Télétravail : 21 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00569

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Télétravail : 21 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00569
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21 juin 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/00569

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 JUIN 2023

N° RG 22/00569

N° Portalis DBV3-V-B7G-VAWK

AFFAIRE :

[G] [E] [P]-[O]

C/

Association IGASS FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Section : E

N° RG : 20/00250

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me François CONUS

la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [G] [E] [P]-[O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me François CONUS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0938

APPELANTE

****************

Association IGASS FRANCE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2268263

Représentant : Me Juliette CENSI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [G] [P] [O] a été engagée par l’association Gicd suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2005 en qualité de responsable de coordination, coefficient 150, position 2, avec le statut de cadre.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de la métallurgie.

Le 1er octobre 2009, l’association International Group for Advancement in Spinal Science France (ci-après dénommée IGASS France) a repris l’activité de l’association Gicd et le contrat de travail de Mme [P] [O].

Unique salariée de l’association, Mme [P] [O] exerçait son emploi en télétravail à son domicile.

Par lettre du 26 février 2020, Mme [P] [O] a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 6 mars 2020.

Par lettre du 20 mars 2020, l’employeur a licencié la salariée pour faute lourde.

Contestant son licenciement, le 31 juillet 2020, Mme [P] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint Germain en Laye afin d’obtenir la condamnation de l’IGASS au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 24 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a dit que le licenciement pour faute lourde de Mme [P] [O] est justifié, a débouté Mme [P] [O] de toutes ses demandes, a débouté l’IGASS de toutes ses demandes et a laissé à la charge de Mme [P] [O] les dépens éventuels.

Le 23 février 2022, Mme [P] [O] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 16 mai 2023, Mme [P] [O] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il dit la procédure de licenciement valide, l’a déboutée de sa demande de prescription, a dit fondé le licenciement pour faute lourde, l’a déboutée de sa demande tendant à la condamnation de l’association au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour les retards de salaires, l’a déboutée de sa demande tendant à la condamnation de l’association au paiement de la somme de 33 300 euros au titre de l’indemnité pour l’utilisation de la résidence personnelle, et statuant à nouveau :

– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner l’IGASS au paiement des sommes suivantes :

* 75 600 euros (24 mois de salaire) ou subsidiairement 37 800 euros (12 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts,

* 18 900 euros au titre d’indemnité de préavis,

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour les retards de salaires,

* 17 640 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 33 300 euros au titre de l’indemnité pour l’utilisation de la résidence personnelle de la salariée au titre de son activité professionnelle,

* 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 15 mai 2023, l’association IGASS demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris et débouter Mme [P] [O] de toutes ses demandes au titre de l’exécution de son contrat de travail, à titre subsidiaire, juger que les demandes au titre de l’indemnité d’occupation antérieures à juillet 2015 sont prescrites et limiter les sommes allouées au titre de l’indemnité d’occupation à 2 500 euros,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute lourde de Mme [P] [O] est justifié et la débouter de l’ensemble de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail et du surplus de ses demandes, à titre subsidiaire, dans le cadre d’une requalification de la rupture en faute grave, débouter Mme [P] [O] de l’ensemble de ses demandes ; à titre encore plus subsidiaire dans le cadre d’une requalification de la rupture en faute simple, limiter l’indemnité compensatrice de préavis à 6 mois de salaire, soit 18 900 euros, limiter l’indemnité de licenciement à 17 640 euros, débouter Mme [P] [O] de ses autres demandes,

– en tout état de cause, infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a l’a déboutée de toutes ses demandes et condamner Mme [P] [O] au paiement des sommes suivantes :

* 3 000 euros au titre d’une amende civile,

* 47 361,60 euros à titre de remboursement des sommes indues,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

* 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter Mme [P] [O] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [P] [O] aux entiers dépens y compris les frais d’exécution éventuelle par voie d’huissier pouvant être recouvrés directement.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 16 mai 2023.

