Sur la responsabilité et la preuve dans le cadre des travaux de construction

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Sur la responsabilité et la preuve dans le cadre des travaux de construction

L’association [3] a assigné la SARL Étienne et la SARL Charpentes Galmiche devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Épinal le 19 octobre 2021 pour obtenir une expertise. Ces sociétés ont ensuite fait intervenir leurs assureurs, la SA AXA France IARD et la société MMA IARD Assurances Mutuelles. Le 6 avril 2022, le juge a ordonné une expertise, désignant un expert pour la réaliser. Le 2 octobre 2023, l’association a assigné d’autres sociétés, la SARL Vosges Architecture, l’EURL MGI Chauffage et la SAS Ceritel Ingénierie, pour que l’expertise soit déclarée commune et opposable, en raison de nouveaux désordres liés à l’humidité et à la ventilation.

Le 14 février 2024, le juge a débouté l’association de sa demande contre la SARL MGI Chauffage, a déclaré l’expertise commune pour les autres sociétés, et a rejeté la demande d’extension de la mission d’expertise. L’association a fait appel de cette ordonnance le 23 février 2024, demandant que l’expertise soit également opposable à la SARL MGI Chauffage. Elle soutient que le juge a mal appliqué le droit en se basant sur la forclusion, arguant qu’elle a découvert les désordres lors d’une réunion d’expertise en septembre 2022.

La SARL MGI Chauffage a contesté l’appel, affirmant que la forclusion était acquise en raison de la réception sans réserve des travaux en juillet 2013, et a demandé la confirmation de l’ordonnance. La clôture de l’instruction a été prononcée le 10 juin 2024, avec une audience de plaidoirie prévue pour le 1er juillet 2024 et un délibéré le 23 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 septembre 2024
Cour d’appel de Nancy
RG
24/00363
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2024 DU 23 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/00363 – N° Portalis DBVR-V-B7I-FKEY

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé – tribunal judiciaire d’EPINAL,

R.G.n° 23/00219, en date du 14 février 2024,

APPELANTE :

Association [3], prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié [Adresse 1]

Représentée par Me Franck KLEIN de la SELARL AVOCAT JURISTE CONSEIL, avocat au barreau d’EPINAL

INTIMÉE :

S.A.R.L. MGI CHAUFFAGE, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Frédérique MOREL, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Pierre-André BABEL, avocat au barreau d’EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er Juillet 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, Président d’audience, chargé du rapport, et Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

selon ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 17 juin 2024.

A l’issue des débats, le Président d’audience a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 23 Septembre 2024, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 23 Septembre 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur WEISSMANN, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 19 octobre 2021, l’association [3] a fait assigner la SARL Étienne et la SARL Charpentes Galmiche devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Épinal afin d’obtenir une expertise sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

La SARL Étienne et la SARL Charpentes Galmiche ont fait assigner en intervention forcée leurs assureurs respectifs, la SA AXA France IARD et la société MMA IARD Assurances Mutuelles.

Par ordonnance du 6 avril 2022, le juge des référés a ordonné une expertise et désigné Monsieur [G] [C] pour y procéder.

Par acte du 2 octobre 2023, l’association [3] a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Épinal la SARL Vosges Architecture, l’EURL MGI Chauffage et la SAS Ceritel Ingénierie afin que les opérations d’expertise leur soient déclarées communes et opposables et aux fins d’extension de la mission d’expertise à l’analyse des nouveaux désordres consistant en une humidité excessive que les matériaux ne supportent pas, un défaut de ventilation des locaux susceptible de générer une condensation excessive, voire des absences d’étanchéité notamment sur la base du mur correspondant à la partie enterrée de l’immeuble et en sous face des panneaux sous toiture, à la détermination de leur origine et de leur liaison avec les désordres initiaux.

