Télétravail : 14 avril 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/03518

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Télétravail : 14 avril 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/03518
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14 avril 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/03518

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023

N°2023/171

Rôle N° RG 21/03518 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCNM

[B] [V]

C/

Association UNEDIC-AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST

S.C.P. [P]&[T]

S.E.L.A.R.L. [K] [S]

S.E.L.A.F.A. MJA

S.A. FLOW CONTROL TECHNOLOGIES

Copie exécutoire délivrée

le : 14 avril 2023

à :

Me Christine SIHARATH

Me Frédéric LACROIX

SCP SCP KEROUAZ – NK

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Martigues en date du 18 Décembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00806.

APPELANTE

Madame [B] [V], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Christine SIHARATH, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Association UNEDIC-AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

S.C.P. [P]&[T] prise en la personne de Maitre [C] [P] en sa qualité de co-Administrateur judiciaire désigné par jugement du Tribunal de Commerce du 22 octobre 2019, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Nabil KEROUAZ de la SCP SCP KEROUAZ – NK, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Rajaa TOUIJER, avocat au barreau de MARSEILLE

S.E.L.A.R.L. [K] [S] Prise en la personne de Maitre [K] [S] en sa qualité de co-Administrateur judiciaire désigné par jugement du Tribunal de Commerce du 22 octobre 2019, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Nabil KEROUAZ de la SCP SCP KEROUAZ – NK, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Rajaa TOUIJER, avocat au barreau de MARSEILLE

S.E.L.A.F.A. MJA prise en la personne de Maitre [F] [N] en sa qualité de Mandataire judiciaire désigné par jugement du Tribunal de Commerce du 22 octobre 2019, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nabil KEROUAZ de la SCP SCP KEROUAZ – NK, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Rajaa TOUIJER, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A. FLOW CONTROL TECHNOLOGIES, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Nabil KEROUAZ de la SCP SCP KEROUAZ – NK, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Rajaa TOUIJER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise BEL, Président de chambre, et Madame Raphaelle BOVE, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise BEL, Président de chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Raphaelle BOVE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023.

Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:

Mme [V] a été embauchée le 7 octobre 2008 par la société Flow control technologies (FCT) selon contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité d’ingénieur devis projet.

Au dernier état de la relation contractuelle la salariée occupait le poste de superviseur expert technique et chiffrage et avait le statut de cadre exerçant au forfait jours.

La convention collective applicable est celle des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Le 13 juin 2019, la salariée a été désignée représentante de proximité.

Le 22 octobre 2019, la société a été placée en redressement judiciaire, puis par jugement du 7 juillet 2020 en liquidation judiciaire.

Par acte du 18 décembre 2019, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues aux fins notamment de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur pour des faits de harcèlement moral, de discrimination et de manquement à son obligation de sécurité et d’être indemnisée de ces chefs.

Par courrier du 15 juin 2020, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 18 décembre 2020, le conseil a :

– jugé que la salariée n’a pas été victime de harcèlement moral,

– jugé qu’elle n’a pas été victime de discrimination,

– jugé que l’employeur n’a pas manqué a son obligation de sécurité,

– jugé que le forfait annuel en jours appliqué à la salariée est conforme aux exigences légales

et jurisprudentielles en vigueur,

En conséquence,

– jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est fondée et emportera les effets d’une démission,

– débouté la salariée de l’ensemble de ses autres demandes,

– condamné la salariée à verser la société, représentée par les organes de la procédure, la somme de 13 580 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

– déclaré le jugement opposable à l’Ags,

– condamné la salariée à verser à la société représentée par les organes de la procédure, la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la salariée aux entiers dépens.

La salariée a relevé appel de cette décision par acte du 9 mars 2021. Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 26 octobre 2021, elle sollicite :

-l’infirmation totale du jugement entrepris et

À titre principal,

– de juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est fondée et emportera les effets d’un licenciement nul ;

-d’inscrire au passif de la société les sommes suivantes :

o Indemnité conventionnelle de licenciement : 17 509,70 euros

o Indemnité compensatrice de préavis : 13 580,01 euros

o Congés payés sur préavis : 1 358,00 euros

o Dommages et intérêts pour licenciement nul : 108 640,08 euros,

À titre subsidiaire,

– de juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est fondée et emportera les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-d’inscrire au passif de la société les sommes suivantes :

o Indemnité conventionnelle de licenciement : 17 509,70 euros

o Indemnité compensatrice de préavis : 13 580,01 euros

o Congés payés sur préavis : 1 358,00 euros

o Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 49 793,37euros

En tout état de cause,

-d’inscrire au passif de la société les sommes suivantes :

o Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 27 160,02 euros

o Indemnité pour violation du statut protecteur : 135 800,10 euros

o Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 10 000 euros

o Dommages et intérêts pour discrimination : 10 000 euros

o Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité : 10 000 euros

o Dommages et intérêts pour violation des stipulations contractuelles : 10 000 euros

o Dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait : 5 000 euros

o Dommages et intérêts pour violation des dispositions légales : 10 000 euros

o Dommages et intérêts pour violation des dispositions légales relatives à la

désignation du référent harcèlement : 2 000 euros

o Rappel de salaire d’heures supplémentaires : 14 043,90 euros

o Congés payés sur rappel de salaire d’heures supplémentaires : 1 404,39 euros

o Rappel de salaire sur RTT non pris : 1 646 euros

– condamner la société à la délivrance des documents de rupture et des bulletins de salaire sous

astreinte de 150 euros par document et par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– condamner l’employeur au paiement, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de la somme de 3 000 euros au titre de l’instance devant le conseil de prud’hommes et 3 000 euros au titre de l’instance d’appel, outre les dépens.

À l’appui de ses demandes, la salariée fait valoir :

Sur le harcèlement moral, qu’elle a été victime depuis septembre 2018 des agissements répétés de son supérieur hiérarchique, en l’espèce le directeur commercial de la société. Elle rapporte qu’en sus de la surcharger de travail sans lui donner les moyens d’exercer ses missions et en lui enlevant des collaborateurs, ce dernier par des actes, propos et messages dénigrant et méprisant a cherché à plusieurs reprises à la décridibiliser et la sanctionner de manière déguisée. Pour elle, ces faits illustrent pleinement le souhait de son supérieur de l’exclure de la communauté de travail. Elle précise que le stress généré par cette situation l’a conduite à être placée à plusieurs reprises en arrêts de travail. Ces arrêts ont tout d’abord concerné la prise en charge de maux de dos puis le traitement, par suivi psychologique et médicamenteux, de troubles anxieux.

Le harcèlement moral étant à son sens démontré, la salariée sollicite que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail soit qualifiée de licenciement nul. Elle chiffre subséquemment les indemnités liées à ce licenciement ainsi que des dommages et intérêts au titre du harcèlement moral mais aussi au titre de la nullité du licenciement. Elle justifie de l’importance du préjudice subi par son état de santé, son ancienneté dans l’entreprise et son niveau de responsabilité.

