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22 mai 2023
Cour d’appel de Nouméa
RG n°
21/00100
N° de minute : 43/2023
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 22 Mai 2023
Chambre commerciale
Numéro R.G. : N° RG 21/00100 – N° Portalis DBWF-V-B7F-SOD
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Août 2021 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG n° :16/526)
Saisine de la cour : 07 Octobre 2021
APPELANT
M. [U] [I]
né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 13]
demeurant [Adresse 10] – [Localité 7] (POLYNESIE FRANCAISE)
Représenté par Me Olivier MAZZOLI membre de la SELARL OLIVIER MAZZOLI AVOCAT, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
M. [V] [F], pris en son nom personnel et en sa qualité de gérant de la société CAPLIF
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 15]
demeurant [Adresse 6]
M. [G]-[A] [N], pris en son nom personnel et en sa qualité de gérant de la société CAPLIF
né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 11]
demeurant [Adresse 8] – [Localité 12]
S.A.R.L. CABINET DE PLACEMENT ET D’INVESTISSEMENT FINANCIER (CAPLIF), prise en la personne de ses représentants légaux en exercice
Siège social : [Adresse 4] – [Localité 12]
Tous représentés par Me Cécile MORESCO membre de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseillère,
Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH.
Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par Mme Marie-Claude XIVECAS, conseillère en remplacement de M. Philippe ALLARD, président empêché, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
La société Caplif ayant pour objet le démarchage en assurance et en produits financiers, le montage et la commercialisation de toutes opérations d’investissement, en Nouvelle Calédonie a été crée par M. [L] en janvier 1989. M. [F] et M. [N] y ont travaillé des 1992 en qualité de conseiller financier pour le premier et, à partir de 2002 en qualité de responsable commercial pour le second .
M. [L], a envisagé se retirer des affaires à partir de l’année 2005 et a en conséquence cédé toutes ses parts.
M.[F] et M. [N] sont devenus détenteurs de 30 % des parts chacun, et M. [I] a acquis de son coté 40 % des parts.
A partir de l’année 2014, M. [F] et M.[N] d’une part, ont envisagé de se retirer à leur tour de la vie de la société , et ont cherché à céder leurs parts sociales à un tiers.
Leurs relations avec M. [I] se sont alors fortement dégradées.
C’est dans ce contexte, que s’est tenue l’assemblée générale du 30 juin 2015, au cours de laquelle étaient votées les huitième et dixième résolutions rédigées en ces termes
‘ l’assemblée générale décide de fixer la rémunération de la gérance au titre de l’exercice en cours de la manière suivante:
– M. [V] [F]
* une rémunération mensuelle de 970 000 francs pacifique avec prise en charge du RUAMM et de la CES par la société
* et la mise à disposition d’un véhicule de fonction Peugeot 308 avec prise en charge de tous les frais y afférents, par la société
– M. [G] [N]
* une rémunération mensuelle de 900 000 francs pacifique du 1er janvier au 31 mai 2015
* une rémunération mensuelle de 970 000 francs pacifique du1er juin au 31 décembre 2015
* et la et la mise à disposition d’un véhicule de fonction Hunday Santa Fé avec prise en charge de tous les frais y afférents, par la société
– M. [I], aucune rémunération
‘L’assemblée générale, sur la proposition de la gérance, décide que la société ne prendra plus en charge les frais de déplacement, de logement et de bouche de M. [I] lorsque celui-ci viendra participer à l’assemblée générale annuelle de la société’
M. [I] a adressé à M. [F] et M. [N] une mise en demeure d’avoir à régulariser la situation relative à sa rémunération et à la prise en charge de ses frais, par courrier recommandé du 7 septembre 2015 puis par acte d’huissier en date du 21 décembre 2015. Ces demandes sont restées sans réponse.
Enfin, au terme de l’assemblée générale du 6 avril 2016, le mandat social de gérant de M. [I] a été révoqué, par M. [F] et M. [N] ( soit deux voix sur trois ) sur la base des éléments énoncés dans le rapport de gérance annuelle au terme duquel il était noté
‘ Nous tenons à porter à votre connaissance les dispositions de l’article 12 des statuts de la société qui stipulent que ‘les gérants doivent consacrer le temps et les soins nécessaires aux affaires sociales. Or, M. [U] [I] , du fait sans doute de l’éloignement géographique de sa résidence, ( La Polynésie française) de sa présence sur le territoire uniquement lors de la tenue des assemblées générales de la société et du peu d’implication dans les affaires sociales, dont il fait preuve, ne remplit pas la mission inhérente à toute fonction de mandataire social. ‘…
Par requête en date au greffe du 29 décembre 2016, M. [U] [I] a contesté les décisions prises par ses deux associés devant le tribunal mixte de commerce auquel il demandait , sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de:
– déclarer nulles et de nul effet les résolutions 8, 9 et 10 de l’assemblée générale de la
société Caplif en date du 30 juin 2015 en ce qu’elles sont constitutives d’un abus de la part de M [N] et de M. [F] ,
– condamner solidairement M. [N] et M. [F] à lui payer les sommes suivantes:
** 5 600 000 francs pacifique au titre de son préjudice financier du fait de la suppression de sa rémunération et de son défraiement,
** 1 800 000 francs pacifique au titre de son préjudice économique du fait de sa révocation
sans motif de ses fonctions de gérant,
** 1 800 000 francs pacifique au titre de son préjudice moral,
** 400 000 francs pacifique au titre des frais irrepetibles, ainsi qu’aux entiers dépens, sous
distraction,
– ordonner la désignation d’un mandataire ad’hoc aux fins de représenter la société Caplif dans l’action ut singulí exercée par lui,
– condamner solidairement M [N] et M. [F] à payer à la société Caplif la somme de 5 000 000 francs pacifique à titre de dommages et intérêts ;
Par jugement en date du 30 août 2021 , le tribunal mixte de commerce de Nouméa a :
-dit n’y avoir lieu de désigner un mandataire ad’hoc avec mission de représenter la société Caplif en la présente instance, et déboute par suite M. [U] [I] de sa demande formée de ce chef.
-débouté M. [U] [I] de sa demande tendant à la nullité des résolutions 8, 9 et 10 de l’assemblée générale de la société Caplif en date du 30 juin 2015,
-débouté M. [U] [I] de l’ensemble de ses demandes de dommages et intérêts, tant au profit de la société Caplif à l’encontre de M [G] [N] et de M. [V] [F] , qu’à son propre profit à l’encontre de ces deux derniers,
-désigné, aux frais de la sarl société Caplif , la S.C.P. CBF Associés , prise en le personne de Maître [Z] [Y], administrateur judiciaire ayant siège à Nouméa, en qualité de mandataire ad’hoc avec mission de porter les 40 parts sociales de M .[U] [I] dans le capital social de cette société Caplif et de prendre part à la votation lors de l’assemblée générale extraordinaire qui sera convoquée par les gérants de ladite société avec pour seul ordre du jour de délibérer sur le transfert du siège social de cette dernière au [Adresse 5], [Localité 12],
-fixé à la somme de 200 000 francs pacifique la provision à valoir sur les frais et honoraires
du mandataire ad’hoc, et dit qu’elle devra être versée par la sarl société Caplif entre les mains de ce dernier dans le mois suivant notification du jugement, à défaut de quoi la désignation du dit mandataire sera de plein droit caduque,
-débouté la société Caplif , M. [V] [F] et M. [G] [N] du surplus de leurs demandes,
– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement en toutes ses dispositions, hors celles qui ont trait aux dépens,
-condamné M. [U] [I] à payer à la société Caplif , M. [V] [F] et M. [G] [N] une indemnité globale de 300 000 francs pacifique au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
PROCÉDURE D’APPEL
M. [U] [I] a relevé appel de ce jugement par requête déposée au greffe de la cour le 07 octobre 2021.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2022 , auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [I] demande à la cour de:
-infirmer la décision rendue par le tribunal mixte de commerce en date du 30 août 2021 sauf ce qu’il a débouté M [N] et M. [F] de leurs demandes reconventionnelles;
Par conséquent :
-déclarer nulles et de nul effet les résolutions n° 8, 9 et 10 de l’assemblée générale du 30 juin
2015 de la société Caplif en ce qu’elles sont constitutives d’un abus de majorité de la part de M [N] et de M. [F]
-condamner solidairement M. [N] et M. [F] à payer à M. [I] la somme de 4.400.000 francs pacifique au titre du préjudice financier subi du fait de la suppression de sa
rémunération et de son défraiement ;
– condamner solidairement M. [N] et M. [F] à payer à M.[I] la somme de 1.800.000 francs au titre de son préjudice économique du fait de sa révocation sans motif de ses fonctions de gérance ;
-condamner solidairement M. [N] et M. [F] à payer à M.[I] la somme de 1.800.000 francs pacifique au titre de son préjudice moral ;
– condamner solidairement M. [N] et M. [F] à payer à la société Caplif la somme de 5 .000.000. Francs pacifique à titre de dommages-intérêts,
– dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de l’assignation et que les intérêts échus seront capitalisés dans les conditions de l’article 1154 du code civil,
– condamner solidairement M. [N] et M.[F] au paiement, à M.[I] de la somme de 500.000 francs pacifique au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie
-condamner solidairement M.[N] et M. [F] aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Olivier Mazzoli Avocat, sur offres de droit.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 juin 2022 , auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M.[N] , M. [F] et la société Caplif demandent à la cour de:
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M.[I] de l’ensemb1e de ses demandes fins et prétentions, non fondées,
Sur appel incident,
– dire et juger que M.[I] a manqué à son obligation de loyauté,
– condamner M.[I] à payer la somme de 10 000 000 francs pacifique à la société Caplif du fait de son comportement déloyal,
– condamner M.[I] à payer à M [N] et M. [F] la somme de 2 000 000 francs pacifique chacun pour le préjudice moral subi du fait de son comportement parfaitement déloyal,
– constater que M.[I] a commis un abus de minorité en refusant le transfert du siège social de l’entreprise,
– condamner en conséquence M.[I] à payer à la société Caplif la somme de 2 500 000 francs pacifique à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par ce blocage.
-condamner M.[I] à verser à M . [N] , à M. [F] et à la société Caplif la somme de 400.000 francs pacifique chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile applicable en Nouvelle Calédonie ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 octobre 2022 .
M. [I] a déposé des nouvelles conclusions et pièces le 21 octobre 2022 demandant à la cour de les accueillir après avoir ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient d’examiner la demande de M. [I] tendant à la révocation de l’ordonnance de clôture .
M. [I] expose qu’il a été contraint de rechercher un certain nombre de pièces, indispensables pour remettre en cause les déclarations des parties adverses, qui tentent , par la production d’extraits d’attestations prises hors de tout contexte chronologique de convaincre la juridiction de faits de concurrence déloyale de sa part.
M [F], M. [N] et la société Caplif n’ont pas conclu sur l’incident .
Selon l’article 910 -21 ‘ Dans les procédures avec représentation obligatoire, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.
Sont cependant recevables, les demandes en intervention volontaire les conclusions relatives au loyer, arrérages , intérêts et autre accessoires échus et aux débours jusqu’à l’ouverture des débats si leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture. Sont également recevables, les conclusions qui tendent à la reprise de l’instance en l’état ou celle ci se trouvait au moment de son interruption ‘
Selon l’article 910-22 du code de procédure civile ,’ l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave, depuis qu’elle a été rendue, la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si la cour ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L’ordonnance de clôture peut être révoquée , d’office ou à la demande des parties soit par ordonnance motivée du magistrat chargé de la mise en état soit, après l’ouverture des débats par la cour. ‘
La cour observe cependant que toutes les allégations invoquées par M. [I] étaient déjà dans les débats devant le tribunal mixte de commerce, et que les pièces nouvelles adossées à ses dernières écritures , à savoir un courriel de Mme [P] en date du 30/08/2016, un extrait du site internet information sur l’entreprise et le bilan comptable du 01/01/2021 au 31/12/2021 de la sarl Caplif sont toutes bien antérieures à la date de clôture .Dans ces conditions, force est de constater que M. [I] ne démontre pas l’existence d’une cause grave l’ayant empêché de joindre ces nouvelles pièces, en temps utiles. La cour observe par ailleurs que la circonstance tenant au fait que M. [I] n’a pu être joint par son conseil en raison d’un séjour à l’étranger ne constitue pas une cause grave au sens de l’article 910 -22 du code de procédure civile précité.
Il convient en conséquence d’écarter les conclusions et pièces déposées le 21 octobre 2022.
Au fond,
La cour est saisie de l’appel principal de M. [I] qui conteste la décision du tribunal l’ayant débouté de toutes ses prétentions.
Elle est également saisie des appels incidents de la société Caplif , de M. [N] et M.[F], qui réitèrent les demandes indemnitaires dont ils ont été déboutés en première instance.
La disposition ayant débouté M. [I] de sa demande tendant à la nomination d’un administrateur ad hoc en charge de représenter les intérêts de la société Caplif dans l’action sociale engagée par M. [I] , ainsi que celle qui a désigné la scp CBF Associés en qualité de mandataire ad hoc pour porter les 40 parts sociales de M. [I] dans la capital de la société Caplif et pour prendre part au vote de l’assemblée générale extraordinaire qui sera convoquée pour délibérer sur le transfert du siège social, ne sont pas remises en cause devant la cour qui les confirmera purement et simplement.
I. Sur l’action individuelle de M. [I] à l’encontre des associés .
A.Au titre de la suppression de ses rémunérations et de son défraiement
Le tribunal mixte de commerce a rejeté la demande de M. [I] tendant à obtenir l’indemnisation d’un préjudice découlant de la suppression de sa rémunération décidée par la majorité des associés lors de l’assemblée générale du 30 juin 2015. La juridiction consulaire a rappelé que toute société commerciale repose sur un contrat gouverné par un principe majoritaire simple ou qualifié, défini par la loi ou par les statuts , et que partant, le juge n’y peut interférer que dans les conditions strictes, sans jamais pouvoir le dénaturer, pour sanctionner des mesures prises dans le seul but de nuire à l’associé qui s’en plaint et qui démontre souffrir d’un préjudice pour lui même et pour la personne morale.
Le tribunal a estimé que la suppression de sa rémunération décidée le 30 juin2015 n’était pas abusive, au regard des rémunérations faibles perçues au titre des années antérieures, et même de l’absence totale de toute rémunération en 2012, sans que cela n’ait amené la moindre protestation de sa part. La juridiction a également considéré, que la rémunération servie à un associé est une contrepartie aux charges de gestion et de direction de l’entreprise et que, M. [I], dont la résidence habituelle est située à plus de 5000 kilomètres du siège de l’entreprise n’apportait aucune preuve de la gestion attentive ou réelle de la société .
Les premiers juges ont considéré que la suppression de sa rémunération n’était non seulement pas abusive mais relevait des intérêts supérieurs de la société dont il était même permis de penser qu’elle avait été victime , par le passé , au travers des rémunérations versées antérieurement d’abus de biens sociaux.
M. [I] réitère la prétention formée de ce chef devant le tribunal en priant la cour de condamner solidairement M [F] et M. [N], à lui verser la somme de 4 400 000 francs pacifique en réparation du préjudice financier découlant de la suppression de ses rémunérations et de son défraiement.
Il considère que les rémunérations perçues de 2099 à 2011 de l’ordre de 1 000 000 francs pacifique annuels n’étaient pas symboliques, soutient que les premiers juges ont retenu à tort qu’il n’avait pas protesté à la suppression de sa rémunération en 2012, alors que se sont précisément ses réclamations qui ont motivé le rétablissement d’une rémunération plus conséquente l’année suivante . Enfin, il précise que sa résidence habituelle a toujours été fixée à Tahiti , y compris au moment où il a racheté les parts sociales de la société Caplif et que cela ne l’a jamais empêché d’exercer ses fonctions sérieusement d’autant que la plupart du temps elles étaient adaptées au télétravail. Il souligne, que s’il a été choisi par M.[F] et M. [N] qui lui ont proposé de prendre 40 % du capital c’est bien en raison de ses compétences et de son expérience. Enfin il estime que les nombreuses pièces déjà versées en première instance démontraient son implication réelle dans la gestion de la société notamment en ce qui concerne la croissance externe du cabinet par le rachat d’entreprises concurrentes ( Pacific finances fin 2007 , Pacifique sud conseil en 2012 ) , par le développement de partenariat avec d’autres sociétés (comme Primonial, Eurosa , Nortia Avip , Corum Am etc…), par le recrutement de nouveaux collaborateurs .