MOTIVATION

Sur les retards de paiement du salaire

La salariée sollicite la somme de 10 000 euros au titre de retards dans le versement de son salaire, les salaires de mai, juin, juillet et août 2018 n’ayant pas été réglés avant le 14 septembre 2018 et les salaires de septembre, octobre, novembre 2018 n’ayant pas été réglés avant le 8 janvier 2019.

L’employeur conclut au rejet de la demande alors que la salariée procédait elle-même au versement de ses salaires, que le compte bancaire permettait un paiement avant ces dates et que la salariée n’a pas alerté son employeur de difficultés de trésorerie. Il conclut à l’absence de mauvaise foi de l’employeur et à l’absence de préjudice indépendant du retard pour la salariée.

En l’espèce, aucune mauvaise foi de l’employeur n’est établie dans le règlement avec retard de plusieurs mois de salaire à la salariée en 2018, alors que cette dernière effectuait elle-même le règlement de ses salaires, qu’elle n’a pas alerté son employeur de difficultés de trésorerie avant fin 2018, date à laquelle le sujet a été résolu et que les salaires auraient pu être payés plus tôt au vu de la situation de l’association en matière de trésorerie.

En outre, la salariée ne caractérise pas de préjudice au titre du retard invoqué, ni de préjudice distinct du retard dans la perception de ses salaires.

Il convient, par conséquent, de débouter Mme [P] [O] de sa demande de dommages et intérêts au titre du retard de paiement du salaire.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l’indemnité d’occupation

Sur la prescription

L’employeur soulève, pour la première fois en cause d’appel, la prescription de la demande pour les créances antérieures à juillet 2015, en vertu de la prescription quinquennale.

La salariée ne conclut pas sur ce point.

L’action en paiement d’une indemnité au titre de l’occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles est soumise au délai de prescription de cinq ans.

En l’espèce, l’action ayant été introduite le 31 juillet 2020, l’action en paiement de l’indemnité d’occupation est prescrite pour les créances antérieures au 31 juillet 2015 en vertu de la prescription quinquennale.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation doit donc être accueillie pour les créances dues à une date antérieure au 31 juillet 2015.

Sur le fond

La salariée sollicite le règlement de l’indemnité d’occupation jusqu’au 31 décembre 2015, sur la base de 450 euros par mois.

L’employeur conclut au rejet de la demande, subsidiairement à sa limitation à la somme de 2 500 euros. Il indique qu’une annexe au contrat de travail prévoyait une clause d’indemnité d’occupation au titre des frais engagés mais qu’elle n’a pas été mise en oeuvre, à défaut de justification ou de réclamation.

En l’espèce, l’annexe au contrat de travail du 5 janvier 2010 prévoit que l’association ‘s’engage à dédommager, chaque mois, la salariée de l’association, Mme [P] [O], au titre des frais engagés pour utilisation de sa résidence personnelle pour son activité professionnelle.

Les frais englobent :

L’utilisation d’un bureau pour un montant forfaitaire de 450 euros.

Les frais téléphone pour l’activité professionnelle sur justificatifs.

Autres frais éventuels à lister’.

Il s’en déduit que l’employeur était contractuellement tenu de régler à la salariée les frais d’utilisation d’un bureau pour un montant forfaitaire de 450 euros à titre d’indemnité d’occupation, sans exigence de justificatifs.

L’association IGASS France doit donc être condamnée à payer à Mme [P] [O] une somme de 2 700 euros au titre de l’indemnité d’occupation de juillet à décembre 2015.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit : ‘[…] vous êtes notamment en charge d’assurer le soutien logistique (réservation d’hôtels, de billets et organisation des déplacements des invités) et la coordination des événements de l’association.

De même, vous avez pour responsabilité de gérer les quelques tâches administratives résiduelles de la structure française à savoir : la tenue des documents de l’association, le règlement de certaines charges sociales, et l’interlocution avec l’expert-comptable afin de lui remettre les documents afférents à sa mission.

Seule salariée de l’association en France, et bénéficiant de toute la confiance de la direction et du groupe, vous étiez titulaire des pouvoirs les plus étendus, notamment pour assurer tout virement utile.

