Télétravail : 16 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/01621

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Télétravail : 16 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/01621
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16 mars 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/01621

N° RG 21/01621 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IX36

N° RG 21/01674 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IX7O

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 16 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DU HAVRE du 19 Mars 2021

APPELANT ET INTIME :

Monsieur [C] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Alix AUMONT, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A.R.L. AXS INGENIERIE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Xavier D’HALESCOURT de la SELARL XAVIER D’HALESCOURT, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 08 Février 2023 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 08 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 16 Mars 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 16 Mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [C] [S] a été engagé par la SARL AXS Ingenierie par contrat de travail à durée indéterminée en date du 12 novembre 2013 en qualité d’ingénieur études et calculs, statut cadre position 1 de la convention collective SYNTEC.

Suivant avenant du 23 avril 2015, M. [S] a été promu au poste de responsable d’études et de suivi de projets, statut cadre position de la convention collective SYNTEC.

Le 18 avril 2019, M. [S] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable fixé au 30 avril 2019.

Le licenciement pour faute grave a été notifié à M. [S] le 9 mai 2019.

Par requête du 14 mai 2020, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes du Havre en contestation de son licenciement et paiement de rappels de salaire et indemnité.

Par jugement du 19 mars 2021, le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement de M. [S] ne repose pas sur une faute grave mais sur un motif réel et sérieux, condamné la société AXS Ingenierie à payer à M.  [S] les sommes suivantes :

2 426,35 euros en rémunération des jours de mise à pied conservatoire injustifiée,

10.361,55 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

1 036,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

7 062,78 euros à titre d’indemnité de licenciement,

dit que lesdites sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du jugement, rappelé que l’exécution provisoire est de droit pour les salaires et accessoires de salaire, fixé en application de l’article R.1454-28 du Code du Travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [S] à la somme de 3 453,85 euros, condamné la société AXS ingénierie à payer à M. [S] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dit que ladite somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du jugement, condamné la société AXS ingénierie à remettre à M. [S] un bulletin de salaire rectifié selon les sommes accordées au salarié ainsi qu’un certificat de travail courant jusqu’à l’expiration du préavis et une attestation Pôle Emploi rectifiés et ce sans astreinte, débouté M. [S] de ses autres demandes, débouté la société AXS Ingénierie de sa demande principale mais fait droit à ses demandes subsidiaires, débouté la société AXS Ingénierie de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné la société AXS Ingénierie aux dépens de l’instance.

M. [S] a interjeté appel de cette décision le 17 avril 2021, l’instance ayant été enrôlée sous le numéro RG 21/1621.

La société AXS Ingénierie a interjeté appel de cette décision le 20 avril 2021, l’instance ayant été enrôlée sous le numéro RG 21/1674.

Par conclusions remises le 18 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [S] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, sur le montant de l’indemnité compensatrice de préavis, la moyenne des trois derniers mois de salaire, sur le rejet de ses demandes de rappels de salaires pour heures supplémentaires, de contrepartie obligatoire en repos non pris, d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice subi en raison des conditions vexatoires de la rupture, en paiement de l’indemnité due en vertu de la clause de non-concurrence, de remise de document de fin de contrat sous astreinte, de confirmer les autres dispositions et statuant à nouveau,

– prononcer la nullité ou à tout le moins l’inopposabilité de la convention de forfait mentionnée au contrat initialement conclu et en conséquence, condamner la société AXS Ingénierie au paiement des sommes suivantes :

19 511,05 euros bruts à titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires, outre 1 951,11 euros de congés payés afférents,

6 412,60 euros nets à titre d’indemnité pour contrepartie obligatoire en repos non pris,

22 450,02 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

– fixer la moyenne des salaires de M. [S] à la somme de 3 741,68 euros,

– dire, à titre principal, qu’il a fait l’objet d’un licenciement verbal le 18 avril 2019 produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou à titre subsidiaire que son licenciement pour faute grave est dénué de cause réelle et sérieuse et en conséquence, condamner la société AXS Ingénierie au paiement des sommes suivantes :

2 426,35 euros à titre de rappels de salaire pendant la mise à pied conservatoire injustifiée,

11 225,01 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 122,50 euros au titre des congés payés afférents,

