Tatouages : 6 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/05281

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Tatouages : 6 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/05281

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 06 JUIN 2023

BV

N° RG 19/05281 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LIGT

[G] [H]

c/

[D] [U] veuve [K] (décédée)

[T] [K]

[B] [K]

SA LA MEDICALE DE FRANCE

CPAM de la Gironde

[T] [K]

[B] [K]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 17/05637) suivant déclaration d’appel du 07 octobre 2019

APPELANTE :

[G] [H]

née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 14] (33)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître SUSPERREGUI substituant Maître Jean-christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[D] [U] veuve [K], prise en sa qualité d’ayant droit de Monsieur [S] [K]

née le [Date naissance 3] 1926 à [Localité 11], décédée le [Date décès 6] 2020

[T] [K] pris en sa qualité d’ayant droit de Monsieur [S] [K], son père, décédé

né le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 10] (33)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 9]

[B] [K] pris en sa qualité d’ayant droit de Monsieur [S] [K], son père, décédé

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 13] (33)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 8]

SA LA MEDICALE DE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 7]

représentés par Maître Cécile FROUTE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Olivier LECLERE de l’ASSOCIATION LECLERE & Associés, avocat plaidant au barreau de PARIS

CPAM DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 16]

représentée par Maître DELBERGUE susbtituant Maître Max BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTS :

[T] [K], agissant en qualité d’ayant droit de son père [S] [K], décédé, et en qualité d’ayant droit de sa mère [D] [U] épouse [K], décédée le [Date décès 6] 2020

né le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 10] (33)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 9]

[B] [K], agissant en qualité d’ayant droit de son père [S] [K], décédé, et en qualité d’ayant droit de sa mère [D] [U] épouse [K], décédée le [Date décès 6] 2020

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 13] (33)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 8]

représentés par Maître Cécile FROUTE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Olivier LECLERE de l’ASSOCIATION LECLERE & Associés, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été examinée le 02 mai 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

M. Roland POTEE, Président

Mme Bérengère VALLEE, Conseiller

M. Emmanuel BREARD, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE

Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Mme [G] [H] a consulté le docteur [S] [K], médecin phlébologue, pour des soins de traitement des varices par sclérose, à compter du 2 février 1982 et a subi au sein de son cabinet médical sept séances de sclérothérapie des membres inférieurs jusqu’au 27 janvier 1983.

Informée par les médias au cours de l’année 2005 d’un risque de contamination à l’hépatite C dans le secteur de [Localité 10], Mme [H] s’est soumise à un examen de dépistage, qui a révélé une sérologie positive à l’hépatite C le 9 février 2005, les transaminases étant normales mais l’ARN positif. La recherche du génotype viral a permis l’identification d’un virus de génotype de type 2 le 4 mars 2005.

En raison d’une intervention du canal carpien programmée à la fin du mois de mars 2005, le traitement par bithérapie Interferon Ribavirine a débuté fin avril 2005, pour une durée de 6 mois. Il a été mal supporté par Mme [H], qui a été placée en arrêt de travail. L’ARN du virus C était négatif au mois d’avril 2006, résultat confirmé par une nouvelle recherche réalisée le 30 octobre 2008.

Imputant sa contamination par le virus de l’hépatite C aux soins de sclérose de varices pratiquées par le docteur [K], Mme [H] a saisi en référé le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de désignation d’un expert médical.

Par ordonnance du 20 septembre 2008, le juge des référés a désigné le docteur [W] [Y] en qualité d’expert, lequel a établi son rapport le 2 mars 2009.

Le 17 avril 2009, M. [S] [K] est décédé.

Le 6 juillet 2011, une ordonnance de non-lieu a été rendue dans le cadre de l’information judiciaire ouverte à l’encontre des époux [K], les magistrats instructeurs ayant constaté, outre l’extinction de l’action publique à l’égard du Dr [K], que l’information n’avait pas permis de caractériser la preuve de fautes d’asepsie et d’hygiène de la part des mis en examen et que le lien de causalité entre les éventuelles fautes et la contamination de leurs patients par le virus de l’hépatite C n’était pas établi.

Par actes d’huissier des 7 et 9 juin 2017, Mme [G] [H] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux Mme [D] [U] veuve [K], MM. [T] et [B] [K] et la SA La Médicale de France, en présence de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Gironde, sur le fondement de l’article 1147 du code civil, aux fins de voir constater le lien de causalité entre les actes médicaux pratiqués par le docteur [S] [K] et sa contamination par le virus de l’hépatite C et d’obtenir la réparation de ses préjudices.

Par jugement du 11 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

– dit que le lien de causalité entre les actes de sclérose de varices pratiqués par le docteur [S] [K] et la contamination de Mme [G] [H] par le virus de l’hépatite C n’est pas établi,

– débouté Mme [G] [H] de l’ensemble de ses demandes présentées à l’encontre de Mme [D] [U] veuve [K], M. [T] [K] et M. [B] [K] en leur qualité d’ayants droit du docteur [S] [K] et à l’encontre de la SA La Médicale de France,

– débouté la CPAM de la Gironde de l’ensemble de ses demandes,

– condamné Mme [G] [H] à payer à Mme [D] [U] veuve [K], M. [T] [K] et M. [B] [K] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du jugement,

– condamné Mme [G] [H] aux entiers dépens en ce compris les frais de référé et d’expertise, dont distraction au profit de maître Cécile Froute, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Mme [G] [H] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 7 octobre 2019.

Mme [D] [U] veuve [K] est décédée le [Date décès 6] 2020.

Par conclusions déposées le 14 avril 2023, Mme [G] [H] demande à la cour de :

– réformer le jugement entrepris dans l’ensemble de ses dispositions,

– la juger recevable et bien fondée en ses demandes,

– juger qu’il existe un lien de causalité entre les séances de sclérose de varices litigieuses pratiquées par le Dr [K] sur la personne de Mme [G] [H] et la contamination de ce dernier par le virus de l’hépatite C,

– condamner in solidum Messieurs [T] et [B] [K] es qualité d’ayants droit de leurs défunts père et mère, sous garantie de la MEDICALE DE FRANCE à réparer l’intégralité des préjudices subis par Mme [G] [H] du fait de sa contamination par le virus de l’hépatite C,

– condamner en conséquence in solidum Messieurs [T] et [B]

[K], sous garantie de la MEDICALE DE FRANCE à verser à Mme [H] :

– au titre des pertes de gains professionnels actuels : MEMOIRE

– au titre du déficit fonctionnel temporaire : 3.240 euros

– au titre des souffrances endurées : 8.000 euros

– au titre du préjudice esthétique temporaire : 5.000 euros

– au titre du déficit fonctionnel permanent : 7.000 euros

– au titre du préjudice spécifique de contamination : 18.000 euros

– juger que ces sommes porteront intérêts de droit y afférant à compter de l’assignation,

– juger que l’arrêt à intervenir sera commun à l’organisme social, et opposable à la MEDICALE DE FRANCE, juger que la liquidation de l’éventuelle créance de l’organisme social interviendra poste par poste conformément aux dispositions de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006,

– débouter toute partie de toutes demandes contraires,

– condamner in solidum Mr [T] [K] et Mr [B] [K], sous garantie de la MEDICALE DE FRANCE, à verser à Mme [G] [H] une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Le 17 mars 2021, MM. [B] et [T] [K], ès qualités d’héritiers de Mme [D] [U] veuve [K] et de M. [S] [K], sont intervenus volontairement à l’instance aux côtés de la SA La Médicale de France et, par conclusions déposées le 22 mars 2021, ils demandent à la cour de :

– recevoir les concluants en les présentes écritures et les y déclarer bien fondés,

I. SUR LA RESPONSABILITÉ

– juger que le lien de causalité entre les scléroses de varices pratiquées par le Docteur

[S] [K] et la contamination de Mme [H] par le virus de l’hépatite C fait défaut,

– en conséquence, confirmer le jugement entrepris et débouter Mme [H] et la CPAM de la GIRONDE de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner l’appelante à verser aux concluants la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens qui seront directement recouvrés par Maître Cécile FROUTE, Avocat à la Cour, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

II. A DEFAUT, SUR LE PREJUDICE

– indemniser comme suit les préjudices de Mme [H] :

* DFTP 50% puis 10% x 600 € pendant 12 mois = 2 160 €

* Souffrances endurées : 2 500 €

– la débouter de ses autres demandes,

– donner acte aux concluants de ce qu’ils ne contestent pas la créance passée de la CPAM et juger que les frais futurs seront réglés au fur et à mesure et sur justificatifs.

Par conclusions déposées le 5 mai 2021, la CPAM de la Gironde demande à la cour de :

– juger la CPAM de la Gironde recevable et bien fondée en son appel,

En conséquence,

– réformer le jugement déféré rendu le 11 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux,

Et statuant de nouveau,

– débouter Messieurs [T] et [B] [K], en leur qualité d’ayants droit tant du Docteur [S] [K] que de Mme [D] [U] veuve [K] (décédée en cours d’instance), ainsi que la SA LA MEDICALE de l’ensemble de leurs contestations, fins et prétentions,

– condamner in solidum Messieurs [T] et [B] [K], en leur qualité d’ayants droit tant du Docteur [S] [K] que de Mme [D] [U] veuve [K] (décédée en cours d’instance), ainsi que la SA LA MEDICALE, à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Gironde, la somme de 7.256,83 € au titre des prestations versées pour le compte de son assurée sociale,

– condamner in solidum Messieurs [T] et [B] [K], en leur qualité d’ayants droit tant du Docteur [S] [K] que de Mme [D] [U] veuve [K] (décédée en cours d’instance), ainsi que la SA LA MEDICALE, à rembourser à la CPAM de la Gironde la somme de 1.290,03 € au titre des frais futurs occasionnels réalisés,

– condamner in solidum Messieurs [T] et [B] [K], en leur qualité d’ayants droit tant du Docteur [S] [K] que de Mme [D] [U] veuve [K] (décédée en cours d’instance), ainsi que la SA LA MEDICALE, à payer à la CPAM de la Gironde, la somme de 1.098 € au titre de l’indemnité forfaitaire, en application des articles 9 et 10 de l’ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996,

– dire que ces sommes seront assorties des intérêts de retard au taux légal à compter de la décision à intervenir, et ce en application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil,

– dire qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– condamner in solidum Messieurs [T] et [B] [K], en leur qualité d’ayants droit tant du Docteur [S] [K] que de Mme [D] [U] veuve [K] (décédée en cours d’instance), ainsi que la SA LA MEDICALE, à payer à la CPAM de la Gironde, la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Bardet & Associés sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 2 mai 2023.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 18 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’intervention volontaire de MM. [T] et [B] [K]

Cette intervention des héritiers de Mme [R] [K] sera déclarée recevable.

Sur la responsabilité du Dr [S] [K]

Il n’est pas contesté que Mme [H] a subi sept séances de sclérothérapie pratiquées par le docteur [S] [K] à son cabinet entre le 2 février 1982 et le 27 janvier 1983.

La contamination d’un patient par le virus de l’hépatite C consécutive à des soins prodigués dans un cabinet médical constitue, si elle est avérée, une infection nosocomiale définie comme celle apparaissant au cours ou à la suite de soins alors qu’il en était exempt antérieurement.

Le droit en vigueur à la date des soins subis par Mme [H], antérieur à la loi du 4 mars 2002, mettait à la charge du médecin, quel que soit le lieu où ces soins étaient prodigués, cabinet de ville ou établissement de soins, une obligation de sécurité de résultat, reposant sur le fait que le devoir d’asepsie constitue une obligation fondamentale du médecin dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère conformément aux dispositions de l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige, antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.

Il appartient ainsi au patient de rapporter la preuve, non de la faute du médecin, mais du lien de causalité entre l’infection et les soins prodigués, la seule preuve du dommage étant insuffisante et le lien de causalité entre les soins et l’infection n’étant pas présumé. Cependant, la preuve du lien de causalité peut être rapportée par tous moyens et spécialement par des présomptions graves, précises et concordantes.

En application de ce qui précède, il revient à Mme [H] de démontrer que sa contamination par le virus de l’hépatite C a pour origine les soins pratiqués par le docteur [S] [K] dont ni la réalité, ni la nature, ni la date ne sont contestées.

Mme [H] invoque les éléments suivants pour caractériser lesdites présomptions:

– l’absence de facteurs de risque au regard de son état antérieur

– l’existence d’un génotype commun aux patients du docteur [K]

– la concomitance de ses séances de sclérothérapie avec d’autres patientes du docteur [K] contaminées par le VHC de génotype identique

– les conditions d’asepsie déplorables lors des séances de sclérothérapie.

Le tribunal a admis la première présomption et écarté les trois autres pour exclure la responsabilité du docteur [K].

