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2 mai 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/02015
C4
N° RG 21/02015
N° Portalis DBVM-V-B7F-K3KL
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 02 MAI 2023
Appel d’une décision (N° RG F 19/00385)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VIENNE
en date du 02 mars 2021
suivant déclaration d’appel du 30 avril 2021
APPELANT :
Monsieur [S] [W]
né le 01 Novembre 1946 à ALGERIE
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 1]
représenté par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Géraldine BOEUF de la SELARL SELARL LEGI AVOCATS SOCIAL, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON, substituée par Me Natacha RODRIGUEZ, avocat au barreau de LYON,
INTIMES :
Monsieur [F] [W]
né le 01 Septembre 1976 à [Localité 7] (69)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
n’a pas constitué avocat ni défenseur syndical, a qui la déclaration d’appel a été signifiée à étude le 28 juillet 2021,
S.A.S. SHCB agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Laurence COHEN, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON, substitué par Me Magali PROVENCAL, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,
Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
Assistées lors des débats de Mme Mériem CASTE-BELKADI, en présence de Mme [J] [L], Greffière stagiaire,
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 mars 2023,
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
Exposé du litige :
M. [S] [W] a été engagé en qualité de responsable culinaire dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2010 par la SAS SHCB.
M. [S] [W] a été convoqué à un entretien préalable en date du 23 août 2018, en vue d’une mise à la retraite le 4 septembre 2018.
M. [S] [W] ne s’est pas rendu à cet entretien.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 7 septembre 2018, M. [S] [W] a été mis à la retraite par la SAS SHCB.
M. [S] [W] a saisi le Conseil de prud’hommes de Vienne, en date du 18 décembre 2019 aux fins d’obtention de diverses indemnités.
Par jugement du 2 mars 2021, le Conseil des prud’hommes de Vienne, a :
– Dit l’intervention volontaire de M. [F] [W] à l’instance, recevable,
– Jugé que M. [S] [W] n’était pas lié à la SAS SHCB par un contrat de travail et que le Conseil ne dispose d’aucun pouvoir juridictionnel pour statuer sur la convention qui lie la SAS SHCB et M. [S] [W],
– Débouté M. [S] [W] de l’intégralité de ses demandes, comprenant celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné M. [S] [W] à verser à la SAS SHCB la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné M. [S] [W] aux entiers dépens de l’instance.
La décision a été notifiée aux parties et M. [S] [W] en a interjeté appel.
Par conclusions du 27 avril 2022, M. [S] [W] demande à la cour d’appel de :
Infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Vienne en ce qu’il a :
Accueilli la demande d’intervention volontaire de M. [F] [W],
Dit que M. [S] [W] n’était pas lié à la SAS SHCB par un contrat de travail,
Débouté M. [S] [W] de l’intégralité de ses demandes,
Condamné M. [S] [W] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance,
Statuant à nouveau,
Rejeter l’intervention volontaire formée par M. [F] [W], laquelle est irrecevable,
Condamner la Société SHCB à lui verser :
La somme de 5 177,87 euros bruts à titre de rappels de salaire sur préavis, outre 517,78 euros bruts à titre de congés payés y afférents,
La somme de 7 651,83 euros bruts à titre de rappels de salaire sur la période allant du 5 octobre au 8 décembre 2018, outre 765,18 euros bruts à titre de congés payés y afférents,
La somme de 300 000 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de rupture, et subsidiairement, à la somme de 20 326,93 euros à titre d’indemnité de mise à la retraite,
La somme de 12 495,09 euros à titre de remboursement de frais,
– Ordonner la délivrance des bulletins de paie et documents de fin de contrat, ainsi que du règlement du solde de tout compte, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d’un délai de 8 jours postérieurement au jugement à intervenir, la cour se réservant le droit de procéder à la liquidation de l’astreinte,
– Condamner la Société SHCB au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Juger que dans l’hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenu par l’huissier par application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 (tarif des huissiers) devront être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la Société SHCB aux entiers dépens,
– Condamner la Société SHCB à payer la somme due au principal avec intérêt de droit à compter de la demande en justice et jusqu’au parfait paiement,
– Juger que les intérêts sont capitalisés par année entière conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil.
Par conclusions en réponse du 26 octobre 2021, la Société SHCB demande à la cour d’appel de :
– A titre principal,
– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– Débouter en conséquence M. [S] [W] de l’intégralité des demandes qu’il formule,
– Condamner M. [S] [W] à la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [S] [W] aux entiers dépens de l’instance,
– A titre subsidiaire,
– Juger que la clause contractuelle de rupture prévoyant le versement d’une indemnité de 300 000 euros est une clause comminatoire faisant obstacle au droit de la société SHCB de mettre fin au contrat de travail,
– Annuler en conséquence purement et simplement ladite clause et débouter M. [S] [W] de sa demande,
– A titre subsidiaire, limiter le montant de l’indemnité à 20 050,63 euros,
– Dire et juger que M. [S] [W] n’a jamais exécuté ni eu l’intention d’exécuter son préavis,
– Le débouter des demandes qu’il formule à ce titre,
– Dire et juger que M. [S] [W] n’apporte pas la preuve de la réalité et a fortiori du montant des frais professionnels qu’il prétend avoir exposés pour le compte de la société SHCB,
– Débouter, de ce fait, M. [W] de l’intégralité des demandes formulées à ce titre.
M. [F] [W] n’a pas constitué avocat
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur l’intervention volontaire de M. [W] [F] :
Moyens des parties,
M. [S] [W] soutient que l’intervention volontaire de M. [F] [W] est irrecevable en ce que :
– M. [F] [W] n’a pas justifié du moindre intérêt à agir dans le cadre de l’instance opposant M. [S] [W] à la société SHCB, ni dans le cadre de sa correspondance initiale, ni dans ses écritures ultérieures,
– M. [F] [W] n’est pas l’employeur de M. [S] [W] et n’a donc aucun intérêt à agir dans une procédure visant à statuer sur la rupture du contrat de travail de M. [S] [W] à l’égard de la société SHCB,
– Le litige opposant M. [S] [W] à la Société SHCB n’a aucune incidence sur les droits personnels de M. [F] [W].
La société SHCB n’est pas opposée à l’intervention volontaire dans la cause de M. [F] [W], président de la société SO.GE.HO, elle-même présidente de la SAS SHCB, et s’en rapporte à la cour d’appel.
M. [F] [W] n’a pas constitué avocat ni conclu dans la présente instance.
Sur ce,
Selon l’article 325 du code de procédure civile, l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
Selon l’article 328 du code de procédure civile, l’intervention volontaire est principale ou accessoire.
Selon l’article 329 du même code, l’intervention est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention.
Enfin, selon l’article 330, l’intervention est accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.
L’intervenant à titre accessoire peut se désister unilatéralement de son intervention.
La cour d’appel constate que M. [F] [W], qui n’a pas constitué avocat, ne présente en conséquence aucun moyen au soutien de sa demande d’intervention volontaire visant à démontrer que son intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant, et ne formule par ailleurs aucune prétention à son profit, ne développe aucune argumentation appuyant les prétentions de la SAS SHCB, et ne démontre pas qu’il a intérêt à soutenir la SAS SHCB pour la conservation de ses droits.
Au surplus, il doit être relevé que la seule qualité de représentant légal d’une société, elle-même présidente d’une société partie à une instance ne suffit pas, à elle seule, à établir l’intérêt d’une personne physique à intervenir volontairement à une instance opposant une personne se prévalant de la qualité de salariée à cette seconde société.
Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande d’intervention volontaire de M. [F] [W] de la présente instance, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur l’existence d’une relation de travail entre M. [S] [W] et la société SHCB et la compétence de la juridiction prud’homale :
Moyens des parties,
M. [S] [W] soutient qu’il existait bien une relation de travail salariée entre la société SHCB et lui-même et sollicite, à ce titre, une indemnité contractuelle de rupture, une indemnité de préavis et le remboursement de frais professionnels. A ce titre, il expose que :
– Le 1er février 2010, la Société SHCB, représentée par M. [F] [W], lui a présenté un « contrat de travail à durée indéterminée » pour occuper un poste de « Conseiller culinaire », sans aucune période d’essai,
– II ressort de la seule lecture du contrat de travail du 1er février 2010 que les parties ont toujours entendu se placer dans le cadre d’une relation de travail salariée,
– La volonté de la société de se placer dans le cadre d’une relation de travail salariée a été réaffirmée lors de la signature de la convention du 4 juin 2010,
– La relation de travail a été exécutée pendant près de huit ans, sans la moindre difficulté, des bulletins de paie étant établis chaque mois,
– La relation de travail a été rompue selon les règles propres au contrat de travail par la notification d’une mise à la retraite à l’initiative de la société SHCB,
– La société SHCB ne rapporte pas la preuve du caractère fictif de son emploi,
– Il représentait la société SHCB auprès du SNERS.
La société soutient pour sa part que le contrat de travail n’a jamais été exécuté et qu’il n’a par conséquent aucune existence juridique.
Sur ce,
Selon les dispositions de l’article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants et les salariés qu’ils emploient.
Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.
L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leurs conventions, mais se caractérise par les conditions de faits dans lesquelles s’exerce l’activité professionnelle.
Il résulte des dispositions de l’article 1779 du code civil que le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération.
Ainsi la qualification de contrat de travail suppose réunis trois critères : une rémunération, une prestation de travail et un lien de subordination.
En application de l’article L. 1221-1 du code du travail, ce lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pourvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné.
Par ailleurs, il appartient à la partie qui entend se prévaloir de l’existence d’un contrat de travail de rapporter la preuve de son existence et de son exécution.
En présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve.
M. [S] [W] verse aux débats un contrat de travail à durée indéterminée du daté du 1er février 2010 par lequel il a été embauché à compter de cette date par la SAS SHCB en qualité de responsable culinaire, les parties ayant prévu que le salarié percevrait une rémunération forfaitaire mensuelle brute de 6 800 euros pour 163,58 heures de travail par mois, outre une prime de fin d’année appelée prime de « 13e mois ».
Il doit être constaté que ce contrat a été signé par M. [S] [W] et qu’il porte également la signature de « M. [W] pour la société SHCB ».
La SAS SHCB ne conteste pas l’authenticité de ce contrat de travail.
En outre, M. [S] [W] produit des bulletins de paie à son nom et à celui de la SAS SHCB pour une partie de l’année 2017 et de l’année 2018, desquels il ressort que M. [S] [W] percevait chaque mois la rémunération forfaitaire de 6 800 euros prévue par le contrat susvisé.
Ces éléments sont suffisants pour retenir l’existence d’un contrat de travail apparent, la cour d’appel relevant que l’employeur ne conteste pas l’existence d’un contrat de travail apparent dans ses écritures, mais soutient que celui-ci est fictif. Dès lors, il incombe à la SAS SHCB, qui invoque le caractère fictif de la relation de travail, d’en faire la démonstration.
Il ressort de plusieurs attestations versées aux débats par la SAS SHCB que M. [S] [W] ne s’est manifestement jamais rendu dans les locaux de la société situé à [Localité 4], lieu d’exercice de son travail comme le prévoit le contrat de travail susvisé.
Ainsi, dans une attestation du 6 octobre 2020, Mme [H], responsable comptable, indique que depuis son entrée dans les effectifs de la société en 2009, elle n’a jamais reçu aucune demande de M. [S] [W], n’a jamais travaillé avec lui, que celui-ci n’est jamais venu travailler dans les locaux de la société à [Localité 4], et qu’il n’avait aucun bureau dans ses locaux.
Ces éléments sont confirmés par Mme [G], comptable, dans une attestation du même jour, qui indique qu’elle n’a jamais vu M. [S] [W] travailler dans les locaux de la société depuis 2010.
Si M. [S] [W] allègue dans ses écritures qu’il n’avait aucune raison de travailler en lien avec le service comptable, et notamment Mme [H] et Mme [G], eu égard à ses fonctions de responsable culinaire, il ne fournit aucune explication permettant de convaincre la cour d’appel des raisons pour lesquelles celles-ci ne l’auraient jamais rencontré dans les locaux de l’entreprise durant tout le temps de la relation de travail, le fait qu’il ait pu exercer l’ensemble de ses fonctions en télétravail avec l’accord de la SAS SHCB, comme il le soutient dans ses écritures sans en justifier, n’expliquant pas qu’il n’ait pas, compte tenu de son niveau de responsabilité et de la rémunération qu’il percevait en contrepartie, à se rendre, au moins épisodiquement, dans les locaux de la société.
Il doit être relevé par ailleurs qu’il ressort du procès-verbal de constat d’huissier du 1er octobre 2018 sollicité par M. [S] [W] lui-même, que’ilne détenait aucun badge d’accès à ces locaux et aucun bureau sur place avant cette date, confortant ainsi les allégations de l’employeur selon lesquelles celui-ci ne fournissait aucune prestation de travail effective et ne rendait compte à personne du travail qu’il prétendait effectuer pour le compte de la société.
En outre, dans une attestation du 12 novembre 2020, M. [C], responsable matière première, salarié de la société depuis 2010 et a occupé les fonctions de directeur d’exploitation des cuisines centrales de [Localité 4], puis de [Localité 8], puis chef de secteur en supervision de plusieurs établissements, indique n’avoir jamais eu « l’occasion de rencontrer, de travail ou de recevoir des notes ou documents de Monsieur [W] [S] ».
Or, M. [S] [W] ne fournit aucune explication permettant d’expliquer pour quelles raisons, eu égard à ses fonctions, il n’a jamais été amené à entrer en contact professionnellement, d’une manière ou d’une autre, avec M. [C].
M. [S] [W] ne fournit pas plus d’explication sur son absence de contact professionnel avec M. [V], aujourd’hui directeur d’exploitation, qui, dans une attestation du 13 novembre 2020, indique que « depuis la reprise de la société SHCB en 2010, (il) n’a jamais revu ou contact Mr [S] [W]. Que ce soit sur les cuisines dont (il a) été le responsable ou les établissements de restauration sur place qu'(il) a gérer (sic) », ce même salarié indiquant par ailleurs dans la même attestation que « durant (ses) fonctions de directeur des exploitations du groupe SHCB de février 2017 à septembre 2019, (son) bureau était basé sur le siège de la société (‘) à [Localité 4], (il n’a), à aucun moment, vu ou aperçu Mr [S] [W] dans les locaux de la société ».
M. [S] [W] ne contredit pas ces attestations et ne fournit aucune explication, M. [C] et M. [V], exerçant pourtant respectivement les fonctions de directeur d’exploitation des cuisines centrales de [Localité 4] et de responsable de cuisines ou d’établissements, manifestement en lien avec ses fonctions de responsable culinaire.
Si M. [S] [W] soutient qu’il ne peut se déduire du fait que ces différentes personnes soutiennent ne pas avoir travaillé avec lui, qu’il n’exerçait aucun travail effectif dans la société, il doit être constaté que M. [S] [W] ne fournit le nom d’aucun salarié de l’entreprise, notamment dont le lieu de travail était situé dans les locaux de la société à [Localité 4], avec lequel il aurait eu à travailler régulièrement même sans contact physique, et ne produit pas non plus d’attestation d’un salarié de l’entreprise en ce sens.
Enfin, la SAS SHCB produit une attestation du 26 avril 2019 de M. [B], directeur de la SAS SHCB, dans laquelle il indique que :
Il est entré dans le groupe SHCB en septembre 2008, et qu’il est directeur général de la SAS SHCB et de la SAS SHCB Gestion depuis le 30 mars 2015,
Le contrat de travail de M. [S] [W] a été signé par M. [F] [W], président et propriétaire de l’ensemble du groupe SHCB et par ailleurs fils de M. [S] [W], qu’il n’a eu connaissance des termes de ce contrat que lorsque la mise à la retraite de M. [S] [W] a été évoquée, et que la gestion du contrat et de la rémunération de M. [S] [W] incombait directement à M. [F] [W],
M. [S] [W] n’a « jamais réalisé la moindre activité suite à une demande de (sa) part ou de l’un des services (qu’il) gère pour le groupe SHCB », que M. [S] [W] « n’a jamais fourni la moindre prestation, ni sur site ni ailleurs ».
Si M. [S] [W] soutient qu’il n’est pas en mesure de fournir des preuves des échanges qu’il aurait eu avec les différents salariés de la SAS SHCB (courriels notamment), dont la direction, en raison de la restitution de « l’ensemble des documents et matériels de travail en sa possession », ce que la SAS SHCB ne conteste pas formellement dans ses conclusions, la cour d’appel relève que M. [S] [W] reste extrêmement imprécis, voire totalement taisant, d’une part, sur le matériel qui aurait mis à sa disposition, d’autre part, sur l’organisation concrète de son travail, ne fournissant aucun détail des différentes tâches qu’il était amené à effectuer chaque jour (aucun détail des différents projets ou missions qui auraient pu lui être confiés durant la relation contractuel n’est mentionné dans les écritures du salarié), des personnes avec lesquelles il était amené à travailler, n’indiquant pas de qui il recevait ses directives de travail, et qui contrôlait sa bonne exécution, et ne produisant enfin pas un seul élément objectif permettant de contredire les déclarations contenues dans les attestations précises produites par l’employeur, dont celle du directeur, M. [B].
Les deux attestations de M. [N], président de la société [K] [N], LE TRAITEUR INTRAITABLE, et du frère de l’intéressé, M. [A] [W], tous deux extérieurs à la société, sont dépourvues de tout effet probant quant à l’effectivité d’une prestation de travail et d’un lien de subordination.
Or, il doit être relevé que les tâches et fonctions dévolues au salarié sont précisément définies dans le contrat de travail du 1er février 2010, à savoir :
La proposition de plats et de menus en relation avec la politique de la société et les besoins énoncés aux différents cahiers des charges de la clientèle,
La proposition d’animations culinaires en adéquation avec la politique de la société,
Ses conseils et sa participation éventuelle dans la confection des plats en fonction des besoins de la production,
Le suivi du respect des procédures,
La représentation de la société auprès du SNERS,
Le souci permanent de l’image de marque de la société sur le site de production à travers son organisation générale,
Et d’une manière générale, tous les actes relevant directement ou directement de la fonction confiée.
M. [S] [W] justifie de la réalité du travail de représentation auprès du SNERS par la production d’une attestation de M. [T], agissant en qualité de Président du Syndicat National des Entreprise de Restauration et Services (SNERS), dans laquelle celui-ci indique que M. [S] [W] « a occupé les fonctions d’administrateur au sein du Conseil d’administration du SNERS durant la période 2009-2013 » et qu’il était présent aux réunions du conseil d’administration pour les années 2009 à 2012 (entre une et quatre réunions par an), et au réunions des assemblées générales (une par an) des années 2009 à 2012.
Toutefois, l’attestation de M. [P] justifiant de la représentation la SAS SHCB par M. [S] [W] auprès du SNERS par la participation à quelques réunions de ce syndicat, dont aucune n’a eu lieu après l’année 2012, n’est pas suffisante, eu égard à la durée de la relation contractuelle de huit années qui a pris fin en 2010 et aux fonctions substantielles incombant à M. [S] [W] pour lesquelles il ne produit aucun élément démontrant leur réalisation (proposition de plats, proposition d’animations culinaires, conseils et sa participation éventuelle dans la confection des plats, suivi du respect des procédures) pour établir l’existence d’une prestation de travail effective et d’un lien de subordination avec la SAS SHCB.