7 062,78 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– à titre principal, 45 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse et les conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail, à titre subsidiaire, en cas d’application du barème, 22 450,10 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 20 000 euros de dommages et intérêts pour les conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail,

– condamner la société AXS Ingénierie au paiement de la somme de 5 377,08 euros outre celle de 537,71 euros de rappels de salaire au titre du solde de l’indemnité de la clause de non-concurrence,

– ordonner la remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document de l’attestation Pôle Emploi, d’un bulletin de paie et du certificat de travail rectifiés conformément à la décision à intervenir, la juridiction se réservant la faculté de liquider l’astreinte,

– débouter la société AXS Ingénierie de toutes ses demandes,

– condamner la société AXS Ingénierie à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure d’appel.

Par conclusions remises le 18 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société AXS Ingénierie demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’elle a dit que le licenciement de M. [S] ne reposait pas sur une faute grave, en ce qu’elle l’a condamnée à payer au salarié les sommes de 2 426,35 euros en rémunération des jours de mise à pied conservatoire injustifiée, 10.361,55 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 1 036,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, 7 062,78 euros à titre d’indemnité de licenciement, 1 200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, confirmer les autres dispositions du jugement, statuant à nouveau, débouter M. [S] de l’intégralité de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, conformément à l’application des dispositions de l’article 367 du code de procédure civile, il convient d’ordonner la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 21/1621 et 21/1674, l’instance se poursuivant sous l’unique numéro 21/1621.

I/ Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail

I – a) Sur la demande au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs

Les parties ne contestant pas la nullité de la clause de forfait-jour contractée par les parties avant la régularisation de l’avenant du 14 décembre 2018 ayant pris effet le 1er janvier 2019, la durée du travail de M. [S] doit être appréciée conformément aux règles de droit commun sur la période sur laquelle il revendique le paiement d’heures supplémentaires non rémunérées, à savoir du 1er mai 2016 au 31 décembre 2018.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Il est acquis que le salarié doit fournir préalablement des éléments de nature suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l’espèce, à l’appui de sa demande, M. [S] a établi un premier tableau indiquant sur la période litigieuse le nombre d’heures travaillées par semaine. Si ce document doit être considéré comme étant suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre, c’est néanmoins à juste titre que la société AXS Ingénierie a soutenu, en première instance, qu’il ne pouvait valablement fonder la demande de son salarié au motif qu’il contenait des incohérences flagrantes. En effet, alors qu’il ne soutenait aucunement avoir été privé de ses congés a minima légaux, ce tableau faisait apparaître que M. [S] affirmait avoir travaillé sans discontinuité et sans prendre aucun jour de repos pendant près de trois ans. De même, alors qu’il n’a jamais contesté qu’il était rémunéré sur la base de 151,67 heures par mois auxquelles s’ajoutaient forfaitairement 6,5 heures supplémentaires majoré de 25 %, ce tableau ne prenait pas en compte les heures supplémentaires ainsi réglées par l’employeur.

En revanche, le nouveau tableau établi par M. [S], qui, d’une part, précise quotidiennement sur la période litigieuse les horaires du salarié, ainsi que, le cas échéant, ses journées de déplacement, ses journées de congés et les journées de télétravail ou de co-working à [Localité 5], et, d’autre part, chiffre de façon hebdomadaire le nombre d’heures travaillées, constitue un document sérieux et suffisamment précis qui permet à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments et, par suite, à la cour d’apprécier le bien fondé de la demande présentée.

À ce titre, à titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort des termes même de la lettre de licenciement litigieuse que M. [S], en tant que responsable d’études et de suivi de projets, occupait des fonctions le conduisant à réaliser les tâches suivantes : manager et encadrer le bureau d’études, établir le planning des travaux, réaliser des études et des calculs des prestations commandées par les clients, échanger avec les clients et les fournisseurs sur les spécificités techniques, les modifications et les éventuelles corrections à apporter au projet, être présent aux réunions de lancement, de suivis et de fin de projets, établir les rapports et les bilans une fois les projets réalisés, assurer des actions de promotion, des congrès et des salons, encadrer les techniciens, les stagiaires et les former à leur poste.

En outre, il ressort de l’attestation de M. [M], ancien collègue, non démentie par la société AXS Ingénierie, que M. [S] et lui étaient les deux seuls salariés à traiter les dossiers d’assistance à maîtrise d’ouvrage nécessitant de l’expérience, ce qui augmentait leur charge de travail.

