Télétravail : 14 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03247

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Télétravail : 14 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03247
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14 avril 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
21/03247

14/04/2023

ARRÊT N°191/2023

N° RG 21/03247 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OJIS

FCC/AR

Décision déférée du 15 Juin 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Toulouse

( 18/01975)

[O]

[F] [V]

C/

S.A.S. FROG

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 14 4 23

à Me Elodie ZIEBA

Me Ophélie BENOIT-DAIEF

1CCC AJ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU QUATORZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [F] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Elodie ZIEBA, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.018165 du 23/08/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMEE

S.A.S. FROG

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux Domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2]

BORDEAUX

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me Igor DUPUY, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C.BRISSET, présidente et F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Frog sise à [Localité 3] commercialise la marque textile ‘Frog save the queen’ (vêtements et accessoires d’équitation). Son président est M. [W] [X]. Elle a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 2 février 2018.

Mme [F] [V] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (25h par semaine) en date du 28 décembre 2017, à compter du 19 décembre 2016, par la SAS Frog en cours d’immatriculation, en qualité de commerciale, statut non cadre.

En mars, avril et août 2018, les parties ont échangé des SMS et mails, Mme [V] réclamant le paiement de ses salaires, commissions et frais.

Mme [V] a été placée en arrêt maladie du 19 octobre au 4 novembre 2018.

Par courrier en date du 7 novembre 2018, Mme [V] a démissionné, à effet au 7 décembre 2018.

Les parties ont échangé de nouveaux mails les 12 et 14 novembre 2018, la salariée faisant état d’alertes non prises en compte.

Le 4 décembre 2018, Mme [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de requalification de la démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul et de paiement de salaires (heures supplémentaires consacrées à la création d’un site internet, et jours fériés), commissions, frais professionnels, indemnité d’occupation du domicile, dommages et intérêts du fait de la rupture et dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel.

Par jugement du 15 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– jugé que Mme [V] ne démontre pas qu’elle a été victime de harcèlement sexuel et/ou moral de la part de M. [X], dirigeant de la SAS Frog sur le lieu de travail, et que la rupture du contrat de travail de Mme [V] est une démission,

– débouté Mme [V] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté la SAS Frog de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [V] aux entiers dépens de l’instance.

Mme [V] a relevé appel de ce jugement le 19 juillet 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 5 avril 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [V] demande à la cour de :

– réformer le jugement,

Et, statuant à nouveau :

– fixer le taux horaire de Mme [V] à 11,93 € brut,

– prononcer la requalification du contrat de travail à temps partiel liant Mme [V] et la SAS Frog en un contrat de travail à temps plein,

– prononcer la requalification de la démission de Mme [V] en une prise d’acte de son contrat de travail aux torts exclusifs de la SAS Frog,

– prononcer la requalification de la prise d’acte de Mme [V] en un licenciement nul à titre principal ou en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,

– condamner la SAS Frog à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

* 1.645,54 € à titre de rappels de salaire, outre congés payés de 164,55 €,

* 2.982,50 € au titre des heures supplémentaires dues, outre congés payés de 298,25 €,

* 1.670 € au titre des jours fériés travaillés et non rémunérés, outre congés payés de 167 €,

* 10.854 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

* 3.829,50 € au titre d’indemnité d’occupation de son domicile,

* 2.851,81 € à titre de remboursement de ses frais professionnels,

* 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 10.854 € de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire 5.427 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 904,50 € à titre d’indemnité de licenciement,

* 2.500 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

– condamner la SAS Frog aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Frog demande à la cour de :

– juger Mme [V] recevable mais mal fondée en son appel,

– en conséquence, la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– confirmer en tous ses points le jugement,

– y ajoutant, condamner Mme [V] au paiement d’une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

En cause d’appel, Mme [V] ne maintient pas ses demandes de commissions et de frais professionnels engagés en août, septembre et octobre 2018, dont elle a été déboutée par le conseil de prud’hommes, de sorte que la cour ne peut que confirmer le jugement de ces chefs.

1 – Sur la fixation du salaire :

Ni le contrat de travail ni les bulletins de paie ne mentionnaient une classification ; Mme [V] était rémunérée 11,34 € de l’heure en décembre 2016, 9,75722 € de janvier 2017 à février 2018 et 9,89 € de mars à décembre 2018.

Mme [V] affirme qu’elle doit être classée en catégorie agents de maîtrise, niveau I, en qualité d’attachée commerciale, tel que prévu par la convention collective nationale du commerce de gros des tissus, tapis et linge de maison du 15 décembre 1993, avec un salaire horaire de 11,93 €.

Dans les motifs de ses conclusions, la SAS Frog soutient que cette demande doit être rejetée car elle est nouvelle en appel.

L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter des prétentions adverses, faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Aux termes de l’article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles en appel dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si leur fondement juridique est différent.

Par ailleurs, l’article 566 dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises aux premiers juges que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Toutefois, en première instance Mme [V] formait des demandes relatives à l’exécution du contrat de travail, notamment une demande de rappels d’heures supplémentaires, de sorte que la demande de fixation du salaire horaire constitue un accessoire, et qu’elle est recevable en appel.

La convention collective nationale prévoit que le niveau I implique une compétence technique indispensable à la maîtrise de tâches et/ou à l’animation, à la coordination, au contrôle du travail de plusieurs employés avec la responsabilité d’exécution des tâches effectuées par une équipe, ces activités s’exerçant sous l’autorité directe d’un responsable, et les connaissances requises étant un BTS ou diplôme équivalent ou une formation qualifiante ou une expérience professionnelle acquise par la pratique.

Mme [V] affirme qu’elle mettait en valeur les produits proposés à la vente, assurait leur promotion auprès de professionnels et de particuliers en prenant attache avec différents acteurs du monde équin et participant à des événements pour y représenter la marque, gérait les relations avec les fournisseurs, supervisait les commandes et assurait l’envoi et la bonne réception de la marchandise.

Toutefois, elle ne produit aucune pièce de nature à prouver ses dires. Elle est en outre muette sur ses tâches d’animation, de coordination ou de contrôle du travail – elle était la seule salariée – et sur ses diplômes et expériences.

Elle ne démontre donc pas avoir relevé de la catégorie agents de maîtrise, étant rappelé que les commerciaux ne sont pas forcément classés en catégorie agents de maîtrise car les employés des services administratifs, commerciaux et comptables sont classés en catégorie employés.

Le dernier salaire de Mme [V] doit donc être fixé à 9,89 €.

2 – Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein :

Aux termes de l’article L 3123-6 du code du travail, en sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016, applicable en l’espèce, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit, et il doit mentionner notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L 3121-44, la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée du travail fixée par le contrat.

En l’absence d’écrit, le contrat de travail est présumé à temps complet et il appartient à l’employeur d’apporter la preuve du temps partiel, et de prouver que le salarié n’a pas été placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devrait travailler ni obligé de se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

En revanche, si le contrat de travail est conforme à l’article L 3123-6, c’est au salarié qu’il incombe de démontrer qu’il devait travailler chaque jour selon des horaires dont il n’avait pas eu préalablement connaissance dans le respect du délai de prévenance, ce qui lui imposait de rester en permanence à la disposition de l’employeur.

Mme [V] demande la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, aux motifs que le contrat de travail ne mentionnait pas la répartition de la durée de travail dans la semaine ; elle ajoute qu’elle travaillait plus de 25 heures par semaine.

Dans les motifs de ses conclusions, la SAS Frog soutient que cette demande doit être rejetée car elle est nouvelle en appel.

Toutefois, en première instance Mme [V] formait des demandes relatives à l’exécution du contrat de travail, notamment une demande de rappels d’heures supplémentaires, de sorte que la demande de requalification du contrat de travail à temps plein avec rappel de salaire afférent constitue un accessoire, et qu’elle est recevable en appel.

Il est exact que le contrat de travail établi le 28 décembre 2017 à effet du 19 décembre 2016 ne mentionnait pas la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine, de sorte que la présomption de temps plein s’applique. Or, la SAS Frog, qui est totalement muette sur le fond, ne fournit aucun élément de nature à renverser la présomption et à démontrer que la salariée n’a pas été placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devrait travailler ni obligée de se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Le contrat de travail à temps partiel sera donc requalifié en contrat de travail à temps plein.

Mme [V] limite sa demande de rappel de salaire aux mois d’octobre, novembre et décembre 2018.

Le rappel de salaire sera chiffré :

– pour le mois d’octobre 2018, compte tenu d’une rémunération sur une base de 108,33h à 9,89 €, à 428,63 € ;

– pour le mois de novembre 2018, compte tenu d’une rémunération sur une base de 108,33h à 9,89 €, à 428,63 € ;

– pour le mois de décembre 2018 (du 1er au 7 décembre 2018), compte tenu d’une rémunération sur une base de 25h à 9,89 €, à 98,90 € ;

soit un total de 956,16 € bruts, outre congés payés de 95,62 € bruts.

3 – Sur les heures supplémentaires :

Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Dans ses conclusions, Mme [V] indique avoir effectué ‘environ 200 heures supplémentaires’ au cours de la relation de travail afin de créer le site internet de la société, et affirme que la SAS Frog n’a jamais contesté la réalité des heures supplémentaires. Toutefois, Mme [V] ne fournit aucun élément suffisamment précis sur ses heures supplémentaires ; elle fait une évaluation approximative de ses 200 heures supplémentaires, ne produit ni décompte ni aucune autre pièce, ne précise pas ses horaires de travail, et ne justifie pas avoir réclamé le paiement d’heures supplémentaires pendant la relation de travail.

La cour déboutera donc la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires, par confirmation du jugement.

4 – Sur les jours fériés :

 

Mme [V] affirme avoir travaillé les jours fériés : en 2017, les 8 et 10 mai, 14 juillet, 15 août, 1er et 11 novembre ; en 2018, les 8 et 10 mai, 14 juillet et 15 août 2018. Elle réclame le paiement de ces jours fériés avec majoration à 100 %.

La SAS Frog réplique que, pendant les jours fériés, Mme [V] participait à des concours hippiques pour motif personnel.

Mme [V] ne fournissant aucun élément prouvant qu’elle aurait travaillé pour le compte de la société les jours en question, elle sera déboutée de sa demande de rappel de salaire, par confirmation du jugement.

5 – Sur l’indemnité pour travail dissimulé :

En vertu de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités de déclaration préalable à l’embauche, ou de délivrance des bulletins de paie, ou de mentionner sur les bulletins de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations de salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des cotisations sociales.

En application de l’article L 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

Mme [V] souligne que le contrat de travail du 28 décembre 2017 mentionnait un début de travail au 19 décembre 2016, et qu’en réalité elle n’a été déclarée que le 20 février 2018 à l’URSSAF.

Dans les motifs de ses conclusions, la SAS Frog soutient que cette demande doit être rejetée car elle est nouvelle en appel.

Toutefois, en première instance Mme [V] formait des demandes relatives à l’exécution du contrat de travail, notamment une demande de rappels d’heures supplémentaires, de sorte que la demande d’indemnité pour travail dissimulé constitue un accessoire, et qu’elle est recevable en appel.

Il est effectivement versé aux débats la DPAE à effet du 20 février 2018, alors que le contrat de travail a débuté au 19 décembre 2016.

La SAS Frog réplique que Mme [V] a insisté pour obtenir des bulletins de paie ‘pour des motifs assez peu vertueux’ ; elle souligne qu’au moment de l’établissement du contrat de travail, elle était en cours d’immatriculation de sorte qu’elle pouvait pas déclarer Mme [V], mais qu’elle l’a fait dès qu’elle a été immatriculée. Néanmoins, la SAS Frog ne saurait rejeter la responsabilité sur Mme [V] : tant qu’elle n’était pas immatriculée, la société ne devait pas embaucher une salariée ; au demeurant, même après son immatriculation du 2 février 2018, elle a attendu 18 jours pour déclarer Mme [V] auprès de l’URSSAF.

L’intention de dissimulation est ainsi établie, ce qui ouvre droit pour Mme [V] à une indemnité pour travail dissimulé égale à 6 mois de salaire à temps plein au taux horaire de 9,89 €, soit 9.000,10 €.

6 – Sur l’indemnité d’occupation du domicile :

Mme [V] indique qu’en l’absence de locaux mis à sa disposition par la SAS Frog pour travailler, elle travaillait à son domicile. Elle réclame le remboursement par la SAS Frog du quart du loyer du logement qu’elle paie avec sa mère à [Localité 4] depuis janvier 2018 (666 €/4 = 166,50 €) pendant 23 mois.

La SAS Frog réplique que, Mme [V] ayant une jument dans la région toulousaine dont elle devait s’occuper quotidiennement, elle ne souhaitait pas travailler dans la région bordelaise où se trouvait la société, qu’elle n’a pas formulé de demande de télétravail, et que la société n’a pas à payer son loyer même pour partie.

Sur ce, la SAS Frog ne produit aucune pièce établissant qu’elle aurait mis un local professionnel à disposition de Mme [V], de sorte que la cour considère que la salariée était obligée de travailler chez elle ; quant à Mme [V], elle ne justifie pas de ce qu’elle a dû consacrer 1/4 de la surface du logement à son activité professionnelle. Il sera donc alloué à Mme [V] une indemnité forfaitaire mensuelle de 30 €, soit un total de 690 €, le jugement étant infirmé de ce chef.

7 – Sur les frais professionnels :

Mme [V] réclame le remboursement de :

– la moitié de ses abonnements mobile et internet fixe ((22,99 € + 52,83 €) / 2) pendant 23 mois soit 871,93 € ;

– la totalité du prix d’achat d’un ordinateur du 5 août 2017 soit 1.979,88 €.

Néanmoins, elle ne justifie pas de ce que les abonnements et l’ordinateur étaient à usage exclusivement professionnel, ni d’un surcoût généré par une utilisation professionnelle, de sorte que ces demandes seront rejetées, par confirmation du jugement.

8 – Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l’article L 1152-2, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L 1152-3 dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces textes est nulle.

En application de l’article L 1154-1, il appartient au salarié qui se prétend victime d’agissements répétés de harcèlement moral de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un tel harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En première instance, Mme [V] se plaignait d’un harcèlement moral et d’un harcèlement sexuel ; en cause d’appel, elle n’allègue plus de harcèlement sexuel. Au titre du harcèlement moral, elle invoque les éléments suivants :

– l’absence de déclaration aux organismes sociaux : le retard d’établissement de la DPAE est établi ;

– l’absence de conditions de travail correctes, sans précisions ni pièces ;

– l’absence de valorisation de son travail, sans précisions ni pièces ;

– des propos tenus, sans précisions ni pièces ;

– une rémunération inappropriée pour le travail fourni : il a été jugé que le taux horaire appliqué était correct et qu’aucune heure supplémentaire n’était due ;

– le fait que la SAS Frog faisait porter à la salariée les problèmes financiers de la société et lui a demandé de contracter un prêt qui a servi aux besoins de la société : Mme [V] produit des mails qu’elle a échangés avec le gérant M. [X] ce dernier évoquant les problèmes financiers de la société, et Mme [V] disant avoir contracté un prêt de 5.000 € servant à payer des bombes d’équitation ; néanmoins, ces mails ne laissent transparaître aucune pression de la part de M. [X], président, sur Mme [V], M. [X] et Mme [V] entretenant des relations très proches.

Ainsi, les seuls faits matériellement établis soit le retard de déclaration de Mme [V] et le fait que Mme [V] ait effectué des participations financières volontaires, pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer un harcèlement moral, et le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

9 – Sur la démission :

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de la démission, remet en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à l’employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse selon la nature des manquements reprochés à l’employeur, s’ils sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, ou dans le cas contraire, d’une démission.

Mme [V] soutient que sa démission était équivoque et doit être requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul du fait du harcèlement moral ou d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de manquements.

Dans les motifs de ses conclusions, la SAS Frog soutient que cette demande doit être rejetée car elle est nouvelle en appel.

Toutefois, en première instance Mme [V] formait des demandes relatives à la rupture du contrat de travail, alléguait une prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul et réclamait des dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail, de sorte que la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul tend aux mêmes fins, et qu’elle est recevable en appel.

Il ressort des pièces versées aux débats qu’en mars, avril et août 2018, Mme [V] a réclamé le paiement de salaires, commissions et frais, qu’elle a démissionné par courrier du 7 novembre 2018 non motivé, mais que, par mails des 12 et 14 novembre 2018, elle s’est plainte de l’absence de prise en compte de précédentes alertes.

Ainsi, la démission était équivoque et elle doit être requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat ;

Aucun harcèlement moral n’ayant été retenu, il n’y a pas lieu à nullité de la rupture.

Au titre des manquements, la salariée se plaint de :

– l’absence de déclaration aux organismes sociaux pendant plus d’un an ;

– le fait qu’elle a dû travailler à son domicile sans moyens matériels ni remboursement de frais ;

– le fait d’avoir été payée au SMIC sur une base de 25 heures par semaine alors qu’elle travaillait ‘bien plus qu’un temps plein’ ;

– le fait qu’elle ait été placée en difficulté financière.

Or, il est avéré que Mme [V] n’a pas été déclarée pendant plus d’un an, que son salaire n’était pas payé en temps et en heure, qu’elle n’a pas été indemnisée pour l’occupation de son domicile, et que la cour lui a alloué une indemnité pour travail dissimulé, des indemnités d’occupation et des rappels de salaires pour la requalification en contrat de travail à temps plein.

Les manquements de l’employeur justifient donc que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé sur ce point.

En vertu des articles L 1234-9, R 1234-2 et R 1234-4 du code du travail, en leur version applicable en l’espèce, la salariée peut prétendre à une indemnité de licenciement égale à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté.

Compte tenu d’un ancienneté d’un an 11 mois 18 jours et d’un salaire de 1.500,02 € bruts, l’indemnité de licenciement due est de 737,24 €.

En vertu de l’article L 1235-3 du code du travail, modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal figurant dans un tableau. Selon le tableau, pour une salariée ayant un an d’ancienneté au jour de la rupture, dans une entreprise comprenant moins de 11 salariés, cette indemnité est comprise entre 0,5 et 2 mois de salaire brut.

Née le 24 septembre 1994, Mme [V] était âgée de 24 ans.

Elle ne justifie pas de sa situation après la rupture.

Son préjudice sera donc réparé par des dommages et intérêts de 750,01 €.

10 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

L’employeur qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles. Mme [V] étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale et ne demandant pas que la somme réclamée au titre de l’article 700 alinéa 1er 2° du code de procédure civile soit versée à son conseil, elle en sera déboutée.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme [F] [V] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, jours fériés, commissions, frais professionnels et dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Prononce la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

Dit que la démission de Mme [F] [V] doit être requalifiée en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [F] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Condamne la SAS Frog à payer à Mme [F] [V] les sommes suivantes :

– 956,16 € bruts de rappels de salaires, outre congés payés de 95,62 € bruts,

– 9.000,10 € d’indemnité pour travail dissimulé,

– 690 € d’indemnité d’occupation du domicile,

– 737,24 € d’indemnité de licenciement,

– 750,01 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Frog aux dépens de première instance et d’appel, étant rappelé que Mme [F] [V] est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset.

 


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