Télétravail : 10 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/15270

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Télétravail : 10 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/15270
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10 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/15270

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 10 MAI 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/15270 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGKOV

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Mars 2022 -Président du TJ de Paris – RG n° 21/55676

APPELANTE

S.A. ELOGIE-SIEMP

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0483, avocat postulant et Me Maxence BENOIT-GONIN, avocat au barreau de Paris, toque : P0483, avocat plaidant.

INTIMÉE

S.A.R.L. SAVOIR FER prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, rapport ayant été fait par Patricia LEFEVRE, Conseillère conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre

Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre

Patricia LEFEVRE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

Par un acte sous seing privé en date du 4 octobre 2011 portant renouvellement d’un bail commercial du 22 janvier 2001, la Société de gérance d’immeubles municipaux (SGIM) a loué à la société Sdk pressing des locaux commerciaux situés [Adresse 1] destinés à l’activité de teinturerie blanchisserie moyennant un loyer annuel de 12 500 euros.

Le 13 novembre 2012, la société Sdk Pressing a cédé à la société Savoir Fer son fonds de commerce incluant son droit au bail.

Par un acte extra-judiciaire en date du 8 avril 2021 visant la clause résolutoire insérée dans le bail, la société Elogie-Siemp (venant aux droits de la société SGIM) a fait commandement à la société Savoir Fer de payer la somme de 20 807,73 euros correspondant aux loyers et charges impayées au 31 mars 2021, terme de mars 2021 inclus.

Puis par acte extra-judiciaire du 8 juillet 2021, la société Elogie-Siemp a fait assigner la société Savoir Fer devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris afin principalement de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire et en conséquence la résiliation de plein droit du bail commercial la liant à la société Savoir Fer, à compter du 8 mai 2021 et obtenir la condamnation par provision de la locataire au paiement d’une somme de l4 560,65 euros au titre de l’arriéré de loyers et à une indemnité d’occupation.

Par ordonnance contradictoire du 1er mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande visant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes ;

– condamné la société Savoir Fer à payer à la société Elogie-Siemp la somme provisionnelle de 11 000 euros avec intérêts au taux légal au titre de la dette locative arrêtée au 3ème trimestre 2021, l’autorisant à se libérer de sa dette en vingt-quatre versements mensuels d’un montant égal en sus du loyer courant, le premier versement intervenant le 25 du mois suivant la signification de sa décision et les suivants le 25 de chaque mois ;

– dit que faute du paiement, à bonne date, en sus du loyer courant, d’une seule des mensualités, et huit jours après l’envoi d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception, le tout deviendra immédiatement exigible ;

– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes.

– condamné la société Savoir fer aux dépens.

Le 18 août 2022, la société Elogie -Siemp a interjeté appel et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour, au visa des articles 1728 et 1741 du code civil, des articles L.145-9, L.145-41 et L.145-17 du code de commerce et de l’arrêté du 14 mars 2020, d’infirmer la décision déférée sauf en ce qu’elle a condamné la société Savoir Fer au paiement des dépens de l’instance et statuant à nouveau de :

– constater l’acquisition de la clause résolutoire et en conséquence la résiliation de plein droit du bail commercial la liant à la société Savoir Fer à la date du 8 mai 2021 ;

– condamner par provision la société Savoir Fer à lui verser la somme de 28 663,46 euros en principal, représentant l’arriéré des loyers et des charges, à valoir sur le décompte définitif qui sera établi au jour de la libération effective des lieux par remise des clefs ;

– ordonnner l’expulsion de la société Savoir Fer ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux litigieux, avec l’assistance d’un serrurier, et d’un représentant des forces de l’ordre si besoin est, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance de référé à intervenir ;

– ordonner la séquestration des objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux dans tel garde-meubles de son choix aux frais, risques et périls de la société Savoir Fer, et ce en conformité avec les dispositions combinées des articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

– condamner par provision la société Savoir Fer à lui verser une indemnité trimestrielle d’occupation égale au montant des loyers, charges et taxes qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, à compter de la date de résiliation, et ce jusqu’à la libération complète et effective des lieux litigieux, par remise des clefs ;

– rappeler, en tant que de besoin, l’exécution provisoire de droit attachée à l’ordonnance de référé à intervenir ;

– condamner la société Savoir Fer au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel  ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 décembre 2022, la société Savoir Fer soutient, au visa de l’article 809 du code de procédure civile, de l’article 1722 du code civil et de l’article L.145-41 du code de commerce, la confirmation de l’ordonnance dont appel, le rejet de la demande de la société Elogie-Siemp fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens.

SUR CE,

La bailleresse critique la décision déférée, qui pour écarter ses demandes, a retenu des contestations sérieuses en l’espèce inexistantes, dans la mesure où contrairement aux allégations de la locataire, les fermetures administratives liées la crise sanitaire ne peuvent, de jurisprudence désormais constante, constituer une inexécution de l’obligation de délivrance du bailleur ou permettre au preneur d’invoquer la force majeure. Elle ajoute que l’arrêté du 14 mars 2020 et le décret du 24 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus, disposent que les commerces exerçant l’activité de blanchisserie teinturerie demeuraient accessibles durant le premier confinement.