Sur les horaires allégués par M. [S], c’est de façon pertinente que la société AXS Ingénierie critique leur compatibilité avec les heures de passage au niveau du péage du pont de Normandie mentionnées sur le relevé du badge de télépéage de la voiture de service conduite par M. [M]. En effet, si M. [S] entend contester le fait qu’il faisait régulièrement trajet commun avec M. [M], son collègue de 2015 à juin 2018 vivant comme lui à [Localité 5], il convient néanmoins de constater que cette situation est établie non seulement par l’attestation produite par l’employeur de M. [Y], collègue de travail de MM [M] et [S], mais également par l’attestation de M. [M] lui-même versée aux débats par M. [S] qui explique que ‘durant cette période, nous faisions le trajet ensemble dans ma voiture de service’.

Néanmoins, c’est à tort que la société AXS Ingénierie entend utiliser cet élément pour critiquer quotidiennement les horaires indiqués par M. [S] avant le départ de M. [M] en juin 2018, dans la mesure il n’est pas contesté que le salarié n’était pas présent sur le site du Havre tous les jours ouvrés, puisqu’il était régulièrement en déplacement et qu’il était par ailleurs autorisé à télé-travailler à partir de son domicile. En revanche, à partir de juillet 2018, date à laquelle M. [S] ne conteste pas avoir récupéré le véhicule de service de M. [M], cet argument est opérant pour toutes les journées de présence du salarié sur le site du Havre attesté par ce relevé de télépéage.

En outre, il résulte de l’examen du tableau de relevé d’heures établi par M. [S] que celui-ci comptabilise son temps de trajet dans le cadre de ses déplacements professionnels comme du temps de travail effectif.

Or, il convient de rappeler que selon l’article L.3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Concernant les salariés qui sont amenés à se rendre sur des sites différents de leur lieu habituel de travail, les temps de déplacement, qu’ils excèdent ou non le temps habituel de trajet domicile-travail, ne constituent pas du temps effectif de travail, qu’ils se situent dans ou en dehors de l’horaire de travail. En revanche, le temps de trajet pour se rendre d’un lieu de travail à un autre, au cours d’une même journée, est assimilé à du temps de travail effectif, les salariés restant alors à la disposition de leur employeur. Lorsque le salarié est contraint de passer par l’entreprise, le temps de trajet entre l’entreprise et le lieu d’exécution du travail est en principe considéré comme du temps de travail effectif.

En l’espèce, alors qu’il n’est pas soutenu que M. [S] devait se rendre au siège de l’entreprise avant de se rendre sur les lieux de ses déplacements professionnels ou d’y repasser à l’issue de la rencontre, les temps de déplacement pour se rendre sur ces lieux depuis son domicile ou en revenir jusqu’à son domicile ne sont pas des temps effectifs de travail, dès lors, de surcroit, qu’il ne soutient pas être resté à la disposition de l’employeur au cours de ces trajets.

En revanche, c’est en vain que la société AXS Ingénierie soutient que les horaires déclarés par son salarié ne sont pas compatibles avec les instructions et notes de pointage quotidien du temps passé sur chaque dossier.

En effet, d’une part, il y a lieu de faire observer que les informations collectées dans le cadre de ce pointage déclaratif de temps passé sur chaque dossier imposé par l’employeur ne correspondent pas à l’intégralité des tâches qui étaient confiées à M. [S], celui-ci ayant, au sein de l’entreprise, un rôle d’encadrement et de coordination prépondérant sur son activité de gestion de dossiers.

D’autre part, s’il est exact que l’agenda Outlook produit par M. [S] contient quelques incohérences liées au fait que le salarié a pu indiquer, sur quelques journées, pour une même plage horaire un rendez-vous privé et une tâche professionnelle, il n’en demeure pas moins que ce document est révélateur de son activité professionnelle, et ce d’autant qu’il est corroboré par des attestations de ses collègues qui apportent des précisions sur la réalité de la charge de travail de ce dernier. Or, l’activité de M. [S] telle qu’elle est décrite par ces éléments ne correspond pas au seul temps de travail consacré à chaque dossier et déclaré sur les notes de pointage. Au demeurant et en tout état de cause, il convient de relever qu’il ressort expressément d’un mail envoyé par M. [W], le gérant, que cet outil n’est pas destiné à calculer le temps effectif de travail des salariés mais uniquement à mesurer la performance économique des commandes.

Aussi, au regard de l’ensemble de ces éléments apportés par chacune des parties, des fonctions qui étaient celles de M. [S] et de la charge de travail en résultant, de la prise en compte des heures supplémentaires rémunérées par l’employeur et des congés du salarié, tels que ces éléments ressortent de l’examen des bulletins de salaire produits aux débats, la cour a la conviction que M. [S] a effectué 102 heures supplémentaires de mai à décembre 2016 majorées à 25 % sur la base d’un taux horaire non contesté de 20,6756 euros, 133 heures en 2017 majorées à 25 % sur la base d’un taux horaire non contesté de 20, 6756 euros et 126 heures en 2018 majorées à 25 % sur la base d’un taux horaire non contesté de 21,6142 euros.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société AXS Ingénierie à payer à M. [S] la somme de 9 477,69 euros au titre des heures supplémentaires réalisées du 1er mai 2016 au 31 décembre 2018, outre 947,70 euros au titre des congés payés afférents.

Par ailleurs, les parties ne contestent pas les dispositions conventionnelles applicables qui fixent le contingent annuel d’heures supplémentaires à 130 heures, étant précisé que c’est à juste titre que la société AXS Ingénierie fait observer que cette limite ne peut être proratisée en fonction du nombre de mois concernés par la demande sur une même année.

En outre, l’article L. 3121-38 du code du travail prévoit qu’à défaut d’accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l’article L. 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés. Les parties ne contestent pas que le seuil de 20 salariés n’a jamais été atteint par l’employeur.

Au vu de ces éléments, en considération du nombre d’heures supplémentaires retenues et étant rappelé que le rappel de salaire ainsi alloué prend en compte les 6, 5 heures supplémentaires réglées mensuellement par l’employeur, M. [S] a accompli un nombre total d’heures supplémentaire de 154 heures (102 + 8 mois x 6,5h) sur l’année 2016, soit 24 heures au delà du contingent annuel, de 211 heures (133 + 12 mois x 6, 5h) sur l’année 2017, soit 81 heures au delà du contingent annuel et de 204 heures (126 + 12 mois x 6, 5h) sur l’année 2018, soit 74 heures au delà du contingent annuel.

Sur la base du taux horaire non contesté retenu pour le paiement des heures supplémentaires, il revient à ce titre à M. [S] les sommes suivantes :

– pour 2016 : 24 x 20,6756/2 = 248,11 euros, outre 10 % au titre des congés payés,

– pour 2017 : 81 x 20,6756/2 = 837,36 euros, outre 10 % au titre des congés payés,

– pour 2018 : 74 x 21, 6142/2 = 799,73 euros, outre 10 % au titre des congés payés,

soit une somme totale de 2 073,72 euros, le jugement entrepris étant ainsi infirmé sur ce point.

I- c) Sur la demande au titre du travail dissimulé

Il résulte de l’article L. 8221-5 du code du travail qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche, soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Selon l’article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, s’il est effectivement justifié d’heures de travail effectuées par le salarié non rémunérées par l’employeur, il n’est cependant pas suffisamment établi que la société AXS Ingénierie en avait connaissance et aurait intentionnellement mentionné un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, M. [S] bénéficiant d’un salaire prenant en compte sa charge de travail, d’une certaine autonomie dans l’organisation de son travail et n’ayant jamais fait de réclamations au cours de l’exécution du contrat de travail au titre de l’accomplissement d’heures supplémentaires, ayant uniquement évoqué avec son employeur, à partir du mois de janvier 2019, soit sur une période couverte par la convention de forfait en jours valable et non contestée par le salarié, ‘une charge de travail élevée’.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

II – Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

II – a) Sur le licenciement

Conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu’elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et l’employeur qui l’invoque doit en rapporter la preuve.

Par ailleurs, un licenciement verbal ne peut être régularisé a posteriori par l’envoi d’une lettre de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, aussi convient-il d’examiner si M. [S] a fait l’objet d’une décision de licenciement antérieurement au 9 mai 2019.

En l’espèce, M. [S] soutient qu’il a fait l’objet d’un licenciement verbal le 18 avril 2019, M. [W], le gérant, l’ayant convoqué dans son bureau en lui demandant de restituer ses affaires (téléphone, ordinateur portable et véhicule de fonction) et de quitter immédiatement l’entreprise, le contraignant à faire appel à un ami pour que ce dernier vienne le chercher au Havre et puisse le raccompagner à son domicile.

La société AXS Ingénierie ne conteste pas l’entrevue avec M. [W] et le fait qu’il ait été demandé à M. [S] de restituer son téléphone portable, son ordinateur et sa voiture de fonction le temps de la suspension de son contrat de travail, mais explique que cette situation n’est pas la conséquence d’un licenciement verbal mais uniquement de la mise à pied conservatoire signifiée oralement à M. [S] le jour même et confirmée par l’envoi en recommandé d’un courrier daté du 18 avril 2019 que le salarié ne conteste pas avoir reçu le 20 avril 2019.

Alors que l’employeur justifie de la régularité de la mise à pied à titre conservatoire à effet au 18 avril 2019, M. [S] ne produit aucune pièce établissant sa version des faits, si ce n’est un courrier qu’il a lui-même rédigé à l’attention de son employeur dans lequel il évoque le fait ‘d’avoir été viré’ de son poste le 18 avril 2019, ce qui n’a aucune valeur probante et le témoignage de M. [F] qui confirme être venu le chercher sur son lieu de travail, ce qui n’est pas incompatible avec la mise à pied à titre conservatoire, de sorte que ce seul élément ne peut permettre de caractériser le licenciement verbal invoqué par le salarié.

Aussi, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que M. [S] n’avait pas fait l’objet d’un licenciement verbal le 18 avril 2019.

Concernant le licenciement pour faute grave de M. [S], la lettre de licenciement du 9 mai 2019, qui fixe les limites du litige, lui fait reproche des trois griefs suivants :

– un management très contestable assimilé à du harcèlement et de la discrimination à l’égard d’une collaboratrice placée directement sous sa responsabilité, Mme [V] s’étant plainte le 2 avril 2019 de l’inadéquation des tâches qui lui étaient confiées par rapport à sa fonction, du discrédit qui était porté sur ses compétences et du profond malaise qu’elle éprouvait dans sa relation avec M. [S], outre le départ de sept salariés,

– la non-exécution des tâches qui lui incombaient, et principalement l’absence de renseignement du pointage de son activité,

– le non-respect du lien de subordination, caractérisé par une absence de réponses aux mails de relance du gérant,

situation qui, selon l’employeur est venue perturber la bonne marche de l’entreprise, créer du risque vis-à-vis des clients et impacter le résultat financier de la société qui est une petite structure.

Ces griefs sont contestés par M. [S] qui affirme qu’en tout état de cause, ils ne sont nullement établis par les pièces produites par son employeur.

Sur le harcèlement et la discrimination subis par Mme [V], la société AXS Ingénierie verse aux débats la synthèse de l’entrevue menée par M. [Z], responsable des ressources humaines, avec Mme [V] le 2 avril 2019, de laquelle il ressort que cette dernière a justifié sa volonté de démissionner par le fait qu’elle considérait que les missions qui lui étaient confiées n’étaient pas intéressantes et qu’en outre, il y avait une mauvaise ambiance dans l’entreprise. Plus précisément, elle a indiqué au cours de cet entretien le fait que les missions qui lui étaient confiées étaient en deçà de ses compétences et du contenu de sa fiche de fonction, que M. [S] lui confiait des tâches démotivantes, la considérant comme sa secrétaire, qu’en outre, il était désorganisé et lui faisait un retour très tardif de ses études, la contraignant, pour respecter le délai donné au client, à quitter son poste de travail tard le soir. Elle finissait l’entretien en expliquant qu’elle avait quitté son emploi précédent entre autres pour un manque de considération de son responsable et qu’elle était déçue de revivre une situation hiérarchique similaire désagréable.

Sans qu’il ne soit question de remettre en cause le ressenti de cette salariée, force est néanmoins de constater que les éléments mis en exergue dans ce compte-rendu sont très subjectifs et ne sont corroborés par aucun élément objectif.

