Télétravail : 10 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/03141

·

·

Télétravail : 10 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/03141
Ce point juridique est utile ?

10 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/03141

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 10 MARS 2023

N° 2023/83

Rôle N° RG 19/03141 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BD2Y3

[G] [WV] épouse [M]

C/

SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE

Copie exécutoire délivrée le :

10 MARS 2023

à :

Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Février 2019 enregistré au répertoire général.

APPELANTE

Madame [G] [WV] épouse [M], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE société par actions simplifiée, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n°303409593, représentée par son représentant légal en exercice et domicilié en cette qualité au siège social, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Laure TIDJANI-BENHAFESSA, avocat au barreau de MONTPELLIER

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 14 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023 et prorogé au 10 Mars 2023

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023,

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [G] [M] a été employée en qualité d’agent de service, niveau 1, depuis le 1er avril 2012 par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE avec reprise de son ancienneté au 1er février 2012, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel. Elle était affectée sur le site du Centre Hospitalier [5] à [Localité 9].

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE (ESPS) a annoncé à la salariée, par courrier du 23 mars 2015, le transfert de son contrat au sein de la société TFN PROPRETE, laquelle a refusé de reprendre le contrat de travail de Madame [M].

Madame [G] [M], se retrouvant sans travail et sans rémunération, a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Marseille. Par arrêt de la 9ème chambre B du 10 juin 2016, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a dit que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE resterait l’employeur de Madame [M] jusqu’à la décision au fond et a condamné la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à verser à la salariée un rappel de salaire.

Un protocole transactionnel a été signé entre les parties le 12 janvier 2017, dont était exclue notamment la question relative aux demandes de prime de 13ème mois et de prime d’assiduité.

Par requête du 21 décembre 2017, Madame [G] [WV] épouse [M] a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de réenrôlement de son affaire, qui avait fait l’objet d’une radiation le 20 janvier 2017, aux fins de solliciter le paiement d’un rappel de 13ème mois et de prime d’assiduité.

Par jugement du 7 février 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille a débouté Madame [G] [M] de toutes ses demandes, a dit qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile et a condamné Madame [G] [M] aux entiers dépens.

Madame [G] [WV] épouse [M] a interjeté appel du jugement prud’homal par déclaration d’appel en date du 22 février 2019.

Madame [G] [WV] épouse [M] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions n° 5 notifiées par voie électronique le 3 novembre 2022 (à 9h54), de :

RECEVOIR l’appel de Madame [G] [M] et le dire bien fondé

RÉFORMER le jugement déféré en ce qu’il a débouté Madame [G] [M] de sa demande d’indemnisation au titre du 13e mois et au titre de l’article 700 du CPC ;

Statuant à nouveau sur les chefs des demandes frappés d’appel :

1. Sur le 13e mois :

CONDAMNER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Madame [G] [M] la somme de 5458,95 euros de dommages et intérêts pour l’atteinte à l’égalité de traitement dont elle a été l’objet en étant privée de la prime de 13e mois pour la période 2011 à 2015

2 – Sur les demandes nouvelles :

Vu la réforme de la procédure prud’homale entrant en vigueur le 1er août 2016

Vu le maintien du principe d’unicité d’instance procédures antérieures au 1er août 2016 ;

Vu la date de saisine du conseil de prud’hommes

Vu la date à laquelle Madame [M] a pris connaissance de l’atteinte à l’égalité de traitement dont elle a été l’objet en étant privée de la prime de nourriture ainsi que des tickets restaurant,

JUGER recevables les demandes nouvelles formulées pour la première fois en cause d’appel.

CONDAMNER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Madame [G] [M] la somme de 2695,68 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique résultant de l’atteinte au principe d’égalité de traitement dont elle a été l’objet en étant privée de la prime de nourriture durant les années 2012 à mars 2015.

A titre subsidiaire

En cas de rejet de l’indemnisation au titre de la prime de nourriture dont elle a été victime, il y aura lieu de

CONDAMNER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Madame [G] [M] la somme de 2624,40 euros à titre de dommages et intérêts pour l’atteinte à l’égalité de traitement dont elle a été l’objet en étant privée des tickets restaurant pour la période de 2012 à mars 2015.

3. Sur l’article 700 du CPC

CONDAMNER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Madame [G] [M] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du CPC (2000 euros pour les frais exposés devant le conseil de prud’hommes et 2000 euros pour les frais exposés en cause d’appel)

EN TOUT ETAT DE CAUSE

DÉBOUTER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions

CONDAMNER en conséquence la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE aux entiers dépens.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE demande à la Cour, aux termes de ses conclusions d’intimée n° 4 notifiées par voie électronique le 3 novembre 2022 (à 13h54), au visa des articles L.1224-1 et suivants, L.3245-1 et suivants et L.1471-1 du code du travail, de l’article 1353 du Code civil et de l’article 910-4 du code de procédure civile, de :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille du 7 février 2019

Dire et juger irrecevable Madame [M] en ses demandes nouvelles,

Dire et juger prescrites toutes demandes formées antérieurement au 31 mars 2012,

Débouter Madame [G] [M] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

En toutes hypothèses,

Dire et juger fondées sur des raisons objectives pertinentes les éventuelles disparités constatées,

Ainsi,

Condamner Madame [G] [M] à payer la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 3 novembre 2022 (à 14h34).

