Tatouages : 30 septembre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-14.329

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Tatouages : 30 septembre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-14.329

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Rejet non spécialement motivé

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10719 F

Pourvoi n° T 19-14.329

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

La Société niçoise d’exploitations balnéaires, société anonyme, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° T 19-14.329 contre l’arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l’opposant à Mme C… U…, domiciliée […] , défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Société niçoise d’exploitations balnéaires, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme U…, après débats en l’audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société niçoise d’exploitations balnéaires aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société niçoise d’exploitations balnéaires et la condamne à payer à Mme U… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la Société niçoise d’exploitations balnéaires

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la SNEB à verser à Mme U… les sommes de 5 000 euros au titre d’une discrimination syndicale, 2 500 euros au titre du harcèlement moral, 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et d’AVOIR condamné l’employeur aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la discrimination syndicale Selon l’article L.1134-1 du code du travail en sa rédaction alors applicable il appartient au salarié de présenter des faits laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale, à charge pour l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs étrangers à toute discrimination, propres à justifier les comportements qui lui sont imputés.
MME U… était déléguée syndicale CFTC, membre du CHSCT en 2005 et 2006, déléguée du personnel titulaire entre 2004 et 2009, membre suppléante du CE entre 2005 et 2009, représentante du personnel au comité de groupe Lucien Barrière en 2009.
Toujours salariée de la Société niçoise d’exploitations balnéaires MME U… est secrétaire du C.E depuis 2013.
MME U… invoque :
-l’existence de deux procédures disciplinaires et d’une procédure de licenciement annulée par l’inspection du travail entre 2009 et 2011,
– une demande de retrait, en 2009, d’un piercing qu’elle portait depuis son embauche,
– le passage, en juin 2010, d’un horaire exclusivement de nuit à un horaire de jour,
– l’absence de convocation à une réunion du comité d’entreprise au mois de novembre 2010 et à la réunion de négociation annuelle du 18 décembre 2010,
– la suppression de ses vacations « coffre » à partir d’avril 2010,
– la perception d’une rémunération très inférieure à celle de ses collègues de travail à diplôme et ancienneté équivalents,
– des réflexions déplacées et des brimades de la part de ses supérieurs hiérarchiques.
Hormis les deux derniers d’entre eux, ces faits sont établis en leur matérialité. Pris en leur ensemble, ils laissent présumer l’existence d’une discrimination syndicale. Il incombe dès lors à l’employeur de démontrer qu’ils ont une explication objective étrangère à toute discrimination.
-les procédures disciplinaires des 23 juillet 2009 et 21 septembre 2011 :

D’autres salariés du casino ont été sanctionnés pour des erreurs de caisse moindres ; ces procédures n’apparaissent donc pas devoir être tenues pour la manifestation d’une volonté discriminante de l’employeur dès lors qu’elles étaient habituellement pratiquées au sein de l’entreprise.
-la procédure de licenciement engagée le 10 octobre 2010 :
MME U… a été licenciée pour faute grave pour avoir pénétré à plusieurs reprises dans la salle de vidéo-surveillance du casino.

Les pièces produites par la société Niçoise d’exploitations balnéaires établissent que MME U…, qui ne conteste pas s’être rendue à plusieurs reprises dans le local vidéo, ne faisait pas partie des salariés habilités à y accéder et ainsi, n’a pas respecté les règles internes permettant à un salarié non autorisé d’y pénétrer.
L’employeur est fondé à soutenir que la procédure de licenciement a une cause objective : le non-respect de règles internes restreignant l’accès à la salle de vidéo surveillance.
Même si ces restrictions, à l’égard des représentants du personnel, ont pu être considérées comme irrégulières par l’inspection du travail, il n’est pas établi que le licenciement de MME U… procède d’une volonté discriminatoire.
– l’absence de convocation à une réunion du comité d’entreprise au mois de novembre 2010 et à la réunion de négociation annuelle du 18 décembre 2010 :
La société Niçoise d’exploitations balnéaires verse aux débats des messages électroniques établissant que les convocations litigieuses ont été mises comme d’habitude dans la boîte aux lettres du syndicat de MME U….
MME U… se trouvait alors en période de mise à pied à titre conservatoire mais cette interdiction n’impliquait pas, ainsi que le soutient l’employeur, une interdiction d’accès à la boîte aux lettres syndicale et ne saurait caractériser un fait de discrimination.
-La demande de retrait, en 2009, d’un piercing que MME U… portait depuis son embauche est justifiée quant à elle par le nouveau règlement intérieur de l’établissement, daté du 1er octobre 2008, interdisant le port par le personnel de piercings et tatouages apparents. Quand bien même l’interdiction a pu être supprimée en 2010 à la demande de l’inspection du travail, elle ne constitue pas un fait de discrimination.
-la décision de l’employeur de faire passer la salariée, en juin 2010, d’un horaire exclusivement de nuit à un horaire de jour :
La société Niçoise d’exploitations balnéaires soutient que l’alternance des cycles de travail est préconisée par la médecine du travail dans l’intérêt et la santé des salariés qui la réclame, qu’elle s’est toujours conformée à cette préconisation, qu’elle n’a jamais imposé cette modification d’horaires laquelle n’a pas d’influence sur sa rémunération. Elle produit des fiches de visite de la médecine du travail préconisant des cycles identiques de 3 à 4 semaines, datées de 2011, 2012, les plannings montrant l’alternance des cycles.

