Tatouages : 2 juin 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/00591

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Tatouages : 2 juin 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/00591

02/06/2023

ARRÊT N°2023/258

N° RG 22/00591 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OTKS

SB/CD

Décision déférée du 13 Janvier 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de Toulouse ( 19/00906)

S. LOBRY

Section Activités Diverses

[B] [N]

C/

Association ARSEAA

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le 2/6/23

à Me ROQUEFORT,

Me HUNOT

Ccc Pôle Emploi

Le 2/6/23

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [B] [N]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Sarah HUNOT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM”E

Association ARSEAA

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Jade ROQUEFORT de la SCP FIDAL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S.BLUM” , chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM”, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUM”, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [N] a été embauchée le 3 novembre 2008 jusqu’au 27 mars 2010 par l’ARSEAA en qualité d’agent de service intérieur suivant contrat de travail à durée déterminée régi par la convention collective nationale du 15 mars 1966.

A compter du 1er septembre 2012, la salariée a été embauchée suivant contrat de travail à durée indéterminée.

Après avoir été convoquée par courrier du 25 mai 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 6 juin 2018, elle a été licenciée par courrier du 12 juin 2018 pour faute grave.

La salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 11 juin 2019 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section activités diverses, par jugement du 13 janvier 2022, a :

-débouté Mme [N] de l’ensemble de ses demandes,

-débouté l’ARSEAA de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné Mme [N] aux entiers dépens.

***

Par déclaration du 7 février 2022, Mme [B] [N] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 18 janvier 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 6 mai 2022, Mme [N] demande à la cour de :

-déclarer Mme [N] recevable en son appel,

-infirmer le jugement en ce qu’il a :

-débouté Mme [N] de l’ensemble de ses demandes,

-condamné Mme [N] aux entiers dépens de l’instance,

et statuant à nouveau,

-constater que l’arseaa n’apporte pas la preuve des manquements reprochés à Mme [N] et n’établit pas l’impossibilité du maintien de Mme [N] dans l’entreprise pendant la période de préavis,

-constater que le licenciement de Mme [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

-condamner l’ARSEAA à verser à Mme [N] les sommes suivantes :

-4 133,74 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

-3 929,18 euros au titre de l’indemnité de préavis,

-392,29 au titre des congés payés afférents au préavis,

-15 716,72 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamner l’arseaa à verser à Mme [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais de première instance,

en tout état de cause,

-condamner l’ARSEAA au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d’appel,

-condamner l’ARSEAA aux entiers dépens d’instance et d’appel.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 2 août 2022, l’association ARSEAA demande à la cour de :

-recevoir l’Association en ses écritures,

l’y déclarer bien fondée,

-confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

-débouter Mme [N] de l’intégralité de ses prétentions,

-condamner Mme [N] à verser à l’Association la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 10 mars 2023.

***

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIF DE LA DECISION

Il appartient à l’ARSEA qui a licencié Mme [N] pour faute grave de rapporter la preuve de la réalité des faits qui ont motivé le licenciement et de leur imputabilité à Mme [N], étant rappelé que la faute grave est celle qui empêchait la poursuite du contrat de travail liant les parties.

La lettre de licenciement du 12 juin 2018, dont le contenu est intégralement retranscrit dans le jugement déféré, fait grief à la salariée :

– d’avoir demandé à une travailleuse handicapée de l’ESAT d’effectuer le ménage au salon du tatouage de son compagnon,

– d’avoir demandé à cette salariée d’effectuer le ménage au [Adresse 4],

– d’avoir demandé à cette même personne d’intervenir au domicile d’une personne chez laquelle elle faisait le ménage pour amener des copeaux de bois et pour planter un palmier

– d’avoir bénéficié, en janvier 2017, pendant un jour et demi de l’intervention de l’atelier espaces verts à son domicile pour différents travaux de jardinage, sans devis ni facturation,

– de ne pas effectuer ses fonctions avec le professionnalisme attendu et de mettre en cause la qualité de la prise en charge et de l’encadrement des travailleurs handicapés.

La cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu’elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.

Ainsi, les premiers juges ont justement écarté au bénéfice du doute le grief tenant à des travaux ménagers qui auraient été réalisés sans devis ni facture, à la demande de Mme [N] par une travailleuse handicapée de l’ESAT sur le lieu de travail de son compagnon, en retenant le caractère insuffisamment probant des déclarations de la salariée concernée rapportées dans un témoignage indirect , non corroboré par un autre élément de preuve.

Ils ont en revanche retenu la réalité du manquement résultant de la réalisation non rémunérée d’une prestation au domicile de Mme [Y] (notamment apport de copeaux de bois) par une travailleuse handicapée sur demande de Mme [N], prestation dont la matérialité n’est pas contestée par Mme [N].

L’explication avancée par Mme [N] tenant au geste commercial consenti à cette cliente n’est pas de nature à justifier une fourniture de main d’oeuvre sur la seule initiative de la salariée en sa qualité de monitrice de l’atelier ‘prestations de service’ en charge des travaux ménagers, alors que les prestations concernées relèvent de l’atelier espaces verts, et surtout en dehors de toute autorisation préalable et d’information de sa direction ou du service comptable.

