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COUR D’APPEL DE COLMAR
Chambre 6 (Etrangers)
N° RG 22/02319 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H3PF
N° de minute : 152/2022
ORDONNANCE
Nous, Stéphanie ISSENLOR, Conseillère à la Cour d’Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Nadine FRICKERT, greffier ;
Dans l’affaire concernant :
M. [R] [L]
né le 02 Décembre 1984 à CHKHOROTSKU (GEORGIE), de nationalité géorgienne
Actuellement retenu au centre de rétention de Geispolsheim
VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA) ;
VU l’arrêté pris le 14 juin 2022 par MME LA PREFETE DU BAS-RHIN faisant obligation à M. [R] [L] de quitter le territoire français avec une interdiction de retour d’un an ;
VU la décision de placement en rétention administrative prise le 14 juin 2022 par MME LA PREFETE DU BAS-RHIN à l’encontre de M. [R] [L], notifiée à l’intéressé le même jour à 17 h 00 ;
VU le recours de M. [R] [L] daté du 15 juin 2022, reçu et enregistré le 16 juin 2022 à 13 h 29 au greffe du tribunal, par lequel il demande au tribunal d’annuler la décision de placement en rétention administrative pris à son encontre ;
VU la requête de MME LA PREFETE DU BAS-RHIN datée du 16 juin 2022, reçue et enregistrée le même jour à 14 h 08 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours de M. [R] [L] ;
VU l’ordonnance rendue le 17 Juin 2022 à 11 h 20 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, ordonnant la jonction de la procédure introduite par le recours de M. [R] [L] et celle introduite par la requête de MME LA PREFETE DU BAS-RHIN, déclarant le recours de M. [R] [L] recevable, le rejetant, déclarant la requête de MME LA PREFETE DU BAS-RHIN recevable et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [R] [L] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de 28 jours à compter du 16 juin 2022 à 17 h 00;
VU l’appel de cette ordonnance interjeté par M. [R] [L] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 20 Juin 2022 à 10 h 03 ;
VU la proposition de la préfecture du Bas-Rhin par voie électronique reçue le 20 juin 2022 afin que l’audience se tienne par visioconférence ;
VU les avis d’audience délivrés le 20 juin 2022 à l’intéressé, à Maître Michel ROHRBACHER, avocat de permanence, à Madame [D] [I], interprète en langue géorgienne assermentée, à MME LA PREFETE DU BAS-RHIN et à M. Le Procureur Général ;
Le représentant de MME LA PREFETE DU BAS-RHIN, intimé, dûment informé de l’heure de l’audience par courrier électronique du 20 juin 2022, a comparu.
Après avoir entendu M. [R] [L] en ses déclarations par visioconférence et par l’intermédiaire de Madame [D] [I], interprète en langue géorgienne assermentée, Maître Michel ROHRBACHER, avocat au barreau de COLMAR, commis d’office, en ses observations pour le retenu, puis Maître Beril MOREL, avocat au barreau de Strasbourg, en ses observations pour la SELARL Yves CLAISSE & associés, conseil de MME LA PREFETE DU BAS-RHIN, et à nouveau l’appelant qui a eu la parole en dernier.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l’appel :
L’appel interjeté, via un écrit motivé et signé, par Monsieur [L] le 20 juin 2022 (à 10h03) à l’encontre de l’ordonnance rendue le 17 juin 2022 (à 11H20) par le juge des libertés et de la détention de Strasbourg, dans le délai prévu à l’article R 743-10 du CESEDA, régulièrement prorogé, est régulier et recevable ;
Sur l’appel
Monsieur [L] conteste l’ordonnance du Juge des Libertés de Strasbourg rendue le 17 juin 2022 ayant rejeté son recours contre la mesure de rétention et prolongé la rétention pour une durée de 28 jours à compter du 16 juin 2022.
S’agissant de la régularité de la procédure de rétention
– S’agissant de l’erreur de fait de l’administration
Monsieur [L] fait valoir que l’administration a fondé sa décision de rétention sur une affirmation erronée, à savoir qu’il représenterait un trouble à l’ordre public, alors qu’il n’a jamais été condamné en France.
L’arrêté de placement en rétention du 14 juin 2022 est ainsi motivé :
« CONSIDÉRANT que M. [R] [L] a été interpellé le 14/06/2022 par les services de police à Strasbourg et placé en garde à vue pour les faits de tentative de vol avec dégradation, procédure au cours de laquelle il a pu formuler ses observations;…. que l’intéressé est convoqué par un officier de police judiciaire (COPJ) le 29/11/2022 et que son comportement constitue une menace pour l’ordre public au sens de l’article L. 611-1 5° du CESEDA; qu’il est défavorablement connu des services de police; ».
