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15 juin 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/06805
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 36Z
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 JUIN 2023
N° RG 22/06805 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VQL3
AFFAIRE :
[U] [N]
C/
[T] [A]
…
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 31 Janvier 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE, arrêt de la 14ème chambre de la Cour d’appel de Versailles du 11 octobre 2018, arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 2020
N° RG : 2017R00768
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 15.06.2023
à :
Me Typhanie BOURDOT, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Sophie PORCHEROT, avocat au barreau de VERSAILLES,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
DEMANDEUR devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (Chambre commerciale, financière et économique) du 16 décembre 2020 cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la 14ème chambre de la cour d’appel de Versailles le 11 octobre 2018
Monsieur [U] [N]
né le [Date naissance 8] 1961 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 12]
Représentant : de Me Typhanie BOURDOT de la SELARL MBD AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 644 – N° du dossier 22TB3148
Ayant pour avocat plaidant Me Julien LEMAITRE, avocat plaidant au barreau de Rennes
****************
DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [T] [A]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 3]
Monsieur [Z] [O]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 7]
S.A.R.L. SETI INGENIERIE CONSEIL
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
n° siret 402 998 413 (Rcs Nanterre)
[Adresse 5]
[Localité 15]
Représentant : de Me Sophie PORCHEROT de la SELARL REYNAUD AVOCATS,Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 177 – N° du dossier 383313
Ayant pour avocats plaidants Me Olivier KUHN et Me Cécile REBIFFÉ, du barreau des Hauts-de-Seine
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Avril 2023, Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI, et en présence de Mme Elisa VECCHIE, greffière stagiaire,
EXPOSE DU LITIGE
La société à responsabilité limitée SETI Ingénierie Conseil a pour activité la réalisation de projets de traitement de l’information, étant spécialisée dans la conception assistée par ordinateur et le calcul scientifique pour le nucléaire civil, avec une clientèle de grands comptes.
Elle a été créée en 1995 par M. [U] [N] et M. [T] [A], associés fondateurs, détenteurs chacun de la moitié des 500 parts sociales composant le capital de la société SETI Ingénierie Conseil et co-gérants de la société.
Le 7 janvier 2013, les deux associés ont cédé chacun 25 de leurs parts à M. [Z] [O].
Le 27 avril 2016, l’assemblée générale de la société SETI Ingénierie Conseil a révoqué M. [N] de son mandat de gérant avec effet immédiat et désigné M. [O] co-gérant aux côtés de M. [A].
C’est dans ce contexte qu’estimant sa révocation abusive et affirmant avoir constaté, à la suite e la réception du bilan de l’année 2015-2016, l’existence d’opérations présentant un caractère
suspect et contraire à l’intérêt social de la société, M. [N] a fait assigner le 12 juillet 2017 devant le président du tribunal de commerce de Nanterre la société SETI Ingénierie Conseil, sur le fondement des articles L. 223-37 et R. 223-30 du code de commerce, principalement aux fins d’expertise sur les opérations de gestion visées par l’assignation.
Il a ensuite fait assigner les 12 et 14 septembre 2017 M. [A] et M. [O] aux mêmes fins.
Par ordonnance contradictoire du 31 janvier 2018 rendue en la forme des référés le président du tribunal de commerce de Nanterre a :
– dit recevable mais mal fondée la demande de M. [U] [N],
– débouté la S.A.R.L. SETI Ingénierie Conseil, MM. [T] [A] et [Z] [O] de leurs demandes reconventionnelles,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les dépens à la charge de M. [U] [N].
Le 13 février 2018, M. [N] a interjeté appel de cette ordonnance.
Par arrêt contradictoire rendu le 11 octobre 2018, la présente cour a confirmé l’ordonnance du 31 janvier 2018 et condamné M. [N] aux dépens et à payer à la société SETI Ingénierie Conseil, à M. [A] et à M. [O] la somme globale de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [N] a formé un pourvoi contre cet arrêt.
La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, dans un arrêt du 16 décembre 2020 a :
– cassé et annulé, mais seulement en ce que, confirmant l’ordonnance de référé, il rejette la demande d’expertise de gestion de M. [N] et en ce qu’il statue sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, l’arrêt rendu le 11 octobre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;
– remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;
– condamné la société SETI ingénierie conseil et MM. [A] et [O] aux dépens ;
– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société SETI ingénierie conseil et MM. [A] et [O] et les a condamnés à payer à M. [N] la somme globale de 3 000 euros ;
Par déclaration reçue au greffe le 11 novembre 2022, M. [U] [N] a saisi la présente cour de renvoi et sollicité de la cour autrement composée l’infirmation de l’ordonnance des référés rendue par le tribunal de commerce de Nanterre en date du 31 janvier 2019 en ce qu’elle a :
– dit recevable, mais mal fondée la demande de M. [U] [N],
– débouté la S.A.R.L. SETI Ingénierie Conseil, MM. [T] [A] et [Z] [O] de leurs demandes reconventionnelles,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les dépens à la charge de M. [U] [N].
Dans ses dernières conclusions déposées le 20 mars 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [U] [N] demande à la cour, au visa des articles 1855, 1856 du code civil, L. 223-1 et suivants, L. 223-37 et R. 223-30 du code de commerce et le décret 78-704 du 3 juillet 1978 de :
‘à titre principal,
– désigner un ou plusieurs experts qui seront chargés de présenter un rapport sur les opérations de gestion visées ci-après et de communiquer les informations demandées :
– communication du montant versé pour les prestations de la société de Mme [J], conjointe du gérant [A], en l’absence de conventions réglementées ;
– communication des accords d’intéressement, avis de l’expert sur la légalité du supplément d’intéressement versé au gérant [O], vérification du remboursement du trop-perçu d’abondement sur le supplément d’intéressement versé à M. [O] ;
– communication de l’inventaire des remboursements sur la base d’allocations forfaitaires versés aux gérants depuis mai 2016 ;
– communication de l’inventaire des forfaits ‘petits déplacements’ versés aux gérants depuis mai 2016 et avis de l’expert sur la légalité de ces versements concernant le personnel ;
– communication de l’inventaire des prises en charge des frais de transport domicile-travail des gérants à partir de l’exercice social 2016-2017 ;
– communication de l’inventaire des prises en charge des frais de logement des gérants sur [Localité 16] à partir de l’exercice social 2016-2017 ;
– recherche de l’origine de l’erreur de 2 525 euros constatée dans les comptes 2015-2016 concernant le paiement du redressement URSSAF ;
– constater l’absence de décision collective des associés concernant le paiement par la société des charges sociales obligatoires des gérants depuis l’exercice 2016-2017 et en ordonner le remboursement par les gérants à la société, inclus les intérêts au taux légal ;
à titre subsidiaire,
– dire que l’expert, au titre du droit à l’information de l’associé minoritaire, apportera :
– les réponses aux questions écrites de M. [N] non répondues par les gérants (coût du commercial, services à la personne au profit des gérants, nom du délégué du personnel, noms du personnel démissionnaire, raison du doublement du coût de la prévoyance du gérant [A], communication des 6 pages disparues du bilan comptable 2020-2021, communication des informations permettant de vérifier les intérêts sur les comptes courants d’associés) ;
– à propos du projet Skills Factor développé par la société, la communication du coût global et du chiffre d’affaires généré sur chaque exercice ;
– la communication des contrats contractés pour les gérants mais payés par la société (retraite complémentaire, prévoyance, complémentaire santé) ;
– la communication des accords collectifs avec le personnel et des avantages accordés aux salariés ;
à titre très subsidiaire,
– inviter l’expert à se prononcer sur les éléments de gestion suivants :
– politique de rémunération de la gérance indexée depuis 2016 sur le plafond annuel de la Sécurité social et augmentée d’une prime proportionnelle au résultat,
conduisant à des rémunérations élevées au regard des résultats de la société ;
– absence systématique de versement de dividendes depuis 2016 ;
– pertinence des intéressements et du supplément d’intéressement coûteux sur l’exercice 2016-2017 au regard du faible résultat sur cet exercice social ;
En tout état de cause,
– dire que l’expert ou les experts pourront, dans le cadre de leur mission, solliciter de la gérance de la société SETI Ingénierie Conseil toutes explications et se faire remettre tous documents relatifs aux dites opérations de gestion ;
– dire que le ou les experts pourront se faire assister par toutes personnes de leur choix ;
– fixer le délai de remise de ce rapport ainsi que la rémunération du ou des experts désignés, laquelle sera à la charge de la société SETI Ingénierie Conseil ;
– débouter la société SETI de sa demande d’indemnisation au titre d’une prétendue procédure abusive,
– condamner la société SETI Ingénierie Conseil à payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société SETI Ingénierie Conseil aux entiers dépens’.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 7 avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société SETI Ingénierie Conseil, M. [T] [A] et M. [Z] [O] demandent à la cour, au visa des articles 31, 32-1, 122, et 1037-1 du code de procédure civile et L. 223-37 du code de commerce, de :
‘- déclarer en tant que de besoin irrecevables à l’égard de M. [T] [A] et de M. [Z] [O] toutes conclusions notifiées par M. [U] [N] dans le cadre de la présente instance sur saisine sur renvoi après cassation ;
– déclarer irrecevable la demande d’expertise de gestion de M. [U] [N] pour défaut d’intérêt à agir ;
en tout état de cause :
– confirmer l’ordonnance rendue en la forme des référés par le président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 31 janvier 2018 (i) en ce qu’elle a débouté M. [U] [N] de sa demande d’expertise de gestion, qui est irrecevable et, comme l’a jugé le président du tribunal de commerce de Nanterre, mal fondée, et (ii) en ce qu’elle a mis à sa charge les dépens ; – débouter M. [U] [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions et plus particulièrement de sa demande de désignation d’un expert chargé de présenter un rapport sur les opérations de gestion et de lui communiquer les éléments objet de l’expertise de gestion ;
– condamner M. [U] [N] à payer à la société SETI Ingénierie Conseil, à M. [T] [A] et à M. [Z] [O] la somme de 3 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [U] [N] aux entiers dépens de l’instance ;
à titre subsidiaire, si la demande de M. [U] [N] était déclarée recevable et était accueillie en tout ou partie,
– mettre à la charge de M. [U] [N] l’avance des frais de l’expertise qui serait ordonnée ;
– ordonner à l’expert désigné de ne pas communiquer à M. [U] [N] les documents consultés et utilisés dans le cadre de sa mission ;
– le débouter de toute demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens’.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes de M. [N] à l’égard de MM. [A] et [O]
Se fondant sur l’article 1037-1 du code de procédure civile, les intimés font valoir que, dès lors que les conclusions notifiées par M. [N] le 23 novembre 2022 n’étaient prises qu’à l’encontre de la société SETI et non de MM. [A] et [O], la cour doit statuer au vu des conclusions précédemment déposées dans l’instance d’appel qui a donné lieu à cassation, en ce qui concerne MM. [A] et [O], et ne tenir compte uniquement, pour ce qui les concerne, des moyens et prétentions que M. [N] avait soumis à la cour saisie de son appel contre l’ordonnance du 31 janvier 2018.
