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14 juin 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02094
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 JUIN 2023
N° RG 21/02094
N° Portalis DBV3-V-B7F-UTMM
AFFAIRE :
[I] [F]
C/
S.A. ORANGE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : 18/00928
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Christophe DEBRAY
SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [I] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Paola CARNEIRO de l’AARPI Carneiro & Coutier Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0109 –
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 21254
APPELANT
****************
S.A. ORANGE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Juliana KOVAC de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461 – N° du dossier 20180912 substitué par Me Lucy GAUDEMET TOULEMONDE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,
EXPOSE DU LITIGE
M. [I] [F] a été engagé par la société France Telecom suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2002, avec reprise d’ancienneté au 2 octobre 2000 en qualité de chef de projet publications externes, groupe E avec le statut de cadre.
Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des télécommunications.
Il exerce, en dernier lieu, les fonctions de responsable éditorial.
En novembre 2014, M. [F] a été élu délégué du personnel, puis en février 2015, délégué syndical et en mai 2015, membre du Chsct et de l’IC-Chsct.
Le 29 janvier 2018, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.
Le 30 avril 2018, l’employeur a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire d’un mois, du 14 mai au 13 juin 2018.
Le 20 juillet 2018, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin d’obtenir l’annulation de la sanction disciplinaire ainsi que la condamnation de la société Orange au paiement de dommages et intérêts pour violation de correspondance privée et atteinte à la vie privée, pour préjudice moral et de carrière, pour discrimination, pour sanctions pécuniaires illicites ainsi que de diverses sommes liées à l’exécution du contrat de travail.
Par jugement en date du 20 mai 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :
– dit que la sanction est justifiée et qu’il n’y a pas lieu à donner droit à la demande d’annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied disciplinaire de 1 mois en date du 30 avril 2018,
– fixé la moyenne des salaires à 5 198 euros bruts mensuels,
– dit que la fixation du niveau d’atteinte des objectifs du 1er trimestre 2018 à 50 % est arbitraire,
– dit que la sanction pécuniaire sous forme de retenue sur salaire du 21 février 2019 est fondée,
– dit que la société Orange n’a pas violé le secret de la correspondance et n’a pas atteint à la vie privée de M. [F],
– constaté que M. [F] n’a pas subi d’actes de violence verbale et de déstabilisation psychologique et n’a pas subi de préjudice moral et de carrière,
– dit que la mesure disciplinaire, comme le traitement des demandes, ne sont pas discriminatoires, que les sanctions pécuniaires ne sont pas illicites,
– ordonné la remise des bulletins de salaires conformes,
– en conséquence, débouté M. [F] de sa demande de rappel de salaire du 7 mai au 6 juin 2018
et de congés payés afférents,
– condamné la société Orange au paiement de la prime de rémunération variable pour le 1er semestre 2018 d’un montant de 741,63 euros et des congés payés afférents à hauteur de 74,16 euros,
– débouté M. [F] de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents pour le 21 février 2019,
– débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de correspondance privée et atteinte à la vie privée,
– débouté M. [F] de sa demande au titre du préjudice moral et de carrière,
– débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination et sanctions pécuniaires illicites,
– condamné la société Orange au paiement de 1 000 euros au bénéfice de M. [F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– reçu la société Orange dans sa demande d’article 700 et l’en a débouté,
– mis les dépens à charge de la société Orange.
Le 30 juin 2021, M. [F] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 16 mars 2023, M. [F] demande à la cour de :
– infirmer les dispositions du jugement en ce qu’il a été jugé que : la sanction est justifiée et qu’il n’y a pas lieu à donner droit à la demande d’annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied disciplinaire de 1 mois en date du 30 avril 2018, la sanction sous forme de retenues sur salaire du 21 février 2019 est fondée, la société Orange n’a pas violé le secret des correspondances et n’a pas atteint sa vie privée, il n’a pas subi d’actes de violence verbale et de déstabilisation psychologique et n’a pas subi de préjudice moral et de carrière, la mesure disciplinaire, comme le traitement des demandes, ne sont pas discriminatoires, les sanctions pécuniaires ne sont pas illicites, en conséquence, l’a débouté de sa demande de rappel de salaire du 7 mai au 6 juin 2018 et de congés payés afférents, de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents pour le 21 février 2019, de sa demande de dommages-intérêts pour violation de correspondance privée et atteinte à la vie privée, de sa demande au titre du préjudice moral et de carrière, de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination et sanctions pécuniaire illicites,
– débouter la société Orange de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes,
– statuant à nouveau : annuler la sanction de mise à pied disciplinaire du 30 avril 2018, en conséquence,
– condamner la société Orange à lui verser à titre de rappel de salaire la somme de 4 415,51 euros bruts et 441,55 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– condamner la société Orange au paiement de 5 000 euros de dommages et intérêts pour violation de correspondance privée et atteinte à la vie privée,
– condamner la société Orange au paiement de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation pour sanction pécuniaire interdite,
– à titre subsidiaire, réduire la sanction à de plus juste proportion,
– condamner la société Orange à lui verser 73,59 euros de rappel de salaire pour la sanction pécuniaire interdite du 19 février 2019 et 7,35 euros de congés payés afférents, en conséquence,
– condamner la société Orange au paiement de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation pour sanction pécuniaire interdite,
– condamner la société Orange au paiement d’une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,
– condamner la société Orange au paiement d’une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’image et de carrière,
– condamner la société Orange à verser à M. [F] la somme de 8 868 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 3 novembre 2022, la société Orange demande à la cour de :
– confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, sauf celles relatives à la prime de rémunération variable,
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que la fixation du niveau d’atteinte des objectifs du 1er trimestre 2018 à 50 % est arbitraire, l’a condamnée au paiement de la prime de rémunération variable pour le 1er semestre 2018 d’un montant de 741,63 euros et des congés payés afférents à hauteur de 74,16 euros,
– en conséquence, débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner M. [F] à lui rembourser la somme de 815,79 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er août 2021,
– à titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts demandés,
– en tout état de cause, condamner M. [F] à payer les dépens ainsi qu’à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 6 décembre 2022.
Par arrêt du 4 janvier 2023, la dix-neuvième chambre de la cour d’appel de Versailles a, avant-dire droit :
– enjoint aux parties de rencontrer un médiateur,
– renvoyé l’affaire à l’audience du vendredi 7 avril 2023 pour plaidoirie.
MOTIVATION
Sur la mise à pied disciplinaire
Le salarié sollicite l’annulation de la sanction disciplinaire du 30 avril 2018, la procédure étant irrégulière et la sanction étant infondée et en tout état de cause, disproportionnée.
L’employeur fait valoir que la procédure est régulière. Il indique que la sanction est justifiée et proportionnée.
Sur la régularité
Les dispositions légales ne prévoient aucun délai minimal entre la convocation et l’entretien, le salarié devant être averti suffisamment à l’avance du moment et de l’objet de l’entretien.
En l’espèce, le salarié a été convoqué le 29 janvier 2018 à l’entretien préalable à éventuelle sanction disciplinaire fixé le 8 février 2018, par lettre recommandée présentée le 1er février 2018, ce délai étant suffisant, aucune disposition ne prévoyant de respecter un délai de distribution de poste de 15 jours comme allégué.
Lorsque l’employeur est tenu de recueillir l’avis d’une instance disciplinaire, le délai de notification de la sanction d’un mois est interrompu par la saisine de cette instance.
Ainsi, le 13 février 2018, soit cinq jours après la date de l’entretien préalable, l’employeur a informé le salarié par lettre de la saisine de la commission consultative paritaire.
Cette commission a rendu un avis le 20 avril 2018 et l’employeur a notifié la sanction le 30 avril 2018 dans le délai d’un mois. Le moyen soulevé par le salarié doit donc être écarté.
Il n’y avait pas lieu pour l’employeur de recueillir l’accord du salarié sur la sanction, s’agissant d’une décision n’ayant pas pour effet de modifier le contrat de travail mais d’en suspendre temporairement ses effets.
En outre, le salarié invoque l’existence d’une rétrogradation associée à la mise à pied disciplinaire, alors que les développements qui suivent montrent qu’il s’agit en réalité d’un simple changement dans l’intitulé de son poste. Le salarié n’est donc pas fondé à invoquer une double peine.
Au surplus, le salarié n’a jamais manifesté de refus d’exécuter la sanction prononcée.
Sur le fond
Le salarié invoque une violation du secret des correspondances privées, le courriel utilisé par l’employeur pour le sanctionner étant d’ordre privé.
L’employeur fait valoir qu’il peut fonder une sanction sur un message en rapport avec l’activité professionnelle du salarié dont il a eu connaissance par un tiers.
L’article 9 du code civil énonce, en son 1er alinéa, que chacun a droit au respect de sa vie privée.
Le message envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, en rapport avec son activité professionnelle, ne revêt pas un caractère privé et peut être retenu au soutien d’une procédure disciplinaire en cours.
En l’espèce, le courriel du 6 novembre 2017 adressé à de nombreux salariés a été envoyé par le salarié pendant son temps de travail avec l’utilisation de la messagerie professionnelle. S’il comprend la notion de ‘privé’ dans son objet, il consiste pour le salarié à dresser le bilan de son engagement syndical mais également à dénoncer l’attitude de sa responsable hiérarchique à son égard. Il a été envoyé à de nombreux salariés et l’un d’entre eux l’a transféré à la direction de l’entreprise.
Il s’en déduit que ce message, en rapport avec l’activité professionnelle du salarié et ses relations avec sa responsable hiérarchique, ne revêt pas un caractère privé en l’absence d’éléments à caractère personnel. L’employeur, qui en a eu connaissance par un tiers, peut l’utiliser au soutien d’une sanction disciplinaire sans qu’il y ait atteinte au secret des correspondances privées. Le moyen tiré d’une atteinte au secret des correspondances privées doit donc être rejeté.
Le salarié invoque une atteinte à la liberté d’expression syndicale.
L’employeur fait valoir que la liberté syndicale s’exerce dans la limite de l’abus de droit.
En l’espèce, le salarié bénéficiait effectivement d’une garantie de confidentialité attachée à sa mission dans le cadre de son mandat syndical.
Cependant, l’employeur a été informé de l’existence du courriel qui lui a été transféré par un tiers qui l’a considéré comme excessif.
La partie du message en rapport avec l’activité professionnelle du salarié et ses relations avec sa responsable hiérarchique revêtant un caractère abusif, par la gravité des propos tenus et leur caractère excessif et outrancier ainsi que retenu plus avant, la production de ce message transmis par un tiers ne constitue donc pas une atteinte à la liberté d’expression syndicale. Le moyen tiré d’une atteinte à la liberté d’expression syndicale doit donc être écarté.
La mise à pied disciplinaire d’une durée d’un mois est fondée sur les motifs suivants :
– l’exécution déloyale du contrat de travail, par dénigrement de mauvaise foi de sa supérieure hiérarchique auprès d’autres salariés de l’entreprise,
– l’insubordination, par remise en cause répétée de sa supérieure hiérarchique.
Le salarié est tenu d’une obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur.
En l’espèce, dans son courriel M. [F] met en cause sa responsable, Mme [D], en des termes excessifs, l’accusant en la dénigrant de malveillance à son égard et même d’entrave, le mode de communication n’étant pas conforme au niveau d’expression exigé à l’égard d’un salarié tenu d’une obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur. Le salarié, qui a manqué de respect envers sa supérieure hiérarchique en la mettant en cause de façon répétée dans le même courriel, a fait preuve d’insubordination.
Par conséquent, la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire du 30 avril 2018 sera rejetée, la sanction étant justifiée et proportionnée.
Cette mise à pied disciplinaire ne constitue pas une sanction pécuniaire interdite.
Les demandes conséquentes en rappel de salaire et congés payés afférents, dommages et intérêts pour violation de correspondance privée et atteinte à la vie privée, dommages et intérêts pour sanction pécuniaire interdite seront également rejetées.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la retenue sur salaire
Le salarié soutient que la retenue de salaire du 21 février 2019 constitue une sanction pécuniaire illicite, puisqu’il s’est rendu à l’audience de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes. Il précise que ce déplacement était en lien avec l’exercice de ses mandats syndicaux et que l’employeur était également convoqué à cette audience et ne pouvait ignorer cette démarche, qu’il a d’ailleurs fait une demande de télétravail pour l’après-midi qui a été validée.
L’employeur indique que le salarié s’est rendu à l’audience le 21 février 2019 et qu’au lieu de prévenir de son absence, il a demandé à télétravailler l’après-midi alors qu’il n’était pas disponible pour télétravailler.
En l’espèce, le salarié ne s’est pas tenu à disposition de son employeur pour télétravailler le 21 février 2019 après-midi puisqu’il s’est rendu à une audience de conciliation devant le conseil de prud’hommes. Il se trouvait donc en absence injustifiée, faute d’avoir demandé une autorisation d’absence.
Par conséquent, la retenue sur salaire opérée par l’employeur pour absence injustifiée d’une demi-journée est fondée et elle ne constitue pas une sanction pécuniaire illicite. M. [F] sera débouté de ses demandes en rappel de salaire et congés payés afférents ainsi qu’en dommages et intérêts pour sanction pécuniaire illicite.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la prime variable du 1er semestre 2018
Le salarié expose que pour le premier semestre 2018, ses objectifs n’ont pas été définis et qu’il n’a bénéficié d’aucun entretien individuel, ni d’évaluation. Il précise qu’il n’a pas été absent à l’exception de ses jours de congés et de ses heures de délégation dans le cadre de ses mandats d’élu des salariés.
L’employeur fait valoir que le salarié n’a rempli ses objectifs individuels qu’à hauteur de 50 % et que la part variable a été justement calculée. Il précise ne pas être parvenu à tenir un entretien de fixation des objectifs du fait du salarié, ce dernier ayant empêché la fixation de ses objectifs qui ne pouvait se faire que de façon conjointe avec le responsable.
A défaut de fixation des objectifs relatifs à une rémunération variable conjointement fixés par l’employeur et le salarié en début d’exercice, cette rémunération variable doit être évaluée sur la base des objectifs fixés à l’exercice précédent.
En l’espèce, le salarié percevait un salaire fixe, outre une part variable managériale constituée d’une composante individuelle liée aux résultats du salarié, d’une composante collective, d’une autre composante collective définie par rapport au périmètre de chaque division ou du groupe.
Les objectifs individuels étaient définis conjointement par l’employeur et le salarié.
Pour le premier semestre 2018, l’employeur ne produit pas les éléments justifiant de la fixation des objectifs et ne démontre pas avoir convoqué le salarié en début d’année à ce sujet contrairement à ses allégations, les courriels produits étant relatifs à un entretien spécifique au titre des mandats syndicaux du salarié, sans lien avec la fixation de ses objectifs individuels.
Par conséquent, la société Orange doit être condamnée à payer à M. [F] une somme d’un montant de 741,63 euros à titre de rémunération variable pour le premier semestre 2018, outre 74,16 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la discrimination syndicale
Aux termes de l’article L.1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Le salarié invoque les faits suivants au titre d’une discrimination syndicale :
une mise à pied disciplinaire,
l’amputation de 50 % de sa part variable,
l’absence d’entretiens d’évaluation,
le déficit de formation professionnelle,
des refus de télétravail,
une rétrogradation.
Au vu des développements qui précèdent, la mise à pied disciplinaire 1) était justifiée, ce fait doit donc être écarté.
Il est établi que le salarié a été amputé de 50 % de sa part variable de rémunération pour le 1er semestre 2018, ce fait 2) est donc matériellement établi.
A l’appui du fait 3), le salarié déplore l’absence d’entretiens semestriels d’évaluation pendant un an et demi entre 2017 et 2018. Au vu des pièces du dossier, les entretiens semestriels du 2ème semestre 2017 et du 1er semestre 2018 n’ont pas été tenus. Ce fait est matériellement avéré.
S’agissant du fait 4), le salarié fait part de l’absence de formations professionnelles à compter de son mandat électif en 2014 jusqu’en 2018, correspondant à la fin de ses mandatures. Il précise qu’il n’a pu suivre que ses formations syndicales obligatoires à l’occasion de sa prise de mandat, qu’il s’est vu refuser deux formations et que sa hiérarchie n’a pas mis en oeuvre son obligation au titre de la formation professionnelle. Il produit un compte-rendu d’entretien du 1er octobre 2018 dans lequel il mentionne deux demandes de formation : formation social média manager, formation relations e-influenceurs, aucune formation professionnelle n’ayant été suivie par le salarié entre 2014 et 2017 inclus, à l’exception des formations syndicales obligatoires. Ce fait est donc matériellement établi.
S’agissant du fait 5), le salarié produit deux courriels de sa responsable hiérarchique attestant d’un refus d’une première demande de télétravail pour l’année 2016 faite fin 2015 puis d’une validation et d’un questionnement sur les raisons de sa demande de modification du jour de télétravail du jeudi au mardi. La demande de télétravail pour l’année 2016 ayant été validée, ce fait n’est pas matériellement avéré et doit être écarté.
S’agissant du fait 6), le salarié indique qu’il a été rétrogradé du poste de responsable éditorial au poste de simple rédacteur avec diminution de sa rémunération, de son périmètre et de ses responsabilités. Cependant, le salarié ne produit pas d’éléments objectifs étayant la rétrogradation alléguée concernant son périmètre d’intervention et de responsabilité ainsi que sa rémunération. Ce fait ne peut donc être retenu.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le salarié présente des éléments : une réduction de 50% de sa part variable au premier semestre 2018 et l’absence de formations professionnelles de 2014 à 2017 à l’exception des formations obligatoires relatives à son mandat syndical laissant supposer l’existence d’une discrimination en raison de son activité syndicale.
L’employeur ne justifie pas de la réduction de la part variable du salarié par des éléments objectifs alors qu’il est à l’origine de la fixation tardive d’objectifs au salarié pour le premier semestre 2018.
L’employeur invoque le suivi de formations par le salarié mais celles-ci correspondent à des formations obligatoires dans le cadre de son mandat syndical, ou sont postérieures à 2017. Par conséquent, il ne justifie pas de l’absence de formations professionnelles entre 2014 et 2017 concomitamment au mandat du salarié.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le salarié a subi des faits de discrimination du fait de son activité syndicale.
Le salarié invoque un préjudice d’image et de carrière du fait de l’affection de sa réputation et de sa carrière par la sanction disciplinaire, cependant, celle-ci étant justifiée, aucun manquement à l’encontre de son employeur n’est établi à ce titre. Il convient de débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’image et de carrière. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Le salarié justifie d’un arrêt maladie de trente-six mois pour maladie anxio-dépressive à compter du 10 mai 2019, d’une reconnaissance comme affection de longue durée par la CPAM de Paris le 12 décembre 2019, d’une déclaration comme maladie professionnelle à la CPAM le 23 juin 2020.
Il sera alloué à M. [F] des dommages et intérêts à hauteur de 8 000 euros au titre de la discrimination syndicale dont il a fait l’objet et du préjudice moral qui en est résulté, somme que la société Orange sera condamnée à lui payer en réparation. Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.
Sur le cours des intérêts
En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur les autres demandes
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société Orange succombant à la présente instance, sera condamnée aux dépens d’appel. Elle devra également régler au salarié une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [I] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant de la discrimination subie,
Et y ajoutant,
Condamne la société Orange à payer à M. [I] [F] une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant des faits de discrimination,
Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Condamne la société Orange aux dépens d’appel,
Condamne la société Orange à payer à M. [I] [F] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,