Madame [G] [WV] épouse [M] a notifié des conclusions n° 6 par RPVA le 4 novembre 2022. Elle a notifié ses conclusions n° 6 par RPVA le 9 novembre 2022 en surlignant les nouveaux paragraphes ajoutés par rapport à ses conclusions n° 5.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE a notifié ses conclusions n° 4 par RPVA le 8 novembre 2022, s’agissant de ses conclusions précédentes n° 4 “surlignées” (avec présentation de manière formellement distincte des nouveaux moyens par rapport à ses conclusions n° 3).

SUR CE :

Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture :

Aux termes de ses conclusions n° 6 notifiées par RPVA le 4 novembre 2022, postérieurement à l’ordonnance de clôture en date du 3 novembre 2022, Madame [G] [WV] épouse [M] demande à la Cour de :

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 3 novembre 2022

Vu les conclusions n° 4 de la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE communiquées par RPVA le 3 novembre 2022 ;

RABATTRE l’ordonnance de clôture prise le 3 novembre 2022

ADMETTRE au débat les présentes conclusions

CLÔTURER de nouveau,

puis elle a maintenu toutes les autres prétentions présentées dans le dispositif de ses conclusions n° 5 notifiées par RPVA le 3 novembre 2022 (antérieurement à l’ordonnance de clôture), à l’exception d’une demande subsidaire qu’elle a rajoutée, au titre de la prime de 13ème mois, de condamnation de la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Madame [G] [M] “en cas de prescription de l’année 2011, la somme de 4060,55 € pour la période de 2012 à 2015”.

Alors que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, par conclusions n° 4 notifiées le 3 novembre 2022 à 13h54 (soit 44 minutes avant la notification de l’ordonnance de clôture du 3 novembre 2022 à 14h34) discute notamment de la pièce adverse n° 104 et soutient que Madame [M] doit justifier de la date certaine à laquelle Mesdames [R] [H] [F] et [L] [W] lui ont transmis personnellement leur témoignage (page 9 des écritures), Madame [G] [M] n’a pu répondre au moyen ainsi soulevé par l’intimée avant l’ordonnance de clôture, eu égard au délai extrêmement court avant la clôture de l’instruction.

Toutefois, Madame [M] ne demande pas le rejet des conclusions n° 4 notifiées par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, n’invoquant pas le principe du respect du contradictoire.

Elle sollicite uniquement la révocation de l’ordonnance de clôture.

En application de l’article 802 du code de procédure civile, « Après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

Sont cependant recevables’ ainsi que les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture’ ».

Selon l’article 803 du même code, « L’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue’ ».

Madame [G] [M] n’invoque, dans le corps de ses conclusions n° 5 ni dans le dispositif, aucune cause grave. Elle ne présente aucun moyen de fait et de droit à l’appui de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture, alors que la cour n’examine que les moyens invoqués au soutien d’une prétention, conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.

À défaut d’alléguer et de justifier d’une cause grave, qui se serait révélée postérieurement à l’ordonnance de clôture, la Cour rejette la demande de Madame [G] [M] de révocation de l’ordonnance de clôture.

En conséquence, la Cour déclare irrecevables les conclusions n° 6 de Madame [G] [M], ainsi que les conclusions postérieures des parties.

Seront retenues en la cause les écritures notifiées par Madame [M] le 3 novembre 2022 et les écritures notifiées par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE le 3 novembre 2022.

Sur le 13ème mois :

