Tatouages : 30 juin 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00501

·

·

Tatouages : 30 juin 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00501

N° RG 21/00501 – N° Portalis DBVM-V-B7F-KXDR

C8

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

Me Jean EISLER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 30 JUIN 2022

Appel d’un jugement (N° RG 2020J63)

rendu par le Tribunal de Commerce de VIENNE

en date du 10 décembre 2020

suivant déclaration d’appel du 26 janvier 2021

APPELANT :

M. [O] [N]

20 Avenue Camille Rocher

38260 LA COTE SAINT ANDRE

représenté par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me GASTE de la SCP LADOUX GASTE, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU

INTIMÉE :

S.C.I. DU CHUZEAU au capital de 380 000 euros, immatriculée sous le numéro 478 587 108 au RCS de GRENOBLE, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

50 rue Lesdiguières

38000 grenoble

représentée par Me Jean EISLER, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Sarah DJABLI, Greffier placé.

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Mai 2022

Mme FIGUET, Présidente, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et Me GASTE en sa plaidoirie,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte notarié du 25 novembre 2016, la SCI DU CHUZEAU a consenti à Monsieur [O] [N] un bail commercial d’une durée de 9 ans portant sur une ancienne église avec terrain attenant cadastrée AO 129 sur la commune de la Côte St André, lieu-dit le CHUZEAU, moyennant un loyer annuel de 9.600 €, local destiné à l’exploitation d’une activité de tatoueur, vente de vêtements, galerie d’art et évènementiel occasionnel lié à l’activité.

Il était stipulé en page 10 de l’acte, au paragraphe ‘CONDITION PARTICULIERE’ que :

1/ Le PRENEUR indique que Ie coût de remplacement des vitraux cassés par des matériaux de composites est évalué approximativement a 3 200 €. Il est convenu entre les parties, à titre de condition essentielle et déterminante, sans laquelle elles n’auraient pas contracté, que le bailleur prenne en charge la moitié des frais relatifs au remplacement de ces vitraux, soit la somme de l 600 € TTC. Cette somme sera versée par le bailleur au profit du preneur sur première demande de sa part et sur présentation d’une facture acquittée.

2/ Le BAILLEUR s ‘engage à installer à ses frais exclusifs l ‘amenée d’eau à l’intérieur de l’église et ce au plus tard le 1er mars 2017.

Par courrier recommandé du 23 juillet 2019 adressé à la SCI DU CHUZEAU, le conseil de Monsieur [N] a indiqué que la fourniture en eau et la réparation de la moitié des vitraux n’ont pas été réalisées et a proposé le rachat de l’église moyennant le prix de 70.000 € compte-tenu de la nature du bien, des conditions dans lesquelles il se trouve et des travaux à effectuer.

Par acte du 16 octobre 2019, Monsieur [O] [N] a assigné la SCI DU CHUZEAU devant le tribunal de commerce de Vienne en vue de la réalisation des travaux et de l’indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal de commerce de Vienne a :

– débouté Monsieur [O] [N] de l’intégralité de ses demandes,

– constaté la résiliation du bail commercial à la date du 28 avril 2018,

– invité la SCI DU CHUZEAU à porter sa demande de prononcé d’expulsion devant le président du tribunal judiciaire compétent, statuant en référé,

– condamné Monsieur [O] [N] à payer à la SCI DU CHUZEAU:

* la somme de 11 900 € au titre des loyers impayés durant la période du 1er mars 2017 au 30 avril 2018,

* la somme de 22 100 € au titre des indemnités d’occupation dues pour la période du 1er mai 2018 au 30 juin 2020,

* des indemnités d’occupation, sur une base mensuelle de 850 €, pour la période comprise entre le 1er juillet 2020 et son départ définitif et effectif,

– débouté la SCI DU CHUZEAU de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamné Monsieur [O] [N] à payer à la SCI DU CHUZEAU la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement à hauteur de la somme de 11.900 €, nonobstant appel et sans caution,

– rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,

– condamné Monsieur [O] [N] aux dépens.

Par déclaration du 26 janvier 2021, Monsieur [O] [N] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la SCI DU CHUZEAU de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par conclusions déposées le 26 avril 2021, Monsieur [O] [N] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Vienne le 10 décembre 2020,

– dire et juger que la SCI DU CHUZEAU n’a pas rempli ses obligations contractuelles relatives d’une part au branchement en eau tel que défini par le contrat de bail, et d’autre part l’exécution des travaux d’importance permettant la reprise de vitraux,

– déclarer la SCI DU CHUZEAU responsable de l’impossibilité pour monsieur [N] d’exercer son activité professionnelle, en raison de l’absence de fourniture et de moyens nécessaires à l’exécution de celle-ci,

– condamner la SCI DU CHUZEAU :

* à exécuter les travaux permettant la reprise des vitraux et ce sous astreinte de 50 € par jour, à compter du 15ème jour suivant le prononcé de la décision à intervenir,

* à effectuer les travaux de raccordement d’eau à ses frais sous astreinte de 250 € par jour à compter du lendemain de la décision à intervenir,