Aucune modification de son contrat ou de ses conditions de travail ne peut être imposée à un salarié protégé sauf à caractériser, le cas échéant, la discrimination syndicale.
MME U… qui effectuait, initialement, des horaires de jour et de nuit en alternance, et qui est passée, à une date non précisée, à des horaires exclusivement nocturnes, a été affectée à des horaires de jour à compter du mois de juin 2010. Elle n’a pas accepté cette modification. Dès le 17 avril 2010 elle faisait connaître par courrier son opposition.
Or, le changement des horaires de travail de MME U… contre son gré fait présumer une discrimination syndicale. Étant salariée protégée l’employeur devait soit poursuivre le contrat aux conditions antérieures soit engager une procédure de licenciement.
Les préconisations anciennes de la médecine du travail ne peuvent constituer une explication objective à la décision de l’employeur laquelle est discriminatoire.
Le manquement ainsi constaté de l’employeur ouvre droit à indemnisation du préjudice moral occasionné qui sera intégralement réparé par l’allocation de dommages-intérêts à concurrence de la somme de 5.000 euros à laquelle il convient de condamner la SNEB par voie d’infirmation du jugement déféré.
(
)
Sur les dépens et les frais non-répétibles :
La Société niçoise d’exploitations balnéaires, qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et sera condamnée à payer à MME U… une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 1.500 euros ; la Société niçoise d’exploitations balnéaires doit être déboutée de cette même demande » ;

1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simples affirmations sans préciser l’origine de leurs constatations ; qu’en affirmant péremptoirement que la salariée « a été affectée à des horaires de jour à compter du mois de juin 2010 » sans préciser d’où elle tirait la mise en oeuvre d’une telle modification, fermement contestée par l’employeur, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus d’examiner l’ensemble des éléments de preuve soumis à leur examen par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, pour établir qu’aucun changement d’horaire n’avait été effectué sans l’accord de Mme U…, la SNEB produisait aux débats plusieurs éléments de preuve parmi lesquels un courriel de la salariée du 29 mai 2010 aux termes duquel cette dernière indiquait expressément que « M. A… (
) était au courant de ma volonté de travail qu’en nuit depuis plusieurs mois (
). Il était le seul au courant » et que « par la présente (
) je désire reprendre un mois de jours, un mois de nuit » ; qu’en jugeant que l’employeur avait unilatéralement imposé un changement des horaires de la salariée, sans avoir pris la peine d’examiner ni même de viser, serait-ce sommairement ce courriel, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE lorsque le salarié présente des faits laissant présumer l’existence d’une discrimination, l’employeur peut apporter la preuve que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu’en l’espèce, il résulte des constatations de l’arrêt que la SNEB avait décidé d’un changement des horaires de travail de la salariée en 2010 afin qu’elle puisse éviter de croiser son ex-compagnon, également salarié de l’entreprise, dont elle venait d’informer son employeur qu’il la harcelait ; que néanmoins, pour conclure à l’existence d’une discrimination syndicale, la cour d’appel s’est bornée à relever que l’employeur avait imposé à la salariée un changement de ses horaires de travail en 2010 ; qu’en statuant de la sorte, sans expliquer en quoi le harcèlement moral dont se plaignait la salariée, n’était pas de nature à justifier objectivement le changement litigieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 du code du travail ;

4°) ALORS QUE la discrimination syndicale suppose qu’un salarié subisse un traitement défavorable ou un désavantage à raison de son activité syndicale ; qu’en l’espèce, pour conclure à l’existence d’une discrimination syndicale et allouer des dommages et intérêts à ce titre à la salariée, la cour d’appel s’est bornée à relever que la SNEB avait décidé en juin 2010 de changer les horaires de travail de la salariée ; qu’en statuant de la sorte sans à aucun moment caractériser un quelconque lien entre le prétendu changement des horaires de travail de la salariée et son activité syndicale, antérieure de plusieurs années à la mesure litigieuse, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du Code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la SNEB à verser à Mme U… les sommes de 5 000 euros au titre d’une discrimination syndicale, 2 500 euros au titre du harcèlement moral, 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et d’AVOIR condamné l’employeur aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le harcèlement moral
Le juge est tenu de rechercher si les éléments de faits portés à sa connaissance, qui peuvent être identiques à ceux caractérisant la discrimination syndicale, permettent, pris dans leur ensemble, de présumer l’existence d’un harcèlement moral ;

