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16 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/13130
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 2
ARRÊT DU 16 MARS 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/13130 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEBKY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2021 -Pole social du TJ de Paris – RG n° 20/10617
APPELANTE
SYNDICAT CGT DE L’ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Karim HAMOUDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0282
INTIMÉES
Etablissement Public CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS – CDC
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Syndicat UNION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES DU GROUPE CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Céline COTZA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392
SYNDICAT NATIONAL DE L’ENCADREMENT DE LA CAISSE DE S DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Céline COTZA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392
Syndicat CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DÉMOCRATIQUE DU TRAVAIL CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS (CFDT CDC)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Céline COTZA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 12 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur FOURMY Olivier, Premier président de chambre
Madame ALZEARI Marie-Paule, présidente
Madame LAGARDE Christine, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur FOURMY Olivier dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile
– signé par Olivier FOURMY, Premier président de chambre et par CAILLIAU Alicia, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
La Caisse des dépôts et consignations (ci-après dénommée ‘CDC’), créée en 1816, est un établissement public en charge d’une mission d’intérêt général, en appui des politiques publiques conduites par l’Etat et les collectivités territoriales, et peut exercer des activités concurrentielles, placé sous le contrôle du Parlement.
L’effectif de la CDC comprend 6 700 agents de droit public et 2 682 salariés de droit privé.
La présence, au sein de la CDC, de populations de statuts différents, a conduit le législateur à mettre en place des instances représentatives du personnel spécifiques, dérogatoires au code du travail (loi n°96-452 du 28 mai 1996 et son décret d’application du 13 juillet 1998), calquées sur les instances de la fonction publique, structurées autour de comités techniques et de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
La loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 et le décret n° 2018-449 du 5 juin 2018 ont regroupées les comités techniques et comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein d’une instance unique commune à l’ensemble des personnels publics et privés de la CDC : le comité unique de l’établissement public (le CUEP).
En matière de négociation collective, la loi du 29 mars 2018 a modifié l’article 34 de la loi du 28 mai 1996 pour autoriser la conclusion d’accords collectifs applicables de plein droit non seulement aux personnels de droit privé mais également aux agents relevant d’un statut de droit public. Ces accords, conclus entre le directeur général de la CDC, d’une part, et les organisations syndicales représentatives de cette dernière, d’autre part, ont pour objet « d’assurer la mise en cohérence des règles sociales dont relèvent [s]es personnels » et sont approuvés par arrêté du directeur général. Ces accords sont ainsi investis d’une valeur réglementaire permettant leur application directe a’ ces personnels.
À l’issue des dernières élections professionnelles, la représentativité syndicale s’établit comme suit :
UNSA 34,11%
CFDT 23,20%
CGT 20,53%
SNUP 10,93%
CFE-CGC 6,91%
S’agissant des conditions de travail, les organisations syndicales ont notamment signé :
L’accord relatif à la qualité de vie au travail (ci-après ‘l’accord QVT’), conclu le 4 juillet 2016, pour la période 2016-2019,
Le Protocole d’aménagement et de réduction du temps de travail à la CDC (ci-après ‘l’accord ARTT’), conclu le 29 novembre 2001,
L’accord « relatif à la mise en place du télétravail pour les personnels de la CDC », conclu le 10 juin 2011, modifié par avenant n°1 conclu le 4 mai 2017, et dont les stipulations avaient été rendues applicables aux personnels de droit public de l’établissement par arrêtés du directeur général des 10 juin 2011 et 4 mai 2017.
Eu égard à l’arrivée du terme de l’accord QVT, des négociations ont été engagées avec les partenaires sociaux à compter de janvier 2020, après une première phase de réunions-réflexion autour de la notion de qualité de vie au travail à l’autonome 2019.
À l’issue de réunions de négociations tenues à compter du 27 janvier 2020, et notamment les 27 janvier, 14 février, 29 mai, 23 juin, 6, 9, 10 et 20 juillet 2020, il a été proposé à la signature les accords collectifs suivants :
un projet d’accord sur la qualité de vie au travail,
un projet d’avenant n°2 à l’accord Télétravail,
un projet d’avenant n°1 au protocole ARTT.