Sur la discrimination, la salariée évoque d’une part une discrimination relative à son état de santé laquelle s’est caractérisée par les réticences de son employeur à lui accorder de manière pérenne un jour de télétravail par semaine comme sollicité par la médecine du travail et par le fait de lui avoir retiré son véhicule de fonction sans fondement réel et contrairement à d’autres salariés placés dans la même position.

Elle évoque d’autre part une discrimination relative à son statut de salariée protégée, se rapportant aux faits de harcèlement précédemment allégués et chiffrant son préjudice.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité, elle précise avoir averti l’entreprise des agissements de son supérieur mais indique qu’aucune action sérieuse n’a été entreprise, alors même que d’autres salariés avaient également signalé les comportements managériaux inadaptés de ce même manager. Elle chiffre son préjudice du fait de ce manquement.

Sur le refus d’accès au référent harcèlement, la salariée indique que son employeur avait l’obligation de faire désigner par le CSE un référent en matière de harcèlement sexuel tel que la loi l’impose. Or, le service des ressources humaines a refusé de lui communiquer le nom de ce référent et l’a accusée d’effectuer une telle demande pour enrichir son dossier prud’homal. Au demeurant, elle indique que ce référent n’a jamais été désigné. S’estimant privée d’un interlocuteur utile car en principe formé à la prévention du harcèlement en général, et non au seul harcèlement sexuel, elle chiffre son préjudice de ce chef.

Sur la nullité de l’accord de forfait-jour et les demandes subséquentes : elle indique qu’il n’est pas fait référence dans son contrat de travail à un accord d’entreprise ou de branche permettant un tel forfait jour. Il en est de même s’agissant des modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées. Elle précise enfin qu’elle ne bénéficiait pas de l’autonomie d’exercer ses fonctions et d’organiser son emploi du temps tel qu’elle le souhaitait, autonomie en principe requise par l’application d’un forfait jour.

La salariée sollicite en conséquence le rappel d’heures supplémentaires au titre des années 2017,2018 et 2019, se basant à titre principal sur les heures retenues par la badgeuse de l’entreprise. Elle indique ne pas avoir tenu compte des heures travaillées le soir, ne disposant plus de son matériel informatique professionnel pour pouvoir récupérer ses mails et en justifier. Elle rappelle toutefois avoir également travaillé pendant ses arrêts de travail, des week-ends et jours fériés.

Elle sollicite subséquemment des dommages et intérêts pour violation des stipulations de son contrat de travail et pour travail dissimulé.

Sur les demandes relatives à la récupération d’indemnités journalières de sécurité sociale: En arrêt depuis le 21 octobre 2019, elle précise ne plus avoir perçu d’indemnités journalières de sécurité sociale à compter du mois d’avril 2020, l’employeur n’ayant pas envoyé à la CPAM son attestation de salaire. Cette attestation n’a été transmise que le 23 juillet 2020 après relance de sa part. Elle regrette par ailleurs que son employeur lui ait fourni de mauvaises informations s’agissant du taux de rémunération qu’elle continuerait de percevoir en arrêt de travail longue durée, ce taux étant de 50% et non 75% . Ce manquement justifie également selon la salariée la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

À défaut de qualifier le licenciement de nul, elle sollicite à titre subsidiaire, au regard des nombreux manquements relevés dans l’exécution de son contrat de travail, que sa prise d’acte soit interprétée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’en tirer les conséquences indemnitaires.

Sur la demande d’indemnité pour violation du statut protecteur: arguant de ce que la rupture est intervenue en violation de son statut de salariée protégée quand bien même une prise d’acte en serait l’origine, elle sollicite une indemnisation de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de l’employeur au titre de l’indemnité compensatrice de préavis non effectué : la salariée indique que sa prise d’acte était fondée et qu’en tout état de cause, étant alors en arrêt de travail elle n’aurait pu effectuer ce préavis. Relevant que la société ne démontre pas son préjudice, elle sollicite qu’elle soit déboutée de sa demande.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 23 décembre 2022, la société intimée ainsi que M.[P] et M. [S] en leur qualité de co-administrateurs judiciaires et Mme [N] en sa qualité de mandataire judiciaire sollicitent :

– la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Subsidiairement :

– de réduire à de plus justes proportions l’allocation de dommages et intérêts,

– de condamner la salariée à verser la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les faits allégués de harcèlement moral:

L’employeur indique qu’aucun des faits allégués n’est avéré. La salariée n’a juste pas supporté de devoir de se soumettre à un management de proximité auquel elle n’avait jusqu’alors jamais été contrainte.

S’agissant plus particulièrement de sa charge et de ses conditions de travail, la réorganisation de sa direction et la réaffectation de plusieurs de ses collaborateurs à d’autres managers s’est faite avec son accord, dans le cadre d’une réorganisation totale de la direction commerciale, post rachat de l’entreprise. Suite à cette réorganisation il lui a été demandé de reconstituer une équipe de cinq personnes, ce qu’elle n’a jamais fait. De même, sa mutation sur le site de [Localité 7] s’est faite à sa convenance pour raisons personnelles et non à la demande de la société.

Son supérieur hiérarchique était très compréhensif sur son état de santé et il existait une bonne relation entre eux.

Des tensions sont seulement apparues à deux reprises, en juillet 2019 où son supérieur hiérarchique a tout au plus été maladroit dans son management sur la gestion d’un dossier et en octobre 2019 où il a oublié de la remercier dans un mail général de remerciements adressé notamment au comité de direction suite à la réalisation d’un gros projet. Il s’est ensuite largement excusé de cet oubli.

Les attestations produites par l’appelante, émises par d’autres salariés, ne visent pas de faits de harcèlement sur sa personne, mais potentiellement sur d’autres personnes et sont donc inopérantes. La société sollicite dès lors la confirmation du jugement de première instance de ce chef.

Il en est de même s’agissant des faits de discrimination pour lesquels le seul argument réel avancé est celui du retrait de sa voiture de fonction dont l’employeur se justifie notamment par le fait que l’appelante n’avait plus de déplacements professionnels à assurer en voiture et que cette mesure répondait à une politique de restriction plus globale mise en oeuvre alors par l’entreprise.

Sur le non-respect de son obligation de sécurité: l’employeur se défend de toute inaction. Il indique que le supérieur hiérarchique de l’appelante a fait remonter aux ressources humaines et à la direction les difficultés de communication qu’il rencontrait avec la salariée. La direction les a alors reçu et a essayé de trouver une solution. La salariée a refusé toutes les propositions qui lui étaient faites dont celle de changer de lieu de travail et de lien hiérarchique.

Sur l’application des règles du forfait-jour et les demandes subséquentes : l’employeur rappelle que celui-ci a bien une assise juridique dans la convention collective applicable à la salariée. Un planning des jours travaillés était tenu par la société pouvant attester notamment du fait qu’elle a toujours bénéficié de ses jours de récupération. La salariée ne s’est jamais plainte de ses conditions de travail pendant près de 10 ans. La société précise qu’elle a toujours bénéficié d’une grande autonomie dans son organisation mais que celle-ci n’exclut toutefois pas le contrôle par l’employeur des temps travaillés et de sa charge de travail.

Sur le travail les jours fériés, week-end ou alors qu’elle était en arrêt, la société précise qu’il était notamment fait à l’initiative de la salariée, alors même qu’elle avait été remplacée. Elle considère dès lors qu’elle ne peut se plaindre de mauvaises conditions de travail si elle y a elle-même contribué.

L’employeur indique qu’il est difficile de comprendre les fondements juridiques des demandes d’indemnités faites pour nullité de la convention de forfait individuelle et pour violation des dispositions légales, celles-ci semblant identiques et aucun préjudice n’étant au demeurant démontré.

Sur les demandes de rappel d’heures supplémentaires, la société précise que les calculs faits à l’aide des relevés de badgeuse sont largement inexacts et démontrent que la salariée, contrairement à ses dires, travaillait le plus souvent moins de 35 heures par semaine.

Sur le travail dissimulé, l’employeur relève qu’aucune intention frauduleuse n’est démontrée.

Sur les problèmes de traitement de paie: La société reconnaît qu’une erreur a été commise dans le courrier envoyé à la salariée le 25 février 2020 dans lequel il n’est pas fait référence à la bonne base juridique, de sorte qu’il a été indiqué à tort qu’elle pourrait bénéficier d’un maintien de traitement à hauteur de 75% alors qu’il était de 50%. Cette différence lui a été expliquée par la suite, par courrier.

Pour l’employeur, le non paiement des indemnités journalières de sécurité sociale est lié à l’absence d’envoi à la sécurité sociale, par la salariée, de ses arrêts de travail. Ce blocage date du 7 décembre 2019. Ce n’est qu’à compter de la fin de la période de subrogation de l’entreprise, soit en mars 2020 que la salariée s’est rendue compte de l’impact de sa négligence. Il ne peut être fait grief à l’employeur d’avoir volontairement bloqué le paiement des indemnités journalières de sécurité sociale sachant que le traitement de la paie était externalisé.

Sur l’absence de désignation de référent harcèlement:la société précise que sa seule obligation était de faire désigner un référent par le CSE pour la prévention du harcèlement sexuel,ce qui n’a pas été fait. En tout état de cause, l’employeur fait valoir que la salariée ne justifie pas d’un préjudice à ce titre mais tente à son sens de justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail suite notamment aux échanges intervenus à ce sujet..

Sur la qualification de la prise d’acte : l’employeur rappelle que les manquements relevés doivent être suffisamment graves pour qu’ils puissent empêcher la poursuite du contrat du travail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. A titre principal, il sollicite donc la confirmation de la décision de première instance qui a analysé cette rupture en démission.

À titre subsidiaire sur les demandes indemnitaires:la société indique qu’il y a lieu de tenir compte de ce qui a déjà été versé dans le solde de tout compte et notamment du règlement des RTT et droits à congés,

Sur les demandes reconventionnelles: la société sollicite la condamnation de la salariée au versement d’une indemnité compensatrice de préavis qu’elle aurait dû effectuer si elle n’avait pas démissionné.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 26 juillet 2021, l’Ags sollicite :

– la confirmation du jugement entrepris et le débouté de la salariée de l’intégralité de ses demandes,

Subsidiairement :

– de fixer en tant que de besoin l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité compensatrice de congés payés et l’indemnité de licenciement,

-de fixer le montant des dommages et intérêts dus au titre d’une rupture ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal,

– de débouter la salariée de toute demande de garantie sur la totalité de ses créances mais de tenir compte de la garantie limitée de l’Ags,

-de débouter la salariée de toute demande de paiement directement formulée contre l’Ags,

– de débouter la salarié de toute demande au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, des dépens, de l’astreinte, des cotisations patronales ou résultant d’une action en responsabilité, dès lors qu’elles n’entrent pas dans le cadre de la garantie Ags;

– de débouter la salariée de toute demande au titre des intérêts légaux et conventionnels, dès lors que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt du cours des intérêts dès son prononcé ;

Au soutien de ses prétentions l’Ags conclut:

Sur le harcèlement moral qu’il reposerait sur l’attitude dénigrante de son supérieur hiérarchique qui n’est pas démontrée. La progression de carrière de la salariée a été constante et à la hausse au sein de la société ce qui atteste de sa reconnaissance et de ses bonnes conditions de travail. La maladie de l’appelante n’est pas en lien avec les faits de harcèlement allégués.

Sur la discrimination liée au statut de salariée protégée : Le fait de retirer à la salariée son véhicule de fonction n’est en aucun cas lié à son statut de salarié protégé. Les déplacements qu’elle rapporte ne nécessitaient pas l’usage d’un véhicule.

Sur la convention de forfait jours, celle-ci est bien valable, dès lors il n’y a pas lieu à paiement d’heures supplémentaires. Au demeurant la salariée n’a jamais sollicité le paiement d’heures supplémentaires auparavant. Le travail dissimulé n’est pas davantage démontré en l’absence de toute intention frauduleuse caractérisée.

Sur la demande de résiliation suivie d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail:

L’Ags relève que les faits reprochés à l’employeur sont bien trop anciens pour justifier de l’impossibilité à poursuivre la relation de travail, dès lors qu’ils remontent à deux ans avant la saisine du conseil de prud’hommes.

Si la rupture du contrat de travail devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, les demandes indemnitaires devraient être limitées au regard des plafonds fixés par la loi, l’appelante ne justifiant pas de la hauteur des montants sollicités.

L’Ags relève qu’aucun préjudice spécifique n’est allégué en considération des multiples demandes indemnitaires formées.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

Motifs

Sur le harcèlement moral

L’article L. 1152-1 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 du même code précise que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, qu’au vu de ces éléments, pris dans leur ensemble, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, la salariée expose avoir été victime des faits suivants:

-une surcharge de travail imposée par son supérieur hiérarchique alors même qu’elle était parfois en arrêt de travail ou en congés, tout en ne mettant pas à sa disposition les moyens tant humains que techniques pour accomplir ses missions.

A l’appui de ses dires, la salariée produit :

– deux attestations d’anciens collègues ayant travaillé sous sa responsabilité, l’un indiquant ‘c’est une personne qui ne compte pas ses heures car elle était toujours à son poste de travail tôt et partait tard. Même lorsqu’elle a connu un arrêt maladie, elle répondait par email en home office par pure implication. Elle est toujours restée joignable également par téléphone dans ces moments-là.’, l’autre précisant ‘Nous avons toujours reçu des réponses claires et précises à nos diverses demandes, même lorsque elle était en arrêt maladie’;

-une attestation d’une autre ancienne collègue également placée sous sa responsabilité laquelle rapporte s’agissant du nouveau directeur commercial arrivé en septembre 2018 au sujet de l’appelante ‘Il a commencé par défaire l’organisation, et pris soin de retirer toute l’équipe de Mme [V], son équipe est passé de six personnes à deux personnes ‘;

-des organigrammes de la société justifiant de la restructuration de sa direction et de son changement de positionnement;

-relève dans les pièces produites par l’employeur un échange de SMS intervenu entre elle et son supérieur en juillet 2019 pendant son arrêt maladie, au sujet d’un nouveau projet pour l’entreprise;

Ces éléments ne caractérisent pas la surcharge de travail alléguée par la salariée au regard d’une situation antérieure à l’arrivée de son dernier supérieur hiérarchique. Ils attestent néanmoins d’une réorganisation importante de la direction que l’appelante supervisait et notamment de ce que plusieurs salariés placés sous sa supervision directe ont été affectés à d’autres services de l’entreprise, la privant potentiellement de ressources pour mener à bien ses missions.

-une ingérence systématique de son dernier supérieur hiérarchique dans ses fonctions : la salariée explique que ce dernier sollicitait régulièrement l’avis d’autres services sur les choix et stratégies proposés par sa direction, s’immisçait dans le suivi de ses dossiers allant jusqu’à prendre sa place dans des discussions clients en cours qu’elle supervisait, sans lui en parler au préalable et remettait en cause son mode de management, ces agissements visant selon elle, à décridibiliser son travail et sa personne. A l’appui de ses dires, elle produit :

-une attestation d’un salarié ayant travaillé sous sa supervision précisant que leur supérieur, le directeur commercial ‘demande régulièrement d’autres avis sur le travail effectué au sein du service support technique’, sans toutefois qu’aucun fait précis ne soit fourni en complément de ces dires;

-un échange de mails internes à l’entreprise et avec un client externe sur le projet EKIUM en mai et juin 2019 (pièce n°26 de l’appelante) duquel, en l’absence de plus d’explications, la cour ne peut déduire que le directeur commercial, comme allégué par la salariée, se serait immiscé dans une relation qu’elle pilotait avec ce client pour remettre en cause les offres déjà faites;

-un échange de mails des 1er et 3 avril 2019 avec son supérieur hiérarchique sur la fiche de poste du seul employé encore sous sa supervision, attestant que ce dernier comme il l’explique lui-même, a intentionnellement ajouté des compétences à cet employé, notamment en termes de chiffrage (compétences alors spécifiques de l’appelante) sans en parler au préalable à la salariée ‘Pour [M], oui c’est en effet intentionnel. Il peut y avoir des écarts pas de pb et on voir comment on les gère mais on ne souhaite pas limiter sa fonction à l’analyse des specs, ce n’est pas suffisant. Il faut vraiment que nous soyons polyvalents.’ ;

-un échange de mails du 25 avril 2019 avec son supérieur hiérarchique sur la notification de la ‘lettre NAO’ au seul salarié sous sa supervision, attestant qu’il n’y avait pas eu d’échange entre eux auparavant sur ce sujet;

-un mail de son supérieur hiérarchique du 26 juillet 2019, envoyé pendant ses vacances, lui indiquant que le salarié placé sous sa responsabilité est absent de l’entreprise alors qu’il avait dit qu’il serait présent;

Si ces éléments attestent de tensions et d’un manque de communication entre la salariée et son supérieur, ils sont insuffisamment étayés par des faits précis et circonstanciés pour établir matériellement le caractère systématique de l’ingérence alléguée.

La cour considère toutefois comme établi matériellement, le grief d’ingérence par le directeur commercial dans la rédaction de la fiche de poste de l’unique subordonné de la salariée, lequel constitue un fait matériellement établi.

-une surveillance accrue de son supérieur hiérarchique : A l’appui de ses dires, la salariée produit:

-un échange de mails du 7 octobre 2019 avec son supérieur hiérarchique dans lequel celui-ci indique ‘il y a beaucoup de choses que tu pourrais développer pour aider le commerce mais je te le redis, 6h57 de travaille dans les bureaux, ce n’est pas suffisant’, expliquant qu’il était à son sens anormal qu’en qualité de cadre au forfait-jours, son employeur ait accès à ses relevés de badgeuse.

-une attestation du salarié placé sous sa supervision précisant s’agissant du directeur commercial qu’il est ‘très tatillon sur les horaires de ses collègues (demande de justification régulière) …’;

La cour relève également dans les pièces produites par l’employeur, un mail du directeur commercial du 4 novembre 2019 envoyé aux ressources humaines dans lequel celui-ci indique ‘J’ai vérifié les 282 derniers emails de [B] ou je suis destinataire ou en copie. Cela me permet de remonter à Novembre 2018. J’ai trouvé 2 mails ou [B] aurait travaillé soit après 17h30 soit de la maison. J’ai également retrouvé 4 autre emails ou [B] à répondu avec son iphone (info dans la signature). J’émet donc de forts doute sur le volume de travail effectué de la maison.’

Ces éléments établissent la matérialité des faits rapportés.

-l’exclusion de la communauté de travail et des process: la salariée explique que son supérieur s’est employé à mettre tous les moyens en oeuvre afin que son travail ne soit plus reconnu, ni considéré. A l’appui de ses dires, elle produit :

-un mail du 15 juillet 2019 envoyé par son supérieur au comité de direction afin de leur faire part d’une nouvelle intention de commande importante d’un client et de féliciter un salarié ayant participé à la conclusion de ce projet. Il est établi que l’appelante n’a pas été destinataire de ce mail, ni remerciée alors qu’il est démontré par les pièces produites, et non contestées par l’employeur, que son action avait également été décisive.

-une attestation d’une salariée de l’entreprise indiquant sur son supérieur ‘ce dernier a un comportement encore pire que Madame X., comportement tout simplement délétère. Rapidement nous avons pu constater qu’il est primordial d’allé dans le sens de ce monsieur sous peine d’être professionnellement mis de côté et c’est le cas de Madame [V] (…).’

-des échanges de mails intervenus avec un client puis en interne à la société des 10 et 11 octobre 2019 dans lesquels son supérieur s’adresse au salarié sous sa supervision pour organiser une réunion, sans la rendre destinataire de cet échange, son subalterne lui renvoyant les mails par la suite;

-un échange de mails avec son supérieur du 23 janvier 2019 dans lequel elle lui indique se porter volontaire pour participer à l’élaboration de la gestion documentaire de l’entreprise, candidature à laquelle ce dernier répond ‘Super! Je te tiens au courant dès que j’en sais plus;’ et à laquelle il n’aurait ensuite jamais donné suite;

-un échange de mails du 8 octobre 2019 envoyé à son supérieur hiérarchique, les ressources humaines étant en copie, échange dans lequel pour la première fois elle évoque le terme de harcèlement et entre autres griefs lui reproche notamment le sujet suivant ‘l’ERP où tu as mis de côté ma demande d’implication majeure en amont (…) Tu n’es jamais revenu vers moi, et tu as placé [J]. Très bien. On se retrouve sans outils de travail sur le chiffrage. Quid’.Cette absence d’outil pertinent sur le chiffrage est rapportée par une attestation d’un autre salarié.

