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11 mai 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/00506
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 11 MAI 2023
N° RG 22/00506 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VAJV
AFFAIRE :
[V] [X] épouse [U]
C/
S.A.S. GROUPON FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu
le 29 Octobre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : F 18/01479
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Anne-laure DENIZE de la SELEURL Anne-Laure Denize
Me Oriane DONTOT de
la AARPI JRF AVOCATS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [V] [X] épouse [U]
née le 14 Février 1980 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par : Me Anne-laure DENIZE de la SELEURL Anne-Laure Denize, Plaidant/Constitué avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D276 substitué par Me Stéphane DAYAN Barreau de PARIS
APPELANTE
****************
S.A.S. GROUPON FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par : Me Oriane DONTOT de l’AARPI JRF AVOCATS, plaidant constitué avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 substituée par Géraldine DEBORT avocat au barreau de PARIS.
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Madame Chloé DELALLE, Vice présidente placée,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [V] [X], épouse [U], a été engagée, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 30 août 2010, en qualité de commercial, statut agent de maîtrise, par la société par actions simplifiée Groupon France, qui a pour activité la publication d’offres groupées permettant de réaliser des opérations auprès de partenaires identifiés à des conditions préférentielles, et qui relève de la convention collective nationale Syntec.
En dernier lieu, Mme [X] a occupé les fonctions de « key account manager », statut cadre, à compter du 7 décembre 2015.
Convoquée le 30 novembre 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 12 décembre suivant, Mme [X] a été licenciée, par lettre du 12 décembre 2017, énonçant une faute.
Contestant son licenciement, Mme [X] a saisi, le 5 décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de voir reconnaître le caractère discriminatoire de son licenciement à titre principal, et l’absence de cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, et de voir condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes de la requérante, à défaut, a demandé de limiter le montant des indemnisations réclamées.
Par jugement rendu et notifié aux parties le 29 octobre 2020, le conseil a statué comme suit :
Déboute Mme [X] de l’ensemble de ses demandes.
Reçoit la société Groupon France en sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et l’en déboute.
Met les éventuels dépens à la charge de Mme [X].
Le 25 novembre 2020, Mme [X] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Statuant en déféré, la présente cour a infirmé le 17 février 2022, l’ordonnance rendue le 8 novembre 2021 par le conseiller de la mise en état, en ce qu’elle a prononcé la caducité de l’appel de Mme [X], et a déclaré sa déclaration d’appel recevable.
Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 28 février 2023, Mme [X] demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en ses écritures et d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et, statuant à nouveau :
A titre principal,
Juger que son licenciement a été prononcé alors que son contrat de travail était suspendu pour absence de visite médicale de reprise ;
Juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
Fixer la moyenne de ses salaires à la somme de 6.061,20 euros
En conséquence,
Condamner la société Groupon à lui verser une indemnité de 48.489,60 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
A titre plus subsidiaire, et si par extraordinaire la cour considérait que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Juger que la procédure de licenciement est irrégulière ;
En conséquence,
Condamner la société Groupon à lui verser la somme de 6.061,20 euros pour licenciement irrégulier ;
En tout état de cause,
Juger que son licenciement est intervenu dans des circonstances manifestement brutales et vexatoires ;
Juger qu’elle n’a pas perçu l’ensemble de ses primes depuis le mois de décembre 2015 et notamment celles pendant sa période de dispense d’activité ;
Juger que l’employeur a remis tardivement une attestation Pôle Emploi rectifiée ;
En conséquence,
Condamner la société Groupon à lui verser la somme de 24.244,80 euros en réparation du préjudice subi du fait des circonstances vexatoires et brutales du licenciement prononcé à son encontre ;
Condamner la société Groupon à lui verser la somme de 9.873,73 euros à titre de rappels de primes ;
Condamner la société Groupon à lui verser la somme de 6.061,20 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de l’attestation Pole Emploi rectifiée ;
Assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil;
Condamner la société Groupon à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à succomber aux entiers dépens,
Débouter la société Groupon de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 27 février 2023, la société Groupon demande à la cour de la recevoir en ses pièces et conclusions, ce faisant, de :
A titre principal :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt,
En tout état de cause :
Débouter Mme [U] de l’intégralité de ses demandes,
Condamner Mme [U] aux entiers dépens et à lui verser une somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
Par ordonnance rendue le 8 mars 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 14 mars 2023.
