M. [G] [N] a agi en tant que caution personnelle et solidaire pour la SARL Deportes Management Europa auprès de la Banque Courtois, garantissant une somme de 200 000 euros. Il a également hypothéqué des biens pour un montant total de 260 000 euros. En novembre 2012, la Banque Courtois a mis en demeure la société de payer des sommes dues. La société a été placée en liquidation judiciaire en novembre 2014, et la Banque a produit ses créances. En novembre 2019, un commandement de payer a été signifié à M. [N] pour un montant total de 148 136,15 euros. En mars 2020, la Banque a assigné M. [N] pour une vente forcée. Le tribunal judiciaire de Bordeaux a débouté la Banque de ses demandes en janvier 2021, décision confirmée par la cour d’appel en novembre 2021. En février 2022, la Banque a de nouveau assigné M. [N] pour chiffrer sa créance. M. [N] a soulevé l’irrecevabilité de la demande de la Société Générale, héritière de la Banque, en raison de l’autorité de la chose jugée. Le tribunal a accueilli cette fin de non-recevoir en décembre 2023, déclarant la demande de la Société Générale irrecevable et condamnant celle-ci aux dépens. La Société Générale a interjeté appel de cette décision. M. [N] a demandé la confirmation de l’ordonnance en appel, ainsi que des condamnations à son encontre. L’affaire est fixée pour audience en juin 2024.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 19 SEPTEMBRE 2024
N° RG 23/05857 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NSGH
S.A. SOCIETE GENERALE
c/
[G] [N]
Nature de la décision : APPEL D’UNE ORDONNANCE DE MISE EN ETAT
Copie exécutoire délivrée le 19/09/2024 :
Maître Marie-josé MALO et Maître Arthur CAMILLE
Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 19 décembre 2023 par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 22/00848) suivant déclaration d’appel du 28 décembre 2023
APPELANTE :
S.A. SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la BANQUE COURTOIS, en suite de l’opération de fusion-absorption intervenue entre la SOCIETE GENERALE société absorbante, d’une part et le CREDIT DU NORD et ses filiales [SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC), BANQUE COURTOIS, BANQUE TARNEAUD, BANQUE LAYDERNIER, BANQUE RHONE-ALPES, BANQUE NUGER, et BANQUE KOLB], sociétés absorbées d’autre part, ladite fusion-absorption étant devenue définitive en date du 1er Janvier 2023, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social sis [Adresse 2] – [Localité 4]
Représentée par Maître Marie-josé MALO de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
[G] [N]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 5] (33)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 6] – [Localité 3]
Représenté par Maître LE BARAZER substituant Maître Arthur CAMILLE de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 juin 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel BREARD, conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
Greffier lors du prononcé : Mélina POUESSEL, greffier placé
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par acte du 30 mars 2012, M. [G] [N] s’est porté caution personnelle et solidaire pour le compte de la SARL Deportes Management Europa en faveur de la Banque Courtois, à hauteur d’une somme de 200 000 euros.
Par acte authentique du 4 mai 2012, M. [N] a hypothéqué au profit de la Banque Courtois, divers biens lui appartenant, afin de garantir à hauteur de 260 000 euros incluant la somme principale de 200 000 euros, les sommes dues par la société Deportes Management Europa à la Banque Courtois.
Par lettre RAR du 19 novembre 2012, la Banque Courtois a mis en demeure la société Deportes Management Europa, d’effectuer le paiement d’une somme de 141 778,30 euros au titre du compte courant et au titre de créances cédées impayées, la somme de 16 772,14 euros.
La société Desportes Management Europa a fait l’objet d’une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bayonne du 24 novembre 2014, à laquelle la Banque Courtois a produit ses créances.
Par acte d’huissier du 22 novembre 2019, la Banque Courtois a fait signifier à M. [N], un commandement de payer la somme totale 148 136,15 euros.
Par acte d’huissier du 17 mars 2020, la Banque Courtois a assigné M. [N] devant le juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins que soit prononcé la vente forcée, fixée la date de l’audience à laquelle il y sera procédé, et fixé le montant de sa créance.