A la lecture du dossier, il ressort que Monsieur avait été interpellé à Strasbourg, le 14 juin 2022 à 3 heures 45, alors qu’il se trouvait sous un véhicule Renault Scenic en stationnement dont le cache de protection du pot catalytique était déclipsé.
A côté de lui, un cabas sur roulette contenant l’ensemble des outils permettant le vol de ce type d’accessoire (crick, pince coupe tube, pince coupante, clé à pipe, lubrifiant, … ) était découvert.
II avait effectué des déclarations fantaisistes lors de son audition, prétendant avoir trouvé le chariot en se promenant et s’être caché sous le véhicule car des gens couraient dans le rue avec des pistolets.
L’exploitation de son téléphone avait permis de découvrir des photographies de pots catalytiques sciés et d’un personnage présentant les tatouages spécifiques au groupe mafieux Géorgien les « voleurs de loi ».
A l’issue de sa garde-à-vue, le parquet décidait de le poursuivre par voie de COPJ pour tentative de vol.
Il en résulte que la décision de l’administration a été suffisamment motivée, en fait, au regard des circonstances de son interpellation, nonobstant l’absence de condamnation définitive, laquelle n’est pas une exigence légale pour apprécier la menace à l’ordre public.
Le moyen sera donc rejeté.
– S’agissant de l’erreur d’appréciation de l’administration
Monsieur [L] fait valoir que, au regard des conditions de son entrée sur le territoire national (le 7 juin 2022, alors qu’il comptait demander l’asile et qu’il bénéficie de la libre circulation dans l’espace Schengen, de l’absence de risque de fuite (vu le dépôt de la demande d’asile) et de ses garanties de représentation (passeport en cours de validité, travail en France dans un garage), le placement en rétention était disproportionné.
Toutefois, l’arrêté de placement en rétention administrative du 14 juin 2022 susvisé est suffisamment motivé en fait et en droit, au vu des circonstances d’espèce qui y figurent (« CONSIDÉRANT que l’intéressé déclare être entré sur le territoire français régulièrement sur le territoire français il y a cinq jours sans pouvoir le démontrer; qu’il a exprimé sa volonté d’introduire une demande d’asile à Strasbourg alors que la SPADA67 n’a pas de délai pour recevoir les demandeurs d’asile et que le guichet unique du demandeur d’asile propose un rendez-vous dans les trois jours ouvrés dés réception OU dossier de requête du statut de réfugié; que l’intéressé est convoqué par un officier de police judiciaire (COPJ) le 29/11/2022 et que son comportement constitue une menace pour l’ordre public… qu’il est défavorablement connu des services de police; qu’il déclare vouloir déposer l’asile et qu’il pourra finaliser cette procédure en centre de rétention conformément au sens de l’article L 754-1 à 8° du CESEDA;
CONSIDÉRANT qu’il ressort des pièces constituant le dossier de que celui-ci ne bénéficie pas des conditions matérielles d’accueil; qu’il ne peut présenter une adresse pérenne déclarant être sans domicile fixe; que l’intéressé déclare être célibataire avec un enfant à charge résidant en Russie; qu’il est venu seul en France; que l’intéressé est sans ressources; qu’ainsi, il ne réunit manifestement pas les conditions permettant une assignation à résidence, en l’absence de perspectives raisonnables d’exécution et de garanties de représentation effective propres à prévenir le risque de fuite »
CONSIDÉRANT qu’il ne ressort ni des déclarations de l’intéressé, ni des éléments qu’il a remis, que son état de santé, s’opposerait à un placement en rétention; qu’il s’est vu notifier un formulaire de vulnérabilité afin de recueillir ses observations préalablement à son placement, notamment quant à toute pathologie ou vulnérabilité qui pourrait y faire obstacle; qu’au demeurant, l’intéressé a la possibilité de demander une évaluation de son état de vulnérabilité au centre de rétention administrative; ») pour s’assurer que le préfet a apprécié l’opportunité du placement en rétention administrative, en mettant en balance à la fois du comportement de Monsieur [L], qualifié cette instance de menaçant pour l’ordre public, et de sa situation personnelle, laquelle ne permet pas de prévenir le risque de soustraction à l’OQTF, le tout en application des articles L 612-2 et L 612-3 du CESEDA, et alors que la demande d’asile a été déposée par l’intéressé, le 15 juin 2022, soit postérieurement à la rétention.
Ce moyen sera donc rejeté.
