Télétravail : 13 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/04308

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Télétravail : 13 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/04308
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13 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/04308

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 13 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04308 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWBK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Avril 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU – RG n° F19/00252

APPELANT

Monsieur [R] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Alexandra BERGHEIMER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0769

INTIMEE

S.A.S. CIS BIO INTERNATIONAL

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Michel LIET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0601

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [R] [Y], né en 1980, a fondé et a été associé et dirigeant de la SARL Foresee Investment, créée en 2012, et de la SAS Drivit, créée en 2018.

Le 23 février 2018, M. [Y], en qualité de dirigeant de la société Foresee Investment (puis de la société Drivit) a conclu un contrat cadre de sous-traitance avec la société SAS Insight Technology Solutions (ci-après la société Insight).

La SAS CIS Bio International (ci-après la société CIS Bio) qui exerce l’activité de ‘recherche, développement, production, utilisation, importation, commercialisation de produits de spécialiste de médicaments, d’appareils ou de matériels associés et de services associés ou complémentaires dans les domaines pharmaceutiques’, a sollicité la société Insight spécialisée dans la fourniture de solutions informatiques complexes, afin d’intervenir sur l’infrastructure informatique de son site de [Localité 6].

Le 3 décembre 2018, les sociétés Insight et CIS Bio ont régularisé un contrat de prestation de services pour une durée de trois ans.

Demandant la requalification de la relation de travail avec la société CIS Bio International en contrat de travail à durée indéterminée et diverses indemnités consécutives à la rupture du contrat, M. [Y] a saisi le 23 avril 2019 le conseil de prud’hommes de Longjumeau qui, par jugement du 1er avril 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– dit et juge que M. [Y] ne peut se prévaloir de l’existence d’un contrat de travail qui aurait lié la société CIS Bio international et M. [Y],

– déboute en conséquence M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,

– déboute les sociétés CIS Bio international, Insight Technology Solutions, Foresee Investment, et Drivit de l’ensemble de leurs demandes,

– dit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 6 mai 2021, M. [Y] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 19 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 mars 2023, M. [Y] demande à la cour de :

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,

statuant à nouveau,

– ordonner la requalification de la relation de travail ayant lié M. [Y] à la société CIS Bio international en contrat de travail à durée indéterminée,

– constater que la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

– débouter la société CIS Bio international de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de M. [Y],

– condamner la société CIS Bio international au paiement des sommes suivantes :

* 9.136 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 91.360 € au titre de l’indemnité de préavis,

* 9.136 € au titre des congés payés afférents,

* 45.680 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 137.040 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

* 23.000 € au titre des circonstances vexatoires entourant le licenciement,

* 5.000 € à titre d’abondement du CPF,

* 23.000 € à titre de paiement de la participation,

* 23.000 € à titre d’indemnité pour non-affiliation à la mutuelle d’entreprise ,

* 23.000 € à titre d’indemnité de prise en charge des cotisations retraite de M. [Y],

– ordonner la publication du jugement à intervenir dans deux journaux au choix de M. [Y], dans la limite d’un coût total d’insertion de 10.000 €,

– ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil,

– ordonner la remise à M. [Y] d’un bulletin de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation pôle emploi conformes à la décision à intervenir sous astreinte journalière de 150 € par document,

– condamner la société CIS Bio international à verser à M. [Y] la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société CIS Bio international aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 octobre 2021, la société CIS Bio International demande à la cour de’:

– déclarer M. [Y] irrecevable, sinon mal fondé en son appel et en ses demandes,

– l’en débouter à toutes fins qu’ils comportent,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– condamner M. [Y] en tous les dépens d’appel,

– condamner M. [Y] à payer à la Société Cis Bio international la somme de 3.500,00 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 avril 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 11 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève que l’appel de M. [Y] est dirigé uniquement contre la SAS CIS Bio International et que la SARL Foresee Investment, la SAS Drivit et la SAS Insight Technology Solutions ne sont donc pas constituées en cause d’appel, aucune demande n’étant formulée à leur encontre.

Sur le contrat de travail

Pour infirmation de la décision entreprise, M. [Y] soutient en substance que l’activité qu’il exerçait pour le compte de la société CIS Bio est constitutive d’une relation de travail salariée ; qu’il a bien réalisé une prestation de travail rémunérée, dans une situation de dépendance économique vis-à-vis du donneur d’ordre, dans des conditions de travail caractéristiques du salariat et dans un lien de subordination juridique vis-à-vis du donneur d’ordre.

La société CIS Bio rétorque que M. [Y] est intervenu auprès d’elle par l’intermédiaire de la société Foresee Investment dont il est le président, et de la société Drivit dont Foresee Investment est la présidente, ces deux sociétés ayant été les sous-traitants successifs d’Insight pour la réalisation des prestations commandées par la société CIS Bio ; qu’en application de l’article L. 8221-6 I.3° du code du travail, M. [Y] est donc présumé ne pas être lié par un contrat de travail avec celle-ci ; qu’il ne justifie pas du versement d’une rémunération ni d’un lien de subordination ; qu’en tout état de cause, à la supposer établie, la dépendance économique dont se prévaut M. [Y] n’est pas de nature à établir l’existence d’un lien de subordination juridique permanente et à renverser la présomption de non-salariat.

