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Ni les pouvoirs de police générale prévus aux articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, lesquels n’appartiennent d’ailleurs qu’au maire, ni le principe de précaution n’autorisent un conseil municipal à prendre la décision de s’opposer à l’installation des compteurs « Linky » sur son territoire.
C’est donc à tort que le Maire de la commune de Bonneuil-Sur-Marne a décidé la suspension du déploiement des compteurs d’électricité « Linky » sur son territoire.
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales : « Le transfert d’une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence ».
Aux termes de l’article L. 1321-4 du même code : « Les conditions dans lesquelles les biens mis à disposition, en application de l’article L. 1321-2, peuvent faire l’objet d’un transfert en pleine propriété à la collectivité bénéficiaire sont définies par la loi ».
D’autre part, aux termes du premier alinéa de l’article L. 322-4 du code de l’énergie : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 324-1, les ouvrages des réseaux publics de distribution, y compris ceux qui, ayant appartenu à Electricité de France, ont fait l’objet d’un transfert au 1er janvier 2005, appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. ».
Aux termes du deuxième alinéa du IV de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales : « L’autorité organisatrice d’un réseau public de distribution, exploité en régie ou concédé, est la commune ou l’établissement public de coopération auquel elle a transféré cette compétence (…) ».
Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité est attachée à la qualité d’autorité organisatrice de ces réseaux. En conséquence, lorsqu’une commune transfère sa compétence en matière d’organisation de la distribution d’électricité à un établissement public de coopération, celui-ci devient autorité organisatrice sur le territoire de la commune et propriétaire des ouvrages des réseaux en cause, y compris des installations de comptage visées à l’article D. 342-1 du code de l’énergie.
En l’occurrence, la commune de Bonneuil-sur-Marne est membre du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (SIPPEREC), lequel assure notamment, aux termes de l’article 2 de ses statuts, approuvés par délibération du comité syndical du 30 juin 2016, la mission d’autorité concédante et organisatrice en matière de distribution publique d’énergie électrique.
Par suite, à compter du transfert de cette compétence, le syndicat intercommunal est devenu, en qualité d’autorité organisatrice du service public de distribution d’électricité sur le territoire de la commune de Bonneuil-sur-Marne, propriétaire des ouvrages affectés aux réseaux de distribution de cette commune, notamment des compteurs électriques qui y sont installés.
Dès lors, et contrairement à ce que soutient la commune de Bonneuil-sur-Marne, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Melun a estimé, par son jugement n° 1703068 du 20 décembre 2019, que celle-ci n’était pas propriétaire des compteurs électriques installés sur son territoire et que le maire n’était dès lors pas compétent, sur le fondement des textes cités aux points 3 et 4, pour s’opposer, par la délibération attaquée du 17 novembre 2016, au déploiement des compteurs « Linky » sur le territoire communal. Par suite, la commune de Bonneuil-sur-Marne ne peut utilement soutenir qu’elle aurait entendu exercer à cet égard, en application de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, sa compétence de principe pour régler les affaires de la commune.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
CAA de PARIS
4ème chambre
4 juin 2021
N° 20PA01185-20PA01186
Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première demande n° 1703068 enregistrée le 13 avril 2017, la société Enedis a demandé au Tribunal administratif de Melun d’annuler la délibération du 17 novembre 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bonneuil-sur-Marne a décidé de refuser le déploiement des compteurs d’électricité « Linky » sur son territoire et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par elle contre cette délibération.
Par une deuxième demande n° 1707633 enregistrée le 29 septembre 2017, la société Enedis a demandé au Tribunal administratif de Melun d’annuler l’arrêté du 15 mai 2017 par lequel le maire de la commune de Bonneuil-Sur-Marne a décidé la suspension du déploiement des compteurs d’électricité « Linky » sur son territoire ainsi que la décision par laquelle cette autorité a implicitement rejeté son recours gracieux formé contre cet arrêté.
Par un déféré n° 1707854 enregistré le 10 octobre 2017, le préfet du Val-de-Marne a également demandé au Tribunal administratif de Melun d’annuler l’arrêté du 15 mai 2017 précité.
Par un jugement n° 1703068 du 20 décembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a annulé la délibération du 17 novembre 2016 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux de la société Enedis.
Par un jugement nos 1707633, 1707854 du 20 décembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a annulé l’arrêté du maire de Bonneuil-sur-Marne du 15 mai 2017 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux de la société Enedis.
