Sur la qualification des missions dans le secteur de la construction : enjeux et responsabilités

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Sur la qualification des missions dans le secteur de la construction : enjeux et responsabilités

Monsieur [C] [F] et Madame [B] [G], propriétaires d’une parcelle à [Localité 7], ont conclu plusieurs contrats avec la SARL RGMC pour la construction de leur maison. Ces contrats incluent un dépôt de permis, des études de sol et thermique, ainsi qu’une mission de coordination. Après leur emménagement en 2015, ils ont signalé des malfaçons à la SARL RGMC. Un juge a ordonné une expertise judiciaire, dont le rapport a été déposé en 2017. En janvier 2018, les consorts [F] ont assigné la SARL RGMC pour engager sa responsabilité contractuelle. La compagnie d’assurance Axa France est intervenue dans l’affaire. Le tribunal de Carcassonne a rendu un jugement en février 2020, fixant la date de réception des travaux et déboutant les consorts [F] de leurs demandes contre la SARL RGMC. Les consorts ont fait appel, demandant la confirmation de certains points du jugement tout en contestant d’autres. La SARL RGMC a également demandé la confirmation du jugement, tout en contestant sa qualification de maître d’œuvre. Axa a soutenu que le jugement devait être confirmé, rejetant les demandes des consorts [F]. L’instruction a été clôturée en mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
20/01727
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/01727 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OSDE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 FEVRIER 2020

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARCASSONNE

N° RG 18/00064

APPELANTS :

Monsieur [C] [F]

né le 27 Mai 1981 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Me Sylvie FONTANIER de la SCP R.F. RASTOUL-S. FONTANIER-A. COMBAREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Jessica BOURIANES ROQUES, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant et par Me Céline LAVAU, avocat au barreau de TOULOUSE substituant Me Sylvie FONTANIER de la SCP R.F. RASTOUL-S. FONTANIER-A. COMBAREL, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

Madame [B] [G] divorcée [F]

née le 05 Février 1981 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Jessica BOURIANES ROQUES, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant et par Me Céline LAVAU, avocat au barreau de TOULOUSE substituant Me Sylvie FONTANIER de la SCP R.F. RASTOUL-S. FONTANIER-A. COMBAREL, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

INTIMEES :

S.A.R.L. RGMC

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Lisa MONSARRAT, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me Patricia PIJOT de la SCP PIJOT POