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1 juin 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
20/01918
7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°232/2023
N° RG 20/01918 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QSHC
Compagnie d’assurance MAIF
C/
Mme [G] [Y]
Copie exécutoire délivrée
le :01/06/2023
à :Maitre
VERRANDO
Mr [R] (DS)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 01 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Mars 2023 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [O] [T], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Compagnie d’assurance MAIF agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Pierre LOPES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
substituant Me BOULANGER, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Madame [G] [Y]
née le 05 Septembre 1974 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Comparante en personne assistée de Monsieur MELT, délégué syndical
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [G] [Y] a été engagée le 1er décembre 2000 en qualité de Technicien d’assurance par la Compagnie d’assurance MAIF dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
En dernier lieu, elle exerçait les fonctions de Conseillère sociétaires en Face à Face et percevait une rémunération de 2 810,53 euros brut par mois.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale des sociétés d’assurances.
Par courrier remis en main propre contre décharge le 7 mai 2018, l’employeur a convoqué Mme [Y] à un entretien préalable à sanction fixé au 18 mai suivant. Il lui a notifié une dispense d’activité dans le cadre d’une mise à pied à titre conservatoire.
Le 24 mai 2018, l’employeur a convoqué Mme [Y] devant le Conseil de Discipline devant se réunir le 31 mai suivant.
Le conseil de discipline ayant émis un avis favorable à la mesure de mutation proposée, la société d’assurances MAIF a notifié le 11 juin 2018 à Mme [Y] une mutation disciplinaire à effet du 22 juin 2018 en qualité de Conseiller Sociétaires à Distance, classe 3, au sein du centre CATS de [Localité 6] avec maintien de sa rémunération annuelle. Il était demandé à la salariée de retourner l’avenant à son contrat de travail avant le 20 juin 2018.
Dans un courrier du 15 juin 2018, Mme [Y] a répondu qu’elle refusait la proposition de mutation au CATS de [Localité 6] pour des raisons logistique et familiale en raison de l’éloignement géographique ( 118 km), qu’elle sollicitait un arrangement en formulant plusieurs propositions pour continuer à travailler sur le bassin rennais dans un autre service, soit en alternance entre les locaux de [Localité 5] et de [Localité 6] soit en télétravail.
Le 22 juin 2018, l’employeur a notifié à Mme [Y] son licenciement pour cause réelle et sérieuse dans un courrier ainsi libellé :
‘ Dans le cadre de la procédure disciplinaire diligentée à votre encontre (..) Et dans le respect des obligations conventionnelles, nous vous avons notifié le 11 juin 2018 une mutation disciplinaire à effet au 22 juin 2018 en qualité de Conseiller Sociétaire à Distance, classe 3, au sein du CATS de [Localité 6], sans modification de votre rémunération.
Les éléments qui ont motivé cette sanction ont été les suivants :
– Le 23 mars 2018, vous avez fait preuve d’insubordination envers votre manager et avez pris avec 20 minutes de retard votre rendez-vous en raison de votre volonté d’obtenir immédiatement des explications à propos d’un tableau de bord de suivi de l’activité et pour lesquels votre manager vous avait fait part de sa désapprobation.
– Le 3 mai 2018, vous avez exprimé la volonté de continuer une réunion avec vos collègues, alors que des sociétaires sont entrés dans la délégation. Le ton employé lors des échanges, ainsi que votre attitude, ont donné le sentiment à vos collègues présentes qu’elles étaient dans l’obligation de rester échanger avec vous. Vous avez par ailleurs clairement indiqué que vous vouliez que cet échange se poursuive en présence de tous même si des sociétaires étaient dans la délégation dans l’attente d’être reçus.
Par votre attitude, vous avez empêché les sociétaires d’être servis conformément à ce qu’ils sont en droit d’attendre de la part de la MAIF qui accorde une attention particulière à la qualité de la relation avec ses sociétaires. Vous avez en outre généré une situation inacceptable de stress et de peur envers vos collègues en les obligeant à rester dans une pièce avec vous le temps de finir ce que vous aviez à leur dire.
Vous avez reconnu lors de l’entretien préalable et lors du conseil de discipline avoir commis une faute en précisant que vous n’aviez pas l’intention de nuire à vos collègues ou au service du sociétaire.
Le conseil de discipline régulièrement réuni s’est prononcé favorablement (quatre voix pour et deux abstentions) sur la sanction proposée de mutation disciplinaire.
Cette sanction vous a été notifiée par courrier en date du 11 juin 2018. Comme elle emportait une modification de votre contrat de travail, votre accord était indispensable pour la mettre en oeuvre.
Or, par e-mail du 20 juin 2018, vous nous avez fait part de votre refus de voir votre contrat de travail modifié.
Eu égard aux faits qui vous sont reprochés qui ont entraîné une situation de peur, d’insécurité et de mal-être chez certains de vos collègues, il n’est pas envisageable que vous réintégriez votre poste de travail au sein de la Délégation de [Localité 5] Sextant.
En conséquence, je vous notifie votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.(..)’