Par jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 14 janvier 2021, le tribunal a débouté la Banque Courtois de l’intégralité de ses demandes.
Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Bordeaux le 25 novembre 2021.
Par acte d’huissier du 1er février 2022, la Banque Courtois a assigné M. [N] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux afin de faire chiffrer sa créance.
M. [N] a saisi le juge de la mise en état afin de voir déclarer la société Générale, venue aux droits de la Banque Courtois, irrecevable en ses demandes pour «autorité de la chose jugée » et « défaut d’intérêt à agir ».
Par ordonnance du juge de la mise en état du 19 décembre 2023 le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– constaté que la contestation de la créance de la Société Générale venue aux droits de la Banque Courtois, a été définitivement tranchée par l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 25 novembre 2021, confirmant le jugement du juge de l’exécution de Bordeaux du 14 janvier 2021,
En conséquence,
– accueilli la fin de non recevoir soulevée en raison de l’autorité de la chose jugée, et déclaré irrecevable la demande de fixation de sa créance présentée par la Société Générale venant aux droits de la Banque Courtois,
– condamné la Société Générale venue aux droits de la Banque Courtois aux dépens,
– condamné la Société Générale venue aux droits de la Banque Courtois à verser à M. [N] une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Société Générale a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 28 décembre 2023, en ce qu’elle a :
– constaté que la contestation de la créance de la Société Générale venue aux droits de la Banque Courtois, a été définitivement tranchée par l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 25 novembre 2021, confirmant le jugement du juge de l’exécution de Bordeaux du 14 janvier 2021,
En conséquence,
– accueilli la fin de non recevoir soulevée en raison de l’autorité de la chose jugée, et déclaré irrecevable la demande de fixation de sa créance présentée par la Société Générale venant aux droits de la Banque Courtois,
– condamné la Société Générale venue aux droits de la Banque Courtois aux dépens,
– condamné la Société Générale venue aux droits de la Banque Courtois à verser à M. [N] une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Par dernières conclusions déposées le 22 janvier 2024, la Société Générale demande à la cour de :
– déclarer la Société Générale venant aux droits de la Banque Courtois recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
– réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux du 19 décembre 2023,
Et statuant à nouveau,
– déclarer M. [N] mal fondé en son incident et l’en débouter,
– juger la Société Générale venant aux droits de la Banque Courtois suite à la fusion absorption recevable en ses demandes,
– condamner M. [N] au paiement d’une somme de 1 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions déposées le 19 février 2024, M. [N], demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance entreprise, au besoin par substitution de motifs en vertu du principe de concentration des moyens,
– condamner l’appelante aux dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’affaire a été fixée à bref délai à l’audience rapporteur du 3 juin 2024, avec clôture de la procédure à la date du 21 mai 2024.
I Sur la recevabilité de la demande de fixation de créance de la Société Générale.
La société appelante reproche au premier juge d’avoir commis une erreur de droit en retenant que le juge de l’exécution avait statué au fond sur l’existence même de la créance objet du litige, alors qu’elle intervenait au titre de l’audience d’orientation dans le cadre de la procédure de saisie immobilière.
Elle estime que ce dernier n’a pas autorité de chose jugée, quand bien même il l’a débouté de sa demande en paiement de la somme de 124.786,93 € au titre de la disproportion constatée. Il existe à ce titre selon ses dires une confusion entre l’affectation hypothécaire du 4 mai 2012 et l’engagement de caution personnelle et solidaire de son adversaire du 30 mars 2012, faisant chacun l’objet d’une procédure distincte, car établis de façon indépendante.
Elle indique avoir engagé une action en recouvrement à l’encontre de M. [N] s’agissant de la seule affectation hypothécaire, donnée par acte séparé et non soumise aux dispositions du code de la consommation, s’agissant d’un engagement réel et non personnel, ou aux dispositions du cautionnement relatif à la disproportion de l’engagement.