Moyens des parties

Madame [G] [M] fait valoir que la direction de la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE a mis en place depuis plusieurs années une politique salariale qui consiste à diviser ses propres salariés en deux catégories, à savoir le personnel de structure et le personnel de site ; que le personnel de structure est composé des employés administratifs, agents de maîtrise et cadres travaillant dans les bureaux et locaux ou établissements de l’entreprise, percevant, sans considération d’appartenance à une catégorie professionnelle particulière ou de responsabilités diverses, une prime de 13ème mois ; que le personnel de site, regroupant les agents de service, même s’ils sont qualifiés voire très qualifiés, comme les chefs d’équipe et les agents de maîtrise, qui travaille hors de l’entreprise, au sein des locaux du client, n’a pas droit à la prime de 13ème mois ; que la concluante entend solliciter des dommages et intérêts pour le préjudice économique résultant de la discrimination salariale pratiquée par l’employeur en la privant du 13ème mois durant de nombreuses années ; que le fondement juridique justifiant cette demande d’indemnisation repose sur la comparaison avec le personnel de structure qui bénéficie par contrat de travail d’une prime de 13ème mois lors de son embauche par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE ; que l’on constate notamment, à la lecture du procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 14 novembre 2014 comme des contrats de travail de Madame [L] [W] (recrutée le 15 septembre 2014 en qualité d’employée administrative niveau 3) et de Madame [DC] [J] [N] (recrutée en qualité d’employée administrative niveau 4, et désormais agent de maîtrise), que le 13ème mois est attribué sans critère, contrairement à ce qu’exige pourtant la Cour de Cassation qui rappelle que ces critères doivent être « préalablement définis et contrôlables » (Soc. 10 octobre 2013, n° 12-21167) ; qu’à défaut d’avoir fixé de tels critères, la société ESPS se voit contrainte de procéder par voie d’allégations pour justifier du bien fondé d’exclure les agents d’exploitation comme la concluante du bénéfice des avantages qu’elle sollicite ; que la concluante se compare, non pas seulement aux agents de maîtrise ou aux cadres, mais surtout aux employés administratifs dont Madame [L] [W] et Madame [J] [N] qui toutes deux avaient le statut d’employées lors de leur embauche et ont bénéficié par contrat de la prime de 13ème mois en sus de la rémunération liée à leur classification ; que pour juger de la valeur du travail accompli et des responsabilités des employés administratifs par rapport à la filière d’exploitation, il convient d’examiner la grille de classification de la convention collective des entreprises de propreté au regard du niveau de responsabilité, d’autonomie et de technicité des tâches que chaque salarié accomplit dans l’exercice de ses fonctions pour juger si ces fonctions ont une valeur égale ou supérieure de l’une à l’autre ; qu’à la lecture comparée de la grille de classification d’un chef d’équipe et de la grille de classification d’un employé administratif, il apparaît que le chef d’équipe a plus de responsabilités que l’employé administratif ; que d’après ces grilles, la valeur ou l’égalité d’un travail ou les responsabilités dévolues ne sont pas définies par l’appartenance à une filière mais par rapport à la technicité requise pour exercer telle ou telle fonction au regard du niveau de celle-ci ; que la prime de 13ème mois, qui n’est pas versée en contrepartie d’une sujétion particulière, ni ne compense un préjudice spécifique non indemnisé par le salaire de base, n’est qu’un supplément de salaire, versé en sus de la rémunération de base, sans que cette attribution ne soit justifiée par la moindre raison objective et matériellement vérifiable ; que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE est donc tenue d’étendre au personnel de site et à la concluante la prime de 13ème mois ; que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, qui soutient que les fonctions exercées ou responsabilités confiées au personnel de structure seraient différentes, voire supérieures, ne démontre pas, par la production de preuves matériellement vérifiables, que la rémunération conventionnelle ou contractuelle attribuée aux employés administratifs, agents de maîtrise et cadres ne tiendrait pas compte de ces responsabilités qui leur sont attribuées ; que dès lors, l’employeur ne saurait exclure la requérante de l’attribution du 13ème mois et qu’il convient de faire droit à la demande de dommages et intérêts pour le préjudice économique résultant de la privation de la prime de 13ème mois.

Madame [G] [M] soutient que l’atteinte au principe d’égalité de traitement peut être réparée par l’octroi à la salariée de l’avantage dont elle a été irrégulièrement privée, soit un total de 5458,95 euros net à titre de dommages et intérêts, correspondant au calcul cumulé de la prime de 13ème mois sur les années 2011 à 2015.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE relève que Madame [M] a modifié les fondements juridiques de sa demande de 13ème mois, qui désormais est une demande indemnitaire fondée sur une prétendue discrimination ; qu’elle mélange habilement les notions de discrimination et d’égalité de traitement et ne justifie pas du motif de la discrimination revendiquée ; qu’il en résulte donc que l’appelante ne démontrant pas l’existence, la nature de l’agissement qui serait à l’origine d’une discrimination prohibée par l’article L.1132-1 du code du travail, ne pourra qu’être déboutée de ses demandes de condamnation d’un préjudice prétendu.

La société intimée réplique, s’agissant de demandes fondées sur le principe d’égalité de traitement, que Madame [M] doit être déclarée prescrite pour toute demande formée antérieurement au 31 mars 2012, en application de l’article L.3245-1 du code du travail.

Elle soutient tout d’abord que les salariés non cadres ne peuvent pas valablement prétendre à l’avantage d’une prime de 13ème mois réservée aux salariés cadres dans la mesure où ces salariés ne sont pas placés dans une situation identique ; que le principe d’égalité salariale suppose que les salariés effectuent un travail de valeur égale, étant précisé que l’appartenance à la même catégorie professionnelle prévue au sein de la convention collective ne suffit pas à justifier l’application de ce principe ; que la salariée doit soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une différence de rémunération injustifiée ;

qu’elle n’a jamais été victime de discrimination et que ce seul constat justifie le débouté de l’intégralité de ses demandes financières ; que Madame [M] ne peut comparer sa situation à celle de Monsieur [OT] [T], bénéficiaire du statut cadre ; qu’elle ne se trouve pas plus dans une situation comparable avec le personnel administratif non cadre, lequel exerce des responsabilités plus importantes que celles confiées à la salariée, qui relevait de la catégorie des agents qualifiés de service, et est en outre soumis à des niveaux de compétence, d’autonomie et de polyvalence sensiblement supérieurs ; qu’au vu des fiches de poste versées par la société concluante, il est établi que Madame [J] dispose d’une technicité, d’un niveau de formation et d’expertise supérieur à l’ensemble du personnel d’exploitation, et que Madame [W] bénéficie d’un niveau d’autonomie, de technicité, de compétence supérieur, de telle sorte que le principe d’égalité de traitement n’est valablement pas applicable ; que l’analyse de la classification conventionnelle suffit à démontrer la différence de niveau de responsabilités et de missions entre l’agent de service niveau 3 et l’employé administratif EA3 ; que le personnel administratif, cadres, agents de maîtrise ou employés bénéficient d’un niveau de technicité, d’autonomie et de compétence supérieur ; que le procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 14 novembre 2014 et le procès-verbal du comité d’entreprise de l’établissement Sud-Est, versés par la salariée, n’ont aucune force probante (non signés par la Direction); que les propos de l’ancien Directeur Sud-Est ne constituent pas un engagement de payer un 13ème mois, qu’il s’agit d’un simple constat de l’état de la situation ; que ces documents n’établissent en rien un engagement unilatéral de la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE.