MOTIFS
I ‘ sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :
« Les faits que nous vous reprochons sont les suivants :
1) Depuis votre retour de congé maternité, vous refusez de vous conformer aux règles de l’entreprise
Vous avez été en congé maternité du 17 mai 2017 au 5 septembre 2017. Avant cette période, à votre demande et après validation par le médecin du travail, vous avez travaillé en home office du fait de votre grossesse.
Or, à votre retour de congé maternité, vous nous avez mis sur le fait accompli de vos problèmes de garde d’enfant et vous nous avez demandé de travailler en home office à 100% jusqu’à début novembre, date à laquelle votre enfant rentrerait à la crèche.
A notre grande surprise, il s’agissait davantage d’une décision unilatérale de votre part puisque, dès le lendemain, votre manager découvrait que vous travailliez depuis chez vous, sans avoir attendu l’autorisation de l’entreprise.
Dès lors, nous avons eu des échanges avec vous visant à vous faire comprendre qu’il n’était pas possible d’accepter votre demande et que nous attendions de votre part des compromis.
En effet, au titre de l’équité et dans le respect de la procédure en place dans l’entreprise, il nous est apparu légitime de ne pas accepter votre demande de home office à 100%. D’autre part, et comme nous vous l’avions expliqué, l’entreprise fait au mieux pour aider les salariés en difficulté, mais en aucun cas elle ne peut traiter tous les problèmes personnels qu’ils rencontrent.
Vous n’avez pas semblé comprendre ni accepter ces explications.
A la suite de cela, nous vous avions donné quelques jours pour vous organiser, vous accordant, pour vous aider, de travailler en home office 2 jours par semaine.
Finalement, le 20 octobre 2017, vous avez été en arrêt maladie et ce, jusqu’au 1er décembre 2017.
Or, et encore une fois, le jour de votre retour le 4 décembre, vous nous avez encore mis sur le fait accompli.
Vous avez demandé à votre manager, à 16h30 ce 4 décembre, un aménagement de votre horaire de travail. Invoquant des problèmes d’horaires de crèche, vous souhaitiez quitter le bureau plus tôt, à 17h, tous les jours. Vous n’avez précisé ni la date d’effet de cet arrangement, ni s’il s’agissait d’un besoin à titre temporaire ou définitif.
Quoiqu’il en soit, votre manager vous a demandé de pouvoir en référer au département des ressources humaines avant de vous faire une réponse.
C’est donc encore avec une grande surprise qu’il a constaté qu’à 17h le 4 décembre, vous aviez quitté votre poste de travail.
Nos explications sont encore une fois les mêmes que celles développées lorsque vous avez pensé que l’entreprise pourrait gérer vos problèmes de garde d’enfants : à aucun moment nous ne pouvons nous substituer à vous dans la gestion de vos affaires personnelles. Nous sommes, chacun dans nos vies, confrontés à des problématiques à gérer et en aucun cas l’entreprise ne peut intervenir pour apporter une solution personnalisée à chacun. Nous vous avons indiqué qu’il n’était pas possible d’accepter l’aménagement d’horaire tel que vous le demandiez car cela amènerait à créer des inégalités au sein de l’entreprise. Par ailleurs, et contrairement à ce que vous avez fait valoir à plusieurs reprises dans vos emails, votre ancienneté chez Groupon ne vous octroie pas plus de droits en la matière que tout autre collaborateur.
Par conséquent, votre attitude répétée de faire fi de nos décisions et explications s’assimile purement et simplement à de l’insubordination.
2) Nous avons relevé un certain nombre d’irrégularités liées à votre arrêt maladie
– Le contrôle médical n’a pu avoir lieu
En effet, ayant pris connaissance de votre arrêt maladie, nous avons diligenté un contrôle médical qui était prévu une première fois en date du 3 novembre 2017.
Or, le médecin-contrôleur n’a pu accéder à votre domicile n’ayant pas le code d’accès à votre immeuble.
Un second rendez-vous a été fixé au 8 novembre 2017 et nous vous en avons informée par email du 7 novembre 2017, vous demandant le code d’accès à votre immeuble. Sans réponse de votre part, la visite a été néanmoins maintenue et pour la seconde fois, le médecin-contrôleur n’a pu accéder à votre domicile.
A cela, vous nous avez répondu que vous n’étiez pas disposée à fournir le code d’accès à votre immeuble par souhait de protéger l’immeuble de tout accès malveillant.
Bien sûr, cet argument ne peut être retenu. Toutes les informations sur les salariés sont privées et ne sont utilisées que dans le respect des règles qui encadrent le traitement des données de personnel.
En l’occurrence, vous avez fait obstacle à la réalisation du contrôle médical que nous avons diligenté.
– Comme si cela ne suffisait pas, nous avons de sérieux doutes quant à la validité de votre arrêt maladie pour la période du 20 novembre au 1er décembre 2017
Vous nous avez en effet adressé, tardivement, un arrêt maladie totalement vierge (présentant uniquement votre nom et votre adresse). Ce document ne peut évidemment aucunement justifier votre absence. Nous vous avons donc demandé de bien vouloir justifier de votre absence au moyen d’un document valable.
Et, comme si cela ne suffisait pas à nous surprendre, vous nous avez adressé un nouvel arrêt par email du 28 novembre (copie scannée), celui-ci complété au feutre et mentionnant les dates du 20 novembre au 1er décembre 2017. Pour autant, le scan ne laissait pas apparaître la date à laquelle le document a été réalisé. Malgré notre demande de communication de la copie originale, vous ne nous avez toujours rien communiqué à ce jour sous prétexte que vous ne souhaitiez pas nous laisser connaître la pathologie indiquée par le médecin du travail. Il aurait pourtant suffi de cacher cette mention pour nous laisser voir la date à laquelle l’arrêt avait été signé.
Ainsi, et compte tenu de la non-concordance des documents fournis, nous ne pouvons que douter de leur validité.
En parallèle, comme vous tardiez à nous fournir les documents demandés, nous avons également contacté votre médecin afin d’avoir confirmation des dates de cet arrêt. Le cabinet médical, non-surpris que nous ayons pu recevoir un arrêt vierge de toute mention (en faisant référence à votre premier envoi), n’a pu que nous indiquer qu’ils ne pouvaient confirmer la validité de votre arrêt. En effet, par e-mail daté du 5 décembre 2017, le secrétariat nous indiquait : « Nous n’avons toujours pas de nouvelles concernant l’arrêt, cette patiente est bien venue en consultation mais nous ne pouvons confirmer la validité de l’arrêt maladie’ »
Par conséquent, le certificat que vous nous avez apporté, le jour de l’entretien, daté du 7décembre mentionnant que vous avez bien eu un arrêt de travail du 20 novembre 2017 au 1er décembre 2017 ne fait qu’aggraver votre situation de par la non-concordance des informations communiquées sur cette période de votre absence.
Votre tentative pour vous dédouaner des faits que nous vous avons exposés au cours de l’entretien du 12 décembre dernier ne nous ont pas permis d’en modifier notre appréciation. Ainsi, nous avons pris la décision de vous licencier en raison de votre insubordination et de l’absence de justification de votre arrêt maladie pour la période du 20 novembre au 1er décembre 2017. »
En vertu de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par un motif réel et sérieux, et l’article L.1235-1 du même code impartit au juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs fondés sur des faits précis et matériellement vérifiables invoqués par l’employeur, de former sa conviction en regard des éléments produits par l’une et l’autre partie. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Sur la cause
Sur la suspension
Au visa de l’article R.4624-31 du code du travail, Mme [X] fait dériver d’événements reprochés durant la période de suspension de son contrat de travail faute de visite médicale de reprise, le défaut d’un motif réel et sérieux, ce à quoi la société Groupon lui oppose que la période de protection ne saurait pas s’étendre de ce motif et que l’arrêt justifié était moindre de 30 jours.
L’article R.4624-31 du code du travail oblige l’employeur à saisir le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise dès lors que le travailleur a bénéficié d’un congé de maternité ou d’une absence d’au moins trente jours pour cause de maladie non professionnelle.
Cela étant, l’article R.4624-32 du même texte disant que cet examen a pour objet de vérifier si le poste du salarié est adapté à son état de santé, d’en préconiser le cas échéant l’aménagement ou l’adaptation, ou le reclassement du travailleur et d’émettre, s’il y a lieu, un avis d’inaptitude, il ne saurait pas différer jusqu’à la date de cette visite la période de protection instituée par l’article L.1225-4.
Par ailleurs, dans la mesure où l’intéressée ne bénéficiait pas non plus de la protection spéciale de l’article L.1226-9 du code du travail faute d’origine professionnelle de sa maladie, il n’y a pas lieu de considérer de plano que l’absence de visite médicale après qu’elle a repris son travail évincerait le bien-fondé d’un licenciement advenu ensuite, pour des faits postérieurs à cette reprise.
Le moyen manque en droit, et sera écarté.
Sur l’insubordination
Mme [X] dénie tout acte d’insubordination. Elle relève la prescription disciplinaire des faits reprochés les 12 et 13 septembre, et souligne la nécessité de les distinguer du surplus, en raison du consentement de l’employeur à son télétravail 2 jours par semaine.
La société Groupon soutient les griefs exposés dans la lettre de licenciement, en soulignant que l’intéressée manquait aux conditions posées par la charte sur le télétravail, sur le principe et la forme, et qu’elle l’imposa en fait. Elle précise l’avoir accepté pour partie, par esprit de consensus, en la rappelant à l’ordre. Elle souligne la réitération des faits, après son retour de congé maladie, quand elle quitta le bureau d’autorité hors des horaires institués par le règlement intérieur. Elle nie la prescription de faits fautifs de plus de deux mois de la procédure disciplinaire, ensuite poursuivis.
Si en application de l’article L.1332-4 du code du travail l’employeur ne peut se prévaloir de faits antérieurs de deux mois aux poursuites disciplinaires, il en va autrement si ces faits procèdent d’un comportement fautif de même nature que celui dont relèvent les faits non prescrits donnant lieu à l’engagement des poursuites disciplinaires.
L’insubordination reprochée à la salariée en décembre 2017 d’avoir modifié d’autorité ses horaires de présence au bureau participant d’un comportement de même nature que les faits fautifs advenus, selon l’employeur, en septembre 2017, de s’être arrogée le droit de travailler à domicile, et les poursuites ayant été engagées le 8 décembre suivant, aucun fait n’est prescrit, et les premiers ne sauraient pas plus être justifiés par l’accord postérieur de l’employeur d’un aménagement de 2 jours de travail par semaine à domicile.
Par ailleurs, c’est à tort que Mme [X] dénie s’être affranchie du pouvoir de direction de l’employeur, quand, sollicitant le 11 septembre l’autorisation de travailler à distance faute de moyen de garde de son enfant, concluant en ces termes : « je te remercie de bien vouloir (‘) me faire retour rapidement », elle imposa dès le lendemain cette organisation sans attendre une réponse qui ne lui fut donnée que le 15 septembre, peu important qu’elle soit partiellement positive, et alors qu’elle ne réunissait pas les conditions d’un télétravail posées par la charte de l’entreprise, notamment, la « condition sine qua non d’approbation » du supérieur hiérarchique.
Soulignant avoir été avisée le 4 décembre de n’avoir plus à se présenter sur son poste de travail, Mme [X] considère sans objet le reproche de son départ, ce jour et les deux suivants, à 17 heures. Elle note qu’au reste, le contrat de travail ne mentionne aucun horaire, mais un forfait hebdomadaire de 38,5 heures. Elle nie l’affichage ou la communication d’un règlement intérieur qu’elle dit ignorer.
Cela étant, du moment que la salariée, par mail du 7 décembre demandait à son supérieur « d’accepter [qu’elle] continue de partir à 17h10 et de commencer dès 8h30 », après avoir évoqué cette solution parmi d’autres ainsi : « solution n°1 : tu acceptes le maintien de mes horaires décalés », il s’en induit qu’elle n’était libre de choisir ses horaires même non précisés dans le contrat de travail, peu important qu’elle n’ait eu la communication du règlement intérieur, puisque il se déduit de ses termes sa connaissance d’un horaire collectif jusqu’alors appliqué.
Son moyen tiré d’une procédure disciplinaire en cours la dispensant de se présenter est sans portée, puisqu’elle ne justifie pas à cette date de son effectivité, n’ayant reçu finalement la convocation du « 30 novembre 2017 » que par mail du 8 décembre, date à laquelle elle cessa au reste de se présenter.
La matérialité de faits objectifs et imputables à la salariée est donc établie, sous cet aspect.
Sur l’arrêt maladie
Mme [X] fait valoir que le refus même délibéré du contrôle du médecin ne justifierait pas son licenciement. Elle impute à la négligence de l’employeur de n’avoir pu donner l’accès à son immeuble au médecin contrôleur, qui ne la contacta pas
Cela étant, les obligations du salarié à l’égard de la sécurité sociale ne saurait pas constituer un motif de licenciement.
Ainsi, son contrat de travail étant suspendu les 7 et 8 novembre 2017, les faits qui lui sont reprochés d’obstruction à la contre-visite médicale ne constituent pas un manquement aux obligations résultant du contrat de travail, du moment qu’il n’est pas soutenu que la salariée aurait commis un acte de déloyauté.
Au surplus, la société Groupon ne justifie pas suffisamment l’avoir avisée de cette visite, y ayant procédé par la seule voie de sa messagerie professionnelle sans que Mme [X] n’y répondit avant sa reprise.
A la société Groupon qui plaide n’avoir jamais obtenu l’original du volet de l’arrêt de prolongation dès le 20 novembre 2017, Mme [X], qui remarque que la secrétaire médicale de son praticien ne pouvait mieux faire qu’attester à l’employeur de la consultation, lui objecte avoir communiqué ensuite l’attestation de son médecin le confirmant.
Etant acquis que la société reçut un feuillet non daté, l’appelante verse aux débats copie de l’arrêt allant du 20 novembre au 1er décembre 2017, renseigné et signé par le praticien à l’identique des précédents non critiqués, daté du mois de novembre, que corrobore son certificat médical du 7 décembre attestant de l’authenticité de cet arrêt, sans le contredire.
Il s’en déduit que le fait n’est matériellement pas établi.
Sur le sérieux des griefs
Les griefs ci-avant retenus d’avoir réglé durant quelques jours et d’autorité le temps de sa présence dans l’entreprise, sans reproche d’aucun dysfonctionnement de son activité que ne corrobore pas la circonstance que Mme [X] travailla pour partie à distance pendant sa grossesse ni de s’être dérobée à la durée conventionnelle de son occupation de 38,5 heures hebdomadaires, ne sauraient pas constituer une cause sérieuse de licenciement de la salariée, par ailleurs sous statut cadre.
Dès lors, le jugement sera réformé en son expression contraire et en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire afférente.
Sur les conséquences financières
Exposant n’avoir pas retrouvé d’emploi, Mme [X] sollicite l’équivalent de 8 mois de salaire : 48.489,60 euros, en réparation de son dommage que lui dénie la société Groupon, et qui convient d’une indemnité minimale de 18.183,60 euros en application de l’article L.1235-3 du code du travail.
Vu l’ancienneté de l’intéressée et l’évolution défavorable de sa situation professionnelle dont elle justifie par l’attestation du Pôle emploi, son préjudice né du licenciement abusif sera réparé par l’allocation de 25.000 euros, au paiement desquels l’intimée sera condamnée.
Compte tenu de l’ancienneté et de l’effectif de la société, il sera fait application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail.
Sur les conditions vexatoires du licenciement
Mme [X] déplore son écart subit sans faute grave, après 7 ans d’un grand professionnalisme, ce à quoi la société Groupon réplique n’avoir pas commis de faute et n’y avoir de préjudice distinct de la perte d’emploi.
L’article 1231-1 du code civil dispose que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »
Il est acquis aux débats que Mme [X] fut dispensée de se présenter dans l’entreprise ès le 8 décembre 2017 et ensuite, de préavis.
Cela étant, l’usage par l’employeur de son pouvoir de direction ne saurait pas être fautif, sans autres circonstances, ici non évoquées, qui caractériseraient son abus, ainsi que l’ont retenu les premiers juges.
Les prétentions de l’appelante seront rejetées par confirmation du jugement.
Sur la remise tardive de l’attestation Pôle emploi
Mme [X] évoque l’impossibilité de faire valoir ses droits avant le mois d’octobre 2018, en raison des erreurs de l’attestation, dont elle dut réclamer la rectification par justice.
Il est acquis que Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, en sa formation de référé, et, que par ordonnance du 28 septembre 2018, celui-ci a ordonné la rectification de l’attestation Pôle Emploi.
Cela étant, comme l’observe l’intimée, l’intéressée, sortie des effectifs le 3 avril 2018, a été inscrite auprès du Pôle emploi dès le 26 avril suivant en catégorie 1, de sorte qu’à défaut de mieux spécifier ou établir son préjudice, sa demande sera rejetée par confirmation du jugement.
II ‘ sur l’exécution du contrat de travail
Mme [X] fait valoir le bonus conventionnel de 2.750 euros au plus par trimestre en fonction de la réalisation d’objectifs. Elle précise n’avoir jamais eu connaissance du calcul liquidatif de ces primes, non versées lors de son congé maternité en violation des prescriptions de la convention collective. Elle réclame paiement du complément le 4ème trimestre 2015, du 2ème au 4ème trimestres 2017 et le 1er trimestre 2018.
Suite à quoi, la société Groupon fait valoir un paiement surnuméraire de cette prime en 2016 et début 2017, en tout état de cause, le défaut d’un droit à l’intégralité, non reçue le dernier trimestre 2015 ainsi que l’intégration, durant le congé maternité, de la prime au salaire, et son paiement en sus durant son temps de présence, y compris à la fin de l’année pendant sa maladie. Elle l’estime remplie de ses droits.
L’avenant au contrat de travail portant effet au 7 décembre 2015 dit que « le salarié pourra bénéficier d’un bonus trimestriel pouvant aller jusqu’à 2.750 euros brut en fonction de la réalisation de critères qui seront fixés par la société et communiqué au salarié au début de chaque période de référence (‘) cette prime trimestrielle sera payable le dernier jour du mois suivant celui de la période au titre de laquelle il est dû (‘) la société s’engage à remettre au salarié tout document utile lui permettant d’apprécier les modalités de calcul de sa rémunération variable. »
Incidemment, le précédent avenant envisageait que « le salarié pourra bénéficier d’une prime mensuelle pouvant aller jusqu’à 500 euros brut », le reste inchangé.
Il incombe à l’employeur de justifier que sa décision de ne pas accorder la rémunération variable au salarié est fondée objectivement par la non-atteinte des objectifs qui lui sont assignés et qui, portés à sa connaissance, doivent être suffisamment précis.
Etant observé que la société Groupon ne donne aucun élément sur la liquidation de la prime d’objectif le dernier trimestre 2015 et ne justifie donc pas des raisons de ne pas l’accorder en sa totalité, il convient, sans autre critique des parties, de considérer que Mme [X] a droit à l’entière prime, restant dus 1.869,35 euros.
En revanche, en juillet 2017, Mme [X] reçut pour « indemnité maternité » d’un congé débuté le 17 mai et couvrant le mois de juin, la somme de 9.734,27 euros, au lieu de l’équivalence de sa rémunération conventionnelle, soit 4.875 euros, sur la base mensuelle de 3.250 euros. Dès lors, l’appelante ne faisant valoir aucune explication à cet égard, il convient de considérer que l’employeur établit sa libération au sens de l’article 1353 du code civil.
Chaque mois que dura le congé maternité, elle perçut une indemnité de 6.489,51 euros que ne justifie pas son salaire de base. Ce congé ayant duré jusqu’au 5 septembre 2017, il doit être considéré que l’employeur rapporte aussi la preuve de sa libération pour la prime du 3ème trimestre 2017.
En revanche, le dernier bulletin de paie produit aux débats datant de novembre 2017, l’employeur ne justifie pas de sa libération dans le paiement de la prime du 4ème trimestre de cette année, et il sera condamné au règlement du surplus : 1.526 euros, des motifs sus-évoqués.
L’article L.1234-5 du code du travail dit que « l’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis. »
Ce faisant, le moyen de l’employeur de n’avoir pas donné d’objectif à l’intéressée et ainsi de ne lui avoir pas réglé sa rémunération variable après son licenciement est sans portée.
La demande de Mme [X] pour le 4ème trimestre 2018 sera accueillie à raison de 2.750 euros.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté ses demandes pour les 4ème trimestres 2015 et 2017 et le 1er trimestre 2018, et confirmé pour le surplus.
III ‘ sur les autres demandes
Il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire
Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [V] [X] de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, de dommages-intérêts pour remise tardive de l’attestation du Pôle emploi, de rappel de primes dues aux 2ème et 3ème trimestres 2017 ;
L’infirme pour le surplus ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;
Dit le licenciement non fondé sur un motif réel et sérieux ;
Condamne la société par actions simplifiée Groupon à payer à Mme [V] [X] la somme de 25.000 euros de dommages-intérêts en réparation du licenciement abusif ;
Ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes, en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail ;
La condamne à payer à Mme [V] [X] la somme de 6.145,35 euros au titre des primes d’objectifs des 4èmes trimestres 2015, 2017 et du 1er trimestre 2018 ;
Rappelle que les créances de nature contractuelle sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ;
Condamne la société par actions simplifiée Groupon à payer à Mme [V] [X] 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société par actions simplifiée Groupon aux entiers dépens.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,