Télétravail : 19 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/07932

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Télétravail : 19 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/07932
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19 avril 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
19/07932

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 19 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/07932 – N° Portalis DBVK-V-B7D-ONWB

ARRET N°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 NOVEMBRE 2019

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG 18/00064

APPELANTES :

S.A.S COMPASS GROUP FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Yann GARRIGUE, substitué par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocats au barreau de MONTPELLIER,

S.A.S EUREST SPORTS ET LOISIRS

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Yann GARRIGUE, substitué par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocats au barreau de MONTPELLIER,

INTIMEES :

Madame [W] [V]

née le 18 Novembre 1970 à [Localité 8] (17)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Hervé Charles BERNARD STENTO de l’AARPI JURICAP, avocat au barreau de MONTPELLIER

SAS ELIOR SERVICES ET SANTE

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Bénédicte SAUVEBOIS PICON de la SELARL CABINET D’AVOCATS SAUVEBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Aurélie EPRON de la SELARL BLB ET ASSOCIÉS AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant, substituée par Me Zoé RENAUDIN, avocat au barreau de TOULOUSE

Ordonnance de clôture du 02 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 29 octobre 2009, Mme [W] [V] a été engagée à temps complet par la SA Services et Santé Elior en qualité de responsable de site, agent de maîtrise de la convention collective nationale de la restauration rapide et affectée au CRLC [9] à [Localité 7], moyennant une rémunération mensuelle brut de 1 800 €.

Le 30 mai 2013, la salariée a été victime d’un accident du travail, reconnu comme tel par la Caisse primaire d’assurance maladie.

Elle a été placée à cette même date en arrêt de travail et ne devait pas reprendre son poste de travail.

Le 13 janvier 2014, à la suite de la perte du marché, le contrat de travail de la salariée a fait l’objet d’un transfert au profit de la SAS Eurest Sports et Loisirs, filiale du groupe Compass.

Par avis des 6 et 22 juillet 2016, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte au poste, précisant « Capacités restantes : pourrait occuper un poste administratif ou de télétravail ».

Par lettre du 2 septembre 2016, l’employeur a demandé à la salariée de lui faire part de ses souhaits de reclassement (étranger, France seulement, secteur géographique en France) et lui a adressé un formulaire d’aide au maintien dans l’emploi.

Par lettres séparées du 4 octobre 2016, l’employeur a d’une part, proposé à la salariée 15 postes aux fins de reclassement et d’autre part, précisé qu’aucun poste correspondant aux préconisations médicales du médecin du travail ne se trouvait dans la zone de mobilité géographique spécifiée par elle.

Par lettre du 28 octobre 2016, l’employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement, fixé le 10 novembre 2016.

Par lettre du 17 novembre 2016, il lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête du 22 mars 2017, la salariée a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Montpellier aux fins de :

– condamnation solidaire des SAS Compass Groupe France, Eurest Sport et Loisirs et Elior Service et Santé à lui payer diverses sommes au titre du compte épargne-temps, du complément de salaire maladie, du treizième mois et des indemnités de rupture,

– rectification des bulletins de salaire et documents de fin de contrat sous astreinte.

Par ordonnance du 13 juillet 2017, la formation de référé a mis hors de cause les SAS Compass Groupe France et Elior Service et Santé, a retenu l’existence de contestations sérieuses, s’est déclaré incompétente et a renvoyé les parties à se pourvoir au fond, laissant à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Par requête du 23 janvier 2018, estimant qu’une situation de co-emploi était établie, que des sommes lui étaient dues tant au titre de l’exécution du contrat de travail que de la rupture de celui-ci, la salariée a saisi au fond le conseil de prud’hommes de Montpellier.