Conformément à l’article 22 du décret du 5 juin 2018 prévoyant que le CUEP de la CDC est « consulté préalablement à leur signature, sur les projets d’accords collectifs, dont ceux relatifs à l’intéressement et à l’épargne salariale », la direction de l’établissement public a consulté le CUEP sur les trois projets d’accords le 23 juillet 2020.
À l’issue de la réunion du 23 juillet, le CUEP a émis un avis favorable sur le projet d’avenant n°2 à l’accord Télétravail, à 10 voix contre 4 et une abstention.
Le 1er septembre 2020, les partenaires sociaux ont signé :
l’accord pour la qualité de vie individuelle et collective au travail,
l’avenant n°2 à l’accord Télétravail ; ce dernier a été signé par une majorité d’organisations représentatives, la CFDT, la CFE-CGC et l’UNSA.
Le 2 septembre 2020, le directeur général de la CDC a signé un arrêté portant approbation de l’avenant n°2 à l’accord relatif à la mise en place du télétravail pour les personnels de la CDC.
Mais le 6 juillet 2020, le syndicat CGT avait saisi la direction des ressources humaines de la CDC et le directeur général de la CDC de la violation par l’avenant n°2 à l’accord Télétravail de l’article 2.1 de l’accord collectif sur le télétravail signé en 2011 concernant les modalités de révision de celui-ci.
Le 28 juillet 2020, la CGT a également signalé la situation à l’inspection du travail, à laquelle la CDC a adressé une réponse motivée, le 6 août 2020, à laquelle il n’a pas été donné suite.
Le 23 octobre 2020, le syndicat CGT de la CDC a assigné à jour fixe la Caisse des dépôts et consignations, le syndicat CFDT de la Caisse des dépôts et consignations, l’UNSA du groupe CDC et le syndicat de l’encadrement de la CDC aux fins d’annulation de celui-ci et de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Par jugement du 18 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
rejeté la fin de non-recevoir soulevé par la CFDT CDC, l’UNSA CDC et le syndicat national de l’encadrement de la CDC, sur le fondement du principe d’estoppel ;
débouté le syndicat CGT CDC de sa demande d’annulation de l’avenant n°2 à l’accord relatif à la mise en place du télétravail pour les personnels de la Caisse signé le 1er septembre 2020 ;
débouté le syndicat CGT CDC de sa demande subséquente de dommages et intérêts ;
condamné le syndicat CGT CDC à verser la somme de 3.500 euros à l’Établissement Public de la Caisse des dépôts et consignations et la somme globale de 4 500 euros aux syndicats défendeurs (CFDT CDC, UNSA CDC, et syndicat national de l’encadrement de la CDC), au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
condamné le syndicat CGT CDC aux entiers dépens ;
rappelé que l’exécution provisoire de la décision est de droit.
Par déclaration du 10 juillet 2021, le syndicat CGT CDC a interjeté appel de cette décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 8 octobre 2021, le syndicat CGT de l’établissement public de la Caisse des dépôts et consignations demande à la cour de :
« Vu les articles L.2132-3, L.2262-14, L.2222-5, L.2262-4, L.2262-12 du code du travail,
Vu l’accord télétravail du 10 juin 2011,
Vu l’avenant n°2 du 1er septembre 2020,
Vu l’ensemble des pièces produites,
Il est demande’ a’ la Cour d’appel de Paris de :
Infirmer en totalité le jugement du Tribunal judiciaire de Paris en date du 18 mai 2021 ;
En conséquence,
Annuler l’avenant n°2 a’ l’accord relatif a’ la mise en place du télétravail pour les personnels de la Caisse des Dépôts et Consignations signe’ le 1er septembre 2020 ;
Condamner la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS a’ payer au syndicat CGT de l’établissement public CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS la somme de 3.000 euros a’ titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice cause’ par la violation de l’accord collectif du 10 juin 2011 ;
Condamner la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS a’ payer au syndicat CGT de l’établissement public CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile
Condamner la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS aux entiers dépens de l’instance ».