La salariée a été dispensée d’activité, laquelle a été rémunérée, durant la période de préavis entre le 25 juin et le 24 août 2018.
Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes par requête en date du 03 décembre 2018 afin d’obtenir sa réintégration au sein de l’entreprise et dans le même poste qu’elle occupait avant son licenciement, la condamnation de son employeur à des indemnités pour non-respect de la procédure de licenciement, des dommages et intérêts pour nullité des sanctions (double sanction), et à défaut, dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner la MAIF au paiement des revenus couvrant la période de la date de son licenciement à la date effective de sa réintégration, à défaut, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour préjudice distinct suite au déclenchement de la procédure disciplinaire (remboursement de ses frais d’annulation de voyage).
La Compagnie d’assurance MAIF a conclu devant le conseil de prud’hommes au rejet des demandes de la salariée, qui ne s’est pas vue notifier de double sanction et dont le licenciement est justifié.
Par jugement en date du 26 février 2020, le conseil de prud’hommes de Rennes a :
– Dit qu’il y a lieu à requalification du licenciement,
– Dit que le licenciement de Mme [Y] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.
– Condamné la société MAIF au paiement des sommes suivantes :
– 39 347,42 euros au titre de l’indemnité pour licenciement injustifié ;
– 2 810,53 euros à titre du non-respect de la procédure de licenciement ;
– 2 810,53 euros à titre de la nullité de double sanction ;
– Dit que l’exécution provisoire est de droit pour les sommes à caractère salarial en application de l’article R.1454-28 du code du travail et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 810,73euros.
– Dit que les intérêts au taux légal débuteront à compter du 06 décembre 2018, date de la citation devant le conseil de prud’hommes, pour les sommes à caractère salarial et à compter de la mise à disposition du présent jugement pour les sommes à caractère indemnitaire ;
– Ordonné la remise par la société MAIF à Mme [Y] d’un bulletin de salaire du mois de juin 2018, rectifié comportant le bon poste, le bon site de travail et les bons éléments de rémunération sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la présente décision et dans la limite de 30 jours ;
– Dit que le conseil de prud’hommes sera compétent dans le cas d’une éventuelle liquidation de l’astreinte ;
– Condamné la société MAIF en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée depuis son licenciement dans la limite de six mois d’indemnités ;
– Condamné la société MAIF à payer à Madame [Y] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
– Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
– Condamné la société MAIF aux dépens, y compris les frais éventuels d’exécution.
La Compagnie d’assurance MAIF a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 20 mars 2020.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 11 octobre 2022, la Compagnie d’assurance MAIF demande à la cour de :
– Infirmer et au besoin réformer en toutes ses dispositions critiquées le jugement en ce qu’il a :
‘ Dit qu’il y a lieu à requalification du licenciement.
‘ Dit que le licenciement de Mme [Y] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.
‘ Condamné la société MAIF au paiement des sommes suivantes :
– 39 347,42 euros au titre de l’indemnité pour licenciement injustifié ;
– 2 810,53 euros à titre du non-respect de la procédure de licenciement ;
– 2 810,53 euros à titre de la nullité de double sanction ;
‘ Dit que l’exécution provisoire est de droit pour les sommes à caractère salarial en application de l’article R.1454-28 du code du travail et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de
2 810,73euros.
‘ Dit que les intérêts au taux légal débuteront à compter du 06 décembre 2018, date de la citation devant le conseil de prud’hommes, pour les sommes à caractère salarial et à compter de la mise à disposition du présent jugement pour les sommes à caractère indemnitaire ;
‘ Ordonné la remise par la société MAIF à Madame [Y] d’un bulletin de salaire du mois de juin 2018, rectifié comportant le bon poste, le bon site de travail et les bons éléments de rémunération sous astreinte de 50euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la présente décision et dans la limite de 30 jours ;
‘ Dit que le conseil de prud’hommes sera compétent dans le cas d’une éventuelle liquidation de l’astreinte ;
‘ Condamné la société MAIF en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée depuis son licenciement dans la limite de six mois d’indemnités ;
‘ Condamné la société MAIF à payer à Mme [Y] la somme de
1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Débouté la société MAIF du surplus de ses demandes.
– Condamné la société MAIF aux dépens, y compris les frais éventuels d’exécution.
Et statuant à nouveau
– Constater que la MAIF a respecté la Convention d’entreprise et débouter Mme [Y] de sa demande à ce titre.
– Constater que Mme [Y] ne s’est pas vue notifier de double sanction et la débouter de sa demande à ce titre.
– Débouter Mme [Y] de sa demande d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Condamner Mme [Y] au paiement de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure et aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.