Par ordonnance contradictoire du 14 février 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire d’Épinal a :

– débouté l’association [3] de sa demande dirigée à l’encontre de la SARL MGI Chauffage,

– déclaré commune et opposable à la SARL Vosges Architecture et à la SAS Ceritel Ingénierie l’expertise instaurée par l’ordonnance de référé du 6 avril 2022 et dit que les opérations d’expertise devront en conséquence se poursuivre en leur présence ou celles-ci appelées,

– dit qu’une copie de l’ordonnance sera adressée pour information par le greffier à Monsieur [G] [C],

– dit que la SARL Vosges Architecture et la SAS Ceritel Ingénierie devront être mises en mesure de présenter leurs observations sur les opérations auxquelles l’expert a déjà procédé, conformément à l’article 169 du code de procédure civile,

– rejeté la demande d’extension de la mission d’expertise présentée par l’association [3],

– mis provisoirement les dépens de l’instance à la charge de l’association Maison familiale et rurale 4 vents,

– débouté la SARL MGI Chauffage et la SARL Vosges Architecture de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que l’ordonnance est exécutoire à titre provisoire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a relevé que les désordres allégués dans le cadre de l’expertise en cours n’étaient pas les mêmes que ceux qui étaient dénoncés dans le cadre de l’instance au fond n° RG 15/01526.

Il a ensuite considéré que toute action au fond à l’encontre de la SARL MGI Chauffage était vouée à l’échec en raison de la forclusion. Il a rappelé que le procès-verbal de réception sans réserve avait été signé le 11 juillet 2013 et que la procédure avait été engagée le 2 octobre 2023. Il en a conclu que la forclusion du droit à agir contre la SARL MGI Chauffage était manifestement acquise.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 23 février 2024, l’association [3] a relevé appel de cette ordonnance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 6 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l’association Maison familiale et rurale 4 vents demande à la cour, sur le fondement des articles 1240 et 2224 du code civil ainsi que des articles 145 et suivants du code de procédure civile, de :

– déclarer recevable et bien fondé son appel à l’encontre de l’ordonnance rendue le 14 février 2024,

Y faisant droit,

– infirmer l’ordonnance du 14 février 2024 en ce qu’elle a été déboutée de sa demande dirigée à l’encontre de la SARL MGI Chauffage,

Et statuant à nouveau,

– juger que les opérations d’expertise ordonnées le 6 avril 2022 (ordonnance n°59/22 du tribunal judiciaire d’Épinal) entre elle et la société MMA IARD Assurance Mutuelles, la SA AXA France Iard, la SARL Étienne et la SARL Charpentes Galmiche seront rendues communes et opposables à la SARL MGI Chauffage,

– dire et juger que la SARL MGI Chauffage sera tenue d’intervenir dans l’expertise dont il s’agit afin d’y faire valoir ses droits et observations,

– dire et juger en tout état de cause que les opérations d’expertise de Monsieur [C] se poursuivront au contradictoire de la SARL MGI Chauffage.

Au soutien de ses prétentions, l’association [3] fait valoir que le juge a fondé sa décision sur les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil alors qu’elle pouvait engager la responsabilité de la SARL MGI Chauffage sur le fondement de la faute dolosive.

Elle rappelle que, suivant les dispositions de l’article 2224 du code civil, cette action se prescrit par 5 ans à compter de la découverte des désordres. Elle expose qu’elle a découvert les désordres au jour de la réunion d’expertise tenue le 29 septembre 2022 lors de laquelle l’expert a constaté que les problèmes d’humidité étaient potentiellement dus à de la condensation voire à l’isolation des locaux et que dès lors, les entreprises ayant réalisé la ventilation et l’étude du chauffage devaient être mises en cause. Elle ajoute pour justifier de sa méconnaissance d’une éventuelle responsabilité de la SARL MGI Chauffage que lorsqu’elle a saisi le juge des référés afin de demander la désignation de l’expert judiciaire, elle n’avait pas assigné cette société.

En outre, elle fait valoir que l’importance et la gravité des dommages, ainsi que l’éventuelle conscience de la SARL MGI Chauffage des malfaçons et défauts présents lors de l’achèvement des travaux justifient la tenue de cette expertise.

Par ailleurs, l’association [3] oppose à la SARL MGI Chauffage qu’elle n’a pas à prouver l’existence d’une faute dolosive dont la caractérisation revient au juge du fond. Elle soutient qu’il lui appartient seulement de démontrer qu’elle dispose d’un intérêt légitime à établir ou à préserver une preuve en vue d’un litige potentiel.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 26 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL MGI Chauffage demande à la cour de :

– dire recevable mais mal fondé l’appel de l’association [3],

– confirmer l’ordonnance entreprise,

– débouter l’association Maison familiale et rurale 4 vents de l’intégralité de ses demandes,

– condamner l’association [3] à lui payer une somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La SARL MGI Chauffage fait valoir que la forclusion de l’action sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil est acquise dès lors que les travaux qu’elle a réalisés ont donné lieu à la signature d’un procès-verbal de réception sans réserve le 11 juillet 2023. Elle en conclut qu’il appartenait à l’association [3] d’agir avant le 13 juillet 2023, l’assignation ayant été signifiée le 2 octobre 2023.

En outre, elle rétorque que l’association Maison familiale et rurale 4 vents n’apporte aucune explication et ne produit aucune pièce permettant de caractériser l’existence d’une faute dolosive à son encontre.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 10 juin 2024.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 1er juillet 2024 et le délibéré au 23 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES

Le premier juge a considéré que toute action au fond à l’encontre de la SARL MGI Chauffage était vouée à l’échec en raison de la forclusion, au motif que la procédure a été engagée le 2 octobre 2023 alors qu’un procès-verbal de réception sans réserve avait été signé le 11 juillet 2013.

Cependant, comme le relève l’association [3], le premier juge a fondé sa décision sur les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, alors que l’appelante estime possible d’engager la responsabilité de la SARL MGI Chauffage sur le fondement de la faute dolosive.

Or, selon l’article 2224 du code civil, ‘Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’.

En l’espèce, l’association [3] expose avoir découvert les désordres lors de la réunion d’expertise du 29 septembre 2022 à l’occasion de laquelle l’expert a constaté que les problèmes d’humidité étaient potentiellement dus à de la condensation, voire à l’isolation des locaux et que les entreprises ayant réalisé la ventilation et l’étude du chauffage devaient donc être mises en cause.

La SARL MGI Chauffage s’est vu confier le lot plomberie / sanitaire, ainsi que le lot chauffage / VMC. Elle fait toutefois valoir que l’association [3] n’apporte aucune explication et ne produit aucune pièce permettant de caractériser l’existence d’une faute dolosive à son encontre. Elle ajoute que selon l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.

Cependant, ces dispositions de l’article 146 du code de procédure civile, relatives aux mesures d’instruction ordonnées au cours d’un procès, ne s’appliquent pas lorsque le juge est saisi d’une demande fondée sur l’article 145.

Par ailleurs, l’association Maison familiale et rurale 4 vents n’est pas tenue à ce stade de démontrer l’existence d’une faute dolosive dont la caractérisation relève de la procédure au fond.

Enfin, c’est précisément afin d’établir si une telle faute dolosive peut être reprochée à la SARL MGI Chauffage dans la réalisation des travaux qu’il est demandé que les opérations d’expertise lui soient déclarées communes.

Compte tenu de ce qui précède, l’association [3] a un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige au sens de l’article 145 du code de procédure civile.

Les opérations d’expertise seront donc déclarées communes et opposables à la SARL MGI Chauffage et l’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle a débouté l’association [3] de cette demande.

SUR LES DÉPENS ET L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Succombant dans ses prétentions, la SARL MGI Chauffage sera condamnée aux dépens d’appel et elle sera déboutée de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire d’Épinal le 14 février 2024 en ce qu’elle a débouté l’association [3] de sa demande dirigée à l’encontre de la SARL MGI Chauffage ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare commune et opposable à la SARL MGI Chauffage l’expertise ordonnée le 6 avril 2022 par ordonnance n°59/22 du juge des référés du tribunal judiciaire d’Épinal ;

Dit que les opérations d’expertise devront se poursuivre en la présence de la SARL MGI Chauffage ou celle-ci appelée ;

Dit qu’une copie de l’arrêt sera adressée pour information par le greffier à l’expert, Monsieur [G] [C] ;

Dit que la SARL MGI Chauffage devra être mise en mesure de présenter ses observations sur les opérations auxquelles l’expert a déjà procédé, conformément à l’article 169 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Déboute la SARL MGI Chauffage de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL MGI Chauffage aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur WEISSMANN, Président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : R. WEISSMANN.-

Minute en sept pages.


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