Télétravail : 11 avril 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/02353

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Télétravail : 11 avril 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/02353
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11 avril 2023
Cour d’appel d’Angers
RG n°
21/02353

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

CC/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 21/02353 – N° Portalis DBVP-V-B7F-E5B6

Jugement du 09 Juillet 2021

Tribunal de Commerce du MANS

n° d’inscription au RG de première instance 2021-00255

ARRET DU 11 AVRIL 2023

APPELANTE :

S.A.S. HOTELLERIE DE L’OCEANE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Marc ROUXEL de la SELARL CONSILIUM AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 281375

INTIMEE :

S.A. AXA FRANCE IARD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Inès RUBINEL, en qualité d’administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et Me Pauline ARROYO, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 24 Janvier 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 11 avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE

La société Hôtellerie de l’océane exploite, sous l’enseigne Alizéa, un complexe hôtellerie-restauration, situé [Adresse 5] (72). L’établissement, d’une catégorie trois étoiles, comporte cinquante chambres et dispose d’une salle de restauration.

La société Hôtellerie de l’océane est assurée auprès de la société AXA France IARD selon contrat d’assurance ‘multirisques/pertes d’exploitation’ (n°3428332704) constitué :

– des conditions générales qui comportent une extension de garantie des pertes d’exploitation en cas de fermetures administratives dans le cas où la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à l’assuré, et que la décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie, ou d’une intoxication,

– des conditions particulières (intercalaire MH 2013) comprenant une extension de garantie pour la garantie des pertes d’exploitations, reprise dans un avenant du 23 janvier 2019, prévue en ces termes :

‘Cette garantie permet à l’entreprise assurée de se prémunir contre la perte du chiffre d’affaires résultant d’une interruption totale ou partielle de ses activités à la suite d’un événement garanti, survenant dans les locaux et pour les activités désignées sur la première page de ce projet pendant la période d’indemnisation et de l’engagement de frais supplémentaires d’exploitation’.

Cette clause est suivie de la liste des événements garantis, parmi lesquels figure :

‘-une décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l’établissement à condition que cette décision ne soit pas d’ordre pénal’.

Il était précisé que la période maximum d’indemnisation est de 24 mois et que la marge brute assurée était de 85 % du chiffre d’affaires annuel hors taxes, au maximum, pour un hôtel avec restaurant.

L’activité de la société Hôtellerie de l’océane a été perturbée par les mesures gouvernementales prises au cours de la pandémie de covid-10, en suite, en particulier, de l’arrêté du 14 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, ordonnant la fermeture des établissements ‘non indispensables aux besoins primaires de la population’, de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et du décret n°2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, limitant à dix personnes les rassemblements sur l’ensemble du territoire, ou encore le décret (n°2020-1310) du 29 octobre 2020 prononçant une nouvelle fermeture des établissements accueillant du public dont la catégorie N.

La société Hôtellerie de l’océane, qui s’est prévalue d’une baisse importante de son chiffre d’affaires passé de 1 020 169,37 euros l’année avant l’adoption de ces mesures gouvernementales, à 558 266,57 euros, l’année suivant ces mêmes mesures, et sur les mois d’avril à septembre, passé de 1 186 948,60 euros en 2019, à 356 899,01 euros en 2020, a entendu obtenir le bénéfice de la garantie ‘pertes d’exploitation’ auprès de son assureur pour l’indemniser de ses pertes d’exploitation sur la période, d’abord, du 16 mars 2020 au 2 juin 2020, puis du 16 mars 2020 au 28 février 2021.

La société Hôtellerie de l’océane a établi une déclaration de sinistre auprès de la société AXA France IARD, en date du 17 avril 2020, mais s’est vue opposer un refus d’indemnisation de son assureur communiqué le 22 avril 2020, la société AXA France IARD observant que l’application de la garantie invoquée supposait en premier lieu qu’un événement se soit produit dans les locaux assurés.

La société Hôtellerie de l’océane a reçu, le 10 juin 2020, à titre transactionnel, de son assureur, une proposition d’indemnité forfaitaire correspondant à 24% du chiffre d’affaires 2019 de l’activité de restauration, étant tenu compte de 123 jours d’interdiction d’accueil du public, qu’elle a refusée.

Elle a vainement adressé à son assureur une nouvelle réclamation, le 4 avril 2021.

Elle a chiffré sa perte de chiffre d’affaires sur la période de mars 2020 à février 2021 à 514 216,78 euros HT, selon attestation d’expert-comptable.

Le 15 avril 2021, la société Hôtellerie de l’océane a adressé une requête au président du tribunal de commerce du Mans aux fins d’être autorisée à assigner la société AXA France IARD à bref délai, ce qui lui a été accordé selon ordonnance du 19 avril 2021.

En l’état de ses dernières conclusions devant le tribunal, la société Hôtellerie de l’océane lui a demandé, sur le fondement des articles R. 111-4 et L. 113-1 du code des assurances, 1103 du code civil, la condamnation de la société AXA France IARD à titre provisionnel à lui verser la somme de 300 000 euros et d’ordonner une expertise aux fins d’examiner les pertes d’exploitations garanties contractuellement par le contrat d’assurance, sur une période maximum de 24 mois à compter du 14 mars 2020, et de donner son avis sur le montant des pertes d’exploitation consécutives à la baisse du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de l’activité, de la marge brute (chiffre d’affaires, charges variables), incluant les charges salariales et les économies réalisées.

En défense, la société AXA France IARD a entendu voir le tribunal, à titre principal, débouter la demanderesse de l’intégralité de ses demandes motif pris de l’absence de garantie ; à titre subsidiaire, débouter la demanderesse de sa demande de provision dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire, lui donner acte à elle-même de ses protestations et réserves sur la mesure d’instruction sollicitée. Elle a demandé que la mission de l’expert judiciaire porte sur l’examen des pertes d’exploitations garanties contractuellement par le contrat d’assurance, sur la période pendant laquelle la mesure constitutive du sinistre garanti était en vigueur et pour les seules activités pour lesquelles la garantie est mobilisable, que l’expert donne son avis sur le montant des pertes d’exploitation consécutives à la baisse du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de l’activité, de la marge brute (chiffre d’affaires – charges variables), incluant les charges salariales, les économies réalisées, sur le montant des aides/subventions d’Etat perçues par l’assurée, sur les coefficients de tendance générale de l’évolution de l’activité et des facteurs externes et internes susceptibles d’être pris en compte pour le calcul de la réduction d’activité imputable à la mesure de fermeture.

A titre plus subsidiaire, la défenderesse a sollicité la limitation de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre à la perte réelle de marge brute subie par la demanderesse dans la limite de 85% du chiffre d’affaires annuel hors taxes et dans la limite de la période d’indemnisation.

Par jugement du 9 juillet 2021, le tribunal de commerce du Mans a :

– débouté la société Hôtellerie de l’océane de l’intégralité de ses demandes,

– condamné la société Hôtellerie de l’océane à payer à la société AXA France la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Hôtellerie de l’océane à supporter les entiers dépens de l’instance.

– débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Par déclaration du 4 novembre 2021, la société Hôtellerie de l’océane a relevé appel de ce jugement en attaquant chacune de ses dispositions

La société Hôtellerie de l’océane et la société AXA France IARD ont conclu.

Une ordonnance du 16 janvier 2023 a clôturé l’instruction de l’affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Hôtellerie de l’océane demande à la cour de :

– infirmer la décision du tribunal de commerce du Mans en date du 9 juillet 2021,

– dire qu’elle doit être indemnisée par la SA AXA France IARD en raison de la décision de fermeture administrative prise par le ministre des solidarités et de la santé et par le préfet de le Sarthe pour lutter contre l’épidémie de covid-19,

– considérer que la garantie pertes d’exploitation de la société AXA France IARD est mobilisable à son bénéfice du fait de la fermeture de son établissement et/ou de l’arrêt total de son activité,

– condamner à titre provisionnel la société AXA France IARD à lui verser la somme de 300 000 euros,

– ordonner une expertise judiciaire et désigner tel homme qu’il plaira à la juridiction avec mission de :

* se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission, notamment l’estimation effectuée par la demanderesse et/ou son expert comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d’exploitations sur les trois dernières années,

* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l’issue de la première réunion avec les parties, le calendrier possible de la suite de ses opérations,

* examiner les pertes d’exploitations garanties contractuellement par le contrat d’assurance, sur une période maximum de 24 mois à compter du 14 mars 2020,

* donner son avis sur le montant des pertes d’exploitation consécutives à la baisse du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de l’activité, de la marge brute (chiffre d’affaires, charges variables), incluant les charges salariales et les économies réalisées,

– mettre les frais d’expertise à la charge de la société AXA,

– dire que la société AXA devra déposer au greffe l’avance des frais de l’expertise dans les 15 jours suivant l’acceptation de sa mission par l’homme de l’art sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

– condamner la société AXA France IARD à lui régler la somme de 10 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

– condamner la société AXA France IARD aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société AXA France IARD demande à la cour de :

à titre principal,

– confirmer le jugement du tribunal de commerce du Mans, le cas échéant par substitution de motifs, en ce qu’il a débouté la société Hôtellerie de l’océane de l’intégralité de ses demandes motif pris de l’absence de garantie,

à titre subsidiaire,

– débouter la société Hôtellerie de l’océane de toute demande relative à une activité de location de salles de séminaire, non déclarée dans la police,

– débouter de toute demande relative à une activité qui n’a pas été visée par une mesure de fermeture administrative,

– débouté la société Hôtellerie de L’océane de sa demande de provision, dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire,

– donner acte à elle-même de ses protestations et réserves sur la mesure d’instruction sollicitée,

– dire que l’expert aura pour mission de :

* se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment l’estimation effectuée par la demanderesse et/ou son expert comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d’exploitations sur les trois dernières années,

* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l’issue de la première réunion avec les parties, le calendrier possible de la suite de ses opérations,

* examiner les pertes d’exploitations garanties contractuellement par le contrat d’assurance, sur la période pendant laquelle la mesure constitutive du sinistre garanti était en vigueur et pour les seules activités pour lesquelles la garantie est mobilisable,

* donner son avis sur le montant des pertes d’exploitation consécutives à la baisse du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de l’activité, de la marge brute (chiffre d’affaires – charges variables), incluant les charges salariales, les économies réalisées, en tenant compte du montant des aides/subventions d’Etat perçues par l’assurée et en tenant compte des coefficients de tendance générale de l’évolution de l’activité et des facteurs externes et internes susceptibles d’être pris en compte pour le calcul de la réduction d’activité imputable à la mesure de fermeture,

– mettre la consignation et les frais d’expertise à la charge de la société Hôtellerie de l’océane,

– après dépôt du rapport d’expertise, faire application des modalités contractuelles de calcul de la perte d’exploitation indemnisable, ainsi que de la franchise et des plafonds de garantie,

en tout état de cause,

et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse infondée,

– condamner la société Hôtellerie de l’océane à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Hôtellerie de l’océane à supporter les entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

– le 14 janvier 2023 pour la société Hôtellerie de l’océane,

– le 13 janvier 2023 pour la société AXA France IARD.

MOTIFS DE LA DECISION

La société Hôtellerie de l’océane fait valoir qu’ayant fait l’objet d’une décision administrative de fermeture, l’interruption totale ou partielle des activités d’hôtellerie, associées à la location de salles de séminaire, et de l’activité de restauration est couverte par la garantie de pertes d’exploitation prévue aux conditions particulières.

La société AXA France IARD oppose à cette demande, d’abord, une absence de garantie tenant, en premier lieu, au fait que la condition que l’événement garanti soit survenu dans les locaux, prévue au contrat, n’est pas remplie.