En l’état de ses dernières conclusions transmises le 11 décembre 2020, par son défenseur syndical, Mme [Y] demande à la cour de :
– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce qu’il a :
‘ Dit que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société MAIF au paiement des sommes suivantes :
– 39 347,42 euros au titre de l’indemnité pour licenciement injustifié ;
– 2 810,53 euros à titre du non-respect de la procédure de licenciement ;
– 2 810,53 euros à titre de la nullité de double sanction ;
‘ Dit que les intérêts au taux légal débuteront à compter du 06 décembre 2018, date de la citation devant le conseil de prud’hommes, pour les sommes à caractère salarial et à compter de la mise à disposition du présent jugement pour les sommes à caractère indemnitaire ;
‘ Condamné la société MAIF En application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi
des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée depuis son licenciement dans la limite de six mois d’indemnités ;
‘ Condamné la société MAIF à payer à Mme [Y] la somme de
1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Y additer la condamnation de la MAIF au paiement de :
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– 360 euros au titre des frais d’annulation de voyage du fait de la procédure lancée à son encontre.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 31 janvier 2023 avec fixation de l’affaire à l’audience du 7 mars 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la régularité de la procédure disciplinaire
La Société d’assurances MAIF demande l’infirmation du jugement qui a alloué une indemnité à la salariée pour non-respect de la procédure conventionnelle de licenciement au motif que l’employeur n’a pas organisé un nouvel entretien préalable à un licenciement après le refus de Mme [Y] de la mutation disciplinaire, le courrier de convocation du 7 mai 2018 ne concernant que la procédure disciplinaire ayant donné lieu à la notification d’une mutation disciplinaire, alors que :
– l’employeur pouvait licencier la salariée ayant refusé la mutation disciplinaire sans qu’il soit nécessaire d’effectuer un nouvel entretien préalable à sanction,
– l’employeur n’a pas privé la salariée d’une garantie de fond, puisque le Conseil de discipline s’est bien réuni pour rendre un avis en vertu des dispositions de l’accord d’entreprise plus favorables que celles de la convention collective nationale des assurances.
Mme [Y] conclut à l’irrégularité de la procédure de licenciement en ce que :
– la lettre de convocation à entretien préalable ne respectait pas les dispositions de la convention collective nationale concernant l’information donnée sur la formation ‘syndicale’ des représentants des salariés siégeant au conseil, la faculté pour elle de choisir librement les représentants et l’insuffisance des pièces remises par l’employeur au conseil de discipline, notamment des témoignages en faveur de la salariée.
Elle maintient sa demande en paiement de la somme de 2 810,53 euros, représentant un mois de salaire, pour irrégularité de procédure disciplinaire.
L’article L 1235-2 alinéa 5 du code du travail issu de sa rédaction applicable depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017, dispose que :
‘ Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L 1232-2,L1232-3, L1232-4 , L1233-11,L1233-12 er L 1233-13, ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse , le juge accorde au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.’
L’article L 1232-2 du code du travail prévoit que l’employeur qui envisage de licencier le salarié le convoque avant toute décision à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation.
L’accord d’entreprise de la société MAIF du 19 octobre 2001 prévoit avant tout projet de licenciement d’un salarié la saisine et la consultation préalable obligatoire d’un conseil de discipline, organisme paritaire ( article 42) pour des sanctions plus graves que la mise à pied disciplinaire.(..)
– article 43 : l’employeur avise les membres du conseil de discipline de la réunion de celui-ci, 48 heures à l’avance en leur indiquant les motifs de la réunion. L’intéressé est également convoqué 48 heures à l’avance en vue de son audition par le conseil de discipline. Il a la faculté de se faire assister pour cette réunion d’une personne de son choix prise au sein de l’entreprise en dehors des membres du conseil.(..)
Le règlement intérieur de la société MAIF prévoit en son article 19 l’échelle des sanctions : observation écrite, avertissement écrit, blâme, mise à pied disciplinaire, mutation disciplinaire (transfert en un autre lieu de travail), rétrogradation avec diminution de salaire (changement de qualification professionnelle ou affectation à un poste différent de niveau inférieur avec diminution de salaire) ; licenciement’.
La convention collective nationale des sociétés d’assurance prévoit en son article 90 relatif à la procédure de licenciement pour faute ou insuffisance professionnelle:
a) le salarié a la faculté de demander la réunion d’un conseil constitué de trois représentants de l’employeur et de trois représentants du personnel de l’établissement ( délégués du personnel, membres du CE, délégués syndicaux,..).
b) la lettre de convocation à l’entretien préalable doit mentionner expressément cette faculté, le délai dans lequel elle peut être exercée, ainsi que celle de se faire assister pour cet entretien conformément aux dispositions légales.
La demande de réunion doit être formulée par écrit et communiquée à la direction au plus tard deux jours francs après l’entretien prévu par le code du travail. A défaut, le salarié est considéré comme renonçant à la procédure de conseil.Toutefois, le conseil est obligatoirement réuni à l’initiative de l’employeur lorsque celui-ci envisage à l’issue de l’entretien préalable un licenciement pour faute. L’entreprise doit alors en informer l’intéressé par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre décharge. La réunion du conseil est cependant annulée si l’intéressé le demande par écrit dans les 48 heures de la réception de la lettre(..).’
La modification du contrat de travail ne pouvant pas être imposée à un salarié et nécessitant son accord écrit, l’employeur qui se heurte au refus du salarié d’une mesure de mutation disciplinaire impliquant une modification de son contrat de travail, peut dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction tel qu’un licenciement, aux lieu et place de la sanction refusée. Toutefois, l’employeur envisageant de prononcer le licenciement au de la sanction initialement notifiée et refusée par le salarié doit convoquer l’intéressé à un nouvel entretien dans le délai de prescription de l’article L 1332-4 du code du travail, interrompu par le refus du salarié.