Des éléments graves ont toutefois été portés à notre connaissance au cours du mois de janvier 2020, dans un cadre où notre expert-comptable signalait ne pas avoir été en mesure de clôturer les comptes 2018, tout en alertant d’un péril identique pour 2019.

Confirmés par une enquête menée par nos soins, il apparaît que ces faits rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail.

1. Virement d’une somme au profit de votre fils

Tel que mentionné ci-avant, les errements progressivement constatés ont rendu nécessaire de fixer un point spécifique à la réunion du Board le 19 janvier 2020 dernier à Copenhague, avec les membres du conseil d’administration d’IGASS international.

Cela pour réaliser avec vous et de visu, un point sur les comptes bancaires 2019 d’IGASS France.

Dans ce cadre, les membres du conseil ont constaté que, le 8 janvier 2019,1 virement de 450 € avait été réalisé depuis le compte de l’association vers le compte de M. [F] [O].

Interrogé sur ce point, vous avez alors reconnu devant les membres présents que ce dernier était votre fils.

Par la suite, vous avez confirmé être l’auteur de ce transfert dans un e-mail du 27 janvier, ainsi que lors de votre entretien préalable.

Vous avez relativisé ce virement en mettant en avant le remboursement de cette somme, intervenu un an plus tard ‘ le virement ayant été ordonné le 4 janvier 2020 et apparu sur le compte de l’association le 8 janvier 2020.

Un tel argument n’est nullement en mesure de rassurer la direction.

Et pour cause, la proximité de ce remboursement avec la réunion du conseil d’administration d’IGASS International tenue à Copenhague le 19 janvier 2020, ne rend absolument pas crédible une supposée « démarche spontanée » de votre part.

Il s’agit donc en définitive d’un détournement réalisé en 2019 pour des besoins strictement personnels, et qui présente une gravité indéniable regard de la confiance témoignée.

2. Virement à votre profit de salaires indus

Il vous est ensuite reproché de vous être versée des échéances de salaires non justifiés au cours des 12 derniers mois :

‘ deux salaires en plus en janvier 2019

‘ un salaire en plus en juillet 2019 (ce virement étant libellé avec la mention « URSSAF » alors qu’il ne couvrait nullement le paiement de cotisations)

‘ un salaire de plus en décembre 2019.

Vous avez reconnu vous être versé ces salaires indus sans pouvoir y apporter d’explications.

[…]

3. Location d’un box de stockage anormalement surdimensionné pour des besoins personnels

Nous avons été alertés de la location d’un box de stockage auprès de la société Shugard à [Localité 3] en janvier 2020 lors de la revue des comptes 2019.

De façon tout à fait surprenante, cette location de box n’est apparue clairement dans les comptes qu’à partir de février 2019’

Toujours est-il qu’au titre de l’année 2019, le montant de cette location atteint la somme de 8421€.

[…] Il résulte des factures communiquées par la société de stockage que le contrat de location a été souscrit par vos soins à titre personnel en 2015 mais que vous avez finalement décidé d’en faire assumer la charge de l’association à partir du mois de février 2019 à une époque où l’association n’avait plus de trésorier.

[…] A nouveau, il s’agit d’un véritable détournement de ressources, voir même de fonds de l’association, ceci à votre profit personnel et de nouveau dans un contexte de dissimulation.

4. D’importants prélèvements ont été réalisés au prétexte de votre activité en télétravail sans que les montants ne correspondent à un quelconque accord

Nous avons constaté que d’importants prélèvements avaient été réalisés sur le compte de l’association mentionnant laconiquement « frais de bureau ». Aucun justificatif n’a pourtant été apporté à l’appui de ces dépenses pourtant particulièrement élevées.