Elle en déduit qu’aucun argument tiré de la force jugée ne peut lui être opposé, ce d’autant plus que la décision du premier juge a également fait l’objet d’un appel distinct du présent.
Surtout, elle conteste que la décision du juge de l’exécution en date du 14 janvier 2021 ait retenu que sa créance était inexistante.
Arguant de l’article R.322-18 du code des procédures civiles d’exécution, elle rappelle que le juge de l’exécution a été saisi afin d’autoriser la vente des biens saisis, de fixer sa créance dans le cadre de la saisie des biens immobiliers, notamment en vérifiant les caractères liquide et exigible de la créance fondant la saisie immobilière.
Elle soutient que la décision en cause a constaté que l’acte notarié ne permettait pas de retenir une créance exigible pouvant fonder les poursuites et donc que ni la liquidité, ni l’exigibilité de celle-ci n’étaient établies. Ainsi, elle se prévaut de ce que la cour aurait également admis que le titre ne contient aucun élément permettant d’établir la créance, le montant du solde débiteur du compte bancaire n’étant pas déterminé au jour de la signature de l’acte notarié et constaté que la mise en demeure prévue par ce même document n’avait pas été effectuée.
Elle insiste sur le fait que ces deux conditions sont à présent remplies, que l’affectation hypothécaire existe toujours, sauf à ce que les conditions d’exigibilité et de liquidité ne puissent jamais être remplies et à la priver de son titre exécutoire.
Sur la question de l’intérêt à agir, elle souligne que l’hypothèse conventionnelle prise par ses soins a été renouvelée le 29 mars 2022 et qu’elle n’est donc pas éteinte.
*
En vertu de l’article 122 du code de procédure civile ‘Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.’
L’article 1355 du code civil ajoute que ‘L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.’
L’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire indique que ‘Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.
Le juge de l’exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Il connaît de la saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Le juge de l’exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d’exécution.’
L’article R.322-15 du code des procédures civiles d’exécution précise que ‘A l’audience d’orientation, le juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L.311-2, L. 311-4 et L.311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.
Lorsqu’il autorise la vente amiable, le juge s’assure qu’elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur.’
Il est constant qu’en application de ces textes, les jugements d’orientation rendus par le juge de l’exécution en matière de saisie immobilière, ou les arrêts rendus sur appels de ces décisions, ont l’autorité de chose jugée, en particulier quant à l’existence et au montant de la créance du créancier poursuivant, les parties ayant obligation de soulever devant lui toute contestation qu’elles entendent faire valoir, y compris sur le fond du droit.
Il n’est pas remis en cause que l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 25 novembre 2021 confirmant le jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux du 14 janvier 2021 a rejeté la demande de fixation de la créance objet du présent litige.
La cour constate que le débat ne porte pas sur l’existence ou la nature de la sûreté prise par le créancier à l’encontre de M. [N], mais bien sur la force de la chose jugée de la décision précitée du 25 novembre 2021 relative à la reconnaissance de sa créance.
S’agissant d’une même créance, existant entre les deux mêmes parties en ce que la Société Générale vient aux droits de la société Banque Courtois à l’encontre de M. [N], sans qu’il soit invoqué de nouveau moyen, à savoir que la fixation de la créance est toujours sollicitée, il sera retenu que les conditions de l’article 1355 du code civil sont remplies.
Dès lors, sans qu’il soit nécessaire de répondre aux autres arguments de la société appelante, ses contestations seront rejetées et la décision attaquée sera confirmée.
II Sur les demandes annexes.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
L’équité exige que la Société Générale soit condamnée à verser à M. [N] une somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure.
Aux termes de l’article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, la Société Générale, qui succombe au principal, supportera la charge des entiers dépens.
LA COUR,
CONFIRME la décision rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux le 19 décembre 2023,
Y ajoutant,
CONDAMNE la Société Générale à régler à M. [N] une somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d’appel ;
CONDAMNE la Société Générale aux entiers dépens de la présente instance.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, présidente, et par Madame Mélina POUESSEL, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,