L’absence de convocation à un entretien préalable constitue une irrégularité de la procédure de la rupture du contrat de travail mais n’affecte pas le bien fondé de la sanction.
En l’espèce, Mme [Y] convoquée à un entretien préalable à sanction disciplinaire le 18 mai 2018 s’est vue notifier le 11 juin 2018 à l’issue de la procédure conventionnelle avec consultation préalable du conseil de discipline, une mesure de mutation disciplinaire au CATS de [Localité 6] avec maintien de sa rémunération à effet au 22 juin 2018. La salariée n’ayant pas retourné signé dans le délai imparti l’avenant de modification du contrat de travail, il appartenait à l’employeur d’organiser un nouvel entretien préalable à licenciement dans le délai de prescription des deux mois, interrompu par le refus de la salariée A défaut, l’employeur en notifiant la mesure de licenciement pour cause réelle et sérieuse le 22 juin 2018 a méconnu les dispositions légales et doit être condamné à verser l’indemnité pour irrégularité de la procédure prévue par l’article L L 1235-2 alinéa 5 du code du travail, soit la somme de 2 810,53 euros.
Sur les dommages-intérêts pour nullité de la double sanction
La société MAIF Assurances demande l’infirmation du jugement qui a accordé à la salariée la somme de 2 810,53 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité de la double sanction alors que Mme [Y] s’est vue proposer une mutation géographique sur un poste de travail sans rétrogradation et avec maintien de sa rémunération.
La salariée considère à l’inverse qu’elle a fait l’objet pour les faits relevés dans la lettre de licenciement d’une double sanction à savoir la mutation disciplinaire et une rétrogradation sur un poste classifié PC3, soit deux échelons en dessous de son poste classé en M2 avant la sanction.
Sans qu’il soit utile de répondre à la salariée sur une prétendue rétrogradation en comparant le poste de Conseillère Sociétaires face à face et celui de Conseillère Sociétaires à Distance, il résulte des pièces produites que l’employeur n’a pas appliqué la sanction initialement prévue et non acceptée par Mme [Y] à compter du 22 juin 2018 et que celle-ci maintenue dans son poste de Conseillère Sociétaires Face à Face, dans l’attente de la procédure de licenciement, a conservé sa rémunération et son coefficient M2. L’employeur dont le pouvoir disciplinaire pour les faits visés dans la lettre de licenciement n’était pas épuisé, était fondé à prononcer le licenciement.
C’est donc à tort que les premiers juges ont considéré que la salariée a fait l’objet d’une double sanction et qu’ils lui ont alloué des dommages-intérêts à ce titre.
Mme [Y] sera donc déboutée de sa demande indemnitaire de ce chef par voie d’infirmation du jugement.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
Les premiers juges ont considéré que le licenciement de Mme [Y] était dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que la salariée avait déjà été sanctionnée par une mutation disciplinaire, assortie d’une rétrogradation sur un poste de qualification inférieure même en l’absence d’impact financier ; que son refus de se soumettre à cette sanction disciplinaire n’était pas explicite, Mme [Y] sollicitant seulement un aménagement de la mutation en raison des problèmes d’éloignement et de transport par rapport à son domicile familial.
L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l’article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Dans la lettre de licenciement du 22 juin 2018 qui fixe les limites du litige, il est reproché à la salariée:
– d’avoir le 23 mars 2018 fait preuve d’insubordination envers sa Responsable Mme [M], ayant entraîné la prise tardive d’un rendez-vous avec un sociétaire,
– d’avoir le 3 mai 2018, adopté une attitude hostile et menaçante envers des collègues de travail en les obligeant à rester dans une salle pour discuter d’un problème d’organisation de travail, en s’interposant physiquement pour les empêcher de sortir, en hurlant auprès d’elles, ce qui a généré une situation de stress et de peur.
Il convient de rappeler que Mme [Y] occupait les fonctions de Conseillère Sociétaires Face à Face au sein d’une délégation locale entité Sextant de la mutuelle MAIF à [Localité 5], sous la responsabilité hiérarchique de Mme [M], Manager.
A l’appui de ses griefs, l’employeur verse aux débats :
– concernant les faits du 23 mars 2018,
– l’attestation de Mme [I] [M], Responsable des Délégations Conseil de [Localité 5] selon laquelle, depuis leur arrivée dans la délégation du Sextant en 2016, elle a régulièrement accompagné Mme [Y] dans la maîtrise de son comportement envers ses collègues, envers lesquelles elle pouvait s’exprimer à la moindre contrariété de manière agressive ; qu’il était difficile de communiquer avec elle ‘ lorsqu’elle est persuadée d’une chose, elle ne peut absolument pas entendre une autre version, d’où une communication toujours très compliquée voire impossible. Les conseillers ont souvent suivi ses idées pour ne pas aller au conflit’. Mme [M] se réfère à un problème relationnel antérieur en 2017 entre [G] ( [Y]) et une collègue Mme [S], partie en août 2017 pour ne plus avoir à travailler avec [G] malgré l’allongement du temps de trajet.