L’appelante estime que le tribunal a admis à juste titre la première présomption au regard de son état antérieur mais critique le rejet des autres présomptions. Elle fait valoir que la seule identification du génotype 2 suffit à constituer une présomption de contamination au cabinet du docteur [K] dès lors qu’il n’existe aucune autre source de contamination possible, peu important le défaut de connaissance du sous-génotype. Elle se prévaut également de la concomitance de deux de ses séances de sclérothérapie avec celles de deux patientes, certes non séquencées par le professeur [V] mais présentant un sous-génotype commun entre elles et pour lesquelles le tribunal de grande instance de Bordeaux a reconnu le lien de causalité entre la contamination au virus VHC et les soins pratiqués par le docteur [K]. Enfin, elle invoque les conditions d’asepsie déplorables lors des séances de sclérose de varices au cabinet du docteur [K] constatées par nombre de ses patientes.

Les intimés demandent la confirmation du jugement tout en critiquant l’admission, par le tribunal, de la présomption relative à l’absence de facteurs de risque.

1.Sur les facteurs de risque

Il ressort du rapport d’expertise du docteur [Y] que Mme [H] présente les antécédents médico-chirurgicaux suivants :

– une appendicectomie en 1970 dans une clinique privée dans la Creuse avec un début de péritonite

– un accouchement en 1973 à l’hôpital [15] à [Localité 10] avec épisiotomie, sans complication

– une fracture de la clavicule vers l’âge de 17-18 ans avec pose d’une broche puis ablation d’ostéosynthèse secondaire

– une ablation de polypes utérins par voie basse à la clinique [12] à [Localité 10] en 2000 (date non certaine)

– une intervention sur un lipome du sein gauche le 11 mars 2002 à la clinique [S] Villar

– une intervention sur un canal carpien en avril 2005 à la clinique [S] Villar

– un syndrome dépressif évoluant depuis 2003

– une extraction de deux dents

– elle n’a pas subi de soin de mésothérapie, de pédicure, de manucure

– elle n’a ni tatouage ni piercing

– elle dit ne pas avoir eu de pratique de toxicomanie

– elle dit ne jamais avoir été transfusée

– elle a donné son sang au moins à deux reprises dans les années 1970

– elle a effectué des voyages au Canada en 1988 et en Tunisie 15 ans auparavant et en Espagne

– elle a eu des soins d’acupuncture en 2003 et 2004.

Au regard de cet historique, l’expert estime que Mme [H] n’a pas d’antécédent la prédisposant à être contaminée par le virus de l’hépatite C. Il précise que les interventions qu’elle a subies ‘ne sont pas classiquement des interventions à risque car en principe peu ou pas hémorragiques’ et que les séances d’acupuncture effectuées en 2003 et 2004 l’ont été par des seringues et des aiguilles à usage unique. Il conclut que ‘les antécédents de Mme [H] permettent probablement d’exclure la majorité des facteurs de risque les plus fréquemment retrouvés dans la recherche d’une infection par le VHC en particulier la transfusion sanguine ou l’injection de drogues par voie intraveineuse.’

C’est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont retenu cette première présomption liée à l’absence de facteurs de risque prédisposant Mme [H] à la contamination au virus du VHC.

2. Sur le génotype commun

Une recherche du génotypage du virus de l’hépatite C dont était atteinte Mme [H] a été réalisée en mars 2005 et a révélé qu’elle présentait un génotype de type 2.

Mme [H] n’a toutefois pas pu faire l’objet du séquençage réalisé par le professeur [V] dans la mesure où le virus avait été éradiqué lorsque la demande en justice a été formée.

En l’absence de séquençage, le sous-type viral n’a donc pas pu être déterminé.

Il ressort du rapport d’expertise judiciaire que :

– des études scientifiques (notamment l’étude épidémiologique du CHU de [Localité 10]) ont mis en évidence l’existence dans la région bordelaise de nombreux cas d’infection par le virus de l’hépatite C chez des patients ayant été traités par sclérose pour des varices des membres inférieurs, avec une forte proportion de virus de génotype 2 qui n’est généralement pas celui retrouvé dans la population générale.

– l’étude sur les facteurs de risque de l’hépatite C du génotype 2, conduite de 1998 à 2002 par une équipe bordelaise a révélé que ‘les principaux facteurs de risque étaient dans 36% des cas la transfusion, dans 29% une sclérothérapie dont 20,8% une sclérothérapie par le même clinicien à savoir le docteur [K]’.

– à la suite de cette étude, 196 patients traités par ce même clinicien ont été recrutés, dont 48 de génotype 2, sélectionnés au hasard, ont bénéficié du séquençage direct du virus sur une région hyper-variable dite NS5b habituellement utilisée pour déterminer une source commune de contamination. Les 48 séquences ont été comparées à 17 séquences, toutes de génotype 2, d’autres patients non suivis par le docteur [K] : l’homologie de séquence chez ces 48 patients a été statistiquement significative pour indiquer une source de contamination commune.

Si les parties s’opposent sur le crédit à apporter à ces études scientifiques ainsi que sur les conclusions qu’il convient d’en tirer sur une potentielle source commune de contamination, à savoir les séances de sclérothérapie pratiquées par le docteur [K], il reste que la seule identification du génotype 2 chez Mme [H], sans précision du sous-génotype, est insuffisante à constituer une présomption grave en faveur d’une source commune de contamination dans la clientèle du docteur [K].

Le jugement qui a écarté cette présomption mérite ainsi confirmation.

3. Sur la concomitance des séances de sclérothérapie avec d’autres patientes du docteur [K] contaminées par le VHC de génotype identique

Il a été établi scientifiquement que la durée de vie du virus VHC est de plus de 16 heures et de moins de 4 jours.

La fiche de consultation de phlébologie de Mme [H] tenue par le docteur [K] permet de déterminer qu’elle a subi 7 séances de sclérose de varices aux dates suivantes : 2 février 1982, 9 février 1982, 16 février 1982, 2 mars 1982, 9 décembre 1982, 17 décembre 1982 et 27 janvier 1983.

Le tableau actualisé en février 2023 produit par l’appelante et recoupant, à partir des dossiers médicaux tenus par le docteur [K], les dates de rendez-vous des patientes de ce dernier, révèle que Mme [H] a été traitée le même jour que deux autres patientes du docteur [K] : Mme [O] et Mme [E], ces dernières n’ayant toutefois pas été séquencées par le professeur [V].

Si l’appelante fait valoir que l’imputabilité de la contamination de Mmes [O] et [E] aux séances de sclérothérapie pratiquées par le docteur [K] a été reconnue par le tribunal de grande instance de Bordeaux dans ses jugements des 11 septembre et 27 novembre 2019, il sera observé que ces décisions, frappées d’appel, ne sont pas définitives. En outre, à supposer que le lien de causalité entre les actes de sclérose de varices effectués par le docteur [K] et la contamination de ces patientes soit confirmé en appel, il reste que la seule concomitance de deux uniques séances avec celles subies par des patientes au demeurant non séquencées par le professeur [V] alors que Mme [H] n’a pas non plus été séquencée, est insuffisante à caractériser une présomption grave de contamination croisée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a écarté cette présomption.

4. Sur les conditions d’asepsie

Sur ce point, le tribunal doit être approuvé lorsqu’il considère que faute pour Mme [H] d’avoir constaté des usages contestables en matière d’hygiène et d’asepsie dans la pratique professionnelle du docteur [K], aucune présomption de contamination ne peut être tirée des seuls manquements constatés par d’autres patientes à l’occasion de leur propre sclérothérapie.

Il sera en effet rappelé qu’interrogée par l’expert sur les conditions de réalisation des actes, Mme [H] a indiqué ne pas se rappeler de la présence ou non d’un drap d’examen, ni de problèmes particuliers survenus pendant les séances de sclérose et ne signale pas que les soins étaient prodigués dans des conditions d’hygiène insuffisante.

Au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, malgré l’absence de facteurs de risque au niveau de son état médical antérieur, Mme [H] ne rapporte pas la preuve de présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir le lien de causalité direct et certain entre sa contamination par le virus de l’hépatite C et les séances de sclérose de varices pratiquées par le docteur [S] [K].

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté Mme [H] de l’ensemble de ses demandes.

La responsabilité du docteur [K] n’étant pas retenue et Mme [H] étant déboutée de ses demandes, la CPAM de la Gironde n’est pas fondée à solliciter le remboursement des prestations versées pour le compte de son assurée sociale. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la CPAM de l’intégralité de ses demandes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens d’appel seront mis à la charge de l’appelante qui sera condamnée à payer à la compagnie La Médicale de France, M. [B] [K] et M. [T] [K], ès qualités d’héritiers de M. [S] [K], ensemble, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare recevable l’intervention volontaire de MM.[T] et [B] [K] ès qualités d’héritiers de M. [S] [K] et Mme [R] [D] [K],

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Condamne Mme [H] à payer à la compagnie La Médicale de France, M. [B] [K] et M. [T] [K], ès qualités d’héritiers de M. [S] [K] et Mme [R] [D] [K], ensemble, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [H] aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Cécile Frouté, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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