La société intimée fait valoir qu’à supposer, en méconnaissance de l’ensemble des développements précédents, que le personnel administratif exercerait des missions comparables à celles réalisées par le personnel d’exploitation, les salariés de la filière exploitation à laquelle appartient la salariée bénéficient d’avantages qui ne sont pas accordés aux employés de la filière administrative ou aux cadres et agents de maîtrise (par exemple la prime de transport) ; que de même, les cadres et employés de la filière administrative sont exclus du bénéfice de la garantie d’emploi accordée et prévue à l’article 7 de la Convention collective ; qu’au regard de la fiche de poste d’agent de service, Madame [M] ne démontre pas qu’elle se trouve dans une situation identique à celle des salariés de la filière administrative ou de la filière cadres, ces derniers bénéficiant d’un niveau de technicité, d’autonomie et de compétence supérieur, mais également de responsabilités plus importantes ; qu’en conséquence, Madame [M] doit être déboutée de ses demandes.

Réponse de la cour

Si Madame [G] [M] invoque que sa demande est fondée sur une discrimination salariale, il s’agit en réalité non d’une discrimination mais d’une violation du principe “à travail égal, salaire égal”, telle qu’elle la développe dans ses écritures.

Madame [G] [WV] épouse [M] produit les éléments suivants :

-ses bulletins de paie de décembre 2011 à janvier 2012, d’avril à 2012 à octobre 2012, de janvier 2013 à mars 2015, mentionnant tous un emploi d’Agent de service, classification AS1 A ;

-les bulletins de paie de décembre 2014, décembre 2018, décembre 2019 et décembre 2020 de Madame [L] [W], employée administrative niveau 3 (EA3) en décembre 2014 et EA4 à partir de décembre 2018, indiquant le paiement d’un “13ème mois” ;

-les bulletins de paie de décembre 2017, décembre 2018, juillet 2019 et décembre 2019 de Madame [DC] [J] [N], agent de maîtrise (MA1), et indiquant le paiement d’un “13ème mois” ;

-les bulletins de paie de janvier 2018 et décembre 2018 de Monsieur [OT] [T], Responsable de secteur, cadre niveau 2 (CA2), le bulletin de décembre 2018 mentionnant le paiement d’un “13ème mois”;

-les bulletins de paie de mai et juin 2017 de Monsieur [OB] [D], cadre de niveau 3 (CA3) ;

-le contrat de travail du 15 septembre 2014 de Madame [L] [W], embauchée en qualité de Gestionnaire Paie, employée administrative niveau 3 (EA3), qui indique en son article 5 : “le titulaire du présent contrat bénéficie également :

– d’une prime de fin d’année versée sur la base de 1/12e du salaire de base annuel, hors primes. Elle est payée au prorata temporis avec le salaire du mois de décembre” ;

-le contrat de travail du 4 avril 2013 de Madame [DC] [J] [N], embauchée en qualité de Gestionnaire Paie, employée administrative niveau 4 (EA4), qui indique en son article 4 : “le titulaire du présent contrat bénéficie également :

-d’une prime de fin d’année versée sur la base de 1/12e du salaire de base annuel, hors primes. Elle est payée au prorata temporis avec le salaire du mois de décembre” ;

-l’attestation du 8 juillet 2021 de Madame [L] [W], gestionnaire de paie, qui déclare « avoir perçu’ une prime de 13ème mois versée sur les mois de décembre et cela dès le mois de décembre 2014 (au prorata des mois de présence) et toutes les années suivantes comme l’ensemble de mes collègues de travail sur la plate-forme de [Localité 4] (69) » ;

-un procès-verbal du comité d’entreprise de l’établissement Sud-Est de [Localité 10] en date du 23 octobre 2014, signé par le Secrétaire du CE et par [P] [CK], Directeur Régional Sud-Est et Président du CE, et dans lequel il est indiqué : « Certains salariés ont un treizième mois lié aux reprises L1224-1 et certains salariés Elior tels que les agents de maîtrise et l’encadrement bénéficient également d’un treizième mois »; -un procès-verbal de la réunion de délégués du personnel du 14 novembre 2014, signé par Monsieur [CK], Directeur (signature identique à celle figurant sur le procès verbal du 23 octobre 2014), et qui mentionne, au point 4 : « Tous le personnel d’ELIOR, maîtrises ou cadres, font partie de la structure d’encadrement de sites ont le 13ème mois sans conditions ni critère précis, c’est la politique de l’entreprise».

Le procès-verbal du comité d’entreprise de l’établissement Sud-Est du 23 octobre 2014 et le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 14 novembre 2014, sur lequel est apposée la signature parfaitement identifiable de Monsieur [P] [CK], Directeur Régional, présentent des garanties suffisantes d’authenticité. Il résulte de ces deux procès-verbaux que la prime de 13ème mois est attribuée aux salariés appartenant aux catégories des agents de maîtrise et des cadres sans condition, ni critère précis d’attribution de ladite prime, en dehors de l’application de l’article L.1224-1 du code du travail.

De même, il ressort des éléments versés par la salariée que la prime de 13ème mois est également attribuée à des salariés employées de la filière administrative, aux niveaux 3 et 4.

La différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

Par conséquent, l’invocation par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE de la seule appartenance à une catégorie professionnelle (cadres, agents de maîtrise, employés de la filière administrative) est inopérante pour exclure Madame [M] du bénéfice de cette prime de 13ème mois.

Si la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE verse aux débats un organigramme de la Direction régionale Sud-Est, des fiches de poste d’agent de services, de chef d’agence, de responsable de secteur, de gestionnaire de paie et de chef d’équipe, ces éléments reflètent les missions et responsabilités déjà prises en compte par les textes conventionnels pour la détermination de la rémunération conventionnelle applicable à chacune des catégories.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE invoque que les salariés de la filière exploitation bénéficient d’avantages qui ne sont pas accordés aux employés de la filière administrative ou aux cadres et agents de maîtrise et cite à ce titre uniquement la prime de transport, laquelle n’a pas le même objet que la prime de 13ème mois. Elle souligne également que les cadres et employés de la filière administrative ne bénéficient pas de la garantie conventionnelle d’emploi en cas de transfert d’un marché, sans démontrer toutefois que l’absence de garantie d’emploi pour les cadres, agents de maîtrise et employés de la filière administrative, qui ne connaissent pas de changement d’employeur au cours de l’exécution de leur contrat de travail, constituerait un critère objectif d’attribution de la prime de 13ème mois, au regard de l’avantage considéré.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE ne justifie pas, dans ces conditions, de l’existence de critères d’attribution objectifs de la prime de 13ème mois permettant d’en exclure les agents de service.

En conséquence, la Cour accueille la demande de [G] [M] au titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d’une inégalité de traitement, la salariée ayant été privée de la prime de 13ème mois dont elle aurait dû bénéficier sur la période non prescrite de 2011 à 2015 (eu égard à la requête initiale de juillet 2015, la prescription biennale applicable à toute action portant sur l’exécution du contrat de travail issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 s’appliquant aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de ladite loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 5 ans).

Il y a lieu d’infirmer le jugement de ce chef et d’accorder à Madame [G] [WV] épouse [M] la somme de 5458,95 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la privation de la prime de 13ème mois et de l’atteinte à l’égalité de traitement.

Sur l’indemnité de nourriture :

Moyens des parties

Madame [G] [M] fait valoir en premier lieu que sa demande nouvelle en cause d’appel, s’agissant d’un rappel de panier ou prime de nourriture, est recevable en application du principe de l’unicité de l’instance, la salariée ayant saisi le conseil de prud’hommes en juillet 2015.

Elle fait valoir que l’indemnité de nourriture est versée aux salariés affectés sur le site du CEA de [Localité 6], y compris les salariés nouvellement embauchés ; qu’il est incontestable que l’indemnité de nourriture versée à tous les salariés auxquels la requérante se compare résulte bien d’un avantage unilatéral mis en place de la seule volonté de l’employeur ; que dans le cas d’une prime versée par engagement unilatéral, l’employeur a l’obligation de justifier des preuves objectives et matériellement vérifiables pour refuser d’allouer cette prime à la salariée concluante ; que la société ESPS ne démontre pas que l’indemnité de nourriture perçue par les salariés du CEA de [Localité 6] est la même prime que celle mentionnée dans l’accord collectif signé le 18 novembre 1997, accord qui n’a pas été signé par la société ESPS elle-même, anciennement dénommée SIN & STES, ni par les organisations syndicales de cette société, qui n’a repris le marché du CEA à la société ONET SERVICES qu’au début des années 2000 ; qu’il ne fait aucun doute que les effets de l’accord dont se prévaut la société ESPS ont pris fin lors du premier jour de la reprise par SIN & STES du marché ; que si les salariés repris ont continué à bénéficier des dispositions prévues par cet accord, comme en particulier la prime de panier, ce n’est qu’au titre du maintien des avantages acquis ; qu’en tout état, Madame [M] ne se compare pas avec les salariés transférés au sein de la société ESPS à la suite de la reprise du marché détenu auparavant par la société ONET SERVICES mais aux nouveaux salariés recrutés directement par la société ESPS qui leur a attribué une indemnité de nourriture ; qu’au vu de l’ensemble des explications qui précèdent, il y a lieu de faire droit à la demande d’indemnisation formulée par la concluante pour un montant de 2695,68 euros, correspondant au montant de l’indemnité de nourriture égal à 4,16 euros par jour travaillé, soit 4,16 euros x 648 jours travaillés de 2012 à mars 2015.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE soutient en premier lieu que la demande de Madame [M] est une demande nouvelle en appel et qu’elle devrait être déclarée irrecevable, la connaissance de faits après l’expiration des délais imposés par l’article 909 du code de procédure civile n’étant pas démontrée.

Elle fait valoir qu’aucune pièce ne justifie de l’existence de l’avantage revendiqué, qui serait à l’origine d’une discrimination prohibée par l’article L.1132-1 du code du travail ; que la prime était prévue par l’accord collectif du 18 novembre 1997 conclu entre la société ONET, alors titulaire du marché de nettoyage du CEA de [Localité 6], et les organisations syndicales, au regard de la spécificité du travail sur le site (risques particuliers et contraintes de sûreté et de sécurité) et à la suite du transfert des contrats de travail au sein de la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, par application des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail, les salariés ont bénéficié de la garantie d’emploi conventionnelle et continué, à juste titre, à percevoir cette prime ; que la différence de traitement résultant de la mise en ‘uvre de la garantie d’emploi conventionnelle est justifiée ; que les salariés perçoivent donc la prime de nourriture en tant qu’avantage acquis ; que les salariés affectés sur le site du CEA de [Localité 6] postérieurement à la reprise du marché perçoivent la prime litigieuse en tant qu’engagement unilatéral de l’employeur, cet engagement visant à réduire les disparités constatées entre les salariés affectés sur un même site de nettoyage et régis par les mêmes conditions spécifiques de travail ; que Madame [M] ne peut, en conséquence, utilement se prévaloir de la comparaison avec les salariés du site du CEA de [Localité 6], la disparité de traitement reposant sur une cause objective et pertinente et qu’elle doit être déboutée de ses demandes.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE fait valoir d’autre part que la prime a pour origine des contraintes spécifiques du site du CEA de [Localité 6], constituant une raison objective et pertinente justifiant la différence de traitement et que Madame [M] doit être déboutée de ses demandes.

Réponse de la cour

La demande formulée par Madame [M] pour la première fois en cause d’appel est recevable sur le fondement de l’ancien article R.1452-6 du code du travail, la suppression de la règle de l’unicité de l’instance s’appliquant aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016.

Or, il y a lieu de constater que Madame [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille antérieurement au 1er août 2016 (en juillet 2015), en sorte que sa demande nouvelle présentée au titre de l’indemnité de nourriture est recevable.

Madame [M] n’évoque aucun motif illicite qui serait à l’origine d’une discrimination. Sa demande est fondée, non sur une discrimination, mais sur une violation du principe “à travail égal, salaire égal”, tel que développé dans ses écritures.

Les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise de nettoyage mais affectés à des sites ou des établissements distincts, opérées par voie d’accords collectifs ou d’un protocole de fin de conflit ayant valeur d’accord collectif, sont présumées justifiées, de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

En l’espèce, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE verse l’accord collectif intervenu le 18 novembre 1997 entre la société titulaire du marché de nettoyage du CEA de [Localité 6] (à l’époque ONET) et les organisations syndicales représentatives, lequel accord prévoit que “tout le personnel présent à 12h, ou terminant à 12h, a droit à la prime de panier, fixée par le CENG et qui est refacturée à ce dernier”.

Si l’appelante fait valoir que tous les salariés recrutés directement sur le site du CEA, notamment postérieurement à la fusion-absorption de la société SIN & STES (ayant succédé à la société ONET) par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, ont perçu une indemnité de nourriture, tel que cela ressort des contrats de travail de 5 salariés recrutés de 2014 à 2017 et de leurs bulletins de paie produits par Madame [M] sur la période d’avril 2016 à décembre 2018, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE réplique qu’elle a appliqué volontairement l’accord du 18 novembre 1997 à l’ensemble des salariés du site du CEA de [Localité 6] par sa volonté de réduire les disparités constatées entre salariés affectés sur le même site.

La différence de traitement invoquée résultant d’un accord collectif est donc présumée justifiée et il appartient à la salariée, qui la conteste, de démontrer qu’elle est étrangère à toute considération de nature professionnelle.

Madame [G] [WV] épouse [M] produit les pièces suivantes :

-l’attestation du 19 juillet 2019 de Madame [R] [H]-[F], agent d’entretien travaillant sur le site du CEA de [Localité 6] et déléguée du personnel, membre du CE ELIOR, qui déclare :

« je travaille sur le site du CEA [Localité 6], pour le compte de la Société ELIOR-SERVICES-SANTÉ depuis le 1/01/2000 date de la fusion par absorption de la Société SIN ET STES. Mon contrat de travail, comme celui de tous les salariés du site du CEA a été repris par la société ELIOR avec tous les avantages que nous avions au sein de SIN ET STES, comme notamment la prime de panier appelée sur le bulletin “indemnité de nourriture”.

Depuis cette date, je continue à bénéficier de ces primes comme mes collègues.

Je peux certifier également que tous les salariés du site du CEA qui ont été recrutés directement par ELIOR depuis toujours, souvent d’abord en CDD puis en CDI, perçoivent également les mêmes primes que nous, en particulier la prime de panier “indemnité de nourriture” qui est de 4,16/par jour travaillé.

C’est le CEA qui demande à ce que tous les salariés travaillant dans leur établissement puissent avoir ces primes là.

Les personnes recrutées ainsi par ELIOR bénéficiant de ces primes sont nombreuses, je ne peux dire combien elles sont en tout à bénéficier, mais en tout cas ce sont toutes les personnes travaillant sur le site CEA. Tous les salariés comme moi qui ont été repris par la société ELIOR perçoivent cette prime dite de “indemnité de nourriture” » ;

-les contrats de travail et bulletins de paie de 5 salariés recrutés sur la période antérieure à la fusion-absorption de la société SIN & STES par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE ;

-les contrats de travail de 5 salariés recrutés postérieurement à la fusion-absorption de la société SIN & STES par la société ESPS et leurs bulletins de paie sur la période allant d’avril 2016 à décembre 2018, lesquels font mention du versement d’une “indemnité nourriture” (Mmes [X] [E] et [B] [XM] et Mrs [A] [Z], [S] [I] et [Y] [GH]), tous affectés au CEA de [Localité 6].