Elle affirme que lorsque l’interruption de l’activité résulte d’une décision administrative de fermeture, celle-ci doit être liée à un événement qui s’est produit dans les locaux de l’assuré, ce qui n’est pas le cas lorsque la cause des pertes d’exploitation se trouve dans des décisions administratives prises pour lutter contre la propagation du virus Covid-19, qui sont fondées sur des circonstances extérieures au site d’exploitation de l’assuré.

La société Hôtellerie de l’océane fait valoir que l’interdiction d’accès se rapporte aux locaux assurés.

Il est rappelé que la clause prévue aux conditions particulières stipule que la garantie permet à l’entreprise assurée de se prémunir contre la perte du chiffre d’affaires résultant d’une interruption totale ou partielle de ses activités à la suite d’un événement garanti, survenant dans les locaux de l’assurée.

Cette clause pourrait donner lieu à deux lectures selon que l’on rapporte ‘survenant dans les locaux’ à ‘événement garanti’ ou à ‘interruption totale ou partielle de ses activités’.

Dans le premier cas, la garantie des pertes d’exploitation serait subordonnée à la survenance d’un événement garanti dans les locaux de l’assuré, et non seulement d’un événement en lien avec les locaux assurés.

Il peut être observé qu’il en est ainsi pour tous les autres événements garantis figurant dans la liste, et l’événement que cite l’assurée tenant à l’arrêt total ou partielle du fait des mesures administratives, sanitaires ou judiciaires résultant d’une décision de mise en quarantaine suite à un commencement de maladie infectieuse, contagieuse ou d’empoisonnement causé par la consommation sur place ou extérieure d’aliments ou de boissons fournies dans les locaux assurés, entre précisément dans ce cadre.

Alors, sauf à vider de sens la condition tenant à ce que l’événement garanti soit survenue dans les locaux, l’événement garanti, lorsqu’il consiste en une décision administrative provoquant la fermeture de l’établissement, devrait trouver son origine dans un fait survenu dans les locaux de l’assurée, ce qui n’est pas le cas des décisions qui visent à prévenir le risque de prolifération de l’épidémie de covid-19 sur le territoire national. Il ne suffirait pas que les autorités administratives aient considéré que les restaurants et les hôtels pouvaient véhiculer la pandémie pour que la condition soit remplie.

Et l’assurée indique, elle-même, que la mesure de fermeture administrative de son établissement a été prononcée par une autorité administrative compétente, extérieure à elle, à la suite de l’épidémie de Covid19. Elle ne prétend pas que ces décisions auraient été prises à la suite de la survenance d’un événement dans ses locaux.

Les premiers juges qui ont retenu que l’événement à l’origine des pertes d’exploitation dont il est demandé l’indemnisation ne répondait pas à la condition d’un événement survenant dans les locaux de l’assuré devraient alors être approuvés.

Mais la clause peut être lue, plus exactement, comme subordonnant la garantie à ce que l’interruption des activités survienne dans les locaux assurés en raison de l’existence d’une virgule qui est placée immédiatement après ‘événement garanti’, ce qui a pour signification que ‘survenant dans les locaux’ composé d’un participe présent ne se rapporte pas à l’événement garanti mais au nom commun précédent, c’est-à-dire à ‘interruption’.

De plus, il y a lieu de rappeler qu’il est de règle que si une clause du contrat d’assurance est ambigüe, elle doit être interprétée dans le sens favorable à l’assuré

Il sera donc retenu que la condition posée par la police d’assurance multirisques pour l’indemnisation des pertes d’exploitation tenant à la condition de la survenance ‘dans les locaux’ est remplie puisque l’interruption de l’activité porte précisément sur l’activité exercée dans les locaux.

Néanmoins, les pertes d’exploitation liées à l’activité de l’hôtel ne sont pas présentement couvertes par la garantie dès lors que, comme le fait valoir la société AXA France IARD, les activités d’hôtellerie ne sont pas visées par l’arrêté du 14 mars 2020 ni par le décret du 29 octobre 2020 et n’ont donc fait l’objet d’aucune mesure pouvant être assimilées à une fermeture administrative.