Procédure devant la Cour :
I- Par une requête, enregistrée le 10 avril 2020 sous le n° 20PA01185, la commune de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), représentée par la SCPA Seban et Associés, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1703068 ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-la délibération attaquée constitue un voeu au sens de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ;
-le conseil municipal était compétent pour prendre la délibération attaquée sur le fondement de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, au regard de l’intérêt communal poursuivi ;
-la délibération attaquée est en outre justifiée par des enjeux de sécurité au regard tant des risques sanitaires liés aux ondes électromagnétiques émises que des risques d’incendie liés à la pose des compteurs « Linky », ainsi que par les inquiétudes suscitées chez les habitants par ces risques ;
-elle est également justifiée au regard des inquiétudes des habitants suscitées par les risques d’atteinte à la vie privée, mis en évidence par le rapport annuel 2018 de la Cour des comptes et les récentes mises en demeure de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) adressées aux fournisseurs d’électricité pour assurer la confidentialité des données.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2020, la société Enedis, représentée par Me F…, conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement n° 1703068 du Tribunal administratif de Melun.
Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.
II- Par une requête, enregistrée le 10 avril 2020 sous le n° 20PA01186, la commune de Bonneuil-sur-Marne, représentée par la SCPA Seban et Associés, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement nos 1707633 et 1707854 ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-le maire de Bonneuil-sur-Marne a pu légalement mettre en oeuvre son pouvoir de police générale sur le fondement de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, au vu des craintes manifestées par les habitants concernant les risques d’atteinte à la privée générés par le déploiement des compteurs « Linky » ;
-ces risques ont été mis en évidence par le rapport annuel 2018 de la Cour des comptes et les récentes mises en demeures de la CNIL adressées aux fournisseurs d’électricité pour assurer la confidentialité des données ;
-la décision de suspension temporaire était juste et proportionnée ;
-le maire a entendu faire cesser le trouble à la tranquillité publique généré par les inquiétudes des habitants liées au déploiement des compteurs, résultant des carences d’information du gestionnaire du réseau.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2020, la société Enedis, représentée par Me F…, conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement nos 1707633, 1707854 du Tribunal administratif de Melun.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code de l’énergie ;
-le code général des collectivités territoriales ;
-le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
— le rapport de M. C…,
-les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
-les observations de Me E… pour la commune de Bonneuil-sur Marne et la société Sipperec énergies et communications,
-et les observations de Me D… pour la société Enedis.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération n° 9 du 17 novembre 2016 intitulée « En refusant les compteurs Linky », le conseil municipal de la commune de Bonneuil-sur-Marne s’est opposé au déploiement des compteurs dénommés « Linky » sur le territoire de la commune. Par lettre en date du 15 décembre 2016, la société Enedis, opérateur chargé de l’installation et de la gestion de ces compteurs, a formé un recours gracieux à l’encontre de cette délibération, qui a été implicitement rejeté par la commune précitée. Par arrêté du 15 mai 2017, le maire de la commune de Bonneuil-sur-Marne a en outre décidé de suspendre le déploiement de ces compteurs sur le territoire de la commune. Par lettre en date du 30 mai 2017, la société Enedis a formé un recours gracieux à l’encontre de cet arrêté, qui a été également implicitement rejeté par la commune de Bonneuil-sur-Marne. Cette dernière relève appel des deux jugements n° 1703068 et nos 1707633, 1707854 du 20 décembre 2019 par lesquels le Tribunal administratif de Melun a, d’une part, annulé la délibération du 17 novembre 2016 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par la société Enedis contre cette dernière et, d’autre part, annulé l’arrêté du maire de Bonneuil-sur-Marne du 15 mai 2017 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par la même société contre cet arrêté.
En ce qui concerne la requête n° 20PA01185 :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la délibération du 17 novembre 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bonneuil-sur-Marne s’est opposé à l’installation des compteurs « Linky », au motif de leur dangerosité, ne constitue pas, compte tenu de ses termes, un simple voeu, nonobstant l’intitulé de cette délibération, mais une décision faisant grief, ainsi que l’ont retenu à bon droit les premiers juges. Il en est de même de la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par la société Enedis contre cette délibération.
3. En second lieu, d’une part, aux termes du premier alinéa de l’article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales : « Le transfert d’une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence ». Aux termes de l’article L. 1321-4 du même code : « Les conditions dans lesquelles les biens mis à disposition, en application de l’article L. 1321-2, peuvent faire l’objet d’un transfert en pleine propriété à la collectivité bénéficiaire sont définies par la loi ».
4. D’autre part, aux termes du premier alinéa de l’article L. 322-4 du code de l’énergie : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 324-1, les ouvrages des réseaux publics de distribution, y compris ceux qui, ayant appartenu à Electricité de France, ont fait l’objet d’un transfert au 1er janvier 2005, appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. ». Aux termes du deuxième alinéa du IV de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales : « L’autorité organisatrice d’un réseau public de distribution, exploité en régie ou concédé, est la commune ou l’établissement public de coopération auquel elle a transféré cette compétence (…) ».
5. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité est attachée à la qualité d’autorité organisatrice de ces réseaux. En conséquence, lorsqu’une commune transfère sa compétence en matière d’organisation de la distribution d’électricité à un établissement public de coopération, celui-ci devient autorité organisatrice sur le territoire de la commune et propriétaire des ouvrages des réseaux en cause, y compris des installations de comptage visées à l’article D. 342-1 du code de l’énergie.
6. Il est constant que la commune de Bonneuil-sur-Marne est membre du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (SIPPEREC), lequel assure notamment, aux termes de l’article 2 de ses statuts, approuvés par délibération du comité syndical du 30 juin 2016, la mission d’autorité concédante et organisatrice en matière de distribution publique d’énergie électrique. Par suite, à compter du transfert de cette compétence, le syndicat intercommunal est devenu, en qualité d’autorité organisatrice du service public de distribution d’électricité sur le territoire de la commune de Bonneuil-sur-Marne, propriétaire des ouvrages affectés aux réseaux de distribution de cette commune, notamment des compteurs électriques qui y sont installés. Dès lors, et contrairement à ce que soutient la commune de Bonneuil-sur-Marne, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Melun a estimé, par son jugement n° 1703068 du 20 décembre 2019, que celle-ci n’était pas propriétaire des compteurs électriques installés sur son territoire et que le maire n’était dès lors pas compétent, sur le fondement des textes cités aux points 3 et 4, pour s’opposer, par la délibération attaquée du 17 novembre 2016, au déploiement des compteurs « Linky » sur le territoire communal. Par suite, la commune de Bonneuil-sur-Marne ne peut utilement soutenir qu’elle aurait entendu exercer à cet égard, en application de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, sa compétence de principe pour régler les affaires de la commune.
7. En troisième lieu, la commune de Bonneuil-sur-Marne fait valoir que la délibération attaquée était justifiée par des enjeux de sécurité, tant au regard des risques sanitaires que feraient courir aux habitants les ondes électromagnétiques émises par les compteurs « Linky » qu’au regard des risques d’incendie liés à l’installation de ces compteurs ainsi que des risques d’atteinte à la confidentialité des données induits par leur fonctionnement. La commune de Bonneuil-sur-Marne doit ainsi être regardée comme soutenant qu’au vu des craintes manifestées par les habitants au regard de l’ensemble de ces risques, elle a mis en oeuvre, par la délibération attaquée, son pouvoir de police générale prévu aux articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, notamment destiné à assurer la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques.