Les éléments ainsi versés par Madame [M] sont inopérants à démontrer que l’indemnité de nourriture accordée aux salariés du CEA de [Localité 6] serait étrangère à toute considération de nature professionnelle, étant précisé qu’il résulte du préambule de l’accord collectif du 18 novembre 1997 que cette indemnité est accordée en fonction de “de la spécificité du travail sur le site : risques particuliers et contraintes de sûreté et de sécurité”.

En conséquence, la différence de traitement invoquée repose sur une justification objective et pertinente.

Il convient de débouter Madame [G] [WV] épouse [M] de sa demande d’indemnisation au titre d’une inégalité de traitement de ce chef.

Sur les tickets restaurant :

Moyens des parties

A titre subsidiaire, en cas de rejet de l’indemnisation au titre de la prime de nourriture, Madame [G] [M] fait valoir en premier lieu que sa demande concerne un litige sur le caractère discriminatoire d’une créance ; qu’elle est recevable en application du principe de l’unicité de l’instance.

Elle soutient qu’elle travaillait de 9 à 15 heures et était donc présente durant le déjeuner sur son lieu de travail; que dans l’éventualité où la société prétendrait le contraire, eu égard aux obligations qui découlent des articles D.3171-7 et D.3171-8 du code du travail, celle-ci devrait produire les registres qu’elle tient quotidiennement, relatant “les heures de début et de fin de chaque période de travail” ou “le relevé du nombre d’heures de travail accomplies” ; qu’à défaut, la société ELIOR sera déboutée de sa demande qui consiste à dire que la salariée intimée ne travaille pas avec une coupure au moment du repas.

Elle fait valoir que c’est à la faveur d’une procédure entreprise au cours de l’année 2021 par d’anciennes salariées de la société ESPS qui exerçaient les fonctions d’employées administratives qu’elle va apprendre que celles-ci percevaient des tickets restaurant, comme les agents de maîtrise et les cadres, avantage qui a été maintenu pendant le télétravail sur l’année 2020, alors que les salariés étant à domicile n’ont pas eu de frais ; que le critère de la sédentarité des bénéficiaires des tickets restaurant ne peut être retenu dans la mesure où les cadres, avec lesquels la concluante se compare, se déplacent très régulièrement sur site pour rencontrer les clients sur tout le périmètre géographique dont ils ont la charge et que les employées administratives, lorsqu’elles sont en télétravail, ne sont pas dans les locaux de l’entreprise et pourtant continuent de bénéficier des tickets restaurant ; que c’est pourquoi, le fait que la concluante travaille en dehors de l’établissement de l’employeur ne peut pour cette unique raison l’exclure du bénéfice des tickets restaurant, car elle expose également des frais de bouche afin de se restaurer durant ses journées de travail; que l’employeur ne peut réserver l’octroi de tickets restaurant qu’à certaines personnes qui peuvent bénéficier de surcroît d’un lieu de restaurant au sein de l’entreprise, sauf à justifier d’une raison objective et pertinente pouvant légitimer la disparité résultant du traitement différencié entre les salariés de sa propre entreprise ; qu’elle est en droit de réclamer 4,05 euros (à hauteur de 60 % du financement par l’employeur, les 40 % restants demeurant à la charge du salarié) par jour travaillé, soit la somme de 2624,40 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l’égalité de traitement dont elle a été l’objet, en étant privée des tickets restaurant sur la période 2012 à mars 2015 (4,05 euros x 648 jours travaillés).

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE réplique en premier lieu qu’il s’agit d’une demande nouvelle, irrecevable ; que Madame [M] se place sur le terrain de la discrimination pour évoquer une inégalité de traitement, sans jamais préciser le motif discriminatoire qu’elle invoque ; que sa demande est infondée, seuls les salariés ne disposant pas de restauration collective en entreprise, ou ne pouvant y accéder compte tenu de la localisation de leur poste de travail, peuvent bénéficier du dispositif des titres restaurant ; que la concluante produit les attestations de trois responsables de site qui confirment que les agents de nettoyage de la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE peuvent bénéficier des restaurants collectifs sur leur site d’affectation au même tarif préférentiel que les salariés appartenant aux sociétés clientes ; que concernant spécifiquement le site hospitalier [5] sur lequel Madame [M] était affectée jusqu’au 31 mars 2015, il est rappelé que la société ELIOR n’intervient plus sur ce site depuis le 1er avril 2015 et qu’au regard du temps écoulé depuis la perte du marché, il est impossible pour la société concluante de justifier, notamment par des témoignages, des modalités de l’accès au restaurant de l’établissement de santé à la période revendiquée par Madame [M] qui couvre les années 2012/2015 ; qu’au surplus, la charge de la preuve pèse sur l’appelante, laquelle ne démontre pas qu’elle serait placée dans une situation identique à celle des salariés relevant du personnel administratif, ces derniers ne bénéficiant pas d’un restaurant collectif ; qu’à défaut de justifier une identité de situation, l’appelante doit être déboutée de sa demande ; que subsidiairement, Madame [M] omet de déduire la part contributive mise à sa charge, fixée à 40 %, tout comme elle omet de déduire les périodes de congé sans solde, de maladie ou autres absences figurant sur ses bulletins de salaire ; qu’il convient de tirer les conséquences des carences et erreurs manifestes de l’appelante et ainsi de la débouter de l’intégralité de ses demandes, cette dernière ne justifiant pas de l’existence du préjudice qu’elle allègue.

