des considérations de gestion patrimoniale.

Aussi, si les premiers juges ont retenu que l’employeur « aurait dû mettre en ‘uvre immédiatement le licenciement s’il estimait qu’il y avait faute lourde », outre les développements qui précèdent relatifs à la réitération de faits nécessaire pour caractériser le harcèlement moral, il ressort cependant des données du débat telles qu’elles ressortent des éléments produits par l’employeur que les griefs reprochés à Mme [P] se sont produits durant son arrêt maladie sous diverses formes et que leur gravité s’est amplifiée au cours des semaines, au point que Mme [P] a continué à manifester sa malveillance à l’égard de la société y compris après son licenciement.

Dès lors, les faits reprochés à la salariée aux termes de la lettre de licenciement résultent d’agissements volontaires graves, avec l’intention de nuire aux intérêts de l’entreprise, et justifient un licenciement pour faute lourde, sans qu’il puisse être considéré que l’employeur a agi tardivement, au regard notamment du contexte particulier de la relation contractuelle.

Ainsi, Mme [P] sera déboutée de ses prétentions de son licenciement, de l’octroi des indemnités de rupture ainsi que d’un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points en ce sens.

Sur le préjudice moral

Mme [P] fait valoir qu’elle s’est sentie humiliée par les propos de la lettre de licenciement, que son licenciement a entaché sa carrière et sa réputation, et qu’elle a été traumatisée par sa garde à vue à la suite du dépôt de plainte du gérant de la société appelante.

Or, la cour retient que le licenciement pour faute lourde de Mme [P] est fondé, et il est d’autant moins démontré que l’employeur a abusé de ses droits en déposant une plainte à l’encontre de Mme [P] que cette dernière ne conteste pas avoir été pénalement sanctionnée pour avoir commis des délits dont la société a été victime.

Mme [P] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, et le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Mme [P] estime avoir été victime d’agissements fautifs de la part du gérant de la société Cyber Galerie marchande, dans le cadre de ses obligations d’employeur.

Elle ne produit toutefois aucun élément objectif de nature à confirmer ses seules déclarations faites lors d’un dépôt de main courante à la gendarmerie, qui ne sont appuyées que l’attestation de son amie qui fait état des propos rapportés par Mme [P] elle-même.

La cour observe que le conseil de Mme [P] a déposé une plainte pénale auprès du parquet de [Localité 6] le 24 juin 2019 à l’encontre de M. [Z] pour harcèlement moral (pièce 13 de l’intimée) au terme de laquelle elle met en cause le « comportement odieux et violent de son ancien compagnon », en évoquant les répercussions du conflit conjugal sur sa situation professionnelle, alors qu’il ressort des développements ci-avant que tout au long de son arrêt de travail Mme [P] n’a cessé de troubler le fonctionnement de l’entreprise notamment en imposant sa présence dans les locaux dédiés exclusivement à la société.

Si Mme [P] affirme dans sa plainte pénale (dont elle ne précise pas l’issue qui a lui été donnée) qu’elle a été placée en arrêt maladie pour dépression à compter du 25 février 2019 car elle ne supportait plus « les critiques incessantes et le comportement déplacé de M. [T] [Z] », ces seules allégations ne sont confirmées par aucun élément objectif de nature à faire le lien entre cette suspension du contrat de travail de Mme [P] et la détérioration de ses conditions de travail, et ce compte tenu de l’état de ses relations personnelles avec son ex-compagnon également gérant de la société, et étant de surcroît observé que l’arrêt maladie de l’intimée a débuté à l’issue d’une période de congés sans que Mme [P] fasse état d’un évènement particulier l’ayant provoqué.

La cour relève que les témoignages produits par Mme [P] qui émanent de son entourage familial et amical ont trait au conflit conjugal qui l’oppose à M. [Z], et qu’en ce sens le certificat médical en date du 21 juin 2019 du docteur [Y], psychiatre, produit par Mme [P] (pièce 15 de l’intimée) mentionne un suivi depuis le 2 avril 2019 « dans les suites d’une séparation difficile ».

Mme [P] reproche à son ex-compagnon dans un courrier de contestation de son licenciement en date du 12 juillet 2019 (pièce 12 de l’intimée) de n’avoir « nullement formulé de restrictions à l’encontre des autres salariés de l’entreprise en leur interdisant se rendre dans les parties privatives de votre domicile », et d’avoir ainsi maintenu l’accès par le personnel de l’entreprise à la cuisine de la maison pendant son arrêt de travail, alors qu’il s’agit d’un usage en vigueur au sein de l’entreprise qui ne pouvait être remis en cause par la suspension du contrat de travail de l’intimée, d’autant que cette dernière n’avance pas que l’aménagement d’une salle de pause au sous-sol était possible.

En conséquence, faute pour Mme [P] de démontrer le bien-fondé de ses prétentions, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué en ce sens.

Sur les demandes reconventionnelles de la SARL Cyber Galerie Marchande

Sur la procédure abusive

Une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts qu’en cas de faute excédant une appréciation inexacte de ses droits.

En l’occurrence, la société appelante ne démontre pas l’existence d’une faute de Mme [P] dans l’exercice de son droit d’ester en justice qui ne peut se déduire de la seule nature du licenciement intervenu, étant de surcroît observé que les premiers juges ont fait droit aux prétentions de la salariée au titre de la rupture des relations contractuelles.

La SARL Cyber Galerie Marchande sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.

Sur le préjudice de la société Cyber Galerie Marchande

La SARL Cyber Galerie Marchande soutient que le comportement de Mme [P] a gravement désorganisé l’entreprise, mais elle ne justifie dans le cadre de la présente procédure d’aucun préjudice financier à ce titre.

Si la société appelante fait par ailleurs état des conséquences financières liées à l’exécution provisoire du jugement de première instance, qu’elle a dû assumer au moyen d’un prêt bancaire avec un plan de remboursement d’un prêt de 20 000 euros, le préjudice dont elle fait état relève des effets de la procédure prud’homale dont il a été retenu ci-avant que Mme [P] n’a pas abusé.

Les prétentions de la société Cyber Galerie Marchande seront en conséquence rejetées.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

Mme [P] qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et ses frais irrépétibles.

Il est contraire à l’équité de laisser à la charge de la société Cyber Galerie Marchande ses frais irrépétibles. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté Mme [F] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, sauf en ce qu’il a débouté Mme [F] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, sauf en ce qu’il a débouté la SARL Cyber Galerie Marchande de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour préjudice causé par ses agissements motivés par l’intention de nuire ;

Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant :

Ecarte des débats les extraits de compte privé Facebook de Mme [F] [P] (documents non cotés joints au témoignage de Mme [G]) ;

Dit que le licenciement de Mme [F] [P] repose sur une faute lourde ;

Déboute Mme [F] [P] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, et de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, de demande de remise de documents sous astreinte, et de demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [F] [P] à payer à la SARL Cyber Galerie Marchande la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [F] [P] aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier La Présidente

 


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