S’agissant de la prolongation de la rétention
– Sur la recevabilité des nouveaux moyens
Il ressort des dispositions de l’article L743-11 du CESEDA qu”à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l’issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d’une audience ultérieure’.
Sauf s’ils constituent des exceptions de procédure au sens de l’article 74 du Code de procédure Civile, les moyens nouveaux sont recevables en appel.
En application des dispositions de l’article 563 du code de procédure civile, « pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelle pièce ou proposer de nouvelles preuves ».
Les moyens nouveaux de l’acte d’appel peuvent être complétés ou régularisés dans le délai de recours de 24h.
Les moyens nouveaux développés dans la déclaration d’appel sont donc recevables.
– sur l’absence de base légale de la décision de rétention
Monsieur [L] soutient que l’arrêté de placement en rétention du 14 juin 2022 vise une décision portant OQTF du 26 avril 2022, notifiée la même jour à [L], alors qu’en réalité une décision d’éloignement daté du 14 juin 2022 lui a été notifiée, postérieurement à la notification du placement en rétention, privant cette mesure de toute base légale.
S’il est vrai que l’arrêté de placement en rétention du 14 juin 2022 vise, à tort, une décision portant OQTF du 26 avril 2022 (Monsieur [L] ne se trouvant pas encore sur le territoire national), l’OQTF concernant Monsieur [L] datée du 14 juin 2022 et notifiée le 14 juin 2022, est bien jointe à la procédure.
La motivation similaire développée dans ces deux décisions permet de s’assurer qu’elles concernent toutes les deux Monsieur [L] et que l’arrêté de placement en rétention est entaché d’une simple erreur matérielle concernant la date de l’OQTF.
Enfin, il apparaît bien à la lecture des pièces, qu’une OQTF a été notifiée à Monsieur [L] le 14 juin 2022 à 17H10 et que la rétention de ce dernier a pris effetle même jour, concomitamment, à 17H10 (voir procès-verbal de notification).
Dès lors, Monsieur [L] ne démontre pas qu’une atteinte à ses droits résulterait, d’une part, de cette erreur matérielle et, d’autre part, de la notification effective de l’OQTF – dont le principe n’est pas contesté et qui a été faite avec interprète-, concomitamment à la prise d’effet de la mesure de rétention.
Ce moyen sera donc rejeté.
– sur l’appréciation, au jour de l’audience, des conditions d’une assignation à résidence
Monsieur [L] a, certes, préalablement remis un passeport en cours de validité à un service de police, mais il ne peut justifier d’un hébergement effecti et stable sur le territoire national, l’adresse déclarée à Paris étant postale.
Dès lors, les conditions d’une assignation à résidence judiciaire telles que visées à l’article L 743-13 du CESEDA ne sont pas réunies.
Il résulte de ce qui précède qu’il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARONS l’appel de M. [R] [L] recevable en la forme ;
au fond, le REJETONS ;
CONFIRMONS l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg le 17 Juin 2022 ;
RAPPELONS à l’intéressé les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention :
– il peut demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil ainsi que d’un médecin,
– il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ;
DISONS avoir informé M. [R] [L] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.
Prononcé à Colmar, en audience publique, le 21 Juin 2022 à 15 h 45, en présence de
– l’intéressé par visio-conférence
– Maître Michel ROHRBACHER, conseil de M. [R] [L]
– Maître Beril MOREL pour la SELARL CENTAURE AVOCATS, conseil de MME LA PREFETE DU BAS-RHIN
– de l’interprète, lequel a traduit la présente décision à l’intéressé lors de son prononcé.
Le greffier,Le président,
reçu notification et copie de la présente,
le 21 Juin 2022 à 15 h 45
l’avocat de l’intéressé
Maître Michel ROHRBACHER
Présent
l’intéressé
M. [R] [L]
né le 02 Décembre 1984 à CHKHOROTSKU (GEORGIE)
Comparant par visioconférence
l’interprète
Madame [D] [I]
l’avocat de la préfecture
Comparant
EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
– pour information : l’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition,
– le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou en rétention et au ministère public,
– le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l’auteur du pourvoi demeure à l’étranger,
– le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation,
– l’auteur d’un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,
– ledit pourvoi n’est pas suspensif.
La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :
– au CRA de GEISPOLSHEIM pour notification à M. [R] [L]
– à Maître Michel ROHRBACHER
– à MME LA PREFETE DU BAS-RHIN
– à la SELARL CENTAURE AVOCATS
– à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.
Le Greffier
M. [R] [L] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance
le À heures
Signature de l’intéressé