Télétravail : 14 juin 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00867

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Télétravail : 14 juin 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00867
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14 juin 2023
Cour d’appel de Reims
RG n°
22/00867

Arrêt n°

du 14/06/2023

N° RG 22/00867

MLB/ML

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 14 juin 2023

APPELANT :

d’une décision rendue le 12 avril 2022 par le Conseil de Prud’hommes de CHARLEVILLE-MÉZIÈRES, section ENCADREMENT (n° F20/00153)

Monsieur [Y] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par la SELARL AHMED HARIR, avocats au barreau des ARDENNES

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Maître Corentine DUPIN, avocat au barreau des ARDENNES

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 mars 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président et Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargées du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 17 mai 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Madame Allison CORNU-HARROIS, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller en remplacement du président régulièrement empêché, et Madame Maureen LANGLET, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [Y] [J] a été embauché à compter du 1er février 2015 par la caisse primaire d’assurance maladie des Ardennes (ci-après la CPAM des Ardennes) en qualité de sous-directeur, au coefficient hiérarchique de 560 points + 82 points d’évolution salariale.

A compter du 29 décembre 2017, il a été placé en arrêt-maladie et ce jusqu’au 16 janvier 2020.

Le 1er décembre 2019, une pension d’invalidité de catégorie 2 lui a été attribuée.

Das le cadre de la visite de reprise de Monsieur [Y] [J], le 7 février 2020, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude au poste occupé pour raison médicale et le 18 février 2020, interrogé par la CPAM des Ardennes, il lui transmettait ses recommandations au sujet des capacités restantes de ce dernier. Encore interrogé par l’employeur le 6 mars 2020, sur la compatiblité d’un poste de fondé de pouvoir avec l’état de santé et les capacités de Monsieur [Y] [J], le médecin du travail répondait le 9 mars 2020 que Monsieur [Y] [J] était inapte à occuper un poste de fondé de pouvoir à la CPAM des Ardennes.

Le 19 mai 2020, les membres du comité économique et social émettaient ‘l’avis que le reclassement de Monsieur [Y] [J] à la CPAM des Ardennes est impossible’.

Le 27 mai 2020, la CPAM des Ardennes informait Monsieur [Y] [J] qu’aucune proposition de reclassement n’était envisageable.

Par courrier du 8 juin 2020, Monsieur [Y] [J] était convoqué à un entretien préalable à licenciement prévu le 22 juin 2020.

Le 10 juin 2020, il saisissait le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières d’une demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Le 26 juin 2020, Monsieur [Y] [J] était licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Il saisissait alors le 7 juillet 2020 le conseil de prud’hommes d’une contestation de son licenciement et les deux procédures étaient jointes.

Par jugement du 12 avril 2022, le conseil de prud’hommes a débouté Monsieur [Y] [J] de l’ensemble de ses demandes, l’a condamné au paiement de la somme de 100 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens et a débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Le 20 avril 2022, Monsieur [Y] [J] a interjeté appel du jugement en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes.

Par conclusions en date du 15 juillet 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, l’appelant demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

A titre principal, il sollicite le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des dommages nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

41 647,26 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

4 164,72 euros à titre de congés payés afférents.

A titre subsidiaire, il demande à la cour de dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la CPAM des Ardennes au paiement des sommes susvisées.

A titre infiniment subsidiaire, il demande la condamnation de la CPAM des Ardennes au paiement de la somme de 100000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés de la violation de l’obligation de réentraînement au travail.

En tout état de cause, il sollicite la condamnation de la CPAM des Ardennes à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par conclusions en date du 25 août 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, l’intimée demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Monsieur [Y] [J] de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIFS

– Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la CPAM des Ardennes :

Les premiers juges ont débouté Monsieur [Y] [J] de sa demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la CPAM des Ardennes, retenant que l’employeur avait satisfait à ses obligations.

A hauteur d’appel, Monsieur [Y] [J] invoque, au soutien de la demande qu’il reprend, de nombreux manquements de l’employeur qu’il conviendra d’examiner successivement, tandis que la CPAM des Ardennes réplique que les manquements invoqués ne sont pas caractérisés ou pas de nature à avoir empêché la poursuite du contrat de travail.

Monsieur [Y] [J] soutient en premier lieu, et à tort, que la CPAM des Ardennes aurait manqué à ses obligations en ne le licenciant pas dans le délai d’un mois de l’avis d’inaptitude et en ne lui fournissant pas de travail pendant 3 mois et demi. La CPAM des Ardennes établit en effet, à raison, avoir satisfait à la seule obligation qui pesait sur elle, alors que Monsieur [Y] [J] déclaré inapte n’était ni reclassé ni licencié à l’issue du délai d’un mois à compter de la visite de reprise en date du 7 février 2020, celle de reprendre le paiement du salaire à compter du 8 mars 2020, en application de l’article L.1226-4 du code du travail.

Monsieur [Y] [J] soutient ensuite que l’employeur ne lui a pas adressé ses bulletins de paie de mars, avril et mai 2020 comme il aurait dû le faire à la fin de chaque mois, mais que celui-ci ne les lui a envoyés que le 11 juin 2020, produisant une enveloppe à cette date de la CPAM des Ardennes. La CPAM des Ardennes ne procède que par voie d’allégations en répliquant tout au plus avoir envoyé les bulletins de paie avant cette date.

Monsieur [Y] [J] reproche encore à l’employeur de ne pas avoir effectué de recherches loyales et sérieuses de reclassement, entre l’avis d’inaptitude et le courrier du 27 mai 2020 l’informant des raisons s’opposant à son reclassement.

Or, Monsieur [Y] [J] ne caractérise pas de manquement de la CPAM des Ardennes à son obligation de rechercher le reclassement, soutenant à tort qu’elle aurait du rechercher un reclassement en externe, au sein d’autres caisses primaires d’assurance maladie, et notamment celle de la Marne, alors que la CPAM des Ardennes n’appartient pas à un groupe au sens de l’article L.1226-2 du code du travail. Il lui reproche encore de ne pas l’avoir reclassé en télétravail alors que la CPAM des Ardennes lui oppose à raison que le télétravail ne constitue pas une mesure de reclassement mais une forme d’organisation du travail, laquelle, au contraire de l’arrêt qu’il cîte, n’a pas été préconisée lors des échanges effectifs entre la CPAM des Ardennes et le médecin du travail.

Monsieur [Y] [J] reproche ensuite à la CPAM des Ardennes d’avoir recruté Madame [Z] [H] pour occuper le poste de sous-directeur, sans le lui proposer, alors que la CPAM des Ardennes réplique qu’à la date de l’avis d’inaptitude, le recrutement était déjà effectué.

Il ressort des pièces produites que le poste de directeur adjoint de la CPAM des Ardennes, vacant, a fait l’objet d’un appel à candidature le 4 décembre 2019 dans la bourse des emplois de l’Ucanss, conformément à l’article 2 de la convention collective nationale de travail des agents de direction des organismes du régime général de sécurité sociale du 18 septembre 2018, la date limite de candidature étant fixée au 31 décembre 2019. Le 5 février 2020, la directrice de la CPAM des Ardennes écrivait à Madame [Z] [H] que, suite à leur entretien du 31 janvier 2020, elle l’informait que sa candidature avait été retenue et que sa prise de fonction interviendrait à l’issue de sa scolarité à l’EN3S, de sorte qu’à la date de l’avis d’inaptitude, le recrutement était déjà fait, sans que Monsieur [Y] [J] établisse que le courrier du 5 février 2020 ait été envoyé postérieurement à un tel avis. En outre, même si Madame [Z] [H] n’était pas encore titularisée à cette date, Monsieur [Y] [J] n’établit pas qu’il n’était pas ‘prioritaire à l’effet de pourvoir à ce poste’, contrairement à ce qu’il soutient.

Monsieur [Y] [J] prétend encore que la CPAM des Ardennes n’a pas satisfait à l’obligation qui pesait sur elle de recueillir l’avis du comité économique et social, dans les conditions de l’article L. 1226-2 du code du travail, avant de lui envoyer le courrier du 27 mai 2020 valant information sur les raisons s’opposant à son reclassement.

Or, la CPAM des Ardennes établit que les membres dudit comité ont régulièrement donné leur avis. En effet, s’il ressort tout au plus du compte-rendu de la réunion du comité économique et social en date du 19 mai 2020, qu’à l’unanimité les membres du comité économique et sociale émettent l’avis que le reclassement à la CPAM des Ardennes est impossible, l’attachée de direction, présente lors de la réunion, atteste qu’outre l’avis d’inaptitude, elle a lu aux membres présents tous les échanges entre la CPAM des Ardennes et le médecin du travail et qu’une telle attestation a une valeur probante, contrairement à ce que soutient Monsieur [Y] [J], qui ne produit aucun élément de nature à la combattre.

Monsieur [Y] [J] reproche enfin à la CPAM des Ardennes de ne pas avoir exécuté de bonne foi le contrat de travail et d’avoir appliqué une mesure discriminatoire liée à son état de santé, en le retirant au mois de février 2020 de l’organigramme, au motif qu’il avait été placé en invalidité 2ème catégorie, alors même qu’il était toujours légalement à l’effectif. L’employeur reconnaît avoir retiré Monsieur [Y] [J] de l’organigramme du mois de février 2020 alors qu’il y avait figuré jusque là, car il était en invalidité depuis le 1er décembre 2019.

Le retrait de Monsieur [Y] [J] de l’organigramme est donc établi, au demeurant pour la raison donnée par l’employeur.

S’il ressort de l’ensemble de ces éléments, que deux manquements sont caractérisés à l’encontre de l’employeur, ils ne sont pas suffisamment graves pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail. En effet, le manquement au titre de la délivrance des bulletins de paie de mars à mai 2020, a été régularisé dès le 11 juin 2020 et le retrait de Monsieur [Y] [J] de l’organigramme correspondait en toute hypothèse à une situation de fait, puisque celui-ci n’était plus présent sur le lieu de travail depuis plus de deux ans.

Dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [Y] [J] de sa demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et ce par substitution de motifs.

– Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Monsieur [Y] [J] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a aussi débouté de sa demande tendant à voir dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement.

Il soutient que le directeur de la CPAM des Ardennes n’avait compétence ni pour mener la procédure de licenciement ni pour signer sa lettre de licenciement, ce que les premiers juges ont à juste titre écarté au visa de l’article R.217-12 du code de la sécurité sociale, qu’il convient toutefois de compléter au visa des articles L.211-2-1 et 2 et R.211-1-2 du code de la sécurité sociale, au regard des pouvoirs qui sont dévolus au directeur pour mettre fin au contrat de travail.

Monsieur [Y] [J] prétend ensuite que la CPAM des Ardennes n’a pas satisfait à l’obligation de rechercher le reclassement qui pèse sur elle. Il appartient dès lors à la CPAM des Ardennes d’établir qu’elle y a satisfait.

Dès le 13 février 2020, soit quelques jours seulement après l’avis d’inaptitude en date du 7 février 2020, l’attachée de direction de la CPAM des Ardennes a commencé des échanges par mail avec le médecin du travail, pour lui permettre de ‘déclencher une recherche de reclassement’ comme elle l’écrivait. C’est dans ces conditions que ce dernier lui transmettait le 18 février 2020 ses recommandations au sujet des capacités restantes de Monsieur [Y] [J] ainsi formulées : ‘Monsieur [Y] [J] est capable de reprendre très progressivement des tâches de nature administrative. Je ne suis pas en mesure aujourd’hui de vous indiquer dans quel délai il aura recouvré ses pleines capacités’. La CPAM des Ardennes identifiait un poste de fondé de pouvoir pouvant être proposé à Monsieur [Y] [J] au sujet duquel elle interrogeait le médecin du travail le 6 mars 2020, en lui décrivant le contenu du poste. Le médecin du travail lui répondait le 9 mars 2020 que Monsieur [Y] [J] était inapte à occuper un tel poste, au regard de son état de santé.

Il ressort de ces éléments que la CPAM des Ardennes a mené des recherches loyales et sérieuses de reclassement, en lien avec le médecin du travail, et en son seul sein, alors qu’elle n’était pas tenue d’autres recherches en externe, pour le motif précédemment retenu, ni de proposer un aménagement en télétravail alors que le médecin du travail déclarait Monsieur [Y] [J] inapte au poste de fondé de pouvoir, et qu’elle a donc satisfait à l’obligation de rechercher le reclassement du salarié.

Monsieur [Y] [J] demande enfin à la cour de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que la consultation du comité économique et social n’aurait pas été effective. Or, pour le motif précédemment retenu, la CPAM des Ardennes établit avoir satisfait à l’obligation de consultation qui pèse sur elle en application de l’article L.1226-2 du code du travail.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [Y] [J] de sa demande tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes financières y attachées.

– Sur les dommages-intérêts pour violation de l’obligation de réentraînement au travail :

Monsieur [Y] [J] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts au motif que la CPAM des Ardennes n’a pas respecté l’obligation qui pesait sur elle de le réentraîner au travail, ce que celle-ci lui demande de confirmer au motif qu’au regard de sa taille, elle n’y est pas soumise.

Dès lors que Monsieur [Y] [J] se prévaut du bénéfice de l’article L.5213-5 du code du travail, il doit établir que les conditions d’application en sont réunies, ce qu’il ne fait pas puisqu’il ne justifie pas qu’il bénéficiait d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

Le jugement doit donc être confirmé du chef du rejet de sa demande de dommages-intérêts et ce par substitution de motifs.

**********

Il convient de souligner qu’au regard de la déclaration d’appel, et en l’absence d’appel incident, les chefs du jugement relatifs aux dépens et à la condamnation de Monsieur [Y] [J] au paiement d’une indemnité de procédure ne sont pas dévolus à la cour.

Partie succombante, Monsieur [Y] [J] doit être condamné aux dépens d’appel, débouté de sa demande d’indemnité de procédure et condamné en équité à payer à la CPAM des Ardennes la somme de 1000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant dans la limite des chefs de jugement dévolus à la cour ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant :

Condamne Monsieur [Y] [J] à payer à la CPAM des Ardennes la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Déboute Monsieur [Y] [J] de sa demande d’indemnité de procédure ;

Condamne Monsieur [Y] [J] aux dépens d’appel.

Le greffier Le conseiller

 


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