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 15 novembre 2021, la CFDT CDC, l’UNSA CDC et le syndicat national de l’encadrement de la CDC demandent à la cour de :
« Plaise a’ la Cour de :
CONFIRMER le jugement en ce qu’il a déboute’ la CGT de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNER la CGT a’ verser a’ la CFDT, l’UNSA et a’ CFE CGC de la CDC la somme de 4.500€ au titre de l’article 700 du cpc ».
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 4 février 2022, la Caisse des dépôts et consignations demande à la cour de :
« Vu les articles L. 2221-2, L. 2222-5, L. 2262-4 et L. 2262-13 du Code du travail,
Vu l’article 1104 du Code civil,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu la jurisprudence visée,
Il est demande’ a’ la Cour d’appel de Paris de :
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les prétentions de la CGT ;
EN CONSÉQUENCE DÉBOUTER le syndicat Confédération Générale du Travail ‘ CGT de l’Établissement public de la Caisse des dépôts et consignations de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER le syndicat Confédération Générale du Travail ‘ CGT de l’Établissement public de la Caisse des dépôts et consignations a’ verser a’ la Caisse des dépôts et consignations la somme complémentaire de 4.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel ;
Dire que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux, SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ».
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’irrecevabilité de la demande de la CGT pour estoppel
Les syndicats intimés relèvent que l’estoppel vient sanctionner le comportement procédural d’une partie constitutive d’un changement de position, de droit, de nature à induire son adversaire en erreur sur ses intentions.
En l’occurrence, la circonstance que la CGT aurait accepté de participer à des négociations ou en tout cas aurait signé des accords alors même que la procédure de révision n’aurait pas été respectée ne saurait être assimilée à un comportement procédural au sens d’un estoppel.
En effet, si un syndicat peut décider de renoncer invoquer le non-respect de la procédure de révision d’un accord, dans l’intérêt des intérêts collectifs de la profession qu’il représente, il n’en résulte aucunement que ce syndicat entendrait ainsi renoncer pour l’avenir invoquer le non-respect par un employeur des dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles à cet égard.
Les syndicats intimés seront donc déboutés de leur demande d’irrecevabilité de la demande de la CGT, le jugement entrepris étant à cet égard confirmé.
Sur la demande d’annulation de l’avenant n°2 du 1er septembre 2020
Le syndicat CGT de l’Établissement Public de la Caisse des dépôts et Consignations soutient que l’avenant n°2 du 1er septembre 2020 à l’accord collectif sur le télétravail du 10 juin 2011 a été conclu en méconnaissance des modalités prévues par l’article 2.1 dudit accord, de sorte qu’il doit être annulé. À ce titre, le syndicat CGT soutient que la direction de la CDC n’a pas adressé de courrier recommandé avec accusé de réception (‘LRAR’) afin d’informer les organisations syndicales qu’elle envisageait de réviser l’accord Télétravail, qu’elle n’a pas respecté le délai de préavis de trois mois et qu’elle n’a engagé aucune négociation propre à la révision de l’accord Télétravail.
En réponse, la CDC soutient qu’aucune disposition du code du travail n’impose l’utilisation du recommande’ avec accuse’ de réception pour l’envoi aux organisations syndicales des invitations a’ négocier un avenant de révision. Elle fait valoir qu’il s’agit uniquement d’une formalité non-substantielle, qui n’est prévue qu’a’ des fins probatoires, et qui a pour seul objet de s’assurer qu’un débat a bien été engage’ sur la base d’une information et d’une négociation loyales et transparentes. En ce qui concerne le prétendu non-respect du délai de préavis de trois mois, la CDC soutient que le délai de préavis a été respecté puisque les organisations syndicales avaient été informées de sa volonté de renégocier l’accord Télétravail dès l’automne 2019 et au plus tard, formellement, dans les documents joints a’ la convocation du 24 janvier 2020 a’ la réunion de négociation du 27 janvier suivant.