M. [N] soutient que la procédure était dirigée contre la société SETI et non contre ses gérants, et fait valoir qu’en tout état de cause, les conclusions d’appelant ont bien été signifiées par RPVA à l’ensemble des intimés le 7 décembre 2022.
Sur ce,
En vertu des dispositions de l’article 1037-1 du code de procédure civile, ‘la déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l’instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l’avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président.
Les conclusions de l’auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration. (…) Les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumis à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé’.
L’article 910-4 du code de procédure civile dispose qu’ ‘à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures’.
En l’espèce, l’examen du RPVA permet de constater que la déclaration de saisine de M. [N], du 11 novembre 2022, visait 3 intimés : M. [A], M. [T] et la société SETI. Cette déclaration a été signifiée à M. [O] le 1er décembre et à M. [A] et la société SETI le 7 décembre 2022.
Les premières conclusions de M. [N], notifiées le 23 décembre 2022, ne mentionnent que la société SETI comme intimée, à l’inverse des conclusions n°2 du 20 mars 2023 faisant état de 3 intimés.
Cependant, M. [N] ne forme aucune demande à l’encontre de M. [O] et [A] dans ses conclusions n°2. Il n’y a donc pas lieu de déclarer ‘irrecevables à l’égard de M. [T] [A] et de M. [Z] [O] toutes conclusions notifiées par M. [U] [N]’.
Sur l’intérêt à agir de M. [N]
Arguant du défaut d’intérêt à agir de M. [N], les intimés exposent que celui-ci a choisi d’agir directement contre les gérants de la société SETI pour faute de gestion, l’action ayant été engagée le 8 juin 2020 devant le tribunal de commerce de Nanterre et ils soutiennent que les actes de gestion pour lesquelles l’appelant sollicite la désignation d’un expert correspondent aux fautes de gestions visées dans le cadre de cette procédure au fond.
Ils en déduisent que l’expertise de gestion est donc sans objet puisque M. [N] estime que les fautes de gestion sont suffisamment caractérisées pour engager la responsabilité des gérants, toute mesure d’expertise ne présentant plus aucune utilité.
M. [N] affirme que les procédures engagées devant le tribunal de commerce de Nanterre ne concernent pas les mêmes faits et fait valoir qu’une procédure initiée au fond devant un tribunal de commerce pour des fautes de gestion ne peut paralyser une demande d’expertise de gestion utile et nécessaire.
Sur ce,
L’expertise de gestion organisée par l’article L. 223-37 du code de commerce ne se confond pas avec les mesures d’instruction prévues par les articles 145 et suivants du code de procédure civile, lesquelles peuvent d’ailleurs être engagées concomitamment, et obéit à un régime juridique spécifique.
Le texte susvisé ne prévoit notamment pas que la demande d’expertise de gestion devrait être exclusive de tout autre action en justice.
Il ne peut donc être valablement argué du défaut d’intérêt à agir de M. [N] devant la présente cour, nonobstant l’action engagée au fond devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Sur l’expertise de gestion
M. [N] expose être complètement tenu à l’écart de la vie de la société depuis sa révocation de son mandat de gérant et expose que l’expertise de gestion qu’il sollicite concerne 8 points :
– non-respect de la procédure des conventions réglementées,
– absence d’information concernant l’intéressement, les suppléments d’intéressement et les abondements associés
– remboursements forfaitaires accordés aux gérants,
– versement de forfaits ‘petits déplacements’ aux salariés et aux gérants,
– remboursements aux gérants de leurs frais de transport domicile-travail,
– remboursements aux gérants de leurs dépenses de logement,
– mention d’un montant inexact en lien avec le redressement de l’URSSAF,
– absence de décision collective des associés concernant le paiement par la société des charges sociales obligatoires des gérants.
Il soutient que ses demandes remplissent précisément les conditions pour une expertise de gestion, s’agissant d’opérations de gestion et alors que les réponses à ses questions ne lui ont pas été apportées, alors qu’il rapporte la preuve de nombreux éléments suspects.
Contestant ne poursuivre que son intérêt personnel, M. [N] affirme au contraire ne rechercher que l’intérêt social et soutient qu’une expertise est indispensable, laquelle doit être mise à la charge de la société.
Concernant les conventions réglementées, définies à l’article L. 223-19 du code de commerce comme des ‘conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l’un de ses gérants ou associés’, qui doivent être autorisées par un vote en assemblée générale, étant précisé que ‘le gérant ou l’associé intéressé ne peut prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité’, M. [N] affirme que les associés n’ont pas été avertis lors de l’assemblée générale du 7 décembre 2016 que M. [A] sous-traitait des tâches administratives de la société SETI à sa conjointe, Mme [J], par l’intermédiaire de sa société PAXe services, aucune convention réglementée n’étant proposée au vote des associés.
Il en déduit que le caractère suspect de cette sous-traitance justifie la désignation d’un expert pour déterminer le montant des prestations passées par la société SETI à la société PAXe services, même si aucun contrat n’a peut-être été conclu entre les sociétés.
Sur l’absence d’information concernant l’intéressement, les suppléments d’intéressement et les abondements associés, qui constitue une décision prise par la gérance non votée en assemblée générale, M. [N] expose ne disposer d’aucune information alors qu’il a constaté un supplément d’intéressement abondé à 300 % en 2017. Il soupçonne les gérants d’avoir modifié à son insu les accords d’intéressement à leur avantage, par exemple en se rendant éligibles à l’intéressement alors qu’ils en étaient exclus avant 2016.