S’agissant précisément de l’incident du 23 mars 2018, Mme [M] explique qu’elle était en train d’échanger avec Mme [Y], dans son bureau, en présence de sa collègue [F] [B] à propos du nouveau ‘tableau de suivi des RDV’; que cette conversation a rapidement dérapé lorsque Mme [Y] a refusé en souriant de montrer à sa supérieure hiérarchique le tableau qu’elle devait compléter pour le lundi suivant -le 26 mars-, au prétexte qu’elle voulait ‘qu’on en parle tous ensemble avant’; que malgré l’ordre donné par Mme [M], Mme [Y] a haussé le ton et interpellé sa collègue [F] de façon virulente de telle sorte que Mme [M] et Mme [B] ont préféré quitter le bureau de Mme [Y], qui les a aussitôt suivies dans leurs bureaux respectifs; bien que sa manager lui ait demandé de mettre un terme à cet échange compte tenu de l’état d’énervement de la salariée, Mme [Y] refusait de s’interrompre et lui coupait sans arrêt la parole sur un ton ‘ agressif, fort et accusateur’. Mme [M] précisait avoir quitté l’agence ce soir-là vers 18 heures, tandis que Mme [Y] recevait le sociétaire dont le rendez-vous était fixé 20 minutes plus tôt.
Mme [M] ajoute avoir reçu Mme [Y] le 30 mars suivant compte tenu de leurs absences respectives pour lui demander fermement ‘ de ne plus jamais lui manquer de respect ( refus de montrer le tableau sur son écran avec sourire et lui parler sur ce ton), que la salariée est restée calme en l’écoutant’.
– le témoignage de Mme [F] [B] précisant’ il n’est pas concevable que l’on arrive à des échanges d’une telle violence. C’est la seconde fois – le 3 mai 2018- que je suis avec [G] ( [Y]) confrontée à ce type de situation – à un degré moindre la 1ère fois – le 23 mars, et en présence de [I] [M])’.
– le compte rendu de l’entretien préalable au cours duquel la salariée a reconnu le 23 mars avoir ‘adopté un ton et une attitude non adéquate avec son manager’, s’en être excusée le 30 mars
. Elle expliquait son attitude par le fait ‘qu’elle se soit sentie mise en cause par ses collègues’.
– concernant les faits du 3 mai 2018:
– le compte rendu de Mme [F] [B], conseillère en assurance, annexé à son témoignage : le 3 mai 2018, lors d’un breaf avec mes collègues’j’ai interrogé [G] sur les dernières modifications apportées au tableau de suivi des rdv par [G] et [A], s’agissant d’un tableau mis en place (sur la demande de Mme [B]) pour une meilleure répartition des rdv en accord avec la manager(…) Le ton est monté tout de suite, impossible d’avoir un échange courtois et dans le calme(..) Le ton employé par [G] étant très haut, je l’ai invité gentiment à le baisser pour ne pas être entendu par le sociétaire, arrivé dans le forum d’accueil, il était pressé .(..) Visiblement, elle n’en avait rien à faire. Un deuxième sociétaire est arrivé. [A] l’a à nouveau accueilli. [D] s’est dirigé vers la porte pour s’occuper du sociétaire. [G] s’est mise dos à la porte fermée, avec une chaise devant elle, en nous faisant comprendre qu’il fallait rester dans le bureau. Elle a continué son discours en nous indiquant qu’elle se sentait personnellement visée à travers ce tableau. (..)Le sociétaire qui était pressé est parti. Je me suis à mon tour dirigé vers la porte du bureau pour sortir pour mettre fin à l’entretien. Il s’agissait d’un monologue et le ton employé ne permettait pas un vrai échange.
[G] m’a dit ‘ on ne sort pas.’. Je lui ai dit que là c’était un problème pathologique, calmement. Elle est restée adossée à la porte. Je me suis mise sur le côté en attendant que [G] finisse de parler. Cela m’a semblé la meilleure chose à faire afin d’éviter une escalade de la situation craignant un instant que l’on en arrive à un échange physique sur un lieu de travail.(..) Mon ressenti sur l’instant, un gros stress avec des palpitations et depuis je tourne la situation en boucle la nuit. (..) Aujourdhui, je ne sais pas comment je vais pouvoir travailler avec [G]. Les échanges sont compliqués, tout prend des ampleurs démesurés. Avant de faire quelque chose, il faut toujours se demander comment [G] va le prendre et réfléchir à 2 ou 3 reprises avant de les lui présenter. (..) À chaque fois qu’il y a une divergence d’idée, je crains que les choses aillent trop loin.(..)’
– le compte rendu de Mme [D] [N], conseillère, annexé à son témoignage ‘ il est 11h30, le 3 mai 2018, nous sommes 4 conseillers réunis pour échanger comme d’habitude, nous commençons la porte ouverte du bureau car il n’y a pas de sociétaires. Le sujet du brief démarre sur une demande de [F] pour comprendre les modifications du tableau des attributions des RDV apporté la veille par [A] et [G] et la complétude du tableau à clarifier. Tout de suite [G] a monté le ton, nous a rappelé que le tableau a été mis en place à la demande de [F], que les modifications apportées permettant d’avoir le cumul des mois passés sur le nombre des Rdv attribué par collaborateur, qu’il est à remplir depuis fin mars.(..) [G] nous fait part qu’elle préfère rediscuter de la mise en place du tableau quand [I] ( [M]) et [Z] seront présentes. Je lui ai donc dit qu’elles ne sont pas là, donc qu’il n’était pas utile de commencer à partir dans un sujet où elle veut que tout le monde soit présent. [G] a dit non, vu que tout les 4 présents, elle voulait parler. Au vu de la tournure que cela prenait, [F] lui a dit que cela en devenait pathologique et a voulu une première fois sortir du bureau mais [G] lui a dit non, elle devait rester pour qu’on discute tous ensemble.
Un sociétaire est arrivé quelques minutes après le début du brief. [A] qui gérait l’accueil ce jour-là est donc naturellement sorti du bureau pour enregistrer son arrivée et l’a invité à patienter au forum sur le fauteuil(..) Quand [A] est revenu dans le bureau [G] a fermé la porte derrière lui, j’ai demandé quelle était la demande du sociétaire ; il nous a dit que c’était pour un sinistre et qu’il était pressé. Afin de répondre à la demande du sociétaire qui s’est déplacé jusqu’à la délégation et qui nous fait part de son impératif horaire, je me dirige vers la porte (..) et surtout je ne souhaitais pas continuer à rester à assister à cet échange qui devenait houleux. [G] a retenu la porte en me disant que non, [D], tu ne sors pas, tu restes ici, peu importe s’il y a des sociétaires.
Je n’ai pas insisté au vu de cette injonction qu’on reste dans le bureau l’écouter.
Elle a ensuite pris une chaise qu’elle a placée devant la porte tout en restant à proximité de cette chaise qu’elle tenait pour nous faire bien comprendre de par sa gestuelle que nous devions rester même si nous n’en avions pas envie.
[F] et moi étions positionnées côté mur du bureau face à [G] et la chaise devant la porte du bureau. [A] s’était installé sur le fauteuil et ne participait pas à l’échange et poursuivait sa tâche c’est à dire traiter les mails. Le sociétaire après plusieurs minutes d’attente s’est levé. [A] est ressorti pour s’excuser de ne pas pouvoir le recevoir. Ce sociétaire a accepté de revenir le lendemain matin pour qu’on puisse répondre à sa demande dans le calme.
Un 2ème sociétaire est arrivé, [A] a pu ressortir enregistrer son arrivée et revenir, le sociétaire s’est installé au forum pour patienter.[G] continuait son discours que personnellement, je ne suivais plus par moment. (..) Une chaise a été mise pour obstruer la possibilité pour que [F] et moi ne sortions pas et [G] l’a clairement dit de façon orale que je devais rester.(..) Si j’avais essayé une 2ème tentative pour sortir, je ne sais pas ce qu’il se passait et je ne voulais pas laisser mes collègues que ce soit [F] ou [A] seuls dans cette situation. Personnellement, je tremblais mais j’essayais de ne pas le montrer face à [G] qui en était toute rouge au niveau du cou, qui bombait le torse en se rapprochant de nous avec des mouvements brassés des bras et je m’étais rapprochée instinctivement du seul homme de la pièce par réflexe et faisait mine que je n’écoutais plus la conversation pour faire comprendre que ça tournait en rond (..).
[F] la tête baissée a pourtant tenté une 2ème tentative pour sortir en passant par le côté gauche de la chaise mais [G] lui a dit que ce n’était pas fini.
[F] s’est positionnée à côté de moi. Nous subissons donc pendant environ encore 15-20 min un échange non désiré.
Un troisième sociétaire arrive. [A] ressort et revient en nous annonçant que c’est le rdv de [G]. Le ton est redescendu d’un cran, la conversation a pu se terminer en expliquant que de toute façon, on en restera pas là, qu’elle le prend très personnellement la mise en place de ce tableau (..)n’y a eu aucune insulte ni de contact physique.(..) Un simple breaf a tourné en situation incontrôlable.’
– le courriel du 4 mai 2018 de Mme [D] [N] informant sa manager de sa volonté de quitter la délégation locale en raison de l’événement jugé ‘inadmissible’ de la veille lorsqu’elle et [F] ont été ‘ séquestrées’ par [G] pendant 1/2 heure dans un bureau”concernant encore et toujours la gestion des rdv et plein d’autres choses’.Nous avons voulu sortir à plusieurs reprises pour éviter que les propos ne s’enveniment et que les sociétaires dans le forum n’assistent à cette scène qui m’a profondément choquée, s’agissant clairement d’une violence verbale. De voir une collègue trembler, une autre au bord de l’asphyxie et à la limite du contact physique.. Ce n’est pas possible.(..) Je ne pensais pas en arriver là, encore les mails de remontrance toutes les 2 semaines, ça va, mais là, nous sommes passés à un cran au-dessus du supportable, C’est invivable et nous n’avançons pas, j’en perds mon sourire et ma joie de vivre au travail alors que j’aime ce que je fais. Mais çà a été clairement exprimé que comme ils sont 3 contre 2, on n’a rien à dire : il n’y a plus de confiance et de collectif ici. Pour information, je vais solliciter le psy de la MAIF car j’ai besoin d’exprimer ce qui a été vécu.(..)
Ce n’était pas juste une convocation comme déjà fait avec [Z] et [G], je pense que la communication dans le calme et le respect n’est pas possible sans que cela prenne des proportions démesurées sur du long terme.’
– le rapport établi le 9 mai 2018 par M.[A] [P]: il a décrit l’échange du 3 mai 2018 entre [G] et [F] à propos du tableau des rendez-vous comme ‘ un dialogue de sourds avec une forte tonalité’ accompagné de tensions (‘[G] étant toute rouge’) durant une vingtaine de minutes environ. Pour sa part, M.[P] se disant ‘gêné par cette situation a préféré ne pas prendre part à la discussion, gérer ses mails dans le bureau et faire patienter les sociétaires’. Il précise que le premier sociétaire étant pressé, ‘[D] voyant la discussion ne pas avancer a souhaité sortir du bureau mais [G] lui a barré la route en mettant son corps entre elle et la porte et en s’appuyant sur la porte, car elle souhaitait que tous les conseillers soient là pour écouter ce qu’elle avait à dire.(..) Après ça, un second sociétaire est venu, je suis donc sorti sans que [G] me bloque, j’ai dû bouger une chaise pour sortir l’accueillir et le faire patienter dans le forum. De mon côté, je faisais toujours mon travail sur mon ordinateur sans intervenir dans la discussion. Un 3ème sociétaire est entré, je suis de nouveau sorti pour l’accueillir, c”était le rdv de 12 heures de [G]. A mon retour, j’ai pris la parole pour dire que les sociétaires attendaient et que le rdv de 12h était là, donc il fallait arrêter la discussion et recevoir les sociétaires. J’ai ouvert la porte et tout le monde est retourné à son bureau.’
– le compte rendu de l’entretien préalable selon lequel le 3 mai, Mme [Y] a cherché à se défendre et s’expliquer auprès de ses collègues ayant souhaité aborder à nouveau le sujet du tableau de suivi des rendez-vous; qu’elle tenait à ce que la conversation ait lieu et qu’elle a pris seulement appui sur une chaise mais sans volonté de s’en servir comme une barrière pour empêcher ses collègues de sortir. Elle reconnaît que son attitude n’a pas permis de servir les sociétaires d’une façon optimale mais nie avoir délibérément cherché à nuire au fonctionnement de la délégation et à l’accueil des sociétaires. Elle ‘reconnaît une faute mais rappelle son droit à l’erreur.’
– le procès-verbal de la réunion du conseil de discipline du 31 mai 2018. Pour les faits du 3 mai, Mme [Y] a indiqué qu’elle voulait juste se faire entendre sur le fait qu’elle n’a jamais été réfractaire à la mise en oeuvre du tableau de suivi, qu’elle a haussé le ton mais n’a pas eu de gestes ou de propos violents; qu’elle n’a pas vu le sociétaire ( qui attendait) puisqu’elle était de dos.
La société appelante produit ainsi des témoignages précis et concordants de Mme [M], Mme [B] et Mme [N], confirmant le caractère agressif des propos et du comportement de Mme [Y] envers certaines de ses collègues et les faits d’insubordination et de manque de respect à l’égard de sa supérieure hiérarchique, avec des répercussions sur le bon fonctionnement du service en empêchant ou retardant des rendez-vous pris par les sociétaires de la mutuelle.
La salariée, qui invoque l’absence de toute agressivité de sa part, le caractère subjectif des témoignages, soutient avoir interrogé le 23 mars sa supérieure hiérarchique sur les contours et la finalité du tableau mis en place, ne comprenant pas l’ insistance de celle-ci à remplir ce tableau dès la semaine suivante alors que des membres de l’équipe étaient en vacances ; que sans contester le caractère tendu de leurs échanges, elle considère avoir conservé une attitude responsable et respectueuse envers Mme [M] auprès de laquelle elle a toutefois présenté ses excuses le 30 mars s’agissant de faits mineurs et isolés. Pour les faits du 3 mai 2018, Mme [Y] a désigné comme étant à l’origine de la tension en réunion de travail sur un sujet polémique (tableau) évoqué par sa collègue Mme [B], laquelle ‘exerçait des pressions sur l’équipe faute de réaliser ses objectifs’. Elle conteste toute violence verbale ou physique durant la réunion de travail limitée à 30 minutes et les prétendues perturbations subies, puisque les sociétaires ont été accueillis par son collègue M.[P]. Elle invoque son sérieux et son professionnalisme reconnus au sein des équipes.
A l’appui de ses allégations, la salariée verse aux débats :
– son exposé des faits établi le 19 juin 2018: concernant le 23 mars 2018, elle s’est sentie persécutée lorsque sa Responsable accompagnée de Mme [B] a exigé la mise en place de ce tableau ‘ j’ai ressenti le besoin de me défendre, le ton est monté mais pas dans les mots- . A propos du 3 mai, elle n’a pas empêché physiquement ses collègues de sortir du bureau. Mon intention était d’en finir avec l’histoire du tableau, c’était devenu pesant pour toute l’équipe depuis plus d’un mois et ainsi repartir sur quelque chose de positif. A aucun moment, je n’ai déplacé la chaise ni mis la main sur la porte. Il n’y a eu aucune agression physique et verbale de ma part, aucune insulte ni menace.
– ses entretiens annuels de 2016 et de 2017 par Mme [M], soulignant les qualités professionnelles et les très bons résultats commerciaux. Il est noté pour l’année 2017 sur l’appréciation de son intégration et de sa coopération en équipe, qu’elle est ‘ majoritairement acquise’ et que ‘[G] travaille dans la bienveillance et dans la communication.’
– les attestations de Mme [K], stagiaire en alternance sous le tutorat de Mme [Y], confirmant les qualités professionnelles de sa tutrice. Absente lors de l’incident du 3 mai, elle confirme la dégradation du climat au sein de la délégation à la suite de la mise en place d’un tableau de suivi alors que les soupçons de Mme [B] de favoriser Mme [Y] dans la répartition des rdv Epargne étaient infondés.
Le témoignage de M.[P] produit durant la procédure par Mme [Y] ne tend qu’à banaliser les faits sous l’angle d’une simple’ chamaillerie ‘et d’un échange verbal ‘tonique’ réciproque avec Mme [B]. Sa présentation édulcorée de l’incident du 3 mai 2018 est contredite par les témoignages des deux collègues, évoquant leur stress et les pressions subies, mais aussi par son rapport d’incident destiné à l’employeur mentionnant l’état d’énervement de Mme [Y] (‘[G] étant toute rouge’), la gêne ressentie par lui par une discussion décrite par lui comme ‘houleuse’s’envenimant et s’éternisant dans un bureau exigu, Mme [Y] s’interposant devant la porte et ses deux collègues en position debout. Le caractère violent de la situation, imputable au comportement de Mme [Y], s’induit du compte rendu de M.[P] lorsque sa collègue’ [D] voyant la discussion ne pas avancer a souhaité sortir du bureau’ pour s’occuper du premier sociétaire mais que
‘ [G] lui a barré la route en mettant son corps entre elle et la porte et en s’appuyant sur la porte, car elle souhaitait que tous les conseillers soient là pour écouter ce qu’elle avait à dire(..) ‘ et que la discussion a pris fin lorqu’il a dit ‘que les sociétaires attendaient et que le rdv de 12h était là, donc il fallait arrêter la discussion et recevoir les sociétaires. J’ai ouvert la porte et tout le monde est retourné à son bureau.’
Malgré les dénégations de Mme [Y], les témoignages permettent d’établir la matérialité et le caractère sérieux des griefs invoqués à l’encontre de la salariée laquelle a manqué à ses obligations en adoptant un ton et un comportement agressif à l’égard de deux de ses collègues et en faisant preuve d’insubordination. Peu important la nature des différends l’ayant opposé à ses collègues et sans qu’il soit dès lors utile d’entrer dans le détail des arguments développés à cet égard par la salariée, rien ne justifiait son attitude virulente et agressive pour tenter d’imposer son point de vue en leur intimant de rester à l’écouter dans un bureau et en les empêchant de sortir du bureau. Le fait qu’elle ait empêché ses collègues d’aller et de venir librement au sein des locaux de l’agence et de s’occuper des sociétaires présents dans la salle d’attente, ce dont elle était parfaitement consciente lorsque M.[P] se déplaçait pour les faire patienter, suffit à établir que le comportement de la salariée, manifestement inadapté et contraire à ses obligations professionnelles, a eu des répercussions certaines sur le fonctionnement normal de son service.
Par voie d’infirmation du jugement, les manquements de la salariée à ses obligations de respect et de courtoisie ainsi que son insubordination justifiaient la mesure de licenciement prise à son encontre de sorte que Mme [Y] doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement injustifié.
Sur les autres demandes et les dépens
Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du code du travail n’étant pas réunies, il n’y a pas lieu d’ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens en cause d’appel. Les parties seront donc déboutées des frais irrépétibles d’appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l’article 700 du code de procédure civile
L’employeursera condamné aux entiers dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
– Confirme le jugement entrepris seulement en ses dispositions relatives aux dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, aux indemnités de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
– Infirme les autres dispositions du jugement,
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
– Dit que le licenciement de Mme [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse,
– Déboute Mme [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement injustifié et de sa demande de dommages-intérêts pour double sanction,
– Dit n’y avoir lieu à application de l’article L 1235-4 du code du travail,
– Déboute les parties de leurs demandes respectives en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamne la société d’assurance MAIF aux dépens de l’appel.
Le Greffier Le Président