M. [I] considère qu’en réalité depuis 2014, la volonté des deux associés [F] et [N] était de se désengager de la société Caplif en cédant tout le capital social de l’entreprise à un tiers, à un prix supérieur à ce lui du marché. Il précise qu’en refusant de céder ainsi ses propres parts, et proposant à l’inverse de racheter l’ensemble des parts sociales détenues par ses deux associés, il devenait un obstacle à la réalisation de leur projet ce qui explique selon lui , la volonté de M. [N] et de M. [F] de faire pression sur lui, en lui supprimant ses rémunérations puis en révoquant son mandat social. Il dément par ailleurs formellement les accusations portées contre lui, par les co-associés qui lui reprochent de s’être rapproché d’entreprises concurrentes, notamment la société IFP et Co-Gestion , en soulignant le fait que la filature effectuée par le cabinet NC Protection à la demande de M [F] et de M. [N] au début du mois de juillet 2018, a été effectuée près de deux ans, après son éviction de la gérance, et alors qu’il n’était plus ni mandataire, ni salarié de la société Caplif de sorte qu’il n’avait plus aucune obligation à l’égard des intimés. Il souligne par ailleurs les imprécisions, du rapport d’enquête, et ses insuffisances probatoires.
En conséquence de quoi, M. [I], prie la cour de retenir que les associés majoritaires ont commis une faute en décidant de supprimer sa rémunération. Et lui demande en conséquence d’annuler les deux résolutions litigieuses, et de condamner solidairement M. [N] et M. [F] à lui verser une indemnité de 4 400 000 francs pacifique à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice financier, outre une seconde indemnité de 1 800 000 francs pacifique en réparation de son préjudice moral, eu égard au caractère vexatoire de cette décision.
M .[N] , M. [F] et la société Caplif demandent à la cour de confirmer la décision des premiers juges ayant débouté M. [I] de ses demandes. Ils rappellent la position très stricte de la jurisprudence en la matière qui veille à la protection supérieure du pouvoir majoritaire et ne sanctionne l’abus de majorité que lorsque la décision adoptée par la majorité est contraire à l’intérêt social et obéit à l’intérêt exclusif des associés majoritaires.
Ils soutiennent que M. [I] n’apporte pas cette double preuve, affirmant au contraire que décision critiquée a permis plus d’équité puisque les rémunérations votées pour M. [F] et M. [N] ont permis de compenser les fonds qu’ils avaient injectés dans la société à hauteur de 7 000 000 francs lorsqu’elle a rencontré des difficultés économiques . Ils précisent que la décision est également conforme à l’intérêt social eu égard aux difficultés de trésorerie ayant motivé trois licenciements économiques .
Selon l’article L 235-1 du Code de commerce applicable en nouvelle Calédonie , la nullité d’une société ou d’un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d’une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats.
Le texte précise, s’agissant des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés par actions, que la nullité de la société ne peut résulter ni d’un vice de consentement ni de l’incapacité, à moins que celle-ci n’atteigne tous les associés fondateurs et ne peut pas non plus résulter des clauses prohibées par l’article 1844-1 du code civil. Enfin, en son dernier alinéa , l’article énonce que la nullité d’actes ou délibérations autres que ceux prévus à l’alinéa précédent ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du présent livre ou des lois qui régissent les contrats.
Ainsi , doit être annulé , au regard de la théorie générale des contrats, qui exige la nullité de tous les actes frauduleux et dolosifs, la décision prise en assemblée générale, résultant du vote de la majorité des associés, lorsque l’exercice de ce droit conféré aux associés pour réaliser l’objet social a en réalité été détourné par leur titulaire qui l’ont utilisé dans leur seul intérêt personnel.
Au cas d’espèce, il est établi que M. [U] [I] devenu associé de la société Caplif en 2012 a toujours maintenu sa résidence habituelle en dehors du territoire de Nouvelle Calédonie, et occupé ses fonctions de co gérant de 2012 à 2016 , depuis la Polynésie française , limitant ses déplacements au sein de l’entreprise aux périodes des assemblées générales. Cette organisation n’a jamais posé de difficultés et sa contribution active au développement de l’activité de Caplif , n’est pas discutable au regard de l’augmentation du chiffre d’affaires à compter de son arrivée , notamment du fait des opérations de fusion absorption et du développement des partenariats avec d’autres prestataires.
Par ailleurs, son niveau de rémunération, qui a toujours été inférieur à ceux de ses co associés, au cours des années précédentes, est bien l’expression de sa moindre participation à la gestion quotidienne de la société , parfaitement connue et assumée , et la décision prise par M.[F] et M.[N] de supprimer intégralement ses défraiements et sa rémunération ne répond pas à l’intérêt économique de l’entreprise puisque, dans le même temps, ils ont décidé de majorer leur propre rémunération .
Enfin, M. [I] démontre que cette décision s’inscrit dans un contexte de tensions entre les dirigeants, découlant de la volonté de M. [F] et M. [N] de céder l’entreprise à un tiers qui se proposait de l’acheter à un prix intéressant et de son refus motivé par sa propre intention d’acquérir les parts de ses deux co associés mais à un prix moindre . Il est manifeste que leur décision de supprimer toutes ses rémunérations, puis de révoquer son mandat social , s’inscrit dans une stratégie totalement étrangère aux intérêts sociaux ne visant qu’à éloigner leur associé en vue de servir leurs intérêts personnels dans leur projet de cession de parts sociales.
Dans ces conditions, il y a lieu d’infirmer le jugement de ce chef et de déclarer nulles la résolution n° 8 , portant suppression de la rémunération de M. [I] , et la résolution n° 10 supprimant la prise en charge des frais de déplacement et de bouche de M. [I] lorsque celui ci vient participer à l’assemblée générale. En revanche, la neuvième résolution, qui a pour seul objet de déterminer les modalités de calcul de la prime de gérance, n’a pas d’incidence négative sur la situation de M. [I], de sorte que rien ne justifie son annulation.
S’agissant des conséquences dommageables de ces décisions, M. [I] demande à la cour de condamner solidairement ses deux associés, à lui verser une somme de 4 400 000 francs à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice financier subi du fait de la suppression de sa rémunération. Il chiffre sa demande en s’appuyant sur une rémunération mensuelle antérieure de 200 000 francs pacifique mensuelle, outre la prime annuelle de gérance de 2 400 000 francs pacifique.
La cour considère que cette somme constitue une juste compensation de son préjudice financier au regard du montant des rémunérations qui lui avaient été attribuées au cours des exercices précédents.
Le jugement dont appel sera en conséquence infirmé de ce chef
B. Au titre de la suppression du mandat de gérance.
Le tribunal a également rejeté les prétentions de M. [I] tendant à l’indemnisation de son préjudice découlant de la révocation de son mandat de gérance considérant, que la révocation était fondée sur des motifs légitimes . La juridiction consulaire a estimé qu’il ne pouvait prétendre à aucun dédommagement dans la mesure où la décision contestée avait été prise sur la base d’éléments factuels à savoir la localisation de sa résidence habituelle à plus de 5000 kilomètres du siège social de l’entreprise, et la brièveté et la rareté de ses séjours en Nouvelle Calédonie, qui ne lui permettaient pas d’assurer l’effectivité de sa cogérance. Les premiers juges ont souligné que la circonstance tenant au fait que l’éloignement géographique de M. [I] n’était pas une nouveauté, et que ses associés n’y avaient pas trouvé jusque là motif à révocation, n’était pas de nature à interdire définitivement à ses co associés de mettre un terme à l’anomalie que représentait le mandat social confié à un associé absent et inefficient.
M. [I] considère que le tribunal s’est livré à une analyse erronée de la situation et réitère en conséquence ses demandes tendant à la condamnation solidaire de ses coassociés à lui verser une indemnité de 1 800 000 francs pacifique en réparation de son préjudice économique , outre la somme de 1 800 000 francs pacifique en réparation de son préjudice moral découlant du caractère brutal et vexatoire de la révocation. Il rappelle que des le début de ses relations avec ses associés, il était domicilié à Tahiti que cela n’avait aucune incidence sur l’accomplissement de ses missions, qui ne nécessitait nullement sa présence physique sur place ( gestion des partenariats existant et recherche de nouveaux fournisseurs, conseil en organisation et en stratégie de développement, croissance externe ( rachat de sociétés concurrentes) . M. [I] souligne encore le fait que son engagement dans la société était subordonné à la condition, qu’il y joue un rôle actif, et qu’en tout état de cause, sa rémunération , moindre que celle de ses co associés ( la sienne ne représentant que 9 % de la totalité des rémunérations de gérance versées par la société Caplif ) tenait précisément compte de ses conditions de résidence. Il expose par ailleurs que les nombreuses pièces versées aux débats démontrent la réalité de son implication dans ses fonctions de gérant, et que son l’éloignement n’est pas un motif sérieux de révocation. Il soutient pour sa part, qu’il a même continué à assurer ses missions après la décision prise en assemblée générale de juin 2015 de lui supprimer toute rémunération, en signant une convention avec un nouveau fournisseur ( la société Corum Asset Management) particulièrement intéressante pour la société Caplif sur le plan financier et entretenant des relations régulières avec le personnel de l’entreprise . Enfin il expose que sa révocation ne peut répondre à aucune volonté de réduire les coûts de la gestion sociale de l’entreprise, des lors qu’il ne perçoit plus, de fait aucune rémunération depuis l’année 2015. M. [I] précise encore que ses associés ne peuvent utilement faire état de son défaut de loyauté envers la société Caplif au motif qu’il serait devenu associé dans une autre société, à savoir la société Petite Mary, cette société , exploitant une activité purement immobilière n’ayant aucune zone de concurrence avec Caplif. Il ajoute s’agissant des liens qu’il entretiendrait avec la société IFP, que son intention était de la faire fusionner avec Caplif et que les faits invoqués par ses co -associés sont en tout état de cause postérieurs à l’assemblée générale ayant prononcé sa révocation. Enfin, il fait état de l’augmentation constante du chiffre d’affaires de Caplif porté à 293 397 669 francs pacifiques en 2021 qui contredit l’affirmation de ses co associés lui reprochant de se positionner de manière contraire aux intérêts de la société .
La société Caplif , M. [N] et M. [F] demandent à la cour de confirmer la décision des premiers juges. Ils rappellent les conditions très strictes exigées par la jurisprudence pour indemniser l’associé gérant révoqué , soulignant que les associés ne sont même pas tenus d’aviser le gérant des motifs de sa révocation, qu’il appartient au gérant révoqué de démontrer l’absence de motif , et qu’une simple perte de confiance entre associé constitue un juste motif de révocation lorsqu’elle ce ci repose sur des éléments objectifs . Ils affirment que M. [I] agit en réalité contre les intérêts de la société Caplif -étant directement associé dans une société concurrente ‘Petite Mary’ et sans doute indirectement au sein de la société IFP – en essayant de convaincre M. [N] et M.[F] de céder leurs parts et lui permettre ainsi , avec la complicité de M. [M] et de M.[D], de récupérer toute l’activité de la société Caplif . En définitive, ils considèrent que la révocation était parfaitement justifiée, par la mésentente constatée entre les associés et le comportement de M. [I] visant à vider la société Caplif de son actif au profit de la société IFP.
Selon l’article L 223-25 du Code de commerce , le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l’article L 223 -29 du Code de commerce à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages intérêts. Le texte précise que le gérant est également révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé . (…. )
Au cas d’espèce, la rapport de gérance , établi par M. [F] et M. [N] , le 15 mars 2016 en vue de l’assemblée générale ordinaire annuelle du 6 avril 2016 , indique dans un paragraphe, intitulé ‘ révocation de M. [U] [I] ‘:
‘ Nous tenons à porter à votre connaissance les dispositions de l’article 12 des statuts de la société qui stipulent que ‘les gérants se doivent de consacrer le temps et les soins nécessaires aux affaires sociales’ Or, M. [U] [I], du fait sans nul doute de l’éloignement géographique de sa résidence ( la Polynésie française) de sa présence sur le territoire uniquement lors de la tenue des assemblée générales de la société et du peu d’implications dans les affaires sociales dont il fait preuve ne remplit pas la mission inhérente à toute fonction de mandataire social’ . C’est la raison pour laquelle , nous vous demandons de procéder à la révocation de M. [U] [I] de ses fonctions de gérant de la société Caplif avec effet immédiat à compter du jour de l’assemblée générale’.
Ainsi, il est reproché à M. [I] de résider en Polynésie française, loin du siège social de l’entreprise, et de limiter sa présence en terre calédonienne à de brefs séjours de quelques jours , au moment des assemblées générales ainsi qu’un manque d’implication dans les affaires de la société.
Cependant la cour relève, par des motifs déjà énoncés ci avant, que la domiciliation de M. [U] [I] était déjà fixée en Polynésie française, au moment où il a été approché par M. [F] et M. [N], pour participer au rachat des parts cédées par le fondateur de l’entreprise, M. [L].
Il convient encore de rappeler que cette organisation , ne l’a pas empêché d’exercer les fonctions d’administrateur et de président de 2006 à 2009 ( la Caplif étant alors sous le statut de SAS ) puis d’occuper les fonctions de mandataire social pendant plus de dix ans, sans que cela ne pose la moindre difficulté, étant même observé que par soucis d’économie, l’assemblée générale extraordinaire du 12 mars 2009 avait voté à l’unanimité une résolution n° 3 au terme de laquelle était décidé, de réduire de quatre à deux les séjours de M. [I] sur le territoire, en vue de limiter les dépenses pour régler des problèmes de trésorerie.
Par ailleurs, le reproche formé à l’encontre de M. [I], visant son manque d’implication dans les affaires de la société, n’est étayé par aucun élément circonstancié, aucun fait précis et les résultats réalisés par l’entreprise au cours des années antérieures marquent une progression sensible du chiffre d’affaires qui illustre une gestion dynamique dans laquelle M. [I] a tenu toute sa place, tant pour le recrutement de nouveaux collaborateurs ( attestation de M. [D] ) , que pour la recherche de nouvelles sociétés partenaires ( attestation de [W] [K] pour le rapprochement avec la société Groupe Primonial et M. [C] [X] pour le groupe IPS New Calédonia) . Surtout, M. [I] démontre un investissement dans le développement de l’entreprise , qui n’a pas fléchi , y compris après l’assemblée générale du mois de juin 2015, au travers notamment de la signature de la convention de distribution le 15 juillet 2015 conclue avec la société Corum à des conditions dérogatoires particulièrement intéressantes pour Caplif qui a, grâce à l’intercession de M. [I] , pu bénéficier d’une rémunération majorée de 6 % de ses commissions. Enfin il remet la copie de nombreux mails qui témoignent des échanges fréquents qu’il a nourris avec les différents collaborateurs salariés de la société Caplif , en fin d’année 2015 et début d’année 2016.
Enfin, force est de constater que les accusations portées par M. [F] et M.[N] quant au comportement déloyal qu’aurait adopté leur co associé en se rapprochant de la société IPF ne sont étayées par aucun élément tangible. En effet, les constations effectuées par la société Protection NC, mandatée par M. [F] et M. [N], desquelles il ressort que M. [I] s’est rendu au siège de la société IPF les 27 et 28 juin 2018 , durant plusieurs heures, ne sont pas suffisantes pour démontrer la matérialité d’un acte de concurrence déloyale , qui aurait été commis sous la gérance de celui ci, antérieurement à sa révocation deux ans auparavant . Il en est de même de l’augmentation certes significative du chiffre d’affaires de cette société concurrente entre l’année 2017 et 2018, qui n’est pas , en soit, un élément probant suffisant , pour établir le lien de causalité entre cette évolution et une quelconque implication déloyale de M. [I] à l’endroit de la société Caplif , au cours de la période précédent sa révocation.
Dans ces conditions, la cour estime que la décision prise par l’assemblée générale du 6 avril 2016 , de révoquer le mandat social de M. [I] ne repose sur aucun motif sérieux et légitime . Cette décision, rompt l’égalité entre les trois associés, cause à M. [I], qui n’a commis aucune faute de gestion et qui est désormais privé de toute responsabilité dans la direction de la société Caplif, un préjudice financier qu’il convient de compenser par une indemnité de 1 000 000 francs pacifique
C Sur la demande en dommages intérêts fondée sur le caractère brutal et vexatoire de la révocation.
M. [I] , demande à la cour, d’infirmer la décision des premiers juges l’ayant débouté de cette demande, qu’il réitère en cause d’appel en sollicitant la condamnation solidaire de Mme [F] et M. [N] au paiement d’une somme de 1800 000 francs à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral. Il fait valoir que sa révocation est intervenue dans des conditions vexatoires et brutales des lors qu’il a été évincé sans délai de ses fonctions de gérant qu’il exerçait depuis dix ans et que cette situation a entraîné une dépression nerveuse , ayant motivé un congé maladie et la prescription d’antidépresseurs.
La cour observe cependant que M. [I], qui évolue dans le monde des affaires, n’ignore pas les risques et aléas qui s’y attachent, au gré des contingences économiques et humaines, de sorte qu’il ne peut prétendre avoir été brutalement éconduit de ses fonctions, et atteint à ce titre d’un préjudice particulier, alors qu’il ressort d’un courrier adressé à ses associés , et annexé au procès verbal de l’assemblée générale du 06 avril 2016 qu’il a été informé du projet relatif à sa révocation par mail reçu le 29 mars 2016, soit huit jours avant la tenue de l’assemblée générale et qu’il ne pouvait par ailleurs pas ignorer les dissensions pesant sur le fonctionnement de la cogérance ,au regard de la suppression de sa rémunération , votée l’année précédente, ni de ce fait , l’ évolution probable des liens avec ses co associés vers un point de non retour.
Il sera en conséquence débouté de la demande formée de ce chef.
II Sur l’action ut signuli
Le tribunal mixte du commerce a débouté M. [I] de l’action sociale engagée contre M. [F] et M. [N], en sa qualité d’associé, tendant à les entendre condamner à indemniser la sarl Caplif du préjudice porté à l’intérêt social par la décision de révocation prise par eux de manière abusive.
M. [I] soutient que la décision prise par ses deux associés de révoquer son mandat de gérance , sans motif légitime et de manière abusive heurte l’intérêt de la société et justifie leur condamnations au paiement d’une indemnité de 5 000 000 francs pacifique. Il ajoute qu’ils ont commis d’autres fautes de gestion notamment en refusant l’offre de vente des locaux présentée par la société La Potinière à des conditions inférieures au prix du marché, ou en y accédant mais à des exigences telles que cela s’apparentait à un refus , en engageant un recours aléatoire et abusif contre le permis de construire puis en transigeant avec la société La Potinière à des conditions désavantageuses, notamment le versement d’une indemnité de 718 560 francs pacifique. Il leur reproche également d’avoir sollicité la résiliation anticipée du bail et d’avoir pris la décision de déménager d’un lieu professionnel bien situé auquel l’image de la société Caplif est associée depuis longtemps.
M. [F] et M. [N] se défendent d’avoir commis une quelconque faute de gestion , précisant qu’ils ont bien fait une proposition d’achat des locaux mais que celle ci n’a pas abouti, qu’ils ont effectivement déposé un recours contre le permis de construire, des lors que le projet de construction portait sur un terrain contigu et avait pour conséquence de faire disparaître les parkings réservés à la clientèle. Ils ajoutent que ce litige s’est soldé par la signature d’un accord qui a permis à la société Caplif de résilier le bail de manière anticipée pour trouver des locaux plus adaptés et pour un loyer moins élevé.
La cour relève, comme le premier juge que M. [I], n’apporte aucun élément concret qui soit de nature à établir la nature et le quantum du préjudice qu’aurait réellement subi la société en suite de son éviction. Par ailleurs , même s’il ne partage pas la décision prise par ses co associés de résilier le bail unissant la société Caplif à la société La Potinière, à la suite des travaux engagés par cette dernière à proximité du local d’exploitation et de changer le lieu du siège social de l’entreprise , rien de démontre que cette décision ait eu des répercutions négatives sur le plan économique, des lors que la société Caplif a quitté les anciens locaux pour s’installer dans autre lieu, plus adapté aux besoins de l’activité et pour un loyer moins onéreux. Il en découle qu’aucune faute de gestion susceptible d’engager leur responsabilité au regard de l’article L 223-22 du Code du commerce ne peut être retenue à leur encontre.
Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges ayant rejeté la demande formée de ce chef par M. [I] .
III Sur l’appel incident
A. Au titre de la déloyauté .
Le tribunal mixte de commerce de Nouméa a débouté M. [N] et M. [F] ainsi que la sarl Caplif de leur demande tendant à obtenir réparation du préjudice subi à raison de la déloyauté de M. [I] par la société elle même d’une part, et par chacun d’eux, en retenant s’agissant du préjudice subi par la société , qu’aucun élément objectif n’en démontrait l’existence ou le contenu, alors qu’au contraire la progression du chiffre d’affaires de la société en 2017 et 2018, était la négation même de ce que les manoeuvres prétendument déloyales de M. [I] aient pu être de nature à lui préjudicier . Le tribunal relevait pas ailleurs s’agissant du préjudice moral personnel allégué par les associés, qu’il ne présentait aucun caractère de crédibilité au regard du contexte des affaires dans le cadre duquel les postures de chacun peuvent certes causer des préjudices économiques et financiers, mais pas des préjudices moraux, incompatibles avec les aléas habituels de la vie des affaires.
M. [N] et M. [F] et la société Caplif réitèrent leur demande tendant au paiement de la somme de 10 000 francs pacifique à titre de dommages intérêts pour la réparation du préjudice social et à 2 000 000 francs pacifique pour la réparation du préjudice moral subi par chaque associé. Ils rappellent qu’une obligation implicite de non concurrence pèse sur tout associé à l’égard de la société, et à l’égard des gérants et dirigeants. Ils affirment que M. [I] a suivi un comportement déloyal tant avant qu’après sa révocation de gérance en se rapprochant notamment du principal concurrent de la société Caplif à savoir la société IFP par l’intermédiaire de M. [M] et de M. [D] , et en favorisant la commercialisation au détriment de la société Caplif et au bénéfice de la société IFP des produits Primonial.
M. [I] se défend d’avoir été déloyal. Il fait valoir en premier lieu que l’obligation de non concurrence ne pèse pas de plein droit, sur le simple associé, et ne concerne que les gérants ou dirigeants, et qu’en tout état de cause, s’il avait approché la société IFP, c’était en plein accord avec M. [N] et M. [F], pour lui faire une proposition de rachat et augmenter au contraire la surface économique de la société Caplif . Il précise que si des clients de la société Caplif ont rejoint l’IFP c’est uniquement parce qu’ils n’en étaient plus satisfaits et indiquent que le partenariat avec la société Primonial n’était pas exclusif de sorte que bien d’autres sociétés ont pu s’engager auprès d’elle. Il dénonce par ailleurs le procédé utilisé par ses adversaires pour tenter de prouver sa déloyauté en ayant recours aux services d’un détective privé ( Protection NC ) qui l’a filé pendant 48 heures en faisant valoir que le rapport d’enquête est inopérant s’agissant d’une surveillance organisée postérieurement à son éviction. Enfin il soutient que si’il avait adopté l’attitude délétère que ses adversaires lui prêtent, le chiffre d’affaires de la société Caplif n’aurait certainement pas progressé de 23 % entre 2017 et 2018.
La cour , en l’absence d’élément nouveau , soumis à son appréciation, estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties, en retenant qu’aucun élément objectif ne démontrait la matérialité du préjudice dont la société ou eux mêmes auraient eu à souffrir à raison du manquement de M. [I] à son obligation ‘ de loyauté’ , dans un contexte économique au contraire très porteur, ayant favorisé une progression importante du chiffre d’affaires de la société Caplif.
Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.
B. Au titre de l’abus de minorité .
La juridiction consulaire a débouté M [N] et M. [F] ainsi que la société Caplif de leur demande tendant à la condamnation de M. [I] au paiement d’une somme de 2 500 000 francs pacifique à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice du fait son opposition abusive au transfert du siège social de l’entreprise en retenant qu ‘à ce stade au moins, il n’existait aucune preuve du préjudice financier qu’aurait subi la société du fait de son opposition au transfert du siège social du [Adresse 4] à [Localité 12] au [Adresse 5] à [Localité 12].
La société Caplif , M. [F] et M.[N] affirment qu’en usant de son pouvoir de blocage , pour s’opposer au transfert du siège social, M. [I] qui n’était animé que de la volonté de se venger, occasionne un préjudice certain à la société Caplif . Ils font valoir qu’ainsi le siège social officiel de la société Caplif, est restée attaché à son ancienne adresse, [Adresse 14], [Localité 9] , qui est aussi précisément celle de son concurrent, la société IFP, de sorte que la confusion a été entretenue dans l’esprit de la clientèle.
M. [I] demande à la cour de confirmer le rejet de cette prétention en faisant valoir que M. [F] et M. [N] , n’apportent aucune preuve du préjudice dont aurait souffert la société Caplif du fait de son refus de voir transférer le siège social.
La cour, rappelle que l’abus n’engage la responsabilité de l’associé minoritaire que dans la mesure, où ce dernier, inspiré par ses seuls intérêts personnels , s’oppose à une opération essentielle pour la société, lui causant ainsi un dommage certain.
Au cas d’espèce, il convient de relever que la décision relative au transfert du siège social de [Localité 9] à sa nouvelle adresse, [Adresse 5] , a pu être prise à l’issue du jugement dont appel , dans le cadre de l’assemblée générale extraordinaire, du 22 septembre 2021 à la suite de la délibération à laquelle a pris part, Maître [Y], administrateur judiciaire , en qualité de mandataire ad hoc désigné par la juridiction consulaire , étant observé que cette disposition n’a pas été remise en cause devant la cour.
Par ailleurs, comme l’a relevé la juridiction consulaire, M. [F] et M.[N], n’apportent aucun élément probant sur le préjudice commercial dont la société Caplif aurait souffert en raison de la confusion prétendument entretenue dans l’esprit de la clientèle durant ce laps de temps.
Dans ces conditions, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [B] [I] l’intégralité des frais qu’il a du exposer pour assurer la défense de ses intérêts devant la cour . M [F] et M.[N] seront solidairement condamnés de ce chef à leur verser de ce chef la somme de 300 000 francs pacifique
Sur les dépens.
Pour les mêmes raisons ,M. [F] et M. [N] seront condamnés aux entiers dépens de l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Sur l’incident,
– Dit n’y avoir lieu à la révocation de l’ordonnance de clôture
En conséquence,
– Ecarte des débats les conclusions et pièces déposées par M. [U] [I] le 21 octobre 2022
Au fond,
-Réforme le jugement rendu le 30 août 2021 par le tribunal mixte de commerce de Nouméa en ce qu’il a débouté M. [U] [I] de l’ensemble de ses demandes de dommages intérêts à son profit à l’encontre de la société Caplif, et de sa demande tendant à l’annulation des résolutions 8,9,et 10 de l’assemblée générale des associés du 30 juin 2015
Et, statuant à nouveau,
– Déclare nulles et de nul effet les huitième et dixième résolutions de l’assemblée générale mixte ordinaire et extraordinaire des associés du 30 juin 2015 , constitutives d’un abus de majorité
– Condamne en conséquence solidairement M. [V] [F], M. [G]-[A] [N] à verser à M.[U] [I] la somme de 4 400 000 francs pacifique à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice découlant des décisions annulées ,qu’ils ont prises abusivement lors de l’assemblée générale du 30 juin 2015.
– Condamne solidairement M. [V] [F], M. [G]-[A] [N] à verser à M. [U] [I] la somme de 1 000 000 francs pacifique en réparation du préjudice subi causé par la révocation de son mandat de gérance sans motif légitime.
– Confirme le jugement dont appel en toutes ses autres dispositions
Y ajoutant,
– Condamne solidairement M. [V] [F], M. [G]-[A] [N] à verser à M. [U] [I] la somme de 350 000 francs pacifique au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel
– Condamne solidairement M. [F] et M. [N] et de la sarl CAPLIF aux dépens de l’instance d’appel dont distraction au profit de la selarl Olivier Mazzoli, avocat sur offres de droit.
Le greffier, Le président.