Par jugement du 27 novembre 2019, le conseil de prud’hommes a : 

– dit que l’immixtion de la SAS Compass Group France dans la gestion sociale de la SAS Eurest Sports et Loisirs était incontestable,

– mis hors de cause la SAS Elior Services et Santé,

– dit que la consultation des délégués du personnel était irrégulière,

– dit que le licenciement de Mme [W] [V] était sans cause réelle et sérieuse,

– condamné in solidum les SAS Eurest Sports et Loisirs et Compass Group France à payer à Mme [W] [V] les sommes suivantes :

* 2 797,59 € au titre de l’indemnité de licenciement doublée,

* 3 780,58 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 22 683,48 € au titre des dispositions d el’article L 1226-15 du Code du travail,

* 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– ordonné la délivrance d’une attestation pôle emploi conforme sur la base d’un salaire brut de 1 890,29 €,

– ordonné la délivrance d’un certificat de travail avec la date du 29 octobre 2009 comme date d’entrée,

– débouté Mme [W] [V] du surplus de ses demandes,

– débouté les sociétés Eurest Sports et Loisirs, Compass Group France et la SAS Elior Services et Santé de leur demande présentée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné in solidum les sociétés Eurest Sports et Loisirs et Compass Group France aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 10 décembre 2019, la salariée a régulièrement interjeté appel de ce jugement notifié le 3 décembre 2019.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 24 juillet 2020, les SAS Compass Group France et Eurest Sports & Loisirs demande à la Cour :

– d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [V] de ses demandes au titre des indemnités compensatrices de congés payés, du compte épargne-temps, du treizieme mois, des compléments de salaire, du défaut de pouvoir de licencier de Mme [X] ;

– de dire et juger que la SAS Compass Group France n’a jamais été l’employeur de Mme [W] [V] et la mettre hors de cause ;

– de débouter Mme [W] [V] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la SAS Compass Group France ;

– de dire et juger que le signataire de la lettre de licenciement avait tout pouvoir pour se faire et de débouter Mme [W] [V] de sa demande de production de pièce à ce titre, de l’ensemble de ses demandes liées au pouvoir du signataire de la lettre de licenciement ;

– de dire et juger que son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est parfaitement fondé et justifié et la débouter de l’ensemble de ses demandes à ce titre, ainsi que de toutes ses autres demandes ;

En tout état de cause, de la débouter de l’ensemble de ses demandes ;

– de la condamner au versement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 16 juin 2020, Mme [W] [V] demande à la Cour de

– confirmer le jugement en ce qu’il a constaté l’absence totale de mention de salaires sur l’attestation destinée à Pôle emploi et dire et juger que celle-ci doit comporter les mentions des salaires effectivement perçus dans les trois derniers mois outre le salaire brut reconstitué sur la base de 1890,29 € par mois ;

Y ajoutant, de :

– dire n’y avoir lieu à ordonner la rectification de l’attestation Pôle emploi sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter du 15 ème jour suivant le prononcé de la décision à intervenir,

– condamner Compass Group France à payer la somme d’un mois de salaire brut soit 1 890,29 € au titre de la tardiveté de la remise de l’attestation Pôle emploi, préjudiciable à l’indemnisation de sa période de chômage ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a constaté l’absence de mention de l’ancienneté acquise depuis sa première affectation au site de restauration du Centre Hospitalier de [9] à [Localité 7] ;

Y ajoutant, de :

– dire n’y avoir lieu à ordonner la rectification du certificat de travail sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter du 15 ème jour suivant le prononcé de la décision à intervenir ;

– dire et juger que les dispositions de l’article L.1226-6 du Code du travail ne sont pas applicables en cas de transfert du contrat de travail, en conséquence confirmer le jugement en ce qu’il a condamné les sociétés à lui payer solidairement les sommes au titre des indemnités de rupture, du compte épargne-temps, du 13è mois de salaire et du complément de salaire maladie 2014 ;

– réformer le jugement sur le défaut de pouvoir pour procéder au licenciement ;

– ordonner la production par la défenderesse du pouvoir de [S] [X] responsable ressources humaines Midi-Pyrénées du groupe Compass Groupe France et dire qu’à défaut de production d’une délégation de pouvoirs régulière en la forme et ayant date certaine, la salariée [S] [X] n’a ni qualité ni pouvoir pour procéder à son licenciement ;

– dire et juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner Compass Group France et Eurest Sports et Loisirs in solidum à lui payer la somme de 22.683,48 € à titre de dommages et intérêts ;

– constater que le procès-verbal de la prétendue consultation des délégués du personnel ne comportait que la signature de la responsable des ressources humaines, [S] [X]  et ordonner la production d’un procès-verbal de présence ayant date certaine, signé par le délégué titulaire dénommé [S] [H] et comportant la signature du gérant [N] [B] et du délégué du personnel, de la convocation des délégués du personnel titulaire et suppléant en vue de la réunion extraordinaire du 3 octobre 2016, du mandat du délégué titulaire et délégué suppléant visée dans la pièce 15 produite par la société Compass Groupe France ;

– ordonner si mieux préfère la production du procès-verbal d’élection desdits représentants du personnel ;

– ordonner si mieux préfère encore, la production de registre du personnel des établissements exploités par Eurest Sports et Loisirs et Compass Group France sur le site de l’Institut du Cancer de [Localité 7] ;

– ordonner la production par la défenderesse de la fiche de poste et contrat de travail de [N] [B] mentionné comme représentant de la direction lors de la consultation des délégués du personnel en pièce 15 adverse produite par la société Compass Group France et dire et juger au visa de l’article 11 du code procédure civile, qu’à défaut de cette production, la pièce n°15 devra être écartée des débats au regard de son irrégularité manifeste ;

Si mieux préfère,

– dire et juger irrégulière la consultation des délégués du personnel à défaut de production du procès-verbal de présence du délégué titulaire et du gérant ;

En toute hypothèse, de confirmer la décision en ce qu’elle a constaté que Mme [H] semble avoir été élue le 10 mai 2012 au sein de l’établissement CGF Medirest Cric [9] et que son mandat a nécessairement pris fin le 10 mai 2016, que la question de son licenciement a été soumise à consultation d’un délégué du personnel dont le mandat avait expiré et qui concernait un établissement tiers et dire irrégulière la prétendue consultation des délégués du personnel. ;

– dire en conséquence le licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– constater que le registre unique du personnel produit par Compass Group France ne comporte pas les salariés figurant au compte rendu de réunion du 3 octobre 2016, que ce registre ne concerne qu’un seul l’établissement et ordonner la production du registre unique du personnel des établissements des sociétés Eurest Sports & Loisirs et Compass Group France implantés sur le département de l’Hérault ;

– réformer la décision en ce qu’elle n’a pas jugé insuffisant le reclassement effectué et dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le fond, de :

– dire et juger que son contrat de travail a été transféré dans l’établissement d’Eurest Sports & Loisirs SIRET 62203947701459 et non dans l’établissement de Compass Groupe France SIRET 632 041 042 66251, que la consultation des délégués du personnel effectuée par l’employeur est irrégulière et équivaut à une absence de consultation de sorte que l’employeur n’a pas respecté son obligation de recueillir l’avis des délégués du personnel sur le reclassement de son salarié déclaré inapte à la suite d’un accident du travail ;

– dire et juger nulle et de nul effet la consultation d’un délégué du personnel n’appartenant pas à l’établissement ou l’entreprise dont relève la salariée faisant l’objet d’une procédure de licenciement pour inaptitude ;

En tout état de cause, de dire et juger irrégulière la consultation des délégués du personnel, statuer ce que de droit en termes de production en justice de pièces dont la fausseté est établie ;

– dire et juger que l’employeur a manifestement manqué à ses obligations en termes de reclassement et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause, de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Compass Group France et Eurest Sports et Loisirs in solidum à lui payer la somme de 22.683,48 € net de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts ;

– fixer la moyenne salariale à 1890,29 € de salaire brut mensuel ;

– condamner les sociétés requises in solidum au paiement de la somme de 6000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

– rejeter toutes demandes contraires.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 15 mai 2020, la SAS Services et Santé demande à la Cour,

A titre principal, de la mettre hors de cause ;

A titre subsidiaire, de débouter Mme [V] de ses demandes à son égard ;

En tout état de cause, de :

– condamner les sociétés Eurest Sports et Loisirs et Compass Group France à 5000 € de dommages et intérêts pour procédure dilatoire et abusive,

– condamner Mme [V] à 2.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner les sociétés Eurest Sports et Loisirs et Compass Group France à 2.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Pour l’exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 février 2023.

MOTIFS

Sur le co-emploi.

Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeuse, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.

En l’espèce, la salarié se prévaut d’une situation de co-emploi à l’égard de la SAS Eurest Sports et Loisirs et de la SAS Compass Group France et fait valoir que ces deux entités sont des filiales du groupe Compass, que son contrat de travail a été transféré au profit de la première des deux mais que le lien de subordination existe à l’égard des deux sociétés, que la SAS Compass Group France s’immisce dans la gestion économique et sociale de la SAS Eurest Sports et Loisirs en exerçant non seulement la gestion de la relation de travail mais également en exerçant le pouvoir de direction à son égard.

Les deux sociétés rétorquent pour l’essentiel qu’aucune preuve d’immixtion permanente n’est rapportée.

La salariée verse aux débats des courriers à l’entête de Compass Group et contenant les mentions des sociétés Eurest, Medirest et Scolarest relatifs au versement des compléments des indemnités journalières, ainsi que la lettre de licenciement, cette dernière étant signée par la responsable des ressources humaines de la SAS Compass Group France, Mme [S] [X].

Toutefois, le fait que le service des ressources humaines de la SAS Compass Group France intervienne dans la gestion des employés de la SAS Eurest Sports et Loisirs, entité de petite taille en termes d’effectifs (moins de 11 salariés) ne suffit pas à démontrer l’existence d’une immixtion permanente de la SAS Compass Group France dans la gestion économique et sociale de la SAS Eurest Sports et Loisirs conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière. Il n’est pas non plus démontré l’existence d’un lien de subordination entre la SAS Compass Group France et la salariée.

Dès lors, il y aura lieu de mettre hors de cause la SAS Compass Group France, d’infirmer le jugement en ce qu’il a « dit que l’immixtion de la SAS Compass Group France dans la gestion sociale de la SAS Eurest Sports et Loisirs (était) incontestable » et en ce qu’il a condamné solidairement les deux entités au paiement de sommes au profit de la salariée.

Sur la mise hors de cause de la SAS Services et Santé.

La mise hors de cause de la SAS Services et Santé n’est pas discutée et sera confirmée.

Sur les rappels de salaire au titre de l’exécution du contrat de travail.

Le compte épargne-temps.

Alors que la salariée expose que 88 heures lui seraient dues au titre du compte épargne-temps, elle ne produit aucun justificatif susceptible d’étayer sa demande.

Il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de cette demande.

La prime de treizième mois.

L’usage d’entreprise est un avantage accordé librement et de manière répétée par un employeur à ses salariés, sans que la loi, la convention collective ou le contrat de travail ne le lui impose.

Pour être reconnue comme étant un usage, cette pratique doit cependant être générale, constante et fixe.

En l’espèce, la salariée se prévaut de la mention sur le bulletin de paie de juillet 2014 d’une prime de treizième mois d’un montant de 871,05 € pour revendiquer un usage de l’entreprise et solliciter le paiement de cette prime pour les années 2015 et 2016.

Toutefois, d’une part, le contrat de travail et la convention collective ne prévoient pas une telle prime.

D’autre part, il ne résulte d’aucune pièce du dossier qu’une prime de treizième mois aurait été accordée à tout le personnel ou au moins à la catégorie du personnel correspondant à l’emploi de la salariée, ni qu’elle aurait été attribuée régulièrement depuis plusieurs années, y compris au temps de la SAS Elior Services et Santé, ni encore qu’elle aurait été déterminée selon des règles précises de calcul et de critères.

Il n’est par conséquent pas démontré l’existence d’un usage au sein des entreprises ayant employé la salariée.

La mention figurant au bulletin de salaire de juillet 2014 apparaît être isolée et procéder d’une erreur de la part de l’employeur qui, à raison, rappelle que l’erreur n’est pas créatrice de droit.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de cette demande.

Les indemnité journalières complémentaires.