La locataire met en avant la dégradation de sa situation financière en raison de la crise sanitaire, du fait de la fermeture administrative et de ce que les clients, en raison du télétravail, utilisent moins les services d’un pressing. Elle prétend s’acquitter de sa dette selon les prescriptions de l’ordonnance querellée.

*

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En application de ce texte, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

En l’espèce, le bail litigieux contient une clause résolutoire qui était visée dans le commandement de payer du 8 avril 2021. Par cet acte, il était fait sommation à la locataire de régler la somme de 20 807,73 euros, terme de mars 2021 inclus. Ainsi qu’il ressort du décompte annexé au commandement, ce solde s’est constitué à compter du 30 juin 2016 au 31 mars 2021, compte tenu de règlements irréguliers des termes appelés durant cette période.

Aucun règlement n’est intervenu dans le mois de ce commandement de payer (pièce Siemp n°8), qui a produit ses effets, le 8 mai 2021.

Nonobstant le fait que les loyers impayés excédent ceux dus durant les périodes de fermeture administrative, l’allégation d’une perte de la chose du fait de cette fermeture ne peut pas être retenue.

En effet, à supposer que la locataire puisse se prévaloir des dispositions de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférentes aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid, ce qu’elle ne fait pas, l’article 4 de cette ordonnance vient uniquement paralyser les sanctions contractuelles du défaut de paiement des loyers et charges jusqu’à deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. En revanche, ce texte ne contient aucune disposition particulière de nature à influer sur l’exigibilité des loyers pendant le temps d’interdiction au public des commerces dits non essentiels et l’effet de l’interdiction de recevoir du public, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du code civil (Civ. 3e, 30 juin 2022, n° 21-20.190).

Dès lors, la contestation élevée par la locataire et retenue par le premier juge n’est pas sérieuse et n’est pas de nature à remettre en cause le constat de la réunion des conditions de l’acquisition de la clause résolutoire.

Enfin, la société locataire affirme sans en justifier, s’acquitter régulièrement de sa dette locative conformément aux termes de l’ordonnance de référé, or il ressort du décompte arrêté au 30 septembre 2022 (pièce Siemp n°9) que les loyers courants ne sont pas réglés et qu’elle n’a effectué que des versements ponctuels entre le 31 mars et le 30 septembre 2022 pour un montant total de 3900 euros qui ne couvrent pas le loyer courant (4159 euros par trimestre).

Compte tenu de ce qui précède, l’ordonnance entreprise sera infirmée, dans toutes ses dispositions relatives à l’acquisition de la clause résolutoire et à l’octroi de délai de paiement. Il sera constaté l’acquisition de la clause résiliation inscrite au bail à la date du 8 mai 2021, ordonné l’expulsion immédiate de la société locataire avec au besoin l’assistance de la force publique ainsi que la séquestration de tous les meubles et objets mobiliers lui appartenant. Ainsi que le sollicite la bailleresse, la société Savoir fer sera condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle égale au loyer auquel elle aurait pu prétendre si le bail s’était poursuivi, augmenté des taxes et charges.

En revanche, il n’y a pas lieu d’assortir d’une astreinte l’obligation pour la locataire de libérer les lieux, aucun élément du dossier ne laissant supposer que la société locataire voudrait se soustraire à cette obligation.

*

Aux termes du deuxième alinéa de l’article 835 du code civil, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

En l’espèce et ainsi qu’il est dit ci-dessus, aucun texte ne permet à la locataire commerciale de prétendre ne pas être redevable des loyers pour les périodes de confinement. Ainsi qu’il ressort du compte de la locataire arrêté au 30 septembre 2022, celle-ci est redevable de la somme de 28 663,43 euros terme de septembre 2022 inclus, somme à laquelle elle sera condamnée à titre provisionnel.

La condamnation de la locataire aux dépens sera confirmée. La société Savoir fer sera condamnée aux dépens d’appel et à payer une indemnité au titre des frais exposés par la société Elogie-Siemp pour sa défense.

PAR CES MOTIFS,

Infirme l’ordonnance du 1er mars 2022 sauf en ce qu’elle a condamné la société Savoir fer aux dépens ;

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant

Constate l’acquisition de la clause résolutoire inscrite au bail du 4 octobre 2011 à la date du 8 mai 2021 ;

Ordonne l’expulsion de la société Savoir fer et de tous occupants de son chef des locaux commerciaux du [Adresse 1] et faute de départ volontaire de la société Savoir fer, celle-ci y sera contrainte, au besoin avec l’assistance de la force publique ;

Ordonne le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant éventuellement les lieux conformément aux dispositions de l’article L433-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

Fixe le montant de l’indemnité provisionnelle d’occupation due par la société Savoir fer à compter du 8 mai 2021 jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clefs, au montant du loyer tel qu’il aurait été si le contrat s’était poursuivi, augmenté des taxes et charges locatives ;

Condamne la société Savoir fer à payer à la société Elogie-Siemp la somme provisionnelle de 28 663,46 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation impayées au 30 septembre 2022 ;

Condamne la société Savoir fer à payer à la société Elogie-Siemp la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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