Arguant de la nécessité pour l’expert de se prononcer sur la pertinence des intéressements et abondements, dont le coût ne cesse d’augmenter, et notamment sur le supplément d’intéressement exceptionnel versé à M. [O] en 2017 et son abondement, l’appelant rappelle qu’un trop-perçu de 1 101, 37 euros a été constaté.
M. [N] explique que des remboursements forfaitaires de frais ont été accordés aux gérants, alors même qu’ils étaient interdits par l’URSSAF qui avait procédé à un redressement à ce titre, ce qui laisse craindre selon lui la mise en oeuvre d’un second redressement.
Il conteste le versement de charges sociales afférentes à ces remboursements, faisant valoir qu’ils concernent des frais et non des rémunérations et mettant en avant l’absence de justificatifs produits par la société SETI à ce titre.
Il fait état notamment à ce titre de remboursements de repas sur la base d’allocations forfaitaires, de dédommagement forfaitaire de télétravail ou de remboursement de frais de logement accordés à M. [O] et M. [A].
Concernant le versement de forfaits ‘petits déplacements’ aux salariés et aux gérants, M. [N] soutient que la société SETI a incité ses salariés à déclarer chaque mois deux journées de ‘petits déplacements’ afin de leur verser dans ce cadre une indemnité de 36, 60 euros au titre de leurs frais de restauration, exempte de charges sociales, sans que cela corresponde aux déplacements réels des salariés, attitude qui engendre là encore selon lui un risque social important, d’autant que cette somme serait également versée aux gérants alors qu’ils ne peuvent y prétendre.
Rappelant que les gérants d’une société ne peuvent obtenir aucun remboursements de leurs frais de transport domicile-travail sauf circonstance particulière démontrant qu’ils sont domiciliés loin de leur entreprise dans l’intérêt de celle-ci, l’appelant soutient que de tels frais sont abusivement versés à MM. [A] et [O], le poste de dépense des transports ayant en outre augmenté de 488% entre 2016 et 2017,
Sur le remboursements aux gérants de leurs dépenses de logement, M. [N] fait valoir que les frais d’hôtel sont passés de 912 euros à 49 622 euros et indique que la domiciliation lointaine d’un gérant pour convenance personnelle (M. [O] étant domicilié dans le Limousin et M. [A] sur la Côte d’Azur) ne justifie pas la prise en charge par la société de ses frais de logement près de son lieu de travail.
L’appelant argue ensuite de la mention au bilan d’un montant inexact en lien avec le redressement de l’URSSAF, puisqu’il est indiqué qu’est payée à ce titre la somme de 42 367 euros alors que le redressement concernait la somme de 39 842 euros et que les pénalités de retard de 5 693 euros sont mentionnés au bilan en charge exceptionnelle.
Enfin, M. [N] affirme que seuls les éléments de rémunération de la gérance décidés en assemblée générale peuvent être pris en charge par la société, que les cotisations sociales du gérant majoritaire liées à sa rémunération sont des charges personnelles et que, lorsque le gérant propose sa rémunération en assemblée générale, il doit également proposer aux autres associés d’accepter le paiement par la société de ses cotisations sociales personnelles liées à sa rémunération, ce qui n’a pas été le cas selon lui pour l’exercice 2016-2017 et qui justifierait le remboursement de ces sommes par les gérants.
L’appelant sollicite subsidiairement de mandater l’expert pour apporter les réponses à ses questions écrites auxquelles la gérance n’a pas répondu, se fondant sur le droit à l’information de l’associé non gérant et à son droit d’obtenir des informations essentielles. Il détaille les questions auxquelles il affirme n’avoir pas eu de réponse.
Reconnaissant l’existence de multiples procédures judiciaires l’opposant à la société SETI et à ses dirigeants, M. [N] affirme qu’elles sont la preuve de la duplicité et de l’acharnement de MM. [A] et [O] à lui nuire, soulignant avoir eu gain de cause devant les différentes juridictions saisies.
Concluant au rejet de la demande d’expertise de gestion, la société SETI et MM. [A] et [O] expliquent en premier lieu que M. [N] procède à une confusion des textes applicables, précisant notamment que l’expertise de gestion prévue à l’article L. 223-37 du code de commerce est indépendante du droit de poser des questions, l’expert ne pouvant se voir confier comme mission de répondre à des questions qui ont été posées aux gérants relevant de la gestion de l’entreprise et qui ne présentent aucun caractère suspect ou qui ne portent pas sur une opération de gestion.
Ils soutiennent que les opérations visées par M. [N] ne sont pas des opérations de gestion, la détermination de la rémunération des gérants ou la distribution des dividendes et les mises en réserves de bénéfices de la société étant des décisions prises en assemblée générale.
Affirmant que M. [N] détient déjà les informations qu’il sollicite et que certaines lui ont été communiquées (éléments relatifs au redressement social et aux remboursement de frais de ‘petits déplacements’ aux salariés et aux gérants), les intimés concluent à l’inutilité de la mesure d’expertise de gestion demandée.
La société SETI et MM. [A] et [O] exposent ensuite que les opérations relevées par M. [N] ne sont pas suspectes :
– les accords d’entreprise d’intéressement et de supplément d’intéressement ne présentent aucune irrégularité dès lors que le taux de 300% est fréquent en pratique et parfaitement accepté par l’URSSAF, étant précisé que le trop-perçu de supplément d’intéressement perçu par M. [O] a été remboursé et que celui-ci n’a reçu aucun abondement à ce titre,
– aucun contrat n’a été passé par la société SETI avec ‘une société dont l’un des associés est proche d’un gérant de SETI’ et notamment avec la société PAXe Services ou Mme [J], ni aucune prestation facturée par ces dernières à la société SETI,
– les questions posées par M. [N] sur ‘Skills factors’, un outil RH, ne rentrent pas dans le champ de la mission de l’expert de gestion, outre qu’aucun caractère suspect n’est démontré,
– la rémunération des gérants et les mises en réserve ne constituent pas des opérations de gestion, et n’ont en outre rien de suspect,
– l’assemblée générale a bien voté en faveur du paiement des charges sociales obligatoires et facultatives des gérants par la société SETI puisque le vote mentionne une ‘rémunération nette’ et que le montant de ces charges a été précisé dans le rapport spécial sur la gérance,
– les mises en réserve n’ont rien de suspect dès lors que celle de 2015 avait été expressément conseillée par l’expert-comptable de la société SETI , celle de 2016 était nécessaire compte tenu de la perte d’un important et du remboursement de compte courant d’associé effectué par M. [N],
– la différence de montant entre le redressement notifié et le paiement effectué à l’URSSAF, d’un montant de 5 693 euros et non de 2 525 euros, correspond aux pénalités,
– les remboursements forfaitaires de frais n’ont cependant rien d’interdit dès lors qu’ils donnent lieu au paiement des charges sociales qui y sont attachées, et cette pratique a cessé depuis 2016, ce dont atteste l’expert-comptable.
La société SETI et MM. [A] et [O] soutiennent que M. [N] demande à ce que soient attribués à l’expert des pouvoirs dépassant très largement l’étendue des pouvoirs susceptibles de lui être dévolus aux termes de l’article L. 223-37 du code de commerce, cette expertise ne pouvant porter sur des décisions collectives par les associés lors des assemblées générales.
Ils font valoir que la demande de M. [N] n’est fondée que sur son intérêt personnel et que le demandeur ancien gérant ne peut obtenir d’expertise au sujet d’opérations qu’il connaît déjà du fait des fonctions de gérant qu’il a exercées et qu’il avait approuvées dans le cadre de l’exercice de ces fonctions, comme en l’espèce.
Ils exposent ensuite que l’expert éventuellement désigné ne pourrait avoir pour mission que de présenter ‘un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion’, l’appelant étant en l’espèce mal fondé à obtenir de l’expert la communication directement entre ses mains des éléments sur la base desquels il produit son rapport, cette demande ne pouvant prospérer que sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Ils concluent à l’absolue mauvaise foi de M. [N] dans l’introduction et le maintien de la procédure, affirmant que son attitude constitue un détournement de procédure, son intention de nuire étant avérée.
A titre subsidiaire, la société SETI et MM. [A] et [O] demandent que, dans ce contexte, les frais d’expertise de gestion soient mis à la charge de M. [N] et il soit interdit à l’expert désigné de lui communiquer les documents consultés dans le cadre de sa mission, afin d’assurer le respect du secret des affaires.
Sur ce,
Selon l’article L. 223-37 du code de commerce, ‘ un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion’.
L’opération de gestion est celle qui est arrêtée par un organe de gestion, à l’exclusion des décisions prises par l’assemblée générale ou relevant de la compétence des commissaires aux comptes. Il convient de préciser que l’opération doit être considérée comme étant une opération de gestion si elle relève du pouvoir légal de décision d’un organe social même si elle a été approuvée par l’assemblée générale.
Par ailleurs il appartient au juge de vérifier l’utilité et le sérieux de la demande au regard notamment du risque d’atteinte à l’intérêt social que représente l’opération ou des présomptions d’irrégularités que celle-ci révèle.
Sur se point, il convient de souligner que l’article L. 223-37 du code de commerce, applicable aux S.A.R.L., ne subordonne pas la demande d’expertise à l’exercice préalable du droit de tout associé non gérant de poser des questions au gérant prévu par l’article L. 223-36 du même code. Il n’y a donc pas à examiner si les réponses apportées aux questions posées par les associés sont suffisantes ou non pour déterminer le caractère sérieux de la demande d’expertise.
La demande d’expertise doit viser une opération de gestion déterminée et ne saurait porter sur l’appréciation de la situation comptable de l’entreprise. Elle n’a pas pour objet de découvrir des actes susceptibles d’être qualifiés de fautes de gestion mais doit concerner des opérations spécifiquement identifiées, pouvant être fondées sur de simples présomptions d’irrégularités.
Il convient dès lors d’examiner successivement chacune des opérations visées afin de vérifier s’il s’agit d’une opération de gestion et si la demande d’expertise est sérieuse et utile.
Sur les conventions réglementées
En vertu des dispositions de l’article L. 223-19 du code de commerce, ‘le gérant ou, s’il en existe un, le commissaire aux comptes, présente à l’assemblée ou joint aux documents communiqués aux associés en cas de consultation écrite, un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l’un de ses gérants ou associés. L’assemblée statue sur ce rapport. Le gérant ou l’associé intéressé ne peut prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
Toutefois, s’il n’existe pas de commissaire aux comptes, les conventions conclues par un gérant non associé sont soumises à l’approbation préalable de l’assemblée.
Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, lorsque la société ne comprend qu’un seul associé et que la convention est conclue avec celui-ci, il en est seulement fait mention au registre des décisions.
Les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s’il y a lieu, pour l’associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société.
Les dispositions du présent article s’étendent aux conventions passées avec une société dont un associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, directeur général, membre du directoire ou membre du conseil de surveillance, est simultanément gérant ou associé de la société à responsabilité limitée’.
Ces conventions réglementées soumises à une approbation de l’assemblée générale des actionnaires, constituent néanmoins des actes de gestion.