8. Aux termes de l’article L. 111-52 du code de l’énergie : « Les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité sont, dans leurs zones de desserte exclusives respectives : 1° La société gestionnaire des réseaux publics de distribution issue de la séparation entre les activités de gestion de réseau public de distribution et les activités de production ou de fourniture exercées par Electricité de France en application de l’article L. 111-57 (…) ». Aux termes de l’article L. 322-8 du même code : « Sans préjudice des dispositions du sixième alinéa du I de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies : (…) 7° D’exercer les activités de comptage pour les utilisateurs raccordés à son réseau, en particulier la fourniture, la pose, le contrôle métrologique, l’entretien et le renouvellement des dispositifs de comptage et d’assurer la gestion des données et toutes missions afférentes à l’ensemble de ces activités (…) ». Aux termes de l’article L. 341-4 du même code : « Les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité mettent en oeuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l’année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée. / Dans le cadre du déploiement des dispositifs prévus au premier alinéa du présent article et en application de la mission fixée au 7° de l’article L. 322-8, les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité mettent à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d’alerte liés au niveau de leur consommation, ainsi que des éléments de comparaison issus de moyennes statistiques basées sur les données de consommation locales et nationales. Un décret précise le contenu des données concernées ainsi que les modalités de leur mise à disposition (…) ». Aux termes de l’article R. 341-6 du même code, reprenant les dispositions de l’article 4 du décret n° 2010-1022 du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d’électricité : « Un arrêté du ministre chargé de l’énergie pris sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie précise, au vu notamment des exigences d’interopérabilité du système, les fonctionnalités et les spécifications des dispositifs de comptage prévus à l’article R. 341-4. / Les spécifications et les éléments de coûts des dispositifs de comptage relevant des gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité desservant plus de cent mille clients sont soumis, préalablement à leur mise en oeuvre, à la Commission de régulation de l’énergie, qui peut formuler des recommandations notamment en vue de veiller à la mise en place de dispositifs de comptage interopérables au plan national selon des modalités précisées par l’arrêté prévu au premier alinéa ». Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du ministre chargé de l’énergie du 4 janvier 2012 pris en application de l’article 4 du décret du 31 août 2010 précité : « Les dispositifs de comptage dont font usage le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité et les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité aux points de raccordement des installations des utilisateurs des réseaux publics raccordées en haute tension du domaine B (HTB) mesurent et enregistrent les courbes de mesure, en puissance active et réactive, en soutirage et en injection, à un pas de temps de dix minutes ou sous-multiple de dix minutes. / En outre, les dispositifs de comptage disposent d’une interface de communication électronique accessible à l’utilisateur ou à un tiers autorisé par cet utilisateur. Cette interface transmet, a minima, la puissance instantanée ou des éléments de courbe de mesure ». Enfin, aux termes de l’article 4 du même arrêté : « Les dispositifs de comptage dont font usage les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité aux points de raccordement des installations des utilisateurs des réseaux publics raccordées en basse tension pour des puissances inférieures ou égales à 36 kVA (…) /-permettent, à distance, le réglage de puissance souscrite, la déconnexion et autorisent la connexion / (…) /-intègrent au moins un contact pilotable à partir d’un des calendriers tarifaires / (…) ».
9. Il résulte des dispositions législatives citées au point 8 que le législateur a prévu que les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité mettent en oeuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents selon les périodes de l’année ou de la journée et incitant les consommateurs à limiter leur consommation pendant les périodes de forte consommation. La loi a imposé à cette fin aux gestionnaires de réseaux publics de mettre à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d’alerte de consommation et des éléments de comparaison sur les consommations. Il appartient, dans ce cadre, au Premier ministre de fixer par décret les modalités de mise à disposition des données devant être recueillies par les compteurs électriques communicants, lesquels permettent de disposer et de transmettre les données nécessaires. Le ministre chargé de l’industrie a été chargé, avec la Commission de régulation de l’énergie, de déterminer les fonctionnalités et spécifications de ces compteurs. Ces compteurs sont, par ailleurs, soumis aux dispositions de l’article R. 323-28 du code de l’énergie, aux termes duquel « Les dispositions techniques adoptées pour les ouvrages des réseaux publics d’électricité ainsi que les conditions de leur exécution doivent satisfaire aux prescriptions techniques fixées par un arrêté conjoint du ministre chargé de l’énergie et du ministre chargé de la santé./ Les prescriptions de cet arrêté visent à éviter que ces ouvrages compromettent la sécurité des personnes et des biens, la sûreté de fonctionnement du système électrique ou la qualité de l’électricité, qu’ils génèrent un niveau de bruit excessif dans leur voisinage et qu’ils excèdent les normes en vigueur en matière d’exposition des personnes à un rayonnement électromagnétique ». Ils sont également soumis aux dispositions du décret du 27 août 2015 relatif à la compatibilité électromagnétique des équipements électriques et électroniques, qui transpose en droit interne les objectifs de la directive 2014/30/UE du 26 février 2014 relative à l’harmonisation des législations des Etats membres concernant la compatibilité électromagnétique.
10. Il appartient ainsi aux autorités de l’Etat de veiller, pour l’ensemble du territoire national, non seulement au fonctionnement optimal du dispositif de comptage au vu notamment des exigences d’interopérabilité mais aussi à la protection de la santé publique par la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques, en mettant en oeuvre des capacités d’expertise et des garanties techniques indisponibles au plan local. Dans ces conditions, si les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait adopter sur le territoire de la commune des décisions portant sur l’installation de compteurs électriques communicants qui seraient destinées à protéger les habitants contre les effets des ondes émises.