En effet, la société AXS Ingénierie ne produit aucun document établissant la réalité des tâches effectuées par Mme [V], ni aucun témoignage attestant de la situation qu’elle décrit, se contentant de produire des attestations de salariés embauchés postérieurement au départ de M. [S] qui décrivent de bonnes conditions de travail ou des attestations de salariés présents en même temps que M. [S] mais qui évoquent seulement de manière très générale et imprécise le fait que l’ambiance s’est améliorée lorsque le gérant a repris le poste occupé par M. [S]. De même, l’attestation de M. [P], ancien cadre de direction de l’entreprise, parti à la retraite en 2018, qui explique qu’il n’a pas été surpris quand en 2019, M. [W] lui a fait part des difficultés rencontrées avec M. [S] qui confiait des tâches de secrétariat à Mme [V], n’a aucune valeur probante, puisqu’il s’agit de la manifestation d’une opinion très personnelle qui ne repose sur aucun fait objectif que M. [P] aurait personnellement constaté.

Enfin, sur le départ des sept salariés, il n’est produit aucune pièce en ce sens par l’employeur, M. [S] produisant, au contraire, des attestations d’anciens salariés partis sur la période concernée qui indiquent tous que leur départ est parfaitement étranger au comportement de M. [S].

Ce grief n’est donc pas établi.

Sur la non-exécution des tâches qui incombaient à M. [S] et son insubordination caractérisée par l’absence de réponses aux mails du gérant, si la lettre de licenciement évoque de façon générique ‘les nombreux retards dans l’exécution des missions confiées’ à M. [S], ‘la mauvaise réalisation de certains projets’, les pièces produites aux débats pour établir la réalité de ces griefs, qui correspondent à quelques uns des exemples cités dans la lettre de licenciement, ne permettent pas de caractériser ces affirmations et d’établir la preuve de leur véracité.

En effet, sur la mauvaise gestion des dossiers ou le retard dans l’organisation reproché au salarié, il est produit quatre pièces :

– un échange de mails qui montre que M. [S], le 27 mars 2019 à 20h16, s’est excusé de ne pas avoir vu un SMS du gérant envoyé le matin même précisant qu’il répondra dès le lendemain matin,

– un mail du 4 avril 2019 adressé à M. [E] par M. [W] qui expose qu’après avoir fait un point projet avec M. [S], il rappelle que la société AXS Ingénierie est en attente de documents, le contenu de ce mail n’établissant nullement que cette demande de transmission de document tardive est imputable à M. [S],

– une facture établie au nom du client EDF le 15 avril 2019 dont il ne peut être tiré aucune incidence particulière quant au travail de M. [S],

– un mail du 5 avril 2019 adressé par M. [T], responsable QSSER de la société, qui demande à M. [S] un retour rapide sur le support formation interne pour l’habilitation mécanique, rappelant la nécessité d’une telle formation pour une des commandes clients en cours. Toutefois, ni le contenu de ce mail, ni aucune autre pièce ne permet d’établir la date initiale à laquelle M. [S] aurait été sollicité pour donner cet avis, de sorte que le caractère tardif et fautif de son absence de réponse n’est pas avéré.

Quant au reproche fait à M. [S] sur le non-respect de son obligation de remplir le fichier de pointage pour le suivi et l’optimisation de l’activité de la société, s’il est incontestable, au vu des mails produits, qu’en 2018, M. [S] manquait à cette obligation, force est de constater que ces faits étaient prescrits en application des dispositions de l’article L. 1232-4 du code du travail, au moment de l’engagement de la procédure de licenciement le 18 avril 2019.

En effet, non seulement, le dernier mail relatif à ce problème date du 26 novembre 2018, mais surtout, M. [S] établit, en produisant ses tableaux de suivi d’activités, qu’il a déféré à cette obligation à partir du 1er janvier 2019. En outre, c’est en vain que la société AXS Ingénierie tente d’échapper à cette prescription en invoquant la réitération du comportement fautif, puisque, contrairement à ce qu’elle soutient, conformément à l’objet des mails et leur contenu, les courriels adressés par M. [W] entre les 28 janvier et 11 mars 2019 sur la question de l’activité de M. [S] ne contiennent pas de demande au titre de cette obligation de pointage, mais sont relatifs, d’une manière plus générale, à la charge de travail du salarié. Plus précisément, il ressort de la lecture de ces échanges que M. [S] s’étant plaint de sa charge de travail auprès de M. [W] au mois de janvier 2019, ce dernier a invité M. [S] à lui dresser des tableaux et comptes-rendus de ses activités quotidiennes et hebdomadaires, ainsi qu’une estimation de sa charge prévisionnelle sur les semaines à venir, le cas échéant avec les actions à mener pour équilibrer la charge de travail, afin de pouvoir apprécier qu’elle était la réelle charge de travail de son salarié. Ces échanges de mails sont donc étrangers au grief de non-respect de ‘ l’obligation de pointage’ signalé au salarié à la fin de l’année 2018.