– condamner la SCI DU CHUZEAU à indemniser monsieur [O] [N] de son préjudice professionnel et moral à hauteur de 150.000 € en application des dispositions de l’article 1217 du code civil,

– condamner la SCI DU CHUZEAU à verser à monsieur [O] [N] la somme de 6000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Monsieur [O] [N] fait valoir au soutien de ses demandes :

– qu’il a vocation à avoir une activité commerciale et professionnelle en tant que tatoueur et Madame [P] en tant qu’esthéticienne,

– qu’il justifie de son inscription auprès du répertoire des entreprises et du RSI et de son assurance professionnelle,

– que néanmoins, l’état des lieux loués ne leur permet pas de mener leurs activités à bien,

– que la facture de branchement établie par la communauté de communes de La Bièvre ne démontre pas la réalité de l’amenée d’eau au sein de l’église,

– que l’agence immobilière ANGELA IMMOBILIER atteste que le bâtiment n’est raccordé ni à l’eau potable, ni à une évacuation des sanitaires,

– que le constat d’huissier établi le 27 décembre 2019 fait apparaître que l’alimentation en eau n’a pas été faite par le bailleur mais par l’aide des voisins d’une façon insatisfaisante,

– que s’agissant des vitraux, s’il appartenait effectivement au preneur d’engager les frais, il ne l’a pas fait en l’absence de certitude du respect des engagements de sa bailleresse,

– qu’en outre, le semi écroulement de la voûte ne permet pas d’engager les travaux tels qu’initialement prévus, qu’il appartient au bailleur de procéder aux travaux de structure avant de procéder aux travaux de remplacement des vitraux,

– qu’il a tenté à plusieurs reprises de manière amiable d’obtenir une solution avant d’adresser une lettre recommandée puis d’assigner, qu’il n’est donc pas resté sans se plaindre,

Sur la demande reconventionnelle en paiement des loyers et en résiliation du bail, il fait remarquer :

– que s’il n’a pas réglé les loyers, c’est parce que son activité a été rendue impossible et qu’il s’est retrouvé dans une situation complexe,

– que la résolution pour non-paiement des loyers se heurte aux manquements du bailleur qui l’ont empêché ainsi que sa compagne de mettre en oeuvre leur activité professionnelle,

– qu’il a subi un préjudice financier et moral qu’il conviendra d’indemniser.

Par ordonnance du 27 janvier 2022, la présidente chargée de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions remises par la SCI DU CHUZEAU le 2 novembre 2021.

La clôture de l’instruction est intervenue le 14 avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre préliminaire, la cour relève que l’irrecevabilité des conclusions remises par la SCI DU CHUZEAU entraîne l’irrecevabilité des pièces communiquées au soutien de ces conclusions.

En l’absence de conclusions de la SCI DU CHUZEAU, celle- ci est réputée s’approprier les motifs du jugement.

1) Sur la demande de monsieur [O] [N] en exécution des travaux permettant la reprise des vitraux et ce sous astreinte de 50 € par jour, à compter du 15ème jour suivant le prononcé de la décision à intervenir

Le bail signé le 25 novembre 2016 stipule que le bailleur prend en charge la moitié des frais relatifs au remplacement des vitraux cassés, soit la somme de l 600 € TTC, somme versée par le bailleur au profit du preneur sur première demande de sa part et sur présentation d’une facture acquittée.

Comme relevé par le tribunal, il appartenait donc à monsieur [O] [N] de faire procéder aux travaux de remplacement des vitraux par un entrepreneur, de s’acquitter de la facture du professionnel et d’en réclamer le règlement de la moitié à la SCI DU CHUZEAU.

Monsieur [O] [N] ne justifie d’aucune démarche en ce sens. Il ne peut s’affranchir de la clause claire et précise du bail et solliciter la réalisation des travaux de réparation des vitraux par le bailleur au motif qu’il existerait une incertitude sur le remboursement de la moitié de ces travaux d’autant que cette somme était aisément compensable avec les loyers.

Il conclut dans la présente procédure qu’il ne peut pas procéder aux travaux de remplacement des vitraux en raison du mauvais état de la voûte. La cour relève que dans son courrier du 23 juillet 2019, il demandait à son bailleur de réparer les vitraux sans mentionner une quelconque difficulté concernant la voûte.

La seule pièce intitulée ‘rapport d’expertise’ rédigée le 3 octobre 2018 par la société Angela Immobilier à la demande de monsieur [O] [N] non corroborée sur ce point par d’autres éléments ne peut établir la nécessité pour le bailleur d’effectuer des travaux avant que le preneur effectue les travaux de réparation des vitraux.

Dès lors, c’est à juste titre que le tribunal de commerce a débouté monsieur [O] [N] de sa demande de condamnation de la SCI DU CHUZEAU à exécuter les travaux permettant la reprise des vitraux et ce sous astreinte de 50 € par jour, à compter du 15ème jour suivant le prononcé de la décision à intervenir.