Il appartient à M. [N] de démontrer le caractère sérieux de sa demande, étant précisé qu’il n’est pas contesté que Mme [J], qui travaille sous le nom de ‘PAXe services’ est la compagne de M. [A].
Celui-ci verse aux débats :
-un courriel de M. [A] du 7 octobre 2016 adressé au personnel de la société SETI, indiquant : ‘SETI sous-traite certaines tâches administratives à un prestataire (PAXe services). En particulier, les sujets suivants concernant le personnel sont sous-traités :
1/ traitement des frais mensuels
2/ traitement des salaires mensuels
3/ (à venir) traitement des congés et RTT’
– un courriel émanant de ‘Paxe Seti’ adressé à la direction de SETI du 19 décembre 2016 exposant : ‘le montant de la prime Navigo est de 25, 05 euros et non de 24, 02 euros. Merci de préparer un nouvel indice. Bien cordialement. PAXe Services’.
En réponse, la société SETI conteste tout contrat ou tout paiement à la société PAXe ou à Mme [J] et produit une attestation de son expert-comptable indiquant le 19 septembre 2017 que ‘la société SETI n’a versé, à ce jour, aucune somme à la société PAXE Services ni même à Mme [E] [J]’.
Il n’est pas discuté qu’aucune convention réglementée concernant la société PAXe Services ou Mme [J] n’a été soumise à l’approbation de la collectivité des associés.
Au regard de ces éléments contradictoires et dès lors que les intimés ne s’expliquent pas sur les courriels produits par M. [N], dont l’authenticité n’est pas remise en cause, il convient de dire que ces éléments sont suffisants à constituer une présomption d’irrégularité justifiant l’organisation d’une mesure d’expertise de gestion sur ce point.
Sur l’ absence d’information concernant l’intéressement, les suppléments d’intéressement et les abondements des associés
Il n’est pas contesté que les décisions relatives à l’intéressement ou à l’abondement sont décidées par la gérance et constituent donc des actes de gestion au sens de l’article L. 223-37 susmentionné.
Les intimés produisent l’accord d’intéressement du personnel de la société SETI daté du 20 décembre 2013 ainsi que l’accord spécifique pour le supplément d’intéressement du 26 octobre 2016.
Pour étayer ses allégations relatives aux irrégularités concernant ces opérations, M. [N] verse aux débats un courriel de M. [A] aux salariés concernés en date du 1er novembre 2017 qui mentionne : ‘lors de l’arrêté des comptes pour le bilan réalisé fin septembre, notre comptable a mis le doigt sur une erreur de répartition du supplément d’intéressement versé en juin 2017. En effet, selon les accords signés, la formule de répartition d’intéressement n’est pas la même que celle de l’intéressement’, et fait ressortir un trop versé à M. [O] de 1 101, 37 euros.
Celui-ci justifie avoir remboursé cette somme à la société SETI.
Pour le reste, M. [N] se contente d’émettre de nombreuses questions et allégations, qui n’ont aucune valeur probante, remettant en cause par ailleurs la pertinence des intéressements et des abondements alors que la mesure sollicitée ne peut consister à porter une appréciation sur la situation comptable de l’entreprise.
Il n’existe en conséquence pas de présomption d’irrégularité à ce titre et aucune expertise de gestion n’est susceptible d’être ordonnée sur ce fondement.
Sur les remboursements forfaitaires accordés aux gérants
En application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ‘pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d’une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu’elle prenne la forme, notamment, d’un complément différentiel de salaire ou d’une hausse du taux de salaire horaire’.
Il est constant que le remboursement des frais professionnels sur la base d’allocations forfaitaires ne s’appliquent pas aux dirigeants relevant du régime social des non-salariés, comme c’est le cas de MM. [O] et [A] en l’espèce.
M. [N] verse aux débats :
– le relevé mensuel des frais de M. [O] pour le mois de mai 2016 qui fait état de remboursements de frais de 1 590, 57 euros comprenant notamment la location d’un studio (loyer, charges, électricité et assurance), 17 déjeuners, 13 dîners et 265 euros de frais de train,
– le relevé mensuel des frais de M. [O] pour le mois de juin 2016 qui fait état de remboursements de frais de 1767, 32 euros comprenant notamment la location d’un studio (loyer, charges, électricité et assurance), 18 déjeuners, 13 dîners et 212 euros de frais de train,
– le relevé mensuel des frais de M. [A] pour le mois de juillet 2016 qui fait état de remboursements de frais de 3 104, 87 euros pour le mois comprenant notamment la participation à un loyer à hauteur de 143, 09 euros (loyer et charges), 12 déjeuners, 9 dîners, 411, 30 euros d’hôtel et 642, 38 euros de frais d’avion,
– un rapport d’enquête privé du 16 octobre 2017 d’un enquêteur qui indique avoir constaté sur le compte bancaire de la société SETI des virements mensuels sur les comptes personnels de MM. [O] et [A] intitulés ‘frais’ entre mai 2016 et mai 2017 pour un montant total de 14 479, 53 euros pour M. [A] et de 12 154, 80 euros pour M. [O].
Les intimés indiquent avoir cessé ces remboursements forfaitaires en juillet 2016, à la suite des observations de l’URSSAF sur ce point. Dès lors que ce contrôle est intervenu en mars 2016 et que les dirigeants justifient avoir ensuite vérifié auprès de leur conseil que le redressement était justifié, ce qui implique qu’ils n’aient changé leurs pratiques qu’après quelques mois, aucune expertise de gestion n’apparait nécessaire pour la période antérieure à juillet 2016, les faits étant déjà établis.
L’expert-comptable de la société SETI indique dans une attestation du 11 avril 2018 que MM. [O] et [A] n’ont perçu postérieurement au 1er juillet 2016 aucun remboursement forfaitaire de loyer / de frais de télétravail / de forfaits de déplacement.
M. [N] ne produit aucun document postérieur au 1er juillet 2016 de nature à contredire cette attestation, le relevé mensuel des frais de M. [A] pour le mois de juin 2017 qu’il verse aux débats ne comprenant aucun poste de dépense forfaitaire,
Dès lors, aucun élément ne permettant de penser, comme l’allègue M. [N], que des remboursements forfaitaires de frais ont été accordés aux gérants postérieurement au redressement de l’URSSAF, aucune irrégularité présumée n’est justifiée de ce chef et il n’y a pas lieu à expertise de gestion à ce titre.
Sur le versement de forfaits ‘petits déplacements’ aux salariés et aux gérants
En application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ‘pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d’une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu’elle prenne la forme, notamment, d’un complément différentiel de salaire ou d’une hausse du taux de salaire horaire’.
La société SETI a fait l’objet d’un redressement par l’URSSAF en mars 2016 pour les motifs suivants :
– frais professionnels non justifiés : frais de déplacement accordés à tort aux salariés, indemnités de repas versée aux salariés hors situation de déplacement,
– prise en charge de dépenses personnelles d’un salarié,
– absence de versement de la CGS/CRDS à l’occasion du paiement d’une indemnité transactionnelle à un salarié.
M. [N] verse aux débats deux attestations de salariés de la société SETI indiquant que M. [A] leur a proposé en mars 2016, à la suite du redressement de l’URSSAF, de compenser les indemnités forfaitaires qui ne leur seraient plus versées par des frais de petits déplacements fictifs.
Cependant, aucun élément de preuve n’étaye ses allégations selon lesquelles la société SETI aurait continué, postérieurement à l’été 2016, à rembourser de façon indue des forfaits ‘petits déplacements’ à ses salariés ou à ses gérants.
En effet, ainsi qu’il l’a déjà été indiqué, l’expert-comptable de la société SETI indique dans une attestation du 11 avril 2018 que MM. [O] et [A] n’ont perçu postérieurement au 1er juillet 2016 aucun remboursement de forfaits de déplacement.
Dès lors, aucune présomption d’irrégularité n’est démontrée à ce titre et aucune expertise de gestion ne peut être ordonnée sur ce fondement.
sur le remboursements aux gérants de leurs frais de transport domicile-travail et de leurs dépenses de logement
Il est constant que, pour les gérants de société, les frais professionnels sont évalués d’après leur valeur réelle.
Si l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale prévoit que son des frais professionnels de grand déplacement ceux engagés lorsque le salarié réalise une mission professionnelle qui l’empêche de regagner chaque jour son lieu de résidence du fait de l’éloignement de son lieu de travail, les frais de trajet entre le domicile et le travail ou les frais de logement ne sont pas considérés comme des frais professionnels.
M. [N] verse aux débats :
– le relevé mensuel des frais de M. [A] pour le mois de juin 2017 comprenant des remboursement de frais d’avion,
– le détail du compte de résultat de la société SETI qui fait état pour la période du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017 de dépenses d’hôtel de 22 429, 90 euros et de déplacement de 17 556, 62 euros,
– une facture de la société Citadines au nom de la société SETI concernant la location d’un studio à [Localité 15] pour M. [O] du 25 au 30 juin 2017, moyennant le prix de 666, 25 euros,
– un rapport d’enquête privé du 16 octobre 2017 d’un enquêteur qui indique avoir constaté sur le compte bancaire de la société SETI des virements mensuels sur les comptes personnels de MM. [O] et [A] intitulés ‘frais’ entre mai 2016 et mai 2017 pour un montant total de 14 479, 53 euros pour M. [A] et de 12 154, 80 euros pour M. [O].
Il est en outre mentionné sur leurs états de frais que le domicile de M. [A] se situe dans le département 06 (Alpes-Maritimes) et celui de M. [O] dans le département 23 (Creuse), sans que ceux-ci justifient que ce choix ne résulte pas de convenances personnelles.
Dès lors, il convient de dire qu’il existe une présomption d’irrégularité sur ces frais et il sera ordonné une expertise de gestion sur ce point.
sur la mention d’un montant inexact en lien avec le redressement de l’URSSAF
La société SETI a fait l’objet d’un contrôle par l’URSSAF en mars 2016 aboutissant à un redressement de 37 074 euros.
M. [N] verse aux débats le bilan du passif de la société SETI pour la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016, qui fait apparaître un ‘redressement URSSAF’ pour un montant de 42 367 euros.
Cependant, la lettre d’observations de l’URSSAF précise ‘la vérification entraîne un rappel de cotisations de contributions de sécurité sociale, d’assurance chômage et d’AGS d’un montant total de 37 074 euros. En sus de ce montant, vous seront également réclamées les majorations de retard dues en application de l’article R. 243-18 du code de la sécurité sociale’.
Aucun élément ne permettant d’établir que la différence entre la somme figurant au bilan et le montant du redressement ne correspondrait pas au montant de ces majorations de retard, ainsi que l’affirme la société SETI, il y a lieu de dire qu’il existe pas de présomption d’irrégularité sur ces frais et il n’y a pas lieu à expertise de gestion sur ce point.
sur l’absence de décision collective des associés concernant le paiement par la société des charges sociales obligatoires des gérants.
M. [N] verse aux débats une réponse ministérielle du 3 septembre 2020 indiquant notamment : ‘les cotisations sociales obligatoires des travailleurs non salariés sont des dettes personnelles dont le paiement incombe au travailleur indépendant. Il en est ainsi notamment pour le gérant associé majoritaire ou appartenant à un collège de gérance d’une S.A.R.L. Toutefois, la société peut acquitter ces cotisations sociales en lieu et place du dirigeant dans la mesure où, assimilé à un élément de rémunération, leur prise en charge est prévue pour les gérants de S.A.R.L. par les statuts ou a été approuvée par l’assemblée générale conformément aux articles L. 223-18 et L. 223-19 du code de commerce’.
Le rapport spécial de la société SETI sur les conventions visées par l’article L. 223-19 du code de commerce sur les comptes de l’exercice du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017 fait état du paiement par la société pour MM. [O] et [A] des cotisations sociales obligatoires et facultatives.
Le procès-verbal d’assemblée générale du 19 décembre 2017 fait apparaître qu’est approuvée la 4ème résolution visant la ‘rémunération nette’ des gérants pour l’exercice clos le 30 juin 2017.
Il y a lieu de dire que cette formulation implique l’approbation par l’assemblée générale de la prise en charge par la société des cotisations sociales des gérants. Dès lors, aucune présomption d’irrégularité n’est caractérisée à ce titre.
sur l’organisation de l’expertise
En conséquence, une expertise de gestion sera ordonnée sur le fondement de l’article L. 223-37 du code de commerce sur les points suivants : le remboursements aux gérants de leurs frais de transport domicile-travail et de leurs dépenses de logement et les conventions réglementées, selon les modalités prévues au dispositif. L’ordonnance attaquée sera infirmée à ce titre.
Il convient de préciser que, conformément au texte susvisé, l’expert devra présenter un rapport qui devra répondre aux interrogations sur la régularité des opérations de gestion mais qu’il ne saurait lui être demandé de communiquer à M. [N] des documents comptables ou financiers, la présente procédure n’ayant pas vocation à être détournée pour permettre à l’appelant de se constituer des preuves dans les autres contentieux qui l’opposent aux intimés.
Compte tenu du contexte particulier de la demande de M. [N], qui n’est que très partiellement justifiée, porte sur des irrégularités modestes et anciennes et s’inscrit au sein d’une multiplicité de procédures intentées par l’ancien gérant contre la société SETI et ses dirigeants, l’avance des frais sera laissée à la charge financière de l’appelant.
Sur les demandes accessoires
M. [N] étant partiellement accueilli en son recours, l’ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Chaque partie succombant partiellement en ses demandes et s’agissant d’une demande d’expertise, il y a lieu de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, tant de première instance que d’appel.
Il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fait droit à la demande d’expertise de gestion pour deux opérations de gestion litigieuses,
Désigne
[F] [Y]
[Adresse 6]
Tél. [XXXXXXXX01]
Fax [XXXXXXXX04]
Mob. [XXXXXXXX02]
Mél. [Courriel 13]
avec pour mission de :
– convoquer les parties,
– entendre tout sachant et se faire délivrer tout document utile à sa mission,
– présenter un rapport qui devra répondre aux interrogations sur la régularité des deux opérations de gestion suivantes afin de déterminer si elles sont contraires à l’intérêt social et dans quelles proportions :
– déterminer si des conventions réglementées auraient dû être établies entre la société SETI et la société PAXe et/ ou Mme [J] en 2016 et 2017,
– déterminer si les remboursements aux gérants de leurs frais de transport domicile-travail et de leurs dépenses de logement à compter de l’année 2016 sont réguliers au regard de la réglementation applicable,
Dit que l’expert pourra interroger les gérants, M. [A] et M. [O], pour obtenir toutes pièces et justificatifs utiles à son rapport ;
Dit que l’expert pourra s’adjoindre tout sachant, dont le nom et les qualités seront communiquées préalablement aux parties ;
Dit que l’expert devra, dès réception de l’avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l’expiration d’un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera à une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthode envisagée, interrogera les parties sur d’éventuelles mises en cause, lors de l’établissement de sa première note aux parties, il devra indiquer les pièces nécessaires à l’exercice de sa mission, la calendrier de ses opérations et le coût prévisionnel de la mesure d’expertise,
Dit que par application des dispositions de l’article 281 du code de procédure civile, si en cours d’expertise, les parties viennent à se concilier d’elles-mêmes, l’expert constatera que sa mission est devenue sans objet et il en fera rapport au juge délégué aux mesures d’instructions de ce tribunal,
Dit que l’expert judiciaire devra transmettre un pré-rapport et attendre les observations des parties pendant un délai de quatre semaines et y répondre avant de déposer son rapport définitif ;
Dit qu’après avoir rédigé un document de synthèse, l’expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l’article 276 du code de procédure civile et rappelle qu’il ne sera pas tenu de prendre en compte les observations ou réclamations tardives,
Dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera son rapport définitif en un exemplaire original au greffe du tribunal de commerce de Nanterre dans le délai de six mois à compter de la date de l’avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile auprès du juge chargé du contrôle des expertises,
Dit que le magistrat chargé du contrôle des expertise au tribunal de commerce de Nanterre suivra la mesure d’instruction et statuera sur les incidents,
Dit que l’expert devra rendre compte à ce juge de l’avancement de ses travaux d’expertise et des diligences accomplies et qu’il devra l’informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l’exécution de sa mission, conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile,
Fixe à la somme de 4 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par M. [U] [N] entre les mains du Régisseur d’avances et de recettes du tribunal de commerce de Nanterre dans le délai de six semaines à compter du prononcé de l’arrêt, sans autre avis,
Dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet,
Rejette les demandes plus amples des parties,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel,
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,