L’article 20 de la convention collective applicable stipule que « le salarié victime d’un accident du travail (…), alors qu’il était au service de l’employeur au moment de l’événement, bénéficie des garanties d’emploi telles que prévues par la législation en vigueur. Il bénéficie en outre de l’indemnisation légale ce, à compter de :

– 6 mois de présence continue dans l’entreprise pour un accident de travail ;

– 1 an pour un accident de trajet reconnu comme accident du travail, ou une maladie professionnelle ».

L’article 19 B stipule notamment que les salariés absents pour maladie recevront pendant 30 jours 90 % de la rémunération brute qu’ils auraient perçue s’ils avaient continué à travailler puis pendant les 30 jours suivants, 70 % de leur rémunération, étant précisé que les temps d’indemnisation sont augmentés de 10 jours par période entière de 5 ans d’ancienneté en sus de celle requise à l’alinéa 1er sans que chacun d’eux puisse dépasser 90 jours, que lors de chaque arrêt de travail, les délais d’indemnisation commenceront à courir à compter du 11e jour d’absence.

Il est précisé notamment que les garanties ainsi accordées s’entendent déduction faite des allocations que l’intéressé perçoit de la sécurité sociale et des régimes complémentaires de prévoyance, mais en ne retenant, dans ce dernier cas, que la part des prestations résultant des versements de l’employeur.

L’arricle 48-7 est ainsi rédigé :

« En cas d’incapacité temporaire de travail du salarié pour cause de maladie ou accident se poursuivant au-delà des périodes de maintien de salaires prévue à l’article 19. B de la convention collective et donnant lieu à indemnisation de la sécurité sociale, le salarié perçoit des indemnités journalières complémentaires à hauteur de 70 % du salaire brut et ce, pendant une durée de 300 jours.

En cas d’incapacité temporaire de travail du salarié pour cause d’accident du travail, d’accident de trajet reconnu comme accident de travail, ou de maladie professionnelle se poursuivant au-delà des périodes de maintien de salaires prévues aux articles 19. B et 20 de la convention collective et donnant lieu à indemnisation de la sécurité sociale, le salarié perçoit des indemnités journalières complémentaires à hauteur de 75 % du salaire brut et ce, pendant une durée de 300 jours.

(…)

Les indemnités journalières complémentaires sont versées sous déduction des indemnités journalières brutes de la sécurité sociale.

Le salaire servant au calcul des indemnités journalières complémentaires est le salaire annuel brut des 12 mois civils précédant l’arrêt de travail. Si la période de référence est incomplète, le salaire est reconstitué sur la base de la période d’emploi précédant l’arrêt de travail, en tenant compte des augmentations générales de salaire dont le salarié aurait bénéficié. (…) ».

En l’espèce, la salariée expose que le précédent employeur avait maintenu son salaire à hauteur de 100% et non à hauteur de 70% et que cet avantage aurait dû lui être maintenu par le nouvel employeur. Elle estime ensuite ne pas avoir été remplie de ses droits en termes de « complément de salaire maladie » en ce qu’elle aurait dû percevoir en 2014 la somme de 22 683,48 € (1 890,29 € brut par mois sur douze mois) et n’a effectivmenet perçu que

17 570,64 €, en sorte que l’employeur lui doit la somme de

5 112,84 € à ce titre.

En premier lieu, ainsi que le relèvent le précédent employeur et son sucesseur, il résulte des dispositions conventionnelles que le maintien de salaire en cas d’accident du travail suivi d’un arrêt de travail n’équivaut pas à 100% du salaire, en sorte que le nouvel employeur n’était pas tenu de maintenir le salaire à ce niveau.

En second lieu, contrairement à ce que soutient la salariée, elle a été remplie de ses droits puisqu’elle a perçu 17 570,64 €, soit plus de 70% de sa rémunération mensuelle brut (15 878,43 €), voire plus de 75% de celle-ci (17 012,61 €), ce pourcentage étant applicable en cas d’accident du travail.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande à ce titre.

La prime de 220 €.

La salariée expose qu’après comparaison entre l’attestation destinée à Pôle emploi et son bulletin de salaire de novembre 2016, il manque une prime de 220€ alors qu’elle est mentionnée sur l’attestation et que dès lors cette somme lui est due pour les années précédentes depuis 2012.

Toutefois, elle ne produit pas les bulletins de salaire correspondant à la période litigieuse et il ressort des bulletins de salaire de 2014 à 2016 que la prime conventionnelle annuelle a été versée chaque mois de novembre à hauteur de 220 €.

Ses demandes en paiement de somme et en rectification de l’attestation destinée à Pôle emploi, non fondées, doivent être rejetées.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Les congés payés.

La salariée fait valoir que l’employeur a supprimé, en juillet 2015, 25 jours de congés payés de l’année précédente.

Toutefois, ainsi que l’a relevé le conseil de prud’hommes, le bulletin de salaire de décembre 2016 fait état de 52,45 jours de congés payés, en sorte que la salariée a été remplie de ses droits.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de cette demande.

Sur le licenciement.

L’auteur du licenciement.

La conduite d’une procédure de licenciement par une personne étrangère à l’entreprise rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, aucune disposition n’exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit, une telle délégation pouvant être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement.

En l’espèce, la salariée fait valoir qu’il n’est pas justifié d’une délégation de pouvoirs au profit de Mme [S] [X], salariée de la SAS Compass Group France, en sorte que cette dernière n’avait ni qualité ni pouvoir pour enclencher la procédure de licenciement. Si la salariée fait état de la « nullité » du licenciement, elle sollicite en définitive que celui-ci soit dit sans cause réelle et sérieuse.

Il est constant que la SAS Compass Group France est le président de la SAS Eurest Sports et Loisirs et que Mme [S] [X], ayant conduit la procédure de licenciement, était à cette date la responsable des ressources humaines de la SAS Compass Group France.

Il s’ensuit que la signataire de la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement et de la lettre de licenciement n’était pas une personne étrangère à l’entreprise employant la salariée et qu’en sa qualité de responsable des ressources humaines de la filiale du groupe Compass, présidente de la société employant la salariée, elle avait qualité et pouvoir de procéder au licenciement de l’intéressée.

La demande tendant à la production d’une délégation de pouvoirs doit être rejetée.

L’obligation de reclassement.

L’article L1226-10 du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur entre le 24 mars 2012 et le 1er janvier 2017, dispose que « lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ».

En l’espèce, en premier lieu, la salariée estime que la consultation des délégués du personnel par l’employeur est irrégulière et équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L1226-10 et L 2312-1 du code du travail, dans leur rédaction en vigueur au moment du licenciement, que les délégués du personnel devant être consultés sur les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle sont, dans le cas où l’entreprise comporte des établissements distincts, les délégués de l’établissement dans lequel le salarié exerçait.

Ainsi que l’ont relevé à juste raison les premiers juges, l’effectif habituel de l’entreprise étant inférieur à 11 salariés, la consultation des délégués du personnel devait se faire dans l’établissement au sein duquel la salariée était rattachée, soit le CRLC [9].

Or, ainsi qu’ils l’ont mentionné, le mandat de la déléguée du personnel Mme [H], élue pour quatre années le 10 mai 2012, avait expiré au jour du licenciement.

Sa consultation sur le projet de licenciement de la salariée n’est par conséquent pas valable et le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Les demandes aux fins de production de documents en lien avec la régularité de la consultation des délégués du personnel seront rejetées.

En second lieu, la salariée reproche à l’employeur de ne pas avoir rempli son obligation loyale et sérieuse aux fins de reclassement, alors que le groupe comptait 1942 établissements actifs dont 13 à [Localité 7] et que seuls 15 postes situés hors de la région de [Localité 7] lui ont été proposés, ne correspondant pas à son profil et à ses aptitudes.

L’employeur verse aux débats quelques registres uniques du personnel mais ne prouve pas avoir interrogé chacune des entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

En effet, il ne produit que cinq formulaires intitulés « Demande de reclassement au 02/09/2016 » sans établir que l’intégralité des structures sus-visées ont été contactées, en sorte que le manquement à l’obligation de reclassement est caractérisé.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que la consultation des délégués du personnel était irrégulière et en ce qu’il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

Compte tenu de l’âge de la salariée (née le 18/11/1970), de son ancienneté à la date du licenciement (plus de 7 ans), du nombre de salariés habituellement employés (moins de 11 salariés), de l’origine professionnelle de l’inaptitude et de l’absence de consultation valable des délégués du personnel, de sa rémunération mensuelle brut au vu des bulletins de salaire

(1 890,29 €) et de l’absence de justificatifs relatifs à sa situation actuelle, il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :

– 22 683,48 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3 780,58 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

(2 mois),

– 2 797,59 € au titre du reliquat dû correspondant à l’indemnité spéciale de licenciement.

Il doit être relevé que la salariée ne sollicite pas l’indemnité compensatrice de congés payés liée à l’indemnité compensatrice de préavis.

Sur la rectification des documents sociaux et leur remise tardive.

La salariée sollicite plusieurs rectifications des documents sociaux :

– l’ancienneté doit effectivement être rectifiée, le certificat de travail mentionnant le 13 janvier 2014 au lieu du 29 octobre 2009,

– le niveau de qualification mentionné dans le cadre 2 de l’attestation destinée à Pôle emploi n’a pas lieu d’être modifié puisqu’il est précisé « statut cadre ou assimilé » et que l’emploi est renseigné dans le cadre 4 sous le vocable « responsable de site », correspondant à l’emploi de la salariée,

– quant à la dénomination de l’employeur dans l’attestation destinée à Pôle emploi, elle est juste puisqu’il y est indiqué « Eurest Sport et Lo » suivie du siège social, étant précisé que la mention ajoutée « ICM Cafeteria » est sans incidence.

Par ailleurs, il n’est nul besoin d’assortir l’obligation de rectification d’une astreinte.

Il est constant que les documents sociaux remis initialement à la salariée ne précisaient pas les montants des salaires perçus au cours des douze derniers mois et que cette omission a par la suite été rectifiée.

Si la salariée affirme avoir subi un préjudice financier, elle ne le démontre pas. Sa demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Sur les demandes accessoires.

L’employeur sera tenu aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Il est équitable de le condamner à payer à la salariée la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

En revanche, il ne sera pas fait application de ces dispositions au profit de la SAS Compass Group France.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement du 27 novembre 2019 du conseil de prud’hommes de Montpellier en ce qu’il a retenu le co-emploi de la SAS Compass Group France et de la SAS Eurest Sports et Loisirs et condamné lesdites sociétés in solidum à payer à Mme [W] [V] des sommes au titre de la rupture et de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés,

DIT que la SAS Eurest Sports et Loisirs est le seul employeur de Mme [W] [V], DEBOUTE cette dernière de ses demandes de condamnation solidaire au titre du co-emploi  et CONDAMNE la seule SAS Eurest Sports et Loisirs au paiement des sommes dues au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité compensatrice de préavis, du reliquat dû aucorrespondant à l’indemnité spéciale de licenciement ;

Le CONFIRME pour le surplus y compris s’agissant des montants des sommes fixés au titre de la rupture abusive, de l’indemnité compensatrice de préavis et du reliquat dû correspondant à l’indemnité spéciale de licenciement ;

Y ajoutant,

DEBOUTE Mme [W] [V] de ses demandes aux fins de rectification de l’attestation destinée à Pôle emploi et de condamnation au paiement de la somme de 220 € chaque année de 2012 à 2014 ;

La DEBOUTE de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin contrat ;

CONSTATE que les salaires figurant sur l’attestation destinée à Pôle emploi ont été valablement rectifiés et DEBOUTE Mme [W] [V] de sa demande de rectification sous astreinte ;

ORDONNE à la SAS Eurest Sports et Loisirs de délivrer à Mme [W] [V] un certificat de travail rectifié précisant que son ancienneté remonte au 29 octobre 2009 ;

DIT n’y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

CONDAMNE la SAS Eurest Sports et Loisirs à payer à Mme [W] [V] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la SAS Compass Group France ;

CONDAMNE la SAS Eurest Sports et Loisirs aux entiers dépens de l’instance ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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