2) Sur la demande de monsieur [O] [N] à effectuer les travaux de raccordement d’eau à ses frais sous astreinte de 250 € par jour à compter du lendemain de la décision à intervenir

Dans le contrat de bail, la SCI DU CHUZEAU s’est engagée à installer à ses frais exclusifs l ‘amenée d’eau à l’intérieur de l’église et ce au plus tard le 1er mars 2017.

L’obligation de la SCI DU CHUZEAU ne se limitait donc pas à l’acheminement du réseau d’eau en limite de parcelle mais à l’amenée d’eau à l’intérieur de l’église.

La pièce intitulée ‘rapport d’expertise’ rédigée le 3 octobre 2018 par la société Angela Immobilier à la demande de monsieur [O] [N] relève que la mise en eau n’a pas été effectuée par le propriétaire. Ce rapport est corroboré par le constat dressé le 27 décembre 2019 par Me [Z], huissier de justice, faisant apparaître que le bâtiment loué consistant en une ancienne église est alimenté en eau par un tuyau d’arrosage provenant de la propriété voisine pour aller traverser le mur de l’église et arriver dans les toilettes aménagées par le locataire avant d’alimenter d’autres pièces aménagées.

Il ressort de ces éléments que l’amenée d’eau à l’intérieur de l’église n’a pas été réalisée par la SCI DU CHUZEAU mais à l’aide des voisins du preneur en 2019 de façon précaire.

Dès lors, c’est de façon justifiée que monsieur [O] [N] sollicite l’exécution par la SCI DU CHUZEAU de son obligation concernant l’amenée d’eau.

En conséquence, il convient de condamner la SCI DU CHUZEAU à effectuer les travaux d’amenée de l’eau à l’intérieur de l’église à ses frais dans un délai de 4 mois courant à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

3) Sur la résiliation du bail commercial

Monsieur [O] [N] fait valoir l’exception d’inexécution.

Aux termes de l’article 1219 du code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Il est établi que le preneur n’a pu bénéficier d’une arrivée d’eau à l’intérieur de l’église au plus tard le 1er mars 2017 comme prévu dans le bail.

Cette absence d’arrivée d’eau n’a pu lui permettre d’exercer l’activité convenue. Dès lors, la carence du bailleur dans l’exécution de son obligation ayant rendu impossible l’exercice de son activité par le preneur et se trouvant suffisamment grave autorise celui-ci à se soustraire à son obligation de payer les loyers.

En conséquence, la clause résolutoire n’a pu jouer. Le jugement doit être infirmé en ce qu’il a constaté la résiliation du bail commercial.

4) Sur le paiement des loyers

Comme relevé précédemment, monsieur [O] [N] est bien fondé à refuser de payer les loyers résultant du bail du 25 novembre 2016 en présence d’une inexécution suffisamment grave.

Le jugement doit être infirmé en ce qu’il a condamné le preneur à payer des sommes au titre des loyers et indemnité d’occupation.

5) Sur la demande de dommages et intérêts formée par monsieur [O] [N] pour préjudice professionnel et moral

Aux termes du bail, les locaux devaient être consacrés par monsieur [O] [N] à l’exploitation de son activité de tatoueur, vente de vêtements, galerie d’art et événementiel occasionnel lié à l’activité à l’exclusion de tout autre même temporairement.

Monsieur [O] [N] ne peut donc faire état au soutien de sa demande d’indemnisation de l’impossibilité pour sa compagne d’exercer son activité d’esthétique.

Le seul tableau intitulé ‘Bilan de perte – activité tatouage’ dressé par ses soins est insuffisant à établir un préjudice d’un montant de 150.000 euros.

Si du fait de l’impossibilité d’exercer son activité, monsieur [O] [N] a subi un préjudice, celui-ci doit être évalué au montant des loyers qu’il n’a pas payés, à défaut pour lui d’établir qu’il est d’un montant supérieur.

En conséquence, il ne sera pas alloué de somme supplémentaire à monsieur [O] [N] au titre de son préjudice.

5) Sur les mesures accessoires

La SCI DU CHUZEAU qui succombe à l’instance d’appel sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer la somme de 2.500 euros à monsieur [O] [N] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 10 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Vienne en ses dispositions critiquées sauf en ce qu’il a débouté monsieur [O] [N] de sa demande de condamnation de la SCI DU CHUZEAU à exécuter les travaux permettant la reprise des vitraux et ce sous astreinte de 50 € par jour, à compter du 15ème jour suivant le prononcé de la décision à intervenir.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SCI DU CHUZEAU à effectuer les travaux d’amenée de l’eau à l’intérieur de l’église à ses frais dans un délai de 4 mois courant à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Déboute la SCI DU CHUZEAU de ses demandes en constat de résiliation du bail commercial du 25 novembre 2016 et en paiement de loyers et d’indemnité d’occupation .

Dit que le préjudice de monsieur [O] [N] doit être évalué au montant des loyers qu’il n’a pas payés.

Le déboute de sa demande d’allocation d’une somme supplémentaire.

Condamne la SCI DU CHUZEAU aux dépens de première instance et d’appel.

Condamne la SCI DU CHUZEAU à payer la somme de 2.500 euros à monsieur [O] [N] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La GreffièreLa Présidente

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x