Suspension de Pension d’Invalidité : Contestation et Irrecevabilité du Recours en Raison de la Forclusion

·

·

Suspension de Pension d’Invalidité : Contestation et Irrecevabilité du Recours en Raison de la Forclusion

Contexte de l’affaire

Mme [Z] [V] est reconnue comme travailleur handicapé et perçoit une pension d’invalidité depuis juillet 2018. En septembre 2020, la CRAMIF lui notifie une suspension partielle de sa pension à compter d’avril 2019, ainsi qu’une demande de remboursement de 2 436,57 euros pour des arrérages indûment perçus.

Contestation de Mme [V]

En décembre 2020, Mme [V] conteste le remboursement par courrier recommandé. En mars 2021, la CRA confirme l’indu et déclare la requête de Mme [V] forclose, car elle aurait dépassé le délai de deux mois pour contester la décision.

Procédure judiciaire

Mme [V] saisit le tribunal judiciaire de Nanterre en mai 2021 pour contester la décision de la CRA. Après une radiation en octobre 2023, l’affaire est réintroduite en décembre 2023 et entendue en septembre 2024.

Demandes des parties

Mme [V] demande au tribunal de juger son recours recevable, de ne pas lui imposer de remboursement à la CRAMIF, et de lui accorder 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La CRAMIF, quant à elle, demande l’irrecevabilité du recours et la confirmation de la décision de la CRA.

Arguments sur la recevabilité

La CRAMIF soutient que le recours de Mme [V] est irrecevable car introduit hors délai. Mme [V] argue qu’elle était en arrêt de travail pendant la période critique, ce qui l’a empêchée de contester dans les délais.

Analyse de la force majeure

Le tribunal examine si la maladie de Mme [V] constitue un cas de force majeure. Bien que la maladie soit imprévisible, Mme [V] ne prouve pas qu’elle était dans l’impossibilité absolue d’agir dans les délais impartis.

Décision du tribunal

Le tribunal déclare le recours de Mme [V] irrecevable en raison de la forclusion. Il fait droit à la demande de la CRAMIF pour le remboursement de 2 436,57 euros et condamne Mme [V] aux dépens. La demande d’article 700 est rejetée, et l’exécution provisoire est ordonnée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

31 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Nanterre
RG
24/00275
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
31 Octobre 2024

N° RG 24/00275 – N° Portalis DB3R-W-B7H-ZGQT

N° Minute : 24/01492

AFFAIRE

[Z] [V]

C/

CRAMIF

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

Madame [Z] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Nadir BESSA, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 442

DEFENDERESSE

CRAMIF
Département des affaires juridiques
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Mme [C] [T], munie d’un pouvoir régulier

***

L’affaire a été débattue le 23 Septembre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Matthieu DANGLA, Vice-Président
Jérôme DILLAT, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Karine RENAT, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Stéphane DEMARI, Greffier.

JUGEMENT

Prononcé en dernier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [Z] [V], reconnue en qualité de travailleur handicapé du 29 mars 2018 au 31 mars 2028, est titulaire d’une pension d’invalidité de première catégorie depuis le 1er juillet 2018.

A la suite des comparaisons de ressources, la caisse régionale d’assurance maladie d’Île de France (ci-après la CRAMIF) a adressé à Mme [V], par lettre recommandée du 30 septembre 2020 réceptionnée le 2 octobre 2020, une notification de suspension partielle du service de sa pension d’invalidité à effet du 1er avril 2019 et d’une demande de remboursement de la somme totale de 2 436,57 euros après régularisation, correspondant aux arrérages indûment perçus du 1er avril 2019 au 31 juillet 2020.

Mme [V] a contesté le remboursement du trop perçu par courrier recommandé daté du 4 décembre 2020, et réceptionné le 11 décembre 2020 par la CRAMIF.

Le 4 mars 2021, la commission de recours amiable (ci-après : la CRA) lui a notifié sa décision rendue lors de sa séance du 22 février 2021, en confirmant l’indu d’un montant de 2 436,57 euros, et lui opposant la forclusion de sa requête adressée à l’expiration du délai de deux mois.

Mme [V] a bénéficié de plusieurs arrêts de travail entre le 17 avril 2021 et le 6 mai 2021, indemnisés par la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine.

Par requête enregistrée le 14 mai 2021, Mme [V] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre pour contester cet indu. A la suite de la radiation prononcée le 16 octobre 2023, l’affaire a été réintroduite le 29 décembre 2023, puis appelée à l’audience du 23 septembre 2024, date à laquelle les parties étaient représentées.

Mme [Z] [V] demande au tribunal de :
– de juger que son recours est recevable ;
– juger qu’elle n’est pas débitrice d’une quelconque somme à la CRAMIF ;
– condamner la CRAMIF à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En réplique, la caisse régionale d’assurance maladie d’Île de France sollicite du tribunal:
à titre principal,
– de déclarer irrecevable le recours de Mme [V] ;
à titre subsidiaire,
– de confirmer la décision de la CRA rendue dans sa séance du 22 février 2021 et en conséquence de condamner Mme [V] au remboursement de la somme de 2 436,57 €, correspondant aux arrérages de pension d’invalidité indûment perçus du 1er avril 2019 au 30 juillet 2020.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer aux conclusions déposées à l’audience du 23 septembre 2024 pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 31 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera rappelé qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du tribunal d’annuler, de réformer ou de confirmer une décision prise par un organisme chargé d’une mission de service public, le tribunal étant saisi du litige, et non de la décision querellée.

