La société GS Promotion a engagé la construction d’un ensemble immobilier et a confié des travaux de serrurerie et d’habillage des façades à la société Cloisons Rénovation Travaux Sousa (CRTS) par des contrats signés en décembre 2017 et janvier 2018, pour un montant total de 368 948,16 euros TTC, incluant un avenant pour des travaux complémentaires. En raison d’un différend, GS Promotion a rompu unilatéralement le contrat en juillet 2019 et a assigné CRTS en remboursement et indemnisation en avril 2021. Le tribunal de commerce de Versailles a débouté les deux parties en septembre 2022. GS Promotion a interjeté appel, mais CRTS a soulevé la nullité de cette déclaration. Par une ordonnance de décembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré la déclaration d’appel nulle, condamnant GS Promotion aux dépens et à verser 2 000 euros à CRTS. GS Promotion a formé un recours contre cette ordonnance. CRTS, dans ses conclusions, demande la confirmation de l’ordonnance et des condamnations financières à l’encontre de GS Promotion. L’affaire a été mise en délibéré pour une audience ultérieure.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 54G
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 SEPTEMBRE 2024
N° RG 23/08491 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WIB4
AFFAIRE :
S.A.S. GS PROMOTION
C/
S.A.R.L. CRTS exerçant sous l’enseigne CLOISONS RENOVATION TRAVAUX SOUSA
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 10 Octobre 2023 par le Conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de VERSAILLES
N° RG : 22/5837
Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :
à :
Me Antoine DE LA FERTE
Me Dan ZERHAT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANTE
S.A.S. GS PROMOTION
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Antoine DE LA FERTE de la SELARL LYVEAS AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 283
Plaidant : Me Emmanuelle MASSOL de la SELARL AMMA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE
S.A.R.L. CRTS exerçant sous l’enseigne CLOISONS RENOVATION TRAVAUX SOUSA
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731
Plaidant : Me Richard ruben COHEN de la SELAS SELASU RICHARD R. COHEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1887
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Juillet 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
La société GS Promotion, promoteur immobilier, a initié la construction d’un ensemble immobilier dénommé [Adresse 11] à [Localité 5] et a, dans ce cadre, confié un marché portant sur la serrurerie et l’habillage des façades en métalleries des bâtiments C et D à la société Cloisons Rénovation Travaux Sousa (ci-après CRTS) par contrats des 11 décembre 2017 et 19 janvier 2018 pour des montants de 125 998,96 euros TTC (bâtiment C) et 166 472,40 euros TTC (bâtiment D).
Un avenant portant sur des travaux complémentaires a été signé le 29 mai 2019 pour un montant de 76 476,80 euros TTC, portant le montant total à 368 948,16 euros TTC.
À la suite d’un différend entre les parties la société GS Promotion a décidé, par courrier du 24 juillet 2019, de rompre unilatéralement le contrat et exigé la restitution des sommes versées puis a, le 15 avril 2021, assigné la société CRTS en remboursement et en indemnisation.
Par jugement du 7 septembre 2022, le tribunal de commerce de Versailles a débouté les parties de leurs demandes respectives.
La société GS Promotion a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 21 septembre 2022.
La société CRTS a soulevé la nullité de la déclaration d’appel.
Par une ordonnance du 12 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a :
– dit nulle la déclaration d’appel et la cour non saisie valablement,
– condamné la société GS Promotion aux dépens de l’incident et à payer la société CRTS la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le conseiller a retenu en substance, au visa des articles 54, 57, 114, 659 et 901 du code de procédure civile, que le jugement avait été signifié selon les dispositions de l’article 659 du code de procédure civile à l’adresse mentionnée sur l’extrait K-bis, qu’il existait une contradiction entre les mentions de cet extrait et les diligences effectuées par le commissaire de justice, que l’adresse mentionnée ne reflétait pas la réalité et que la déclaration d’appel indiquait une adresse du siège social de l’appelant inexacte de nature à empêcher la signification de l’arrêt à rendre et donc de faire exécuter la décision.
Il en a déduit qu’il en résultait un grief pour la société CRTS.
Le 20 décembre 2023, la société GS Promotion a formé un recours contre cette ordonnance.
Aux termes de sa requête remise au greffe le 20 décembre 2023, la société GS promotion demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son déféré,
– rétracter l’ordonnance en toutes ses dispositions,
– déclarer la déclaration d’appel du 21 septembre 2022 régulière et son appel recevable,
– renvoyer cette affaire à une date d’audience de mise en état en vue de sa fixation,
– condamner la société CRTS aux entiers dépens.
Aux termes de ses premières conclusions remises au greffe le 24 juin 2024, la société CRTS demande à la cour de :
– déclarer que la Cour n’est saisie d’aucune demande,
– déclarer irrecevable, et à défaut, mal fondées les prétentions de la société GS Promotion,
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance,
– condamner la société GS Promotion à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société GS Promotion aux entiers dépens,
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été appelée à l’audience du 1er juillet 2024 et mise en délibéré au 23 septembre 2024.
Sur l’absence ou l’irrecevabilité des demandes
La société CRTS fait valoir, au visa des articles 542, 562 et 964 du code de procédure civile que l’appelant doit mentionner dans le dispositif des conclusions s’il est demandé l’infirmation ou l’annulation du jugement et préciser les chefs de la décision attaquée et qu’en l’espèce la cour n’est saisie d’aucune demande puisque l’appelante ne demande ni l’infirmation ni l’annulation de l’ordonnance litigieuse.
Elle estime que la demande de « rétractation » ne saurait être assimilée aux termes de l’article 542 du code, que la procédure de rétractation n’a aucun lien avec la présente procédure de déféré qui a pour objet d’infirmer ou d’annuler ladite ordonnance et que la cour, en l’absence de demande, ne pourra que confirmer l’ordonnance.
À défaut, elle soutient que la demande de rétractation ne peut être que déclarée irrecevable.
À tout le moins, l’appelante n’ayant pas sollicité le débouté des demandes, elle souligne que la cour ne peut que confirmer l’ordonnance.
La société GS promotion n’a pas répondu.
Réponse de la cour
La société CRTS sollicite l’application des articles relatifs à la procédure d’appel alors qu’il s’agit d’une procédure de déféré.
Aux termes de l’article 916 du code de procédure civile, « les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d’aucun recours indépendamment de l’arrêt sur le fond. Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu’elles ont pour effet de mettre fin à l’instance, lorsqu’elles constatent son extinction (‘) lorsqu’elles statuent sur une exception de procédure, sur un incident mettant fin à l’instance, sur une fin de non-recevoir ou sur la caducité de l’appel.
La requête, remise au greffe de la chambre à laquelle l’affaire est distribuée, contient, outre les mentions prescrites à l’article 57 et à peine d’irrecevabilité, l’indication de la décision déférée ainsi qu’un exposé des moyens en fait et en droit. »
En l’absence de tout renvoi aux articles invoqués, il n’y a pas lieu de les appliquer ni d’ajouter des conditions à celles fixées par cet article.
En l’espèce, la requête de la société GS promotion est intitulée « Requête aux fins de déféré par-devant la cour d’appel de Versailles (article 916 du code de procédure civile) » et ne présente aucune ambiguïté sur son fondement. Elle a été introduite le 20 décembre 2023, soit dans les 15 jours de l’ordonnance.
Elle contient, outre les mentions requises à l’article 57, l’indication de la décision déférée ainsi qu’un exposé des moyens en fait et en droit qui sont les seules conditions prescrites à peine d’irrecevabilité.
Elle est par conséquent recevable.
De surcroît, contrairement à ce qu’allègue la société CRTS, il est notamment demandé à la cour de déclarer la déclaration d’appel du 21 septembre 2022 régulière et son appel recevable, ce qui constitue une demande.
Les demandes de la société CRTS sont par conséquent rejetées et la requête en déféré est jugée recevable.
Sur la nullité de la déclaration d’appel
À l’appui de son déféré, la société GS promotion fait valoir que son siège social est situé [Adresse 2], qu’il n’a jamais fait l’objet de modification, que l’extrait K-bis mentionne comme adresse « [Adresse 3] », que tous les actes de procédure mentionnent cette adresse et que le constat dressé par le commissaire de justice le 18 décembre 2023 à l’adresse [Adresse 8] confirme que le siège social n’a jamais été modifié depuis l’initiation de cette procédure et qu’il est réel et exact.
Elle soutient qu’en tout état de cause, la société CRTS n’a subi aucun grief et rappelle que le seul fait de devoir signifier en PV 659 la décision de première instance ne caractérise pas un grief pour l’intimé qui ne justifie pas avoir tenté une mesure d’exécution forcée contre l’appelant à cette adresse.
Elle ajoute que le jugement a débouté les parties, qu’aucun état de frais ne lui a été adressé pour régler les dépens, évalués à environ treize euros et qu’il n’est justifié d’aucun grief actuel.
À l’appui de son incident et de sa demande de confirmation, la société CRTS fait valoir, au visa des articles 54, 57, 114 et 901, que l’absence ou l’inexactitude de la mention du domicile dans l’acte d’appel est de nature à faire grief lorsqu’il est justifié qu’elle nuit à l’exécution du jugement déféré ou de l’arrêt à intervenir, que le commissaire de justice a signifié le jugement à cette adresse selon les dispositions de l’article 659 du code de procédure civile, que le pli recommandé a été retourné avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse », que les vérifications auprès du greffe du tribunal de commerce ont permis d’apprendre que le siège social déclaré était :« [Adresse 2] » et que l’adresse déclarée est manifestement inexacte.
Elle ajoute que cette inexactitude lui cause un grief puisqu’elle ne peut procéder à l’exécution forcée du jugement pour obtenir le règlement des dépens et qu’elle ne pourra pas faire exécuter l’arrêt à venir alors qu’elle a formulé des demandes reconventionnelles.
Elle estime que la déclaration d’appel est bien entachée d’un vice de forme et que la nullité est encourue.
Elle souligne que le constat dressé le 18 décembre 2023 confirme l’irrégularité puisque le commissaire de justice s’est rendu au « [Adresse 8] » et non à l’adresse mentionnée dans la déclaration d’appel et qu’aucune régularisation n’est possible en cas de mauvaise foi.
Réponse de la cour
En application des articles 54 et 57 du code de procédure civile, la déclaration d’appel doit contenir à peine de nullité (‘) pour les personnes morales, l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement.
En application de l’article 114 du code de procédure civile, il s’agit d’une nullité de forme qui ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité.
Il ressort des pièces du dossier que l’assignation initiale du 15 avril 2021 mentionne comme adresse « [Adresse 4] », présentée comme le siège social de la société GS promotion, que cette adresse apparaît sur les conclusions de première instance, sur le jugement, sur les conclusions d’appelante du 16 décembre 2022 et sur l’extrait K-bis de la société GS promotion et que le 9 décembre 2022 le conseil de la société GS promotion a indiqué que l’adresse mentionnée au greffe du tribunal de commerce était : « [Adresse 7] ».
Il ressort enfin du constat dressé le 18 décembre 2023 que le commissaire de justice s’est rendu au « [Adresse 8] et qu’il a pu attester de la réalité de la domiciliation du siège social, du nom sur l’interphone et sur la boîte aux lettres A26.
Aucune volonté de dissimulation n’est donc caractérisée et l’adresse mentionnée dans la déclaration d’appel correspond à celle du siège social inscrit sur le K-bis. La société CRTS ne rapporte pas la preuve d’une fausse domiciliation.
Il est par conséquent manifeste que l’adresse du siège social mentionnée dans les actes de procédure est restée parfaitement inchangée mais qu’elle est incomplète puisqu’il convient de préciser 991-1017 au reste de l’adresse qui est identique: « [Adresse 9] ». L’adresse correspond à une résidence comportant de nombreux logements mais la désignation du nom de la résidence permet de la localiser sur l'[Adresse 10], notamment par une recherche sur internet.
Il incombe de rechercher si cette imprécision a été ou est de nature à causer un grief à la société CRTS.
S’il est exact que le jugement a été signifié selon les dispositions de l’article 659 à l’adresse [Adresse 2], il a été vérifié par l’huissier qu’aucune modification de l’adresse du siège social n’était intervenue ce qui aurait pu inciter à étayer l’enquête minimaliste diligentée.
Il convient de constater que cette précision a été apportée par le conseil de la société GS promotion par courrier officiel du 9 décembre 2022 au conseil de la société CRTS, soit un mois et demi après.
Dans ces conditions, la signification du jugement aurait pu être réitérée.
Au demeurant, il n’est pas rapporté la preuve d’un grief tiré de la signification du jugement ayant débouté les parties, notamment au regard du montant modique des dépens.
Enfin, le grief tiré de l’impossibilité de signifier l’arrêt à venir est désormais parfaitement hypothétique.
Au vu de ce qui précède, la cour constate que la société CRTS ne démontre pas la mauvaise foi qu’elle allègue. Il apparaît au contraire que la société GS promotion était dans l’ignorance que l’adresse de son siège social comportait une imprécision rendant difficile l’accès à sa boîte aux lettres. Aucune nullité n’est encourue.
Il est par conséquent fait droit à la requête en déféré et la déclaration d’appel est jugée recevable.
Sur les dépens et autres frais de procédure
La société CRTS, qui est à l’origine de l’incident doit être condamnée aux dépens de celui-ci.
Elle est également condamnée aux dépens du déféré et garde la charge de ses frais irrépétibles.
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Fait droit à la requête du conseil de la société GS promotion ;
Réforme l’ordonnance du 12 décembre 2023 ;
Rejette la demande d’annulation de la déclaration d’appel ;
Déclare l’appel de la société GS promotion recevable ;
Condamne la société CRTS exerçant sous l’enseigne Cloisons Rénovation Travaux Souza aux entiers dépens de l’incident et du déféré ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,