Réponse de la cour

Alors que Madame [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille en juillet 2015, sa demande formulée pour la première fois en cause d’appel est recevable sur le fondement de l’ancien article R.1452-6 du code du travail, la suppression de la règle de l’unicité de l’instance s’appliquant aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016.

Madame [M] n’évoque aucun motif illicite qui serait à l’origine d’une discrimination. Sa demande est fondée, non sur une discrimination, mais sur une violation du principe “à travail égal, salaire égal”, telle que développée dans ses écritures.

Madame [G] [WV] épouse [M] produit les éléments suivants :

-les bulletins de paie d’une employée administrative niveau 3 (EA3) portant mention du paiement de tickets restaurant (pièces 1),

-les bulletins de paie d’un agent de maîtrise (MA1) portant mention du paiement de tickets restaurant (pièces 2),

-les bulletins de paie d’un cadre de niveau 2 (pièces 3) et d’un cadre de niveau 3 (pièces 4) portant mention du paiement de tickets restaurant,

-l’attestation du 8 juillet 2021 de Madame [L] [W], gestionnaire de paie de niveau EA3 en janvier 2015 et de niveau EA4 à partir de décembre 2018 (selon bulletins de paie versés en pièces 1), qui déclare « avoir perçu des titres restaurant d’une valeur faciale de 6 €/jour jusqu’en décembre 2018 puis sa valeur faciale a été revue à la hausse en janvier 2019 et est passée à 7,50 €/jour. Ils m’ont été versés également pour chaque jour de travail, pendant toute la période de télétravail (dû à la pandémie) sur l’année 2020. Ils sont proposés à l’ensemble du personnel et ceci quel que soit sa qualification ou son lieu de résidence et peu importe le lieu de travail’ ».

Madame [M] soumet ainsi des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, au regard de cet avantage, à son détriment.

Si l’employeur décide de recourir à des tickets restaurant, il peut en fixer librement les modalités d’attribution, à condition que celles-ci reposent sur des critères objectifs et n’entraînent aucune inégalité de traitement entre les salariés, sachant que les dispositions de l’article R.3262-7 du code du travail posent comme condition à l’obtention du ticket restaurant que la pause repas du salarié soit comprise dans son horaire journalier.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE verse l’attestation du 22 octobre 2021 de Madame [KW] [PK], chef d’agence « ayant en charge les établissements de [12] [Localité 8], [13], [Localité 2] et Axium, (qui atteste) que les salariés avaient accès aux restaurants d’entreprise. Les salariés Elior bénéficiaient des tarifs préférentiels au même titre que le personnel des clients », l’attestation du 7 octobre 2021 de Madame [V] [K], responsable multisites, « ancienne responsable du site de la clinique du [11] (qui atteste) que les salariés avaient accès au self en payant le même prix préférentiel que le personnel soignant et administratif, à savoir 2€50 de mémoire le ticket repas. J’ai été responsable sur ces sites de 2010 à 2017 », l’attestation du 7 octobre 2021 de Madame [DC] [C], responsable de site sur le centre [Localité 3], qui rapporte que « les agents Elior ont accès aux plateaux repas, en ayant les mêmes tarifs que le personnel soignant qui est de 2,50 euros » et l’attestation du 10 octobre 2011 de Madame [O] [U], responsable de site « à la clinique du [11] pendant la période du 1er mars 2017 au 30 avril 2020 (qui atteste) que les salariés pouvaient prendre un ticket repas au self pour 3 euros ».

Aucun des témoignages ainsi versés n’établit que, sur le site hospitalier [5] sur lequel était affectée Madame [M] de 2012 au 31 mars 2015, la salariée avait accès à un restaurant d’entreprise à un tarif préférentiel.

Par suite, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE échoue à démontrer que l’inégalité de traitement invoquée par la salariée serait justifiée par des motifs objectifs et pertinents.

En conséquence, la Cour accueille la demande de Madame [M] au titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d’une inégalité de traitement, la salariée ayant été privée du règlement de tickets restaurant dont elle aurait dû bénéficier sur la période non prescrite de 2011 à 2015, en vertu de la prescription biennale applicable à toute action portant sur l’exécution du contrat de travail issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 s’appliquant aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la dite loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 5 ans.

En tenant compte de la valeur du ticket restaurant pour la part financée par l’employeur (à hauteur de 60 %) et des jours travaillés par la salariée (sous déduction des périodes de congé sans solde, arrêt maladie, absences), la Cour accorde à Madame [G] [M] la somme de 2400 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation des tickets restaurant.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Rejette la demande de Madame [G] [WV] épouse [M] de révocation de l’ordonnance de clôture,

Déclare irrecevables les conclusions n° 6 notifiées par Madame [G] [M], ainsi que toutes les conclusions des parties postérieures à l’ordonnance de clôture,

Infirme le jugement en ce qu’il a débouté Madame [G] [M] de ses demandes au titre du 13ème mois et de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a condamné Madame [G] [M] aux dépens,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes nouvelles présentées par Madame [M] en cause d’appel,

Déclare non prescrites les demandes présentées par Madame [M],

Condamne la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Madame [G] [WV] épouse [M] les sommes de :

– 5458,95 euros à titre de dommages-intérêts pour privation de la prime de 13ème mois,

– 2400 euros à titre de dommages-intérêts pour privation de tickets restaurant,

Condamne la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Madame [G] [WV] épouse [M] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette tout autre prétention.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x