Ainsi et à ce jour, les prélèvements suivants et sur votre compte personnel, n’ont pas été justifiés par vous :

‘ 16 200 €(prélèvement fait le 15 mars 2019)

‘ 2 250 € (prélèvement fait le 29 avril 2019)

‘ 2 000 € (prélèvement fait le 13 août 2019 présenté comme des offices charges sur avril à août)

‘ 2 250 € (prélèvement fait le 22 novembre 2019 présenté comme des frais de bureau pour quatre mois soit 562 € par mois)

‘ 2 700 € (prélèvements le 18 décembre 2019)

Malgré plusieurs demandes en ce sens, ces 25 400 € ne nous ont pas été justifiés, même au stade de l’entretien préalable.

[…]

Vos contradictions et votre incapacité à pouvoir justifier le prélèvement de plus de 25 000 € pour votre propre compte est à tout le moins extrêmement préoccupant au vu des montants en jeu.

Il achève de traduire un nouveau détournement dissimulé, et cette fois massif des fonds de l’association.

5. De manière générale, de graves négligences s’agissant de la collecte et de la transmission des pièces justificatives des dépenses engagées par vos soins ont été constatées, ceci malgré les demandes répétées du cabinet d’expertise comptable

[…]

6. Les arriérés de paiement récurrent à l’URSSAF et au groupe Humanis

Nous avons constaté un important retard dans le paiement de diverses charges et notamment dans les règlements à faire à l’URSSAF et au groupe Humanis (organisme de retraite et de prévoyance choisi par l’association).

[…]

Ces différents éléments mettent en avant une négligence blâmable dans la tenue de l’administratif de la société mais également un cruel manque d’honnêteté et de probité.

Ceci alors que vous êtes cadre et que votre travail s’exerce en toute autonomie, depuis votre domicile, et que vous avez un accès complet aux comptes de l’association.

Ces diverses malversations et négligences ont irrémédiablement compromis la confiance que nous avions placée en vous depuis plusieurs années.

En outre, il est à noter que certains des agissements graves et intentionnels reportés pourraient revêtir une qualification pénale.

Votre poste impliquant intrinsèquement la manipulation de fonds, il ne nous est plus possible de vous maintenir à ce dernier.’

Sur la validité de la lettre de notification

La salariée soulève le défaut de validité de la lettre de licenciement, à défaut de décision du bureau de l’association autorisant le licenciement.

L’employeur fait valoir que la lettre de licenciement a été signée par le président de l’association, qui a conduit la procédure avec le secrétaire général de façon conforme, aucune délibération spécifique n’étant exigée, aucune irrégularité ne pouvant être reprochée à l’association.

Le licenciement doit être notifié au salarié par l’employeur.

Les statuts de l’association IGASS prévoient que le président ‘représente l’association dans tous les actes de la vie civile et possède tous les pouvoirs à l’effet de l’engager’, que le bureau est ‘investi des pouvoirs les plus étendus pour gérer et administrer l’association et autoriser tous les actes qui ne sont pas réservés à l’assemblée générale’.

En l’espèce, la lettre de licenciement est signée du président de l’association, qui composait le bureau avec le secrétaire général.

La procédure de licenciement a été menée par le président ainsi que par le secrétaire général de l’association, aucune délibération spécifique n’étant exigée, le président ayant le pouvoir de mener une telle procédure.

Par conséquent, le moyen tiré du défaut de validité de la lettre et de la procédure de licenciement doit être rejeté. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la prescription des faits fautifs

La salariée fait valoir que les faits invoqués dans la lettre de licenciement datent de plus de deux mois avant la convocation à l’entretien préalable à éventuel licenciement, qu’ils sont donc prescrits. Elle ajoute qu’elle a agi publiquement et que l’employeur avait accès aux comptes bancaires et avait les moyens de prendre connaissance des faits reprochés.

L’employeur conclut à l’absence de prescription des faits fautifs, le point de départ de la prescription remontant à février 2020, date à laquelle les comptes ont pu être attentivement consultés et les faits portés à sa connaissance dans toute leur étendue.

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

En l’espèce, l’employeur a eu connaissance des faits fautifs dans toute leur ampleur lorsque les comptes de l’année 2019 ont été préparés et mis à sa disposition, lors de l’analyse des comptes de l’exercice par l’expert-comptable en janvier 2020.

La salariée ayant été convoquée à entretien préalable à éventuel licenciement le 26 février 2020, les poursuites disciplinaires ont bien été engagées dans le délai de deux mois à compter de ce point de départ. Le moyen tiré de la prescription des faits fautifs doit donc être rejeté. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le fond

La salariée indique que l’employeur ne rapporte pas la preuve de l’intention de nuire et partant de la faute lourde. Elle considère que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse en l’absence de toute faute de sa part. Elle soutient que le véritable motif du licenciement est un motif économique, l’association ayant cessé son activité suite à son licenciement.

L’employeur fait valoir que les manquements et comportements reprochés à la salariée sont avérés et permettent de caractériser des violations à ses obligations contractuelles mais également son intention de nuire. A titre subsidiaire, il conclut à une requalification du licenciement en licenciement pour faute grave, et plus subsidiairement, en licenciement pour faute simple. Il conteste également le motif économique invoqué, lequel n’est pas fondé.

La disqualification de la faute lourde ne prive pas nécessairement le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour pouvant décider que les faits reprochés justifient un licenciement pour faute grave ou pour cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La preuve de la faute grave incombe à l’employeur.

La lettre de licenciement reproche en substance à la salariée les faits fautifs suivants :

un virement irrégulier en faveur de son fils,

des versements irréguliers de salaires à son profit,

la prise en charge par l’association d’une location de box à son profit,

des prélèvements indus au titre de ‘frais de bureaux’,

des négligences dans la collecte et la transmission des justificatifs à l’expert-comptable,

des arriérés récurrents à l’URSSAF et à Humanis.

Il convient d’apprécier la réalité des faits avant de vérifier s’ils constituent une faute lourde comme invoquée par l’employeur, ou grave ou encore une cause réelle et sérieuse de licenciement.

S’agissant du grief 1), l’employeur produit une lettre du 14 février 2020 de [R] [W], expert-comptable de l’association, outre un relevé bancaire de l’association, qui établissent que le fils de la salariée, ‘[F]’ [O], a perçu un virement de 450 euros le 8 janvier 2019 du compte de l’association. Un remboursement a eu lieu le 8 janvier 2020. Ainsi, le caractère fautif de ce fait est établi.

S’agissant du grief 2), l’employeur reproche à la salariée le versement injustifié et à son profit de deux mois de salaire en janvier 2019, d’un mois de salaire en juillet 2019, d’un mois de salaire en décembre 2019. L’employeur a toutefois reconnu des règlements avec retard de salaires pour l’année 2018 en janvier 2019 et ne produit pas d’éléments comptables rigoureux permettant d’établir que la salariée s’est versée plusieurs mois de salaire indus sur l’année 2019, cette dernière invoquant un remboursement de frais, outre les retards dans le paiement de son salaire. Ce grief ne peut donc être retenu.

S’agissant du grief 3), l’employeur produit la lettre de l’expert-comptable retenant des versements pour un total de 8 421,6 euros en 2019 à l’entreprise Shurgard et un contrat de souscription de box du 6 juillet 2007 auprès de l’entreprise Shurgard France au nom de Mme [P] [O] d’une surface de 18 mètres carrés situé à [Localité 2], pour un montant de 219,9 euros mensuel. Cependant, il ressort des pièces produites par la salariée et d’une discussion avec le président de l’association retranscrite par constat d’huissier du 26 février 2020 de Maître [K] [N], que le box servait effectivement de lieu de stockage pour les archives de l’association et que le coût de la location de ce box a été assumé par l’association depuis 2018. Il n’en résulte pas que la salariée a indûment fait prendre en charge un box utilisé pour ses besoins personnels. Ce grief doit donc être écarté.