Enfin, l’attestation de Mme [X], qui est intervenue en 2016 et 2017 dans l’entreprise en qualité de consultante RH, n’est aucunement probante pour établir le comportement d’insubordination de M. [S], dans la mesure où elle se contente de donner un avis personnel très général rédigé comme suit : ‘en termes de collaboration professionnelle, MM. [W] et [S] adoptaient une posture qui m’avait à l’époque interpelée. La posture de M. [S], laissait penser qu’il était le dirigeant de la société et la personne à qui il fallait rendre des comptes et non pas l’inverse. La posture de M. [W] laissait penser qu’il était le commercial qui se battait pour développer les activités, laissant toute latitude à M. [S] de gérer l’équipe, équipe qui ne parvenait pas à être fidélisée et qui connaissait un fort turn over.’

Les deux autres griefs ne sont donc pas établis.

En conséquence, faute pour la société AXS Ingénierie de rapporter la preuve d’un comportement fautif de son salarié, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de dire que le licenciement de M. [S] est sans cause réelle et sérieuse.

II – b) Sur les conséquences financières

Les sommes allouées au titre des jours de mise à pied conservatoire injustifiée et de l’indemnité conventionnelle de licenciement ne sont pas contestées, de sorte qu’elles seront confirmées.

* Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Il est constant que M. [S], en sa qualité de cadre ayant cinq années d’ancienneté, peut, en application des dispositions de la convention collective SYNTEC, prétendre au versement d’une indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de salaire.

Sur le montant de ce salaire, c’est à tort qu’il soutient qu’il doit être fixé à la somme de 3 741,67 euros, qui prend en compte la prime de 13ème mois. En effet, le calcul de l’assiette de l’indemnité compensatrice de préavis n’est pas identique à celui de l’assiette de l’indemnité de licenciement, l’indemnité étant destinée à compenser la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé sur la période de préavis.

En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont alloué à M. [S] une indemnité calculée sur la base d’un salaire mensuel moyen de 3 453,85 euros, soit la somme totale de 10 361,55 euros, outre les congés payés afférents de 10 %. Le jugement est donc confirmé sur ce point.

* Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [S] sollicite que la cour écarte l’application des dispositions de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 comme étant contraires, d’une part à l’article 10 de la Convention de l’organisation internationale du travail n°158 sur le licenciement et d’autre part à l’article 24 de la Charte sociale européenne.

Eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de cet article ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Par ailleurs, en renforçant la prévisibilité des conséquences qui s’attachent à la rupture du contrat de travail par la mise en place d’un barème permettant de fixer le montant de l’indemnité entre un montant minimal et un montant maximal, en préservant la possibilité de réintégration et en écartant son application en cas de nullité du licenciement, les dispositions des articles L.1235-3 et L.1235-3-1 du code du travail ne sont pas incompatibles avec les stipulations d’application directe en droit interne de l’article 10 de convention internationale du travail n°158 de l’Organisation Internationale du Travail. La mise en ‘uvre concrète du barème de l’article L.1235-3 ne saurait cependant avoir pour effet de porter une atteinte disproportionnée au droit à réparation adéquate reconnu par la convention précitée.

En l’espèce, au regard de ces éléments et en l’absence de démonstration de l’existence d’un préjudice dont la réparation adéquate serait manifestement rendue impossible par l’application du plafond du barème susmentionné, en ce que si M. [S] justifie avoir retrouvé un emploi cinq mois après la rupture qu’il a perdu au mois de mai 2020, il a néanmoins finalement retrouvé un emploi pérenne à partir du mois de février 2022, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail.

Compte tenu de l’ancienneté de M. [S] (5 ans et 9 mois), de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (32 ans), d’un salaire mensuel moyen de 3 741,67 euros et de ce que l’article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnisation entre trois et six mois de salaire, la cour infirme le jugement entrepris et alloue à M. [S] la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts.

* Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Le licenciement peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l’ont accompagné, permettant au salarié de demander réparation de son préjudice moral, sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun.

Il résulte de ce qui précède qu’aucun des griefs mis en avant par l’employeur pour justifier la mise à pied conservatoire ayant précédé le licenciement litigieux n’est établi.

Il s’en déduit que M. [S] a été sommé à tort de quitter l’entreprise le jour de sa mise à pied conservatoire en étant dépossédé de ses outils de travail, en ce compris le véhicule de service qui lui était attribué et avec lequel il s’était rendu sur son lieu de travail, le contraignant à solliciter un ami pour pouvoir rentrer à son domicile situé à plus d’une centaine de kilomètres de son lieu de travail. Cette situation particulièrement vexatoire et humiliante justifie l’octroi d’une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi.

Les conditions de l’article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.

Conformément à la demande présentée par M. [S], il convient d’ordonner à la société AXS Ingénierie de lui remettre un bulletin de salaires récapitulatif, ainsi qu’un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformes à la présente décision, sans que les faits de l’espèce ne justifient néanmoins d’assortir cette obligation d’une astreinte.

II – c) Sur l’indemnité de non-concurrence

Le contrat de travail prévoit qu’ ‘en cas d’application de la présente clause de non-concurrence, AXS Ingénierie versera à M. [S] une prime équivalente à trois mois du dernier salaire mensuel dans le cadre du présent contrat de travail. Cette prime sera versée à 50 % au bout de 12 mois et le solde à la fin de la période de deux ans.’

Les parties ne contestent pas l’application de cette disposition, mais uniquement l’assiette de calcul, la société AXS Ingénierie soutenant que doit être pris en compte le dernier salaire de mai 2019, soit 3 453,85 euros, M. [S] soutenant que le dernier salaire mensuel correspond à la somme qui lui a été versée au titre du reçu du solde de tout compte, soit la somme totale de 5 418,90 euros qui comprend outre le salaire de M. [S] l’indemnité compensatrice de congés payés, de RTT et une proratisation de la prime de 13ème versée normalement au mois de décembre de chaque année.

L’indemnité compensatrice de congés payés, de RTT et la prime de 13ème proratisée versées à l’occasion de la rupture, certes de nature salariale, ne constituent toutefois pas le dernier salaire au sens strict perçu au cours du dernier mois, puisqu’elle vise à compenser des droits acquis au long de la relation contractuelle n’ayant pu être liquidés à la date de rupture ; ces sommes doivent donc être exclue de la base de calcul de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence.

En conséquence, c’est à tort que M. [S] réclame le solde du paiement de son indemnité de non concurrence qui a valablement été calculée par son employeur sur la base d’un salaire mensuel de 3 453,85 euros, et réglée conformément aux dispositions contractuelles aux mois de mai 2020 et mai 2021.

III – Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société AXS Ingénierie aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [S] la somme de 1 800 euros sur ce même fondement pour les frais générés en cause d’appel et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 21/1621 et 21/1674, l’instance se poursuivant sous l’unique numéro 21/1621 ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement reposait sur un motif réel et sérieux et débouté M. [S] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour conditions vexatoires ;

Statuant à nouveau,

Condamne la SARL AXS Ingénierie à payer à M. [C] [S] les sommes suivantes :

rappels de salaires au titre des heures supplémentaires accomplies du 1er mai 2016 au 31 décembre 2018 : 9 477, 69 euros,

congés payés afférents : 947,70 euros,

indemnité de repos compensateur : 2 073,72 euros,

Dit que le licenciement de M. [C] [S] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL AXS Ingénierie à payer à M. [C] [S] les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18 000 euros,

dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires : 1 000 euros,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions;

Y ajoutant,

Ordonne à la SARL AXS Ingénierie de remettre à M. [C] [S] un bulletin de salaire rectificatif, un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés conformes à la présente décision ;

Dit n’y avoir lieu à assortir cette obligation d’une astreinte ;

Ordonne le remboursement par la SARL AXS Ingénierie aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à M. [C] [S] dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision ;

Condamne la SARL AXS Ingénierie aux entiers dépens,

Déboute la SARL AXS Ingénierie de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL AXS Ingénierie à payer à M. [C] [S] la somme de 1 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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