Le fait que le salarié ait obtenu le remboursement de notes de frais ne constitue pas un élément probant permettant de démontrer l’existence d’une prestation de travail, dès lors que le salarié n’apporte aucune explication sur les différents éléments justifiant le remboursement de ces frais qu’il verse aux débats (factures de restaurants, notes d’essence) permettant de convaincre la cour d’appel que les frais en question étaient bien en lien avec l’exercice de ses fonctions et dans l’intérêt de la société.
M. [S] [W] ne peut exciper du fait que la SAS SHCB serait seule à l’origine du caractère fictif de la relation de travail, alors que M. [S] [W] avait manifestement également un intérêt à ce qu’un contrat de travail fictif soit conclu dans le cadre de la cession de ses sociétés à ses fils.
En effet, il doit être relevé que la convention du 4 juin 2010 conclue entre M. [S] [W] et M. [F] [W], par laquelle M. [F] [W] a reconnu qu’il devait à M. [S] [W] la somme de deux millions d’euros, prévoit que :
« les parties rappellent que la société SHCB a conclu, le 1er février 2010, avec Monsieur [S] [W] un contrat de travail à durée indéterminée.
D’un commun accord entre elles, les parties conviennent que ledit contrat de travail a vocation à rester en vigueur jusqu’à la date de mise en ‘uvre de la présente convention et au paiement des sommes ci-après prévues.
L’article 13 ‘ Rupture du contrat prévoit notamment à la charge de la société SHCB le versement d’une indemnité de rupture de licenciement d’un montant de 300 000 euros.
Monsieur [S] [W] reconnaît expressément que le contrat de travail qui le lie à la société SHCB ainsi que l’indemnité de prévue par ledit contrat de travail seront devenus sans objet dès lors que par l’application des dispositions du présent protocole Monsieur [S] [W] venait à percevoir les sommes prévues ci-après et ce, quelque que (sic) soit le motif ou les causes de rupture du contrat de travail.
En garantie du respect du présent accord, Monsieur [S] [W] s’engage à donner sa démission à la société SHCB dans demande d’indemnité selon les modalités prévues à l’article 5 ci-après ».
L’article 5 de la convention prévoit quant à lui que « le paiement des sommes dues à Monsieur [S] [W] au titre des présentes est subordonné à sa démission concomitante et inconditionnelle des fonctions salariées qu’il exerce au sein de la société SHCB. Cette démission qui prendra effet à la date du versement des sommes qui seront dues à Monsieur [S] [W] au titre de la présente convention ne devra être assortie d’aucune demande d’indemnisation de quelque nature que ce soit.
Toute somme qui viendrait à être versée par la société SHCB au-delà des sommes dues au titre du préavis et des congés payés sera ainsi déduites des sommes dues à Monsieur [S] [W] au titre des présentes ».
Ces dispositions, prises avec les éléments produits par la SAS SHCB démontrant l’absence de prestation de travail et de tout lien de subordination, établissent que la conclusion du contrat de travail du 1er février 2010 est intervenu dans le cadre d’un accord entre M. [S] [W] et ses fils, M. [F] [W] et M. [R] [W], s’agissant du transfert des actions détenues par celui-ci à M. [F] [W] et de la sauvegarde des intérêts économiques de M. [S] [W], indépendamment de toute relation de travail.
Eu égard à l’ensemble de ces constatations, il y a lieu de retenir que la SAS SHCB démontre le caractère fictif du contrat de travail du 1er février 2010.
En conséquence, il y a lieu de déclarer la juridiction prud’homale incompétente pour connaître de l’ensemble des différentes demandes de M. [S] [W] fondées sur le contrat de travail du 1er février 2010, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement et par défaut, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
DIT qu’il y a lieu de transmettre la présente décision au procureur de la République sur le fondement des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale,
JUGE qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
CONDAMNE M. [S] [W] aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,