Les syndicats intimés soutiennent que le formalisme de révision prévu par l’accord Télétravail du 10 juin 2011 ne revêt pas de caractère d’ordre public et que son non-respect n’est pas assorti de sanction. À ce titre, ils soulignent que le non-respect d’un accord collectif fait l’objet d’un contentieux distinct susceptible d’entraîner des sanctions spécifiques visées a’ l’article L. 2262-12 du code du travail. Ils ajoutent qu’en droit de la négociation collective, le formalisme permet de garantir la loyauté de la négociation, dont seule la violation est susceptible d’entraîner la nullité de l’accord et que le respect du formalisme permet de faire présumer la loyauté de celle-ci. En l’espèce, à défaut de respect de la procédure de révision, la CFDT, l’UNSA et le syndicat de l’encadrement soulignent que les négociations ont été loyales puisque la CGT a été convoquée à toutes les réunions, qu’aucune négociation séparée n’a été organisé et que les réunions se sont échelonnées sur une durée d’un an.
Sur ce,
Aux termes de l’article 2/1 ‘Révision’ de l’accord sur le Télétravail du 10 juin 2011 :
« La demande de révision de l’accord pendant sa période d’application peut intervenir à l’initiative d’un signataire moyennant le respect d’un préavis de trois mois. La demande de révision doit être notifiée par son auteur aux autres signataires, sous pli recommandé avec accusé de réception.
Les organisations syndicales représentatives et la direction de la CDC devront se réunir dans un délai maximum de trois mois suivant la date de notification de la demande.
Il appartient à l’auteur de la demande la révision de l’accord de présenter une nouvelle rédaction. (sic)
L’avenant modifiant l’accord en vigueur et déposée selon les mêmes formalités et délais que l’accord. Il fera partie intégrante du présent accord » (souligné par la cour).
Il résulte sans aucune ambiguïté possible de ces dispositions que dès lors que la CDC entendait procéder à la révision qu’un accord, et en l’occurrence celui sur le télétravail, elle aurait dû en principe adresser aux parties concernées un courrier recommandé avec accusé de réception leur notifiant sa demande. C’est donc vainement que la CDC soutient qu’aucune disposition du code du travail n’impose l’utilisation d’une LRAR.
Cela étant, comme le font valoir la CDC et les syndicats intimés, la disposition susvisée a fondamentalement pour objet de permettre le débat entre toutes les parties concernées dans le cadre d’une négociation organisée, étant souligné que le caractère recommandé de la notification de la demande a pour effet d’imposer aux parties de se réunir dans un délai maximum de trois mois.
L’annulation de l’avenant numéro deux du 1er septembre 2020 ne peut donc être prononcée du seul chef de la méconnaissance des modalités de révision prévue par l’accord télétravail du 10 juin 2011.
La question est plutôt, comme la CGT le soulève d’ailleurs, et comme y font écho les syndicats intimés, celle de la loyauté de la négociation.
En tout état de cause, aux termes de l’article 114 du code de procédure civile, « (a)ucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la voie loi, sauf en cas d’inobservation des formalités substantielles ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qu’il invoque de prouver le grief public aux irrégularités mêmes lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle d’ordre public ».
Or en l’occurrence, la CGT ne démontre aucun grief, tant il est établi par l’ensemble des pièces qu’elle soumet elle-même qu’elle a échangé de nombreux messages avec la direction d’entreprise et en tout état de cause participé aux négociations ayant conduit à l’adoption de l’avenant n°2. En l’absence de grief, aucune nullité de cet accord ne saurait résulter du non-respect des dispositions relatives à la révision de l’accord initial.
Le jugement entrepris sera sur ce point confirmé.
Sur la demande d’annulation de l’avenant n°2 du 1er septembre 2020 conclu en méconnaissance du principe de loyauté
Le syndicat CGT soutient que le non-respect du formalisme dans le cadre de la révision de l’accord Télétravail n’est qu’un indice du manquement à l’obligation de loyauté de la CDC dans la conduite des négociations du nouvel avenant. Tout d’abord, le syndicat CGT fait valoir que l’ensemble des réunions de négociation ont été qualifiées de QVT, de telle sorte que la révision de l’accord Télétravail n’a pas été formellement actée ni traduite dans un projet d’avenant. Ensuite, le syndicat CGT soutient que la Direction de la CDC n’a pas adapté le calendrier des négociations aux demandes des syndicats. Enfin, le syndicat CGT soutient que, dès le mois de juin 2020, il a été constaté que l’accord Télétravail n’était plus appliqué dans l’entreprise.