En application des articles L.1152-1 et L. 1154-1 du code du travail il convient d’examiner si les faits reprochés à l’employeur, pris dans leur ensemble, n’étaient pas de nature à faire présumer un harcèlement moral.
MME U… soutient avoir été victime de harcèlement moral et de harcèlement sexuel ensemble de la part de R…, responsable de la sécurité du casino Ruhl, avec lequel elle a entretenu une relation sentimentale pendant quatre ans. Elle verse aux débats 2 attestations de salariés (M. D…, M. A…) évoquant des comportements harcelants de R… et un constat d’huissier dressé par la SCP Zonino Encoli le 31 janvier 2014 transcrivant des messages à caractère sexuel reçus sur son téléphone portable les 5 et 10 novembre 2009. Elle verse le listing des postes de téléphone des salariés du casino mentionnant le numéro 06 64 41 62 53, comme étant celui de R… depuis lequel ont été adressés les messages litigieux.
Elle produit un certificat rédigé le 11 juin 2014 par H… S…, psychiatre à Nice, indiquant suivre l’intéressée depuis le 11 décembre 2006 jusqu’au 6 novembre 2012 pour un état anxio-dépressif sévère réactionnel à une situation conflictuelle au travail.
Elle verse des ordonnances délivrées par ce praticien le 11 décembre 2006 le 18 septembre 2012 le 27 octobre 2010 contenant des prescriptions d’anxiolytiques et antidépresseurs.
Elle fournit le compte rendu circonstancié de l’entretien préalable au licenciement rédigé le 27 octobre 2010 par M. O… duquel il ressort qu’elle a signalé lors de cet entretien être victime de harcèlement moral et sexuel de la part de R… depuis deux ans.
Les attestations de M. D… et M. A… ne comportent aucune précision sur les comportements harcelants prêtés à R… et les propos qu’il aurait tenus à MME U… sur leur lieu de travail.
Par contre les messages contenus dans le constat d’huissier à caractère sexuel entrent dans la définition du harcèlement sexuel prévue par l’article L 11 53-1 du code du travail dès lors qu’il s’agit de propos à connotation sexuelle répétés qui portent atteinte à la dignité de MME U… en raison de leur caractère dégradant, et que ces propos ont été tenus à l’occasion de travail et sur le lieu de travail.
Outre la discrimination ci-dessus caractérisée MME U… établit en conséquence des faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement sexuel et moral.
La société Niçoise d’exploitations balnéaires ne démontre pas avoir réagi à la dénonciation de ces faits par MME U… en 2010 en prenant d’autres décisions qu’un changement de son horaire nocturne afin qu’elle puisse éviter de croiser R… sur son lieu de travail.
Or, cette mesure est reconnue par la cour comme étant discriminatoire.
L’employeur ne démontre donc pas que les faits dénoncés ont une explication objective étrangère à tout harcèlement.

Se trouvent donc établis des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet pour effet une dégradation des conditions de travail de MME U… susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité d’altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.
MME U… sollicite une unique indemnité en réparation du préjudice découlant du harcèlement tant moral que sexuel.
En conséquence et au vu des justificatifs produits la cour condamnera la Société niçoise d’exploitations balnéaires à payer à MME U… une somme de 2500 euros à titre de dommages-intérêts par voie d’infirmation du jugement déféré.
Sur les dépens et les frais non-répétibles :
La Société niçoise d’exploitations balnéaires, qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et sera condamnée à payer à MME U… une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 1.500 euros ; la Société niçoise d’exploitations balnéaires doit être déboutée de cette même demande » ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen, relatif à la prétendue discrimination syndicale entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif ayant condamné la SNEB à verser à la salariée une somme à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent statuer par voie de simples affirmations sans préciser l’origine de leurs constatations ; qu’en affirmant péremptoirement que les propos « à caractère sexuel » adressés à Mme U… par son ex-conjoint, M. R…, avaient été tenus à l’occasion du travail et sur le lieu du travail, sans préciser de quel(s) élément(s) de preuve elle déduisait les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles les propos litigieux avaient été tenus, alors que l’employeur soulignait qu’ils relevaient de leur vie privée, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux moyens des parties ; qu’en l’espèce, la SNEB faisait valoir qu’il ne pouvait aucunement être tiré des SMS produits aux débats par la salariée la conclusion que Mme U… avait été victime de harcèlement dans la mesure où la salariée s’était volontairement abstenue de produire les réponses qu’elle avait pu formuler à M. R… ; qu’en jugeant que Mme U… avait été victime de harcèlement, sans répondre à ce moyen péremptoire de l’employeur, la cour d’appel a derechef violé l’article 455 du code de procédure civile.

 


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