Lors de l’audience du 3 septembre 2024, il a été annoncé que l’ordonnance serait rendue le 15 octobre 2024. Par une ordonnance du 9 novembre 2021, le juge de la mise en état a rejeté plusieurs demandes de M. [H] [P], notamment un sursis à statuer en attendant une décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la production de fichiers informatiques saisis, et l’écartement d’une fiche de synthèse établie par les services de gendarmerie. Le 5 juin 2024, M. [H] [P] a de nouveau demandé un sursis à statuer en attendant un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne concernant des questions préjudicielles posées par le tribunal judiciaire de Nanterre. L’administration fiscale s’est opposée à cette demande le 29 août 2024. Le juge a finalement ordonné un sursis à statuer en attendant l’arrêt de la CJUE et a renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 1er juillet 2025 pour vérification des causes de ce sursis.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le 15/10/2024
A Me RAVON
Inspecteur des finances publiques
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9ème chambre 2ème section
N° RG 19/08016 – N° Portalis 352J-W-B7D-CQHRY
N° MINUTE :
Assignation du :
07 Juin 2019
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 15 Octobre 2024
DEMANDEUR
Monsieur [H] [P]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Delphine RAVON, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2263
DEFENDERESSE
Monsieur le Directeur Régional des Finances Publiques d’Île de France et du Département de Paris – Pôle Juridictionnel Judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par l’inspecteur
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
M. MALFRE, Premier Vice-président adjoint,
assisté de Camille CHAUMONT, Greffière,
A l’audience du 3 septembre 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 15 Octobre 2024.
ORDONNANCE
Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
Par ordonnance du 9 novembre 2021, à laquelle il convient de se référer pour un exposé du litige introduit par assignation du 7 juin 2019, le juge de la mise en état a rejeté la demande de M. [H] [P] tendant à :
– surseoir à statuer jusqu’à la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme portant sur les requêtes n° 27823/19 et 22683/20 dirigées contre la France ;
– exiger de l’administration fiscale la production des fichiers informatiques saisis le 20 janvier 2009 au domicile de M. [R] ;
– écarter des débats la fiche de synthèse individuelle n°5090147018 établie par les services de gendarmerie au nom de Mme [P].
Par conclusions d’incident du 5 juin 2024, M. [H] [P] demande au juge de la mise en état d’ordonner un sursis à statuer, dans l’attente du prononcé de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) devant statuer sur les deux questions préjudicielles qui lui ont été posées par le tribunal judiciaire de Nanterre le 10 janvier 2024.
Par conclusions d’incident du 29 août 2024 signifiées le même jour, l’administration fiscale s’oppose à cette demande de sursis à statuer.
Le contribuable rappelle que par un jugement du 10 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Nanterre a transmis à la CJUE les deux questions préjudicielles suivantes :
Question n° 1 : Le principe de libre circulation des capitaux garanti par l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne doit-il être interprété en ce sens qu’il permet la taxation d’office prévue par les dispositions de l’article 755 du code général des impôts, des avoirs détenus à l’étranger qui n’ont pas été déclarés dans les conditions de la procédure prévue à l’article L.23 C du livre des procédures fiscales, et dont l’origine et les modalités d’acquisition n’ont pas été justifiées, alors qu’il induit un effet d’imprescriptibilité lorsque le contribuable justifie que ces avoirs sont entrés dans son patrimoine au cours d’une période prescrite ?
Question n° 2 : Dans l’hypothèse où il serait répondu négativement à cette question, doit-il en être déduit que toute procédure de rectification fondée sur les dispositions précitées doit être annulée, et ce quand bien même lorsque dans le cas soumis au contrôle de l’administration fiscale, aucun effet d’imprescriptibilité n’est induit ?
Or, il souligne que ces deux questions préjudicielles sont similaires à celles dont il a demandé la transmission dans le cadre de ses conclusions au fond.
Pour s’opposer à cette demande de sursis à statuer, l’administration fiscale fait valoir que par une décision n°2021-939 QPC du 15 octobre 2021, le Conseil Constitutionnel a refusé de sanctionner le régime des articles L 23 C du livre des procédures fiscales et 755 du code général des impôts, considérant que ce dispositif de taxation des avoirs à l’étranger ne méconnaissait ni le principe d’égalité devant les charges publiques ni le principe d’égalité devant la loi.
Elle ajoute que jusqu’au jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 10 janvier 2024, les juges du fond ont refusé de faire application de l’arrêt de la CJUE du 27 janvier 2022 (Commission c/ Royaume d’Espagne) à ce dispositif.
En outre, l’administration fiscale considère que la situation de M. [H] [P] diffère de celle du contribuable concerné par ce jugement du 10 janvier 2024, en ce qu’il est un contribuable en dénégation, qui n’a pas apporté la preuve de la non-détention des comptes à l’étranger, outre que la prescription ne saurait bénéficier à des sommes pour lesquelles aucune justification n’est apportée alors que celui qui se prévaut d’une prescription doit établir qu’il en remplit les conditions.
Elle souligne par ailleurs que les modalités de contrôle de l’administration sont encadrées dans le temps puisqu’outre le délai spécial de reprise de 10 ans prévu à l’article L.181-0A du livre des procédures fiscales, l’imposition au titre de l’article 755 du code général des impôts ne peut avoir lieu qu’à l’issue d’une demande de justification, demande qui ne peut porter que sur les avoirs figurant sur un compte non déclaré au cours des 10 années précédentes et dont l’origine et les modalités d’acquisition n’ont pas été justifiées.
Ceci étant exposé.
Vu les articles 378 et suivants du code de procédure civile ;
Il importe peu que le dispositif fiscal dont il est question ait été déclaré conforme à la Constitution, alors que l’objet des deux questions préjudicielles est de vérifier la conformité de ce dispositif au droit européen.
Par ailleurs, le fait que des décisions nationales aient jusqu’à présent conclu à la conformité de ces dispositions au droit européen est sans incidence sur la nature de la décision que prendra la CJUE saisie de ces questions préjudicielles.
Pour poser les deux questions préjudicielles susvisées, le tribunal judiciaire de Nanterre a relevé que le législateur, en instituant un délai de prescription dérogatoire d’une durée de dix ans, a décorrélé le point de départ de ce délai de la date d’acquisition des avoirs détenus à l’étranger et des années au titre desquelles l’imposition de ces sommes était normalement due, ce qui a pour conséquence de demander au contribuable de justifier de l’origine et des modalités d’acquisition desdits avoirs, y compris lorsqu’ils sont entrés dans son patrimoine plus de dix ans avant la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article L.23 C du livre des procédures fiscales, soit au cours d’une période prescrite et sans limitation de temps.
Or, dans ses dernières conclusions du fond du 4 juin 2024, M. [H] [P] demande au tribunal de poser une question préjudicielle portant notamment sur l’imprescriptibilité de ce dispositif fiscal.
Il est donc d’une bonne administration de la justice d’ordonner le sursis sollicité, l’arrêt attendu de la CJUE étant utile à la résolution du présent litige.
Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, susceptible d’appel dans les conditions de l’article 380 du code de procédure civile, publiquement et par mise à disposition au greffe,
Ordonne un sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne devant statuer sur les deux questions préjudicielles posées par le tribunal judiciaire de Nanterre dans son jugement du 10 janvier 2024 (affaire C-141/24) ;
Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état du 1er juillet 2025, 9h30, pour vérification des causes de ce sursis à statuer.
Faite et rendue à Paris le 15 Octobre 2024
La greffière Le juge de la mise en état