S’agissant du grief 4), l’employeur produit la lettre de l’expert-comptable notant des versements au bénéfice de la salariée au titre de ‘frais de bureau’ pour les sommes suivantes : 16 200 euros le 15/3/2019, 2 250 euros le 29/04/2019, 2 000 euros le 13/08/2019, 2 250 euros le 22/11/2019, 2 700 euros le 18/12/2019, soit un montant total de 25 400 euros, la salariée reconnaissant ces versements mais indiquant qu’il s’agissait de remboursement de frais, notamment de frais d’hôtel et de bouche des chirurgiens pour plus de 15 000 euros et de frais d’utilisation d’un bureau. Toutefois, l’intitulé ‘frais de bureau’ n’est pas cohérent avec les explications fournies par la salariée au titre des remboursements de frais pour les chirurgiens et les sommes réglées sont sans commune mesure avec le montant forfaitaire mensuel prévu au contrat de travail de 450 euros par mois pour l’utilisation d’un bureau. Ce grief est donc établi.

Le grief 5) résulte des constatations de l’expert-comptable qui dénonce un manque de rigueur dans la collecte et la transmission des justificatifs indispensables à l’établissement et la justification des comptes de l’association. Il est donc établi.

Le grief 6) ne peut être imputé en l’état à la salariée, à défaut d’analyse précise de la situation de trésorerie de l’association et du motif des différents retards de règlements invoqués. Il doit donc être écarté.

Les griefs 1) 4) 5) ne permettent pas de caractériser de faute lourde à l’encontre de la salariée, faute d’intention de nuire invoquée et caractérisée, ils permettent toutefois de lui imputer une faute qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail.

Par conséquent, le licenciement de la salariée est fondé sur une faute grave.

La salariée doit donc être déboutée de ses demandes subséquentes en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de préavis, indemnité de licenciement. Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

Sur la demande au titre de la responsabilité pécuniaire du salarié

L’employeur sollicite le paiement de la somme de 47 361,6 euros à titre de dommages et intérêts pour responsabilité pécuniaire de la salariée, au titre des salaires indûment versés pour 12 340 euros, de la location d’un box personnel en 2019 pour 8 421,6 euros, de la location d’un box personnel en 2020 pour 1 200 euros et de divers versements non justifiés pour 25 400 euros.

La salariée ne conclut pas sur ce point.

En l’espèce, la responsabilité pécuniaire de la salariée ne peut être engagée à défaut de faute lourde caractérisée.

La demande de dommages et intérêts formée par l’association sur ce fondement sera donc rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l’amende civile

L’employeur sollicite la condamnation de la salariée au paiement d’une amende civile d’un montant de 3 000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile.

La salariée ne conclut pas sur ce point.

L’action engagée par Mme [P] [O] n’est ni dilatoire, ni abusive. La demande de l’association IGASS en condamnation à une amende civile doit être rejetée, celle-ci n’étant pas justifiée.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts

L’employeur sollicite, pour la première fois en cause d’appel, la condamnation de la salariée au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La demande de l’association IGASS doit être rejetée, faute de fondement allégué et établi à l’appui de cette demande.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

L’association IGASS France succombant partiellement à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d’appel. Elle devra régler à Mme [P] [O] une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a :

– dit que le licenciement de Mme [G] [P] [O] est fondé sur une faute lourde,

– débouté Mme [G] [P] [O] de sa demande d’indemnité d’occupation,

– débouté Mme [G] [P] [O] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé à la charge de Mme [G] [P] [O] les dépens éventuels,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de Mme [G] [P] [O] est fondé sur une faute grave,

Accueille la fin de non-recevoir soulevée par l’association International Group for Advancement in Spinal Science France tirée de la prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation pour les créances dues à une date antérieure au 31 juillet 2015,

Condamne l’association International Group for Advancement in Spinal Science France à payer à Mme [G] [P] [O] une somme de 2 700 euros au titre de l’indemnité d’occupation de juillet à décembre 2015,

Déboute l’association International Group for Advancement in Spinal Science France de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne l’association International Group for Advancement in Spinal Science France aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne l’association International Group for Advancement in Spinal Science France à payer à Mme [G] [P] [O] une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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