Ces éléments caractérisent matériellement les faits allégués.

-l’absence de fourniture des outils nécessaires à l’exercice de ses fonctions : la salariée explique avoir été privée de son véhicule de fonction car la médecine du travail aurait demandé à ce que son poste soit aménagé pour rester sédentaire, ce qu’elle assimile à une sanction disciplinaire déguisée et une mesure discriminante liée à son état de santé. Dans les faits, elle précise avoir continué à effectuer régulièrement des déplacements. Elle indique également ne pas avoir disposé des outils informatiques nécessaires et ceux malgré les multiples relances faites à son supérieur.

À l’appui de ses dires elle produit :

– un échange de mails des 28, 29 et 30 octobre 2018 avec le service des ressources humaines et le directeur de la société au sujet de sa voiture de fonction. Ces échanges attestent du fait que la salariée avait dû en effet restituer son véhicule.

-des échanges de mails avec son supérieur lui demandant de relancer le service informatique celui-ci ne répondant pas à ses sollicitations, ni à celles de son subalterne.

Ces éléments établissent matériellement les faits allégués.

– méthodes de management humiliantes dont humiliations verbales : la salariée produit plusieurs témoignages d’autres salariés, la plupart ayant appartenu à sa direction, attestant de faits commis envers eux par le directeur commercial ou rapportant un climat général ambiant délétère. Or, en l’absence de tout fait précis relatif à la situation personnelle de l’appelante, la cour en déduit que les éléments produits sont insuffisants à établir matériellement les allégations soutenues de ce chef.

-sur la dégradation de son état de santé : la salariée explique que son employeur n’a jamais pris au sérieux ses problèmes de dos l’ayant initialement conduite à être en arrêt, plusieurs arrêts de travail étant produits à ce titre.

Elle précise qu’alors que la médecine du travail avait demandé en septembre 2018 un aménagement de son poste en la faisant passer à une journée de télétravail par semaine, son employeur n’a pris aucune mesure. Elle produit à ce titre une attestation de suivi du service de santé au travail du 5 septembre 2018 indiquant ‘doit bénéficier d’un aménagement de poste pour trois mois: une journée de home office par semaine’; que celui-ci lui aurait demandé d’envisager de se mettre en inaptitude sur son poste, un mail du 22 juin 2018 d’échanges avec les ressources humaines attestant ses dires.

La salariée produit également plusieurs arrêts de travail à compter d’octobre 2019, ininterrompus jusqu’à la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail. Elle justifie également de la mise en place d’un suivi psychologique et de la prescription d’un traitement médicamenteux administré notamment pour les troubles anxieux.

Ces éléments établissent matériellement la dégradation de l’état de santé tant physique que mental de l’appelante.

En conséquence, il y a lieu de relever que les éléments de fait répétés sur une période de temps s’étendant du mois d’octobre 2018 au mois d’ octobre 2019 sont advenus dans un temps suffisamment court pour constituer un ensemble de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral. Il appartient dès lors à l’employeur de prouver que les agissements et décisions susvisées, matériellement établis, étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Des éléments produits en défense, l’employeur fait valoir que:

-s’agissant de la réorganisation de la direction de la salariée : lors du rachat de la société FCT par le groupe Altifort, il a été fait le choix de créer un véritable service commercial autonome, tel qu’il existait dans les années 2000/2010 et dès lors de rattacher les commerciaux sédentaires qui étaient sous la responsabilité de l’appelante, sous l’autorité directe de responsables de zone commerciale. Ces dires sont justifiés par la production de plusieurs pièces dont les organigrammes successifs de la société, ces éléments établissant que la décision de réorganisation prise était étrangère à tout motif personnel à l’encontre de la salariée et à tout harcèlement.

Il y a toutefois lieu de relever que sans manifester son désaccord de principe sur une telle organisation, la salariée dans un mail du 22 juin 2018 envoyé aux ressources humaines, à la reprise du travail indique s’agissant du transfert de deux employés placés sous sa supervision ‘Comme tu es peut être au courant, il y a eu des changements d’organisations internes chez FCT qui ont lourdement impacté mon service et ce pendant mon arrêt maladie: La direction m’a appelé pour m’informer de son souhait de transférer 2 personnes de la Cotation vers un nouveau département ‘Servicing’. Et je me suis rendue disponible malgré mon arrêt pour émettre mon avis sur la question: je n’étais en rien opposée à ce transfert si pour des raisons business cela avait du sens. Par contre, pour moi, vu qu’on me demandait mon avis, je souhaitais que les choses se fassent dans le bon ordre: Création du dpt ‘Servicing’ avec un responsable et des missions/objectifs claires pour pouvoir basculer ces deux personnes de la façon la plus sereine possible. Et m’inclure dans les communications avec mon service, même en arrêt, le tout pour assurer que la transition soit la plus efficace possible. (…) Résultat: à part un organigramme officiel, je n’ai eu aucune nouvelle de la direction, c’est mon équipe (très surprise car mise devant le fait accompli) qui m’a averti de l’officialisation du transfert, toujours pendant mon arrêt, sans que je puisse ni les rassurer, ni leur présenter de feuille de route concrète.’

Cette réorganisation subite, sans que la salariée y ait été réellement associée est également attestée par plusieurs témoignages d’employés placés alors sous sa supervision.

L’employeur ne justifie pas que la mise en oeuvre de cette réorganisation, sans y associer concrètement la salariée, alors que celle-ci y avait consenti en acceptant, de fait, de perdre une part importante des effectifs de sa direction, serait étrangère à tout harcèlement.

De même, bien qu’il allègue avoir demandé à l’appelante de reformer une équipe chiffrage composée de 5 personnes, la pièce produite et mentionnée dans ses conclusions à cet effet n’en justifie pas.

-s’agissant de l’ingérence de son supérieur hiérarchique dans l’élaboration de la fiche de poste de son unique subordonné :

L’employeur ne justifie pas en quoi il aurait été demandé dans l’élaboration des fiches de postes des employés d’indiquer les compétences qu’ils devraient développer et non celles déjà acquises pour assurer le poste qu’il occupait alors.

Les mails produits à ce titre par la salariée démontrent contrairement aux allégations de l’employeur, une absence d’échanges entre l’appelante et son supérieur hiérarchique à ce sujet, celui-ci décidant seul, sans solliciter son avis, les compétences que son seul subordonné devrait acquérir, ces compétences étant en l’espèce celles de sa supérieure hiérarchique.

La réponse de la salariée démontre que celle-ci n’était pas opposée à une évolution de la fiche de poste de cet employé sur d’autres missions que celles qu’il exerçait alors, notamment des missions techniques mais non celles de chiffrage pour lesquelles elle ne le considérait pas pertinent et savait qu’il n’avait pas de motivation. L’absence de retour sur la proposition qu’elle a faite à son employeur n’est pas contestée par celui-ci.

Or, s’il relève du pouvoir de direction de l’employeur (et en l’espèce du directeur commercial) de rechercher un binôme en matière de chiffrage, la société ne démontre pas que la mise à l’écart de la salariée pour ce faire, serait étrangère à toute forme de harcèlement.

-s’agissant de l’exclusion de la communauté de travail et des process : L’employeur ne conteste pas le fait que le directeur commercial ait oublié de mettre en destinataire de son mail et de féliciter la salariée lors d’une communication effectuée au comité de direction de l’entreprise sur la conclusion d’une nouvelle commande le 5 juillet 2019, pour laquelle elle avait joué un rôle particulièrement actif.

La société indique qu’il s’agit d’une maladresse dont le directeur commercial s’est excusé auprès de la salariée, ce dont elle justifie, ce même manager l’ayant remercié dans un second mail adressé également au comité de direction le 16 juillet 2019 et lui ayant indiqué dans un message la veille, suite à un entretien ‘Je terminerai simplement en te reconfirmant notre satisfaction sur la qualité de ton travail au sein du service commercial. Tu as une fonction centrale pour le service, j’apprécie et reconnais ton implication dans les projets et ta capacité à prendre des décisions dans l’intérêt de l’entreprise’, ainsi que dans un mail du 15 juillet 2019 ‘(…) C’est le premier vrai projet que nous prenons seul et c’est le fruit de votre travail. Merci pour ton engagement sur ce dossier pour avoir permis de le transformer en commande.’

La cour relève toutefois :

-qu’il s’agissait d’une communication particulièrement importante au comité de direction s’agissant d’une commande nouvelle et stratégique dans une période où la société était en difficulté financière ;

-qu’il n’est pas contesté que deux personnes, dont l’appelante, ont joué un rôle déterminant dans la conclusion de cette commande en se rendant au Royaume-Uni pour finaliser les négociations, seulement une étant remerciée alors même qu’elle était plus novice, formée et accompagnée dans cette opération par la salariée, l’absence de remerciement de cette dernière étant dès lors très surprenant ;

-que le directeur commercial n’a pas réalisé lui-même l’oubli qu’il avait fait et l’impact que celui-ci pouvait avoir mais s’est excusé suite à la réaction de la salariée, se sentant forcé à le faire comme en atteste son mail produit par l’entreprise, adressé aux ressources humaines le 4 novembre 2019 : ‘(…) [B] avait fait également un très bon travail d’analyse de specs, elle s’était rendue en BCM avec [M], je le reconnais tout à fait mais c’est aussi le propre de sa mission. [B] avait bien fait son travail. (…) Suite à ce mail au CODIR, j’ai reçu une réponse glaçante de [B] m’expliquant son manque de considération car pour moi, elle n’avait pas pu briller auprès du CODIR. Nous avons organisé un entretien où je me suis excusé de ne pas l’avoir elle aussi mise en copie (pour info, je n’avais pas non plus remercié spécifiquement le BE ou les achats). J’ai tenté d’être compréhensif (…)Je tiens cependant à rajouter que sa réaction me paraissait démesurée. Je n’ai pas apprécié le ton et la forme de son mail, j’étais surpris qu’elle m’agresse à ce point et d’une certaine manière, [B] m’imposait la manière dont je devais réagir (…) ;

-que bien qu’ayant fait part à la salariée suite à cet incident, de sa satisfaction sur la qualité de son travail et de sa reconnaissance sur son implication, le supérieur hiérarchique de la salariée, juste un peu plus de trois mois après cet échange écrira également aux ressources humaines dans le mail précité ‘j’émets donc de forts doute sur le volume de travail effectué de la maison (…), évoquant le fait que la salariée avait toujours été, jusqu’à son arrivée, supervisée par des managers basés à l’étranger’Ces gens-là n’avaient pas la possibilité de faire du micro management et ne suivaient pas la réelle production de [B]. Pendant des années, [B] faisait ce qu’elle voulait. Le simple fait de lui demander de s’investir plus semble maintenant une faute professionnelle de ma part, ce n’est pas acceptable. Elle a simplement pris l’habitude de moins s’investir au travail malgré son très gros salaire et à du mal à accepter plus d’attente de son manager’.

Au regard de ces éléments, l’employeur échoue à démontrer que les faits en cause seraient le fruit d’une maladresse du manager incriminé et étranger à toute forme de harcèlement.

Il en est de même s’agissant de l’exclure des échanges de mails préparatoires à une réunion s’étant tenue en octobre 2019 à laquelle seul son subalterne était convié sans qu’elle en soit informée. L’employeur indique qu’il n’était pas nécessaire que la salariée et l’employé lui étant rattaché soit tous les deux présents, considérant que l’appelante laissait peu de marge de manoeuvre à ce dernier. Or, la cour considère que le salarié subalterne étant placé sous l’autorité de sa supérieure, il appartenait à la direction d’informer cette dernière de la réunion, de sorte que les motifs avancés pour l’exclusion de la réunion l’information ne sont pas étrangers au harcèlement dénoncé.

-s’agissant du contrôle des horaires de travail : s’il ne peut être contesté que l’employeur est fondé à contrôler la charge de travail de l’ensemble de ses salariés dont les cadres soumis au forfait-jours, tel que l’appelante, celui-ci ne justifie pas en quoi, le contrôle pointilleux des horaires de présence au bureau exercé à plusieurs reprises par le directeur commercial sur la salariée serait justifié par des raisons étrangères à toute forme de harcèlement. Ainsi il ne lui est pas reproché de retard sur une demande ou un projet particulier, il n’est pas contesté que celle-ci s’est portée volontaire à plusieurs reprises pour participer à des projets en sus de ses activités propres, il ne lui a jamais été reproché dans ses évaluations un manque d’investissement ou de travail et il est largement démontré par les pièces produites au dossier qu’elle n’a pas hésité, à plusieurs reprises, dans l’intérêt de l’entreprise, à travailler pendant ses arrêts ou congés.

L’employeur ne démontre pas que les agissements invoqués seraient étrangers à toute forme de harcèlement.

Ainsi, en relevant par ailleurs les éléments médicaux produits aux débats et sans qu’il y ait lieu de poursuivre l’analyse des justifications fournies par l’employeur sur les autres faits matériellement établis, la cour relève que l’ensemble de ces constats laisse supposer l’existence d’un lien direct et suffisant entre la dégradation de l’état de santé notamment mentale de l’appelante et les agissements fautifs répétés relevés à l’encontre de l’employeur.

La cour dispose des éléments lui permettant d’évaluer le préjudice subi à la somme de 4 000 euros.

Le jugement entrepris est infirmé et le montant alloué est fixé au passif de la liquidation judiciaire de l’entreprise.

Sur la discrimination

L’article L.1132-1 du code du travail, dans sa version issue de la loi n°2014-173 du 21 février 2014, applicable au litige, dispose qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-1, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales.

Par ailleurs, l’article L.’1134-1 de ce même code précise que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, la salariée expose avoir été victime de faits de discrimination fondée sur son état de santé mais également sur son statut protecteur à compter de juin 2019, cette discrimination portant à la fois sur le retrait de sa voiture de fonction et sur le harcèlement dont elle aurait été victime.

Sur les faits de discrimination relatif à son statut protecteur, la salariée ne rapporte aucun fait précis au soutien de ses allégations, aucun fait retenu au titre du harcèlement n’étant en lien avec ses fonctions de représentante de proximité.

Sur les faits de discrimination relatif à son état de santé et au retrait de sa voiture de fonction, l’employeur indique que cette mesure est étrangère à toute discrimination mais correspond ‘tout simplement à la nouvelle politique de déplacement appliquée au sein de FCT. Il n’y avait donc pas uniquement Mme [V] qui était concernée par ce retrait de véhicule mais seule Mme [V] l’a érigé en point de contestation’. Or, la société ne produit aucun document à l’appui de ses dires. Elle ne justifie pas du changement de sa politique de déplacement, ni d’aucun autre retrait de véhicule de fonction à un autre salarié placé dans les mêmes conditions que l’appelante tel qu’alléguait.

La cour relève au surplus dans les échanges de mails intervenus entre la salariée et le directeur de FCT du 30 octobre 2018 que celui-ci considère qu’elle n’aurait jamais dû bénéficier de ce véhicule ‘Les règles d’attribution du véhicule à l’époque correspondait à un besoin de missions vers l’Italie qui ni en nombre de voyages (souvent vous y êtes allée en avion plutôt qu’en voiture) ne justifiait l’attribution d’un véhicule. C’est mon avis et je l’assume’ et évoque à l’appui de la décision de retrait de ce dernier le motif suivant ‘Depuis sur avis médical je crois, il vous a été recommandé de ne plus faire de long trajets en voiture et nous avons accepté d’aménager votre poste de travail en conséquence et l’avons fait sans discuter le cout. Aujourd’hui votre poste est sédentaire principalement aussi pour des raisons d’équité nous vous avons demandé de rendre le véhicule (dans un délai raisonnable) ce qui est tout à fait normal.’

Or, ici encore, l’employeur ne justifie d’aucune formalisation d’un aménagement du poste de travail de la salariée, ni du caractère totalement sédentaire de son activité, la salariée rapportant avoir effectué plus de déplacements qu’allégués par son employeur.

La société intimée échoue donc à établir que les agissements soutenus comme discriminatoires en raison de l’état de santé de la salariée étaient justifiés par des éléments objectifs totalement étrangers à toute discrimination.

En conséquence, la cour infirme le jugement déféré et reconnaît que la salariée a été victime de discrimination de la part de son employeur en raison de son état de santé.

La cour dispose des éléments lui permettant d’évaluer le préjudice subi à la somme de 1 000 euros. Le montant alloué est fixé au passif de la liquidation judiciaire de l’entreprise.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’article L.’4121-2 du même code décline les principes généraux de prévention sur la base desquels l’employeur met en ‘uvre ces mesures.

Il est de principe que respecte l’obligation de sécurité qui lui incombe, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (actions de prévention, d’information, de formation…) et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

En l’espèce, à la suite de la dénonciation des faits de harcèlement dont la salariée se déclarait victime dès octobre 2019, la cour relève que l’employeur a effectué plusieurs démarches en recevant en entretien le 22 novembre la salariée, en sollicitant les explications de son manager, obtenues le 4 novembre 2019 et par suite en lui proposant dès fin novembre de la rattacher à un autre supérieur hiérarchique puis de l’affecter à un autre site. Ainsi, il ne peut être reproché à la société de n’avoir pris aucune mesure après l’alerte faite par l’appelante, la cour n’ayant pas à apprécier le bien-fondé des mesures concernant d’autres salariés dont elle n’est pas saisie.

L’employeur justifiant avoir pris les mesures nécessaires n’a pas méconnu l’obligation de sécurité lui incombant.

En conséquence, la décision entreprise sera confirmée et l’appelante déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Sur l’absence de désignation d’un référent harcèlement

Aux termes de l’article L.2314-1 du code du travail, dans les entreprises de moins de 250 salariés, le comité social et économique désigne un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

La société FCT, dont l’effectif est inférieur au seuil de 250 salariés, n’était pas soumise à l’obligation de faire désigner par le comité social et économique un référent en matière de harcèlement moral.

L’appelante ne formant de prétention qu’en matière de harcèlement moral, est dès lors irrecevable en sa demande. Le jugement est confirmé sauf à prononcer en matière d’irrecevabilité et non de débouté de la demande.

Sur la demande de nullité de la convention de forfait en jours et les demandes subséquentes

Aux termes de l’article 8 du contrat de travail du 7 octobre 2008, la salariée est soumise au forfait en jours sur l’année de 218 jours et placée sous le régime de la Convention Collective Nationale des Ingénieurs et Cadre de la Métallurgie.

S’agissant des sources de droit applicables au contrat de travail en matière de convention de forfait en jour sur l’année, la salariée ne faisant que reprendre en cause d’appel les moyens soutenus devant le premier juge, la cour estime, que le conseil a, par des motifs qu’elle adopte, a fait une appréciation exacte des droits de parties.

Le contrat de travail est soumis aux accords nationaux de la métallurgie du 14 avril 2003 modifié par avenant du 3 mars 2006, lesquels précisent en leur article 14 que:

– les salariés soumis à ce régime doivent disposer d’une réelle autonomie dans l’organisation journalière de leur emploi du temps de travail ;

– les salariés ne sont pas soumis à un contrôle de leurs horaires de travail ;

– le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés. De ce fait l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle de ces temps, celui-ci pouvant être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ;

– le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail.

S’agissant du suivi régulier de la charge de travail du salarié, l’accord susvisé ne fait pas obligation à l’employeur de mentionner dans le contrat de travail les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées, la société justifiant pour l’année 2019 avoir assuré un suivi du décompte pour la salariée, non contesté par cette dernière.

S’agissant de l’ autonomie dans l’organisation journalière de son emploi du temps et du contrôle exercé par son supérieur hiérarchique, s’il est attesté que celui-ci à plusieurs reprises a effectué un contrôle pointilleux de ses horaires journaliers, et a formulé des observations sur les horaires effectués , justifiées pour ce qui concernait sa présence aux réunions du service commercial, la salariée n’apporte pas la démonstration de ce que les agissements dont il est fait grief, l’auraient privée d’une réelle autonomie et de sa capacité d’organisation. En effet, à l’exception de sa participation aux réunions du service commercial où il pouvait paraître fondé de lui demander d’aménager son emploi du temps pour être présente, les pièces produites aux débats attestent d’une grande autonomie dans l’organisation de son temps de travail, la salariée ayant eu soin de rappeler à son supérieur dans un mail du 8 octobre 2019 les conditions de son statut à ce titre, en les termes suivants : ‘Pour ton information, je suis cadre au forfait jour donc tu n’as pas lieu de pointer mes heures de bureau, à la rigueur c’est mes jours de présence que tu devrais pointer si tu as du temps à perdre bien entendu’, ces observations permettant de déduire qu’antérieurement à cette période, la salariée organisait son temps de travail à sa guise.

En conséquence, l’appelante ne faisant pas la preuve du bien fondé de la demande de nullité de la convention de forfait en jours , la décision entreprise est confirmée de ce chef et la salariée déboutée des demandes subséquentes de rappel d’heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales sur les stipulations contractuelles, des dispositions légales sur le temps de travail et pour travail dissimulé.

Sur la qualification de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et ses effets

Il est de principe que la prise d’acte par un salarié de la rupture de son contrat de travail fondée sur des faits de harcèlement moral dont il est victime produit les effets d’un licenciement nul.

En l’espèce, les faits de harcèlement moral ayant précédemment été retenus comme fondés ont été invoqués par la salariée dans son courrier du 15 juin 2020 de prise d’acte de la rupture de son contrat de travail mais également à l’appui de sa demande initiale de résiliation judiciaire de ce même contrat, la cour étant tenue d’examiner l’ensemble des griefs y étant exposés.

En conséquence, la décision entreprise sera infirmée et la prise d’acte de la rupture par la salariée produira les effets d’un licenciement nul.

En ce cas, et lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Cette indemnité est due sans préjudice notamment du paiement de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

La salarié sollicite la somme de 108.640,08 euros de dommages et intérêts en raison de la nullité de son licenciement au regard de ses fonctions, de sa rémunération et de son ancienneté. Elle ne fournit pas d’information sur sa situation actuelle tant d’un point de vue médical que s’agissant de la reprise éventuelle d’une activité professionnelle.

Compte tenu du salaire de 4 166,67 euros brut perçu par la salariée aux termes du dernier avenant à son contrat de travail et de l’ancienneté de 11 ans et 8 mois, la cour dispose des éléments lui permettant de fixer à la somme de 25 000 euros l’indemnité devant lui être allouée. Ce montant est fixé au passif de la liquidation judiciaire de l’entreprise.

Sur l’indemnité pour violation du statut protecteur

Aux termes de l’article L.2411-8 du code du travail, le licenciement d’un représentant de proximité ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.

Le salarié protégé a le droit d’obtenir, au titre de la méconnaissance de son statut protecteur, une indemnité forfaitaire égale au montant de sa rémunération pendant la période comprise entre son éviction et l’expiration de la période de protection dans limite de 30 mois.

En l’espèce, la salariée était représentante de proximité depuis le 13 juin 2019, son mandat devant durer 4 ans. La prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul est intervenue le 15 juin 2020. L’appelante est fondée à solliciter une indemnisation pour violation de son statut protecteur, de sorte que la décision entreprise sera infirmée.

La société a été placée en liquidation judiciaire le 7 juillet 2020.

La cour dispose des éléments lui permettant de fixer à la somme de 4 166,67 euros le montant de l’indemnité devant lui être allouée, soit l’équivalent d’un mois de salaire brut, montant fixé par l’avenant à son contrat de travail du 1er juin 2016, maintenu par avenant du 1er juillet 2016.

Cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de l’entreprise.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité conventionnelle de licenciement

La cour ayant statué que la prise d’acte de la salariée produisait les effets d’un licenciement nul il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir exécuté son préavis.

Dès lors, la décision entreprise sera infirmée de ce chef et la société déboutée de sa demande reconventionnelle tendant à se voir verser la somme de 13 580 euros à ce titre.

La convention collective applicable énonce que pour les cadres de position II et III, pour un licenciement avant l’âge de 50 ans et une ancienneté supérieure ou égale à 5 ans, le préavis est de 3 mois et s’agissant de l’indemnité conventionnelle de licenciement pour les salariés en dessous de 50 ans, l’indemnité est de 1/5 mois par année d’ancienneté dans la tranche de 1 à 7 ans et de 3/5 mois par année d’ancienneté dans la tranche au-delà de 7 ans.

En l’espèce, la salariée était cadre en position II, avait 39 ans et une ancienneté de 11 ans et 8 mois au sein de la société. Les données transmises et montants sollicités ne sont pas contestés sur leur calcul par l’employeur ou l’Ags.

En conséquence, il convient de fixer au passif de la société les sommes de :

– 13 580,01 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 1358 euros de congés payés afférents

-17 509,70 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur le solde de RTT non pris

La salariée ne justifie pas dans ses pièces des 8 jours de RTT qu’elle allègue ne pas avoir pris, l’employeur se prévalant des sommes versées dans le solde de tout compte au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef et la salariée déboutée de sa demande.

Sur la garantie de l’Ags

Aux termes du 1° de l’article L.3253-8 du code du travail, l’Ags couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

La garantie de l’Ags couvre les créances indemnitaires fixées au titre du harcèlement et de la discrimination portant sur l’état de santé, soit les montants de 4000 euros et de 1000 euros.

Les créances résultant de la rupture du contrat de travail visées par l’article L. 3253-8 2° du code du travail, s’entendent d’une rupture à l’initiative de l’administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur.

La salariée ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail le 15 juin 2020, les créances issues de la rupture du contrat de travail, ne sont pas garanties par l’Ags.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d’ordonner la remise par le mandataire liquidateur des documents de fin de contrat et du bulletin de paie conformes à la présente décision et ce, sans qu’il y ait lieu de fixer une astreinte.

Par ces motifs,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté de Mme [V] des demandes suivantes :

– dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

– dommages et intérêts pour violation des stipulations contractuelles

– dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait

– dommages et intérêts pour violation des dispositions légales

– dommages et intérêts pour violation des dispositions légales relatives à la désignation du référent harcèlement

– rappel de salaire sur RTT non pris,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Juge que Mme [V] a été victime de harcèlement moral et de discrimination en raison de son état de santé,

Fixe la créance de Mme [V] au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société Flow control technologies aux sommes suivantes :

– 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

Dit que la prise d’acte par Mme [V] le 15 juin 2020 produit les effets d’un licenciement nul,

Fixe la créance de Mme [V] au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société Flow control technologies aux sommes suivantes :

– 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 17 509, 70 euros brut à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 13 580, 01 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 1 358 euros brut de congés payés afférents,

– 4 166,67 euros brut à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur,

Déboute la société Flow control technologies de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de Mme [V] à lui verser la somme de 13 580 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

Ordonne la remise à Mme [V] par Mme [N] en sa qualité de mandataire judiciaire, des documents de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt,

Dit n’y avoir lieu à astreinte,

Dit que la garantie de l’Ags couvre les montants suivants:

– 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

Rappelle que l’Ags Cgea ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.’3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.’3253-15 et L.’3253-17 du code du travail, sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, conformément aux articles L.3253-19 et suivants du code du travail,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Fixe au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société Flow control technologies les dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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