Il a de même été considéré comme établi le grief tenant aux travaux ménagers accomplis par une travailleuse handicapée de l’ESAT placée sous sa responsabilité, dans le château où Mme [N] résidait , le propriétaire des lieux ayant confirmé l’hébergement de Mme [N] et de sa famille dans le château moyennant la réalisation par ses soins de travaux ménagers de temps à autre . Ces prestations de ménage n’ont pas été facturées par l’ESAT puisqu’il s’agissait de travaux non concernés par la seule prestation ‘espaces verts’ commandée par ce client. La mutualisation entre ateliers dont se prévaut Mme [N] n’impliquait pas le transfert de salariés d’un atelier à l’autre, et ne dispensait pas de l’obligation de respecter la procédure clairement décrite par M.[H] lors de son audition par les services de gendarmerie le 26 février 2019, consistant pour le moniteur d’atelier à établir un devis correspondant aux travaux à réaliser, de le soumettre au client puis d’établir une facture à transmettre au service comptabilité avant son envoi au client.

Quant aux travaux de jardinage effectués à son domicile par l’atelier espace vert de l’ESAT en janvier 2017, Mme [N] n’en conteste pas l’existence et convient de l’absence d’établissement préalable d’un devis. Le paiement n’a été acquitté par Mme [N] que le 25 mai 2018 par la remise d’un chèque, deux jours après l’audition de M.[H] moniteur de l’atelier espace vert le 23 mai 2018 par la directrice de l’établissement, un an et demi après la réalisation des travaux , et ce pour un montant de 200 euros qui n’est pas en rapport avec la prestation fournie pendant une journée par 7 salariés de l’ESAT, évaluée à plus de 1000 euros par la directrice de l’ESAT .

Ainsi que le relève pertinemment le premier juge, le paiement tardif des travaux en concertation avec le moniteur de l’atelier espace vert ne saurait exonérer Mme [N] du manquement caractérisé résultant de la dissimulation à la direction d’une prestation dont elle tentait de bénéficier gratuitement.

L’ensemble de ces faits procède d’une exécution déloyale du contrat de travail résultant d’un détournement du travail effectué par les salariés handicapés que Mme [N] avait mission d’encadrer, à son profit direct ou indirect, sans que de tels manquements puissent être imputés à une organisation défectueuse de l’établissement .

En cause d’appel Mme [N] oppose la prescription des faits reprochés , antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement.

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait n’ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Ce délai de deux mois commence à courir à compter du moment où l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié. Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de la date à laquelle il a eu connaissance des faits sanctionnés.

Ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dès lors que le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai.

Au cas d’espèce l’employeur justifie avoir eu connaissance des faits qu’il reproche à Mme [N], dans leur ampleur, lorsque la directrice Mme [I] a été alertée par une salariée handicapée qu’elle a entendue en présence de Mme [K] le 14 mai 2018 sur des travaux qui lui avaient été demandés dans un cadre inadapté par sa monitrice d’atelier , Mme [N]. Cet entretien a été suivi de l’audition de plusieurs salariés le 22 mai 2018 qui a conforté les anomalies signalées.

Il s’ensuit que la procédure de licenciement engagée le 25 mai 2018 par la convocation de la salariée à un entretien préalable, avant expiration du délai de prescription de deux mois suivant la date de révélation des faits, n’est pas prescrite.

La prescription des faits dont la salariée excipe en cause d’appel sera donc écartée

Par ailleurs le classement sans suite par le parquet de Cahors le 2 décembre 2019 de la procédure pénale ouverte pour des faits d’abus de biens par un gérant à des fins personnelles est dépourvu d’autorité de chose jugée et est sans incidence sur le litige prud’homal et en particulier sur l’appréciation de la faute grave reprochée à la salariée.

Les témoignages de MM.[L],[X] , Mmes [W], [Z],, [O], produits en appel par l’appelante, font l’éloge de sa disponibilité et de son professionnalisme mais ne fournissent aucune infirmation sur les faits reprochés. Il en va de même du projet d’établissement, et des courriers de l’équipe éducative à la direction des 15 mai 2017 et 12 novembre 2020 qui ont trait au climat social et ne font état d’aucun élément en relation avec les faits reprochés à Mme [N].

Les éléments nouveaux soumis à la cour ne modifient donc pas la juste appréciation des éléments du litige par les premiers juges. Les manquements établis de la salariée rendaient impossible la poursuite de la relation contractuelle et justifiaient le licenciement pour faute grave ,sans qu’il y ait lieu d’examiner le reproche d’insuffisance professionnelle invoqué par l’employeur.

Mme [N] est donc déboutée de l’ensemble de ses prétentions, par confirmation du jugement entrepris.

Mme [N], partie perdante, supportera les entiers dépens d’appel.

L’association ARSEAA est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer à l’occasion de cette procédure. Mme [N] sera donc tenue de lui payer la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.

Le jugement entrepris est confirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.

Mme [N] est déboutée de sa demande formée au titre des frais et dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Condamne Mme [B] [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel

Condamne Mme [B] [N] à payer à l’ARSEAA la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles

Déboute Mme [B] [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM”, présidente et C. DELVER, greffière de chambre.

LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE

C. DELVER S. BLUM”

.

 


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