En effet, pour lutter contre la crise sanitaire liée au virus covid-19, le ministère des solidarités et de la santé a pris un arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19. L’article 1 de cet arrêté dispose notamment qu”afin de ralentir la propagation du virus covid-19, les établissements relevant des catégories mentionnées à l’article GN1 de l’arrêté du 25 juin 1980 susvisé figurant ci-après ne peuvent plus accueillir du public jusqu’au 15 avril 2020 : … au titre de la catégorie N : restaurants et débits de boissons.’

Il a été précisé, en complément, par arrêté du 15 mars 2020 : ‘au titre de la catégorie N : restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le ‘room service’ des restaurants et bars d’hôtels et la restauration collective sous contrat.’

Ces mesures ont été maintenues par décret n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, par décret n°2020-423 du 14 avril 2020 puis par décret n° 2020-548 du 11 mai 2020.

En application du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020, les restaurants ont été, à nouveau, fermés le 29 octobre 2020, avec une réouverture par étapes entre le 19 mai 2021 et le 30 juin 2021.

Aucune de ces mesures administratives n’a imposé la fermeture des hôtels.

Les hôtels ont été autorisés à poursuivre leurs activités avec même un room service, par dérogation à l’interdiction d’accueillir du public visant les restaurants, permettant ainsi aux exploitants d’hôtel de maintenir une activité de bar et de restauration dédiée à la clientèle résidant dans l’hôtel.

Les mesures administratives de limitation des déplacements qui ont, certes, eu pour effet de réduire l’activité hôtelière, ne peuvent néanmoins être assimilées à des décisions de fermeture administrative. Il est donc vain pour l’assurée de rappeler que l’incitation au télétravail, l’interdiction de circuler dans un rayon de plus de cent kilomètres, l’annulation de la quasi-totalité des réservations y compris des chambres en soirées étapes, ont indubitablement entraîné une baisse très significative du chiffre d’affaires de l’hôtel.

La société Hôtellerie de l’océane soutient que la garantie s’étend aux activités de l’hôtel dès lors que les différents arrêtés ont imposé la fermeture de son restaurant et, qu’elle a été, ainsi, visée par une fermeture administrative même partielle, d’autant que l’ensemble de ses activités s’est trouvé impacté par les mesures annoncées par le gouvernement qui ont eu une incidente directe sur la perte de chiffre d’affaires sur la restauration et, de manière consécutive, sur l’hôtellerie, en ajoutant qu’il existe un lien entre ses deux activités, encore plus dans le cas des forfaits soirées étapes qui intègrent le repas du soir, la nuitée et le petit déjeuner.

Mais selon les termes de la clause, les pertes d’exploitation qui ouvrent droit à l’indemnisation s’entendent par type d’activités assurées et doivent résulter d’une interruption des activités assurées.

La condition de mobilisation de la garantie étant l’existence d’une décision de fermeture administrative et les diverses décisions administratives rappelées ci-dessus n’étant prononcées qu’au regard du type d’activités exercées, ce sont seulement les activités visées par les décisions de fermeture administrative qui entrent dans la garantie, qu’elles entraînent la fermeture totale de l’établissement ou sa fermeture partielle.

La location de salles de réunions est comprise dans les activités garanties en page 44 de l’intercalaire MH 2013, par extension aux activités d’hôtel-restaurant. L’activité de location de salles pour séminaire est donc garantie contrairement à ce que soutient la société AXA France IARD.

Il en résulte que la garantie serait potentiellement mobilisable pour les pertes d’exploitation liées aux activités de restaurant et de location de salles, s’il était admis que les décisions administratives qui ont interdit l’accès du public à l’établissement pour l’exercice de ces activités pouvaient être assimilées à des décisions de fermeture.

Mais quoi qu’il en soit, la société AXA France IARD oppose une clause d’exclusion de garantie qui figure dans les conditions générales à l’extension de garantie aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à l’assuré ; la décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie, ou d’une intoxication.

Cette extension de garantie est assortie de la clause d’exclusion suivante :

«Ce qui n’est pas garanti :

1. Les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.»

La société AXA France IARD se prévaut des arrêts de la Cour de cassation, rendus le 1er décembre 2022, qui ont jugé que le caractère limité de cette clause d’exclusion devait s’apprécier au regard des cinq événements susceptibles d’entraîner une fermeture administrative (à savoir, la maladie contagieuse, le meurtre, le suicide, l’intoxication ou l’épidémie), et considéré, en conséquence, que l’existence de ces autres événements, susceptibles également d’entraîner une fermeture administrative des établissements assurés, permet d’affirmer que la clause d’exclusion n’avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

L’applicabilité de cette clause au cas présent n’est pas discutée par l’assurée qui se limite à contester le caractère formel et limité de cette clause au regard des dispositions de l’article L. 113-1 du code des assurances en affirmant qu’elle est bien trop générale et annule la garantie, s’appuyant sur des arrêts rendus par des cours d’appel en ce sens. Partant de ce que le mot ‘épidémie’ n’est pas défini au contrat, elle en déduit l’existence d’une ambiguïté qui ne permet pas d’apprécier clairement l’étendue de la garantie ni le périmètre de son exclusion. Elle ajoute que le risque de survenue d’une épidémie affectant une partie importante de la population mondiale n’a pas été formellement exclu en tant que tel lors de la conclusion du contrat.

Pour être valable, une clause d’exclusion contractuelle doit être formelle et limitée au sens de l’article L. 113-1, alinéa 1er, du code des assurances.

Le caractère formel d’une exclusion de garantie s’apprécie à l’aune de la perception que peut avoir l’assuré de l’étendue de l’assurance. La clause se trouve soumise à cet égard à une exigence de clarté, de précision et de certitude en tant qu’elle doit permettre à l’assuré d’identifier sans hésitation et sans que la clause puisse donner lieu à interprétation les cas dans lesquels il ne sera pas garanti.

Pour ce faire, elle doit se référer à des faits ou circonstances définies avec précision de sorte que l’assuré puisse connaître exactement l’étendue de la garantie. Tel n’est pas le cas lorsqu’elle est ambigüe et doit être interprétée.

Le caractère limité de l’exclusion exige que la clause ne puisse aboutir à vider la garantie de sa substance. Tel est le cas si elle ne laisse subsister qu’une garantie dérisoire.

En l’espèce, s’agissant d’un contrat prévoyant la garantie des pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu’il énumère, dont l’épidémie, la clause d’exclusion est claire et dépourvue d’ambiguïté et ne nécessite pas interprétation, dès lors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l’assuré du bénéfice de la garantie n’est pas l’épidémie, mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement du même département faisait l’objet d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique.

Ainsi, la clause se réfère à la cause de la décision de fermeture administrative, qui doit être identique à celle prise pour un ou d’autres établissements faisant l’objet d’une fermeture administrative, parmi celles qui donnent lieu à garantie, à savoir : maladie contagieuse, meurtre, suicide, épidémie ou intoxication. L’identité de cause n’appelle aucune interprétation.

La nature de l’activité et la situation géographique des établissements dont la fermeture administrative entraîne l’exclusion de garantie sont également clairement définies, ce qui n’est pas contesté.

Par suite, la question de savoir si la notion d’épidémie peut donner lieu à interprétation est sans incidence sur le caractère clair et précis de la clause puisque cette clause conduit seulement à comparer les motifs de fermeture administrative figurant dans les décisions administratives de fermeture des établissements concernés.

L’incertitude quant à la compréhension que peut avoir l’assurée du risque réellement garanti selon l’acception plus ou moins large de la notion d’épidémie ne pourrait venir que des interrogations concernant les conditions de la garantie et non pas la clause d’exclusion.

La clause d’exclusion ne vide pas davantage la garantie de sa substance, dès lors qu’après son application demeurent dans le champ de la garantie les pertes d’exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à l’une des autres causes de fermeture administrative prévues au contrat ou survenues dans d’autres circonstances que celle stipulée à la clause d’exclusion.

En outre, même en limitant l’examen de l’exclusion de garantie au cas de fermeture administrative pour cause d’épidémie, il s’agirait alors de déterminer si une épidémie, suivant le sens plus ou moins large qui lui est donné, en particulier si elle est entendue comme étant caractérisée par la propagation d’une maladie infectieuse ou contagieuse à un grand nombre de personnes à un moment donné et sur un territoire donné, rend improbable la fermeture administrative d’un seul établissement sur un même département.

A cet égard, il ne faut pas seulement envisager la situation sanitaire créée par la Covid-19 virus pouvant circuler très rapidement mais celle pouvant résulter de n’importe quelle épidémie.

A supposer même que soit adoptée une définition restrictive du mot ‘épidémie’, la différenciant d’une maladie contagieuse par une dimention collective de propagation de la maladie, potentiellement en dehors d’un seul établissement, il n’est pas inenvisageable que l’autorité administrative puisse vouloir, dans certaines zones géographiques encore peu touchées par la maladie, limiter, dans un département donné, les mesures de fermeture administrative à un seul établissement pour éviter les contaminations pouvant avoir été détectées dans cet établissement ou dans une zone géographique qui lui est proche. Il a pu en être ainsi même lors de l’épidémie de Covid 19 en cas de ‘cluster’ constaté dans un établissement alors que les autres établisssements du même type n’ont pas été fermés, et ce, compte tenu de la mise en oeuvre de mesures de confinement des personnes ayant pu fréquenter l’établissement concerné.

Il est, en effet, utile de rappeler que l’extension de garantie prévue aux conditions générales porte non pas sur l’existence d’une épidémie sur un territoire donné mais sur les décisions de fermeture administrative d’établissements causées par une épidémie, lesquelles résultent d’une appréciation circonstanciée de la part de l’administration au regard de différents paramètres, notamment en fonction de la virulence de l’infection. D’ailleurs, la gestion de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid 19 montre que les réponses de l’autorité administrative peuvent être graduées et varier tant dans le temps que dans l’espace.

Il s’ensuit que la clause d’exclusion ne rend pas dérisoire la garantie puisque le risque que l’administration n’ordonne pour cause d’épidémie à un moment donné que la fermeture d’un établissement sur le territoire du département dans lequel est situé le lieu d’exploitation de l’assurée existe dans les cas où l’épidémie n’aurait été détectée dans ce département que dans cet établissement.

Dans le cas présent, il n’est pas discuté que les mesures prévues dans l’arrêté du 14 mars 2020 et les décrets des 23 mars et 29 octobre précités ont visé d’autres établissements situés dans le même département que l’hôtel-restaurant exploité par la société Hôtellerie de l’océane, pour une même cause, de sorte que la clause d’exclusion aurait vocation à s’appliquer si les conditions de la garanties avaient été remplies.

La société Hôtellerie de l’océane se prévaut de la proposition d’indemnisation transactionnelle qu’elle a reçue de son assureur au titre de son activité de restauration, et soutient qu’elle vaut reconnaissance du fait que la garantie est due de sorte que seul le montant de l’indemnisation lui revenant devrait désormais être discuté.

Mais l’assureur rappelle à juste titre que le principe d’une transaction est l’existence de concessions réciproques et que la proposition de verser une indemnité transactionnelle ne vaut pas en elle-même reconnaissance du bien-fondé de la position de l’autre partie.

Il sera observé que l’offre transactionnelle qui a été faite par société AXA France IARD l’a été sans reconnaissance de ce que la garantie serait due en vertu du contrat. La société Hôtellerie de l’océane ne peut donc s’en prévaloir comme valant reconnaissance de ce que la garantie est due.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

La société Hôtellerie de l’océane, partie perdante, sera condamnée aux dépens.

Il n’y a pas lieu d’allouer à la société AXA France IARD une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne la société Hôtellerie de l’océane aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Rejette la demande de la société AXA France IARD au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL

 


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