En application de l’article L. 8221-6 du code du travail,

I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II.-L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

L’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.

En l’espèce, il est constant que M. [Y] est le président de la société Foresee Investment et que celle-ci est la présidente de la société Drivit. M. [Y], dirigeant de la société Foresee Investment immatriculée au registre du commerce et des sociétés, est donc présumé ne pas être lié avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation.

Il résulte des éléments versés aux débats et non contestés que la société Foresee Investment dirigée par M. [Y] a signé en qualité de sous-traitant un contrat cadre de sous-traitance avec la société Insight qui elle-même a signé en qualité de prestataire un contrat de prestation de services avec la société CIS Bio (le client) dont M. [Y] se prétend être le salarié.

Il est prévu par le contrat conclu par la société Foresee Investment et la société Insight que lorsque celle-ci ‘reçoit une demande de prestations de l’un de ses clients et estime que le sous-traitant peut répondre à cette demande, Insight proposera au sous-traitant d’agir en tant que sous-traitant d’Insight et de fournir les prestations auprès de son client’. Il est versé aux débats les factures des prestations de service ‘Chef de projet’de la société Foresee Investment et de la société Drivit à la société Insight pour la période du mois de mars 2018 au mois d’avril 2019.

Le contrat conclu entre la société CIS Bio et la société Insight précise que ‘lors de son intervention sur le site pour la réalisation des prestations, le personnel du prestataire doit se conformer aux horaires du site et son règlement intérieur joint en annexe 3 et agir en conformité avec la législation du travail et la convention collective qui lui est applicable’, que le client (la société CIS Bio) donnera accès au site pour autant que nécessaire au personnel du prestataire de manière à faciliter l’exécution des prestations, que les frais de déplacement pour participation aux réunions nécessaires hors du site pour la réalisation des prestations confiées seront pris en charge par ‘le client’ sous forme de remboursements sur présentation des factures correspondantes.

Dès lors, eu égard à l’ensemble de ces éléments, pour démontrer un lien de subordination permanent avec la société CIS Bio, c’est en vain que M. [Y] se prévaut de son obligation de se conformer aux horaires d’ouverture du site de [Localité 6] pour la réalisation de son intervention et de la remise en badge pour y accéder compte tenu des règles de sécurité auxquelles est soumis ce site, ainsi que de la validation nécessaire par la société CIS Bio des frais professionnels pour leur remboursement.

De même, les échanges de courriels versés aux débats n’établissent nullement l’exécution d’un travail sous l’autorité de la société CIS Bio ni ne caractérisent un quelconque pouvoir de sanction de celle-ci sur M. [Y], mais ne sont que la manifestation d’une organisation nécessaire entre le client, le prestataire et son sous-traitant pour mener à bien le projet informatique.

Le fait que M. [Y] représentant de la société sous traitante (Foresee) informe le client (la CIS Bio) du prestataire (Insight), pour le compte duquel il travaille, de ces jours de congés ou de ses jours de télétravail participent de cette nécessaire organisation sans pour autant s’inscrire dans des modalités d’exécution du travail sous le contrôle du client dont il n’est pas établi qu’il disposait d’un quelconque pouvoir de sanction.

A cet égard, M. [Y] qui affirme que la société CIS Bio a exercé à son encontre un pouvoir de sanction en lui adressant un SMS le 14 mars aux termes duquel M. [X] de la société CIS Bio lui indiquait ‘je veux que tu prennes le premier vol demain pour [Localité 4]. Ta mission s’arrête là. Je t’appelle plus tard’, procède par simples allégations étant observé que l’année de ce SMS n’est pas mentionnée et que ni la mission visée, ni les raisons pour lesquelles la ‘mission s’arrête là’ ne sont précisées.

La cour relève que si M. [Y] figure dans l’organigramme de la société CIS Bio, c’est en qualité de ‘ext’ (extérieur).

Les éléments ainsi invoqués par l’appelant ne permettent pas de déduire que la réalité des relations résultant des deux conventions est différente de celle manifestée expressément par les parties lors de la conclusion des dites conventions.

En conséquence, la cour déduit de l’ensemble de ces éléments que les relations régissant les rapports entre M. [Y] et la société CIS Bio ne sont pas constitutives d’un contrat de travail. C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a débouté M. [Y] de l’ensemble de ses demandes subséquentes. Le jugement déféré sera confirmé ces chefs.

Sur les frais irrépétibles

M. [Y] sera condamné aux entiers dépens et devra verser à la société CIS Bio la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE M. [R] [Y] aux entiers dépens ;

CONDAMNE M. [R] [Y] à verser à la SAS CIS Bio International la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.

 


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