Sur la recevabilité du recours

La caisse soulève l’irrecevabilité du recours de Mme [V] au motif qu’elle aurait formé hors le délai requis par l’article R 142-1-A III du code de la sécurité sociale. Elle fait valoir que la décision de la CRA, qui lui a été notifiée le 4 mars 2021, réceptionnée le 8 mars 2021, n’a fait l’objet d’aucune contestation dans le délai de deux mois et que la contestation de cette décision n’est intervenue que le 14 mai 2021. La date butoir étant le 10 mai 2021, la saisine de la juridiction en date du 14 mai 2021 est donc forclose. Elle expose que Mme [V] ne produit aucun élément objectifs et précis démontrant qu’elle a été dans l’impossibilité de former son recours dans les délais.

Mme [V] fait valoir qu’elle était en arrêt de travail entre le 17 avril 2021 et le 6 mai 2021, de sorte que son état de santé ne lui a pas permis d’effectuer le recours dans les délais prescrits, ce qui constitue un motif légitime rendant recevable son recours.

Il résulte des dispositions de l’article R 142-1-A, III du code de la sécurité sociale que :  » S’il n’en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l’accusé de réception de la demande. « .

La forclusion ne peut être opposée toutes les fois que le recours a été introduit dans les délais.

Selon l’article 2234 du code civil et d’une jurisprudence constante, notamment d’un arrêt d’assemblée plénière du 14 avril 2006, la maladie peut constituer un cas de force majeure si elle remplit les conditions d’imprévisibilité et d’irrésistibilité. Au vu de cet article, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la force majeure.

En l’espèce, il résulte des éléments versés au débat que la caisse a notifié le 4 mars 2021 la décision de la CRA prise en sa séance du 22 février 2021. Cette décision indiquait à Mme [V] qu’elle disposait à compter de la réception de cette notification d’un délai de deux mois pour saisir le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre. Selon la copie de l’avis de réception versée par la caisse, Mme [V] a réceptionné la décision de la CRA le 8 mars 2021, date du point de départ du délai de deux mois, expirant le 10 mai 2021, premier jour ouvrable. Mme [V] reconnaît qu’elle a saisi la juridiction hors délai. Toutefois, elle se justifie en produisant ses attestations de paiement des indemnités journalières qu’elle était en arrêt de maladie du 17 avril 2021 et le 6 mai 2021, l’empêchant de contester dans le délai de deux mois.

Du caractère imprévisible, condition première de la force majeure, il n’est pas discuté par les parties, mais de son caractère irrésistible. Cependant, Mme [V] ne produit aucun élément permettant de démontrer qu’elle était dans l’impossibilité absolue d’agir ou son incapacité physique résultant de sa maladie au moment de la notification de décision de la CRA et du délai de recours, de sorte qu’elle ne rapporte pas la preuve d’un cas de force majeure l’ayant placée dans l’impossibilité absolue d’agir dans les délais de deux mois. Elle ne rapporte pas la preuve non plus de son impossibilité d’agir pour les journées des 7 au 10 mai 2021, dont elle disposait à l’issue de ses arrêts de maladie.

A défaut d’éléments objectifs, Mme [V] ne justifie pas s’être trouvée dans l’impossibilité de former son recours dans les délais ou de solliciter un tiers à cette fin. La preuve d’un cas de force majeure n’étant pas rapportée.

Dès lors, la demande de Mme [V] sera déclarée irrecevable en raison de la forclusion encourue, au regard de la notification de la décision de la CRA rendue dans sa séance du 22 février 2021.

Sur la demande reconventionnelle de la CRAMIF

De l’analyse de ce qui précède, il conviendra de faire droit à la demande reconventionnelle de la caisse en répétition de l’indu, à hauteur de 2 436,57 euros, résultant de la régularisation effectuée aux arrérages indûment versés du 1er avril 2019 au 31 juillet 2020.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner Mme [V] aux dépens de l’instance dès lors qu’elle succombe.

Compte tenu du sens de la décision rendue, la demande d’article 700 du code de procédure civile présentée par Mme [V] sera rejetée.

L’exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par décision contradictoire, rendue en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE le recours de Mme [Z] [V] irrecevable,

CONDAMNE Mme [Z] [V] à payer à la caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France la somme de 2 436,57 euros, correspondant aux arrérages de pension d’invalidité indûment perçus du 1er avril 2019 au 31 juillet 2020 ;

DÉBOUTE Mme [Z] [V] de sa demande d’article 700 du code de procédure civile;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement ;

CONDAMNE Mme [Z] [V] aux dépens.

Et le présent jugement est signé par Matthieu DANGLA, Vice-Président et par Stéphane DEMARI, Greffier, présents lors du prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x