En réponse, la CDC soutient que des réunions spécifiquement dédiées a’ la négociation de l’avenant ont été organisées et que la Direction a procédé a’ la signature d’un accord spécifique au télétravail, en l’occurrence l’avenant n°2, de telle sorte que la négociation de l’avenant n°2 portant sur le télétravail n’a pas été diluée dans la négociation du nouvel accord QVT. En ce qui concerne le prétendu refus de la Direction d’adapter le calendrier des négociations, la CDC soutient que le syndicat CGT a été invité a’ l’ensemble des réunions de négociation et y a participé, de telle sorte qu’il a pu faire valoir les intérêts qu’il entendait défendre dans le cadre de la révision de l’accord Télétravail. Enfin, sur le gel allégué de l’accord Télétravail, la CDC répond que si le syndicat CGT entendait contester l’inexécution de l’ancien accord, il lui appartenait de porter ce débat devant le Tribunal judiciaire dans le cadre d’un litige distinct, lequel aurait alors porté’ sur l’application de l’accord dans sa rédaction précédemment en vigueur, ce qu’il n’a pas estimé devoir faire.
Quant aux syndicats intimés, ils soutiennent que la CGT ne pouvait pas ignorer que la négociation sur la qualité de vie au travail, engagée depuis des mois, intégrait expressément la problématique du télétravail et qu’en conséquence, les négociations étaient susceptibles d’entraîner la signature d’un avenant de révision de l’accord du 10 juin 2011.
Sur ce,
Il est constant que la CDC et les syndicats représentatifs au sein de l’entreprise ont négocié plusieurs accords et notamment, comme il a été rappelé plus haut, un accord QVT et un accord télétravail.
En l’espèce, il ressort des pièces versées par les parties que la négociation en cause, annoncée dès l’automne 2019, a concerné essentiellement l’accord QVT.
En tant que tel, en tout cas à l’origine de la négociation, il n’a pas été fait mention d’un avenant à l’accord télétravail.
Pour autant, ce n’est pas sans une certaine mauvaise foi qu’il peut être alléguée que la discussion aurait porté exclusivement sur un accord QVT totalement indépendant de l’accord télétravail. En effet, le projet d’accord QVT constitue un cadre général comprenant plusieurs axes et qui ne pouvait, à l’évidence, laisser de côté la question du télétravail, étant au demeurant relevé que l’année 2020 a été marquée par la crise sanitaire liée au virus Covid.
En tout état de cause, parmi les cinq axes prioritaires « pour mieux vivre ensemble les enjeux des trois prochaines années », deux (les axes 3 et 4) abordent expressément la question du télétravail.
De plus, le calendrier de négociation distribué à l’occasion de la réunion du 29 mai 2020, mentionne expressément, en page 3, que le 10 juin se dérouleront les négociations sur les projets d’accord QVT ainsi que sur les avenants RTT et télétravail, avec transmission des projets de textes au plus tard le 5 juin.
À cette date un courriel a été adressé par la personne chargée des relations sociales au sein de l’entreprise, au syndicat dont la CGT, indiquant que la réunion de travail du 10 juin 2020 porterait « sur l’accord qualité de vie au travail » et qu’à cette fin, il leur était adressé un projet d’accord relatif à la qualité de vie au travail, un projet d’avenant numéro un protocole ARTT et un projet d’avenant numéro 2 à l’accord télétravail.
Le 20 juin 2020, la même personne a adressé aux syndicats, dont la CGT, des documents pour la réunion du 23 juin. Il est intéressant de relever que ce courriel est intitulé « négociation accord qualité de vie au travail ». Parmi les pièces envoyées figurent un tableau comparatif présentant dans une colonne l’accord relatif au télétravail et dans une colonne en regard, les dispositions du projet d’avenant n°2.
La CGT produit également des courriels datés du 26 juin qui font part de l’inquiétude du syndicat et d’une chargée de développement quant à la procédure de mise en place ou de gestion des nouvelles demandes de télétravail. À cette occasion, la CGT écrit qu’elle tient à rappeler que « l’accord en vigueur sur le télétravail n’a pas fait l’objet d’une dénonciation est toujours en vigueur dans tout l’établissement public ».
La CGT ne peut donc en aucune manière soutenir que la négociation aurait présenté un caractère déloyal que d’une part, dès l’automne 2019, il était incontestable que la question du télétravail s’inscrivait dans celle plus large de la qualité de vie au travail, tandis que ce syndicat s’inquiétait du respect de l’accord relatif au télétravail alors que la négociation se poursuivait.
Ce n’est que le 6 juillet 2020, que par un courrier adressé au directeur général, la CGT va faire expressément part de son étonnement sur la procédure suivie, dans les termes suivants : « si l’accord QVT en négociation venait à modifier les mesures prévues dans un de cet accord ou les deux (télétravail ou ARTT), il vous faudrait entamer des négociations telles que prévu dans l’article 2/1 de l’accord télétravail et de l’article 8.3.3 de l’accord ARTT. Nous avons été très surpris de recevoir par mail des avenants à ces deux accords alors que la négociation en cours ne porte que sur la QVT et toutes les invitations reçues également. Vous ne pouvez donc aujourd’hui négocier une révision de l’un ou de ces deux accords sans en respecter le formalisme ».
Par courrier du 7 juillet 2020, le directeur des relations sociales de la CDC a adressé la convocation aux titulaires du comité unique de l’établissement public, avec au point 9, un point de consultation sur le projet d’avenant à l’accord relatif à la mise en place du télétravail.
Le lendemain, la CGT se déclare « très surprise à la lecture de la convocation » et rappelle les dispositions prévues pour procéder à la révision des accords. La CGT informe également les destinataires de son courriel que dans l’hypothèse où la direction continuerait « dans ce processus, la CGT se réservera la possibilité d’ester en justice ».
De l’ensemble de ce qui précède, il résulte que si une partie a fait preuve de déloyauté dans la négociation ayant abouti, le 1er septembre 2020, à l’adoption de l’avenant n°2 à l’accord télétravail, ce ne peut être la CDC qui a informé les parties, dès l’automne 2019, d’un processus de négociation englobant l’ensemble des aspects de la qualité de vie au travail, donc, en l’occurrence, sans aucune ambiguïté possible, le télétravail pour aboutir, après de nombreuses réunions de négociation et la distribution de documents permettant le choix éclairé de chacune, d’aboutir à l’adoption d’un avenant près d’un an après.
La CGT doit être déboutée de sa demande d’annulation de cet avenant pour déloyauté.
Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l’accord collectif du 10 juin 2011
Le syndicat CGT soutient que la CDC, avec la complicité de certaines organisations syndicales, a de’libe’re’ment viole’ les termes de l’accord relatif a’ la mise en place du télétravail de 2011, dont il est signataire. En outre, il fait valoir que la CDC a eu un comportement déloyal en ce qu’elle n’a jamais tenu compte des nombreuses alertes et demandes du syndicat aux fins de régularisation du processus de révision. À ce titre, le syndicat CGT de l’Établissement Public de la Caisse des dépôts et Consignations sollicite la condamnation de la Caisse des dépôts et Consignations a’ lui verser la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice subi.
La CGT étant déboutée de sa demande d’annulation de l’avenant n°2 à l’accord télétravail ne peut être que déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le syndicat CGT sera condamné aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Hinoux (Selarl Lexavoué Paris Versailles).
Il sera condamné à payer à la CDC la somme de 4000 euros et aux syndicats intimés, unis d’intérêt, la somme de 4 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il sera débouté de sa demande à cet égard
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement par décision contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 18 mai 2021, en toutes ses dispositions ;
Condamne le syndicat CGT de l’établissement public de la Caisse des dépôts et consignations aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Hinoux (Selarl Lexavoué Paris Versailles) ;
Condamne le syndicat CGT de l’établissement public de la Caisse des dépôts et consignations à payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :
– à la Caisse des dépôts et consignations, la somme de 4 000 euros ;
– à l’union nationale des syndicats autonomes du groupe Caisse des dépôts et consignations, au syndicat National de l’Encadrement de la Caisse des dépôts et consignations, et à la Confédération française démocratique du travail de la Caisse des dépôts et consignations, unis d’intérêt, la somme de 4 500 euros ;
Déboute le syndicat CGT de l’établissement public de la Caisse des dépôts et consignations de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute demande autre plus ample ou contraire.
La greffière, Le président,