11. En outre et comme en première instance, la commune de Bonneuil-sur-Marne soutient que la délibération attaquée a été prise au vu des craintes exprimées par les habitants relatives au risque d’intrusion dans la vie privée que représenteraient les compteurs communiquants « Linky ». Elle fait valoir à cet égard que la réalité des atteintes à la confidentialité des données a été notamment démontrée par la Cour des comptes, dans son rapport public annuel 2018, ainsi que par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), par ses récentes mises en demeure adressées aux fournisseurs d’électricité au regard de modalités illégales ou insuffisantes de recueil du consentement des consommateurs préalablement au traitement de leurs données personnelles. Toutefois, d’une part, il ne ressort pas de l’examen de la quatrième partie du rapport de la Cour des comptes du 7 février 2018, intitulée « Les compteurs communicants Linky : tirer pour les consommateurs tous les bénéfices d’un investissement coûteux », que cette juridiction financière aurait mis en évidence une méconnaissance par la société Enedis des règles applicables à cette matière. D’autre part, la commune de Bonneuil-sur-Marne n’établit pas que l’utilisation des informations collectées par ces compteurs s’effectuerait dans des conditions contraires à la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ou aux recommandations de la CNIL, en tout état de cause dépourvues de force contraignante, alors en outre que les mises en demeure précitées de cette autorité, adressées à des fournisseurs d’électricité, ne sauraient concerner la société Enedis, en charge du service public de la distribution d’électricité. Il ne résulte au demeurant d’aucun des termes du communiqué de la CNIL relatif à la collecte et à la transmission des données par les compteurs communicants « Linky » et « Gazpar », en date du 15 juin 2018, que la société Enedis ne respecterait pas les règles s’imposant à elle en matière de traitement des données personnelles.
12. Enfin, si la commune de Bonneuil-sur-Marne mentionne dans la délibération attaquée de prétendus risques d’incendie de maison liés à l’installation des compteurs « Linky » et produit à cet égard plusieurs articles de presse régionaux, elle ne produit aucune pièce de nature à établir la réalité du nombre d’incendies dont le lien avec l’installation ou le fonctionnement des compteurs « Linky » aurait été démontré, aucun incendie n’ayant d’ailleurs été signalé sur son territoire. En outre, elle ne soutient ni même n’allègue que ces compteurs présenteraient des défauts intrinsèques de nature à exposer les utilisateurs à des risques avérés d’incendie.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que ni les pouvoirs de police générale prévus aux articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, lesquels n’appartiennent d’ailleurs qu’au maire, ni le principe de précaution n’autorisaient le conseil municipal de la commune de Bonneuil-sur-Marne à prendre la décision de s’opposer à l’installation des compteurs « Linky » sur son territoire.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bonneuil-sur-Marne n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué n° 1703068 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé la délibération du 17 novembre 2016 du conseil municipal de la commune de Bonneuil-sur-Marne ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par la société Enedis.
En ce qui concerne la requête n° 20PA01186 :
15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, la commune de Bonneuil-sur-Marne n’est pas fondée à soutenir que le maire pouvait faire usage de ses pouvoirs de police générale, aux fins d’assurer le bon ordre et la tranquillité publique, pour prendre l’arrêté du 15 mai 2017 par lequel celui-ci a suspendu le déploiement des compteurs « Linky » sur le territoire de la commune « tant que la régularité de leur installation et des traitements de données à caractère personnel qu’ils opèrent n’aura pas été vérifiée par la CNIL et les résultats communiqués à la Commune ».
16. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bonneuil-sur-Marne n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué nos 1707633, 1707854 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé l’arrêté du 15 mai 2017 du maire de Bonneuil-sur-Marne ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par la société Enedis.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Enedis, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Bonneuil-sur-Marne demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de la commune de Bonneuil-sur-Marne sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bonneuil-sur-Marne, à la société Enedis, et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au SIPPEREC et préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l’audience du 21 mai 2021 à laquelle siégeaient :
– Mme B…, présidente,
– M. C…, premier conseiller,
– Mme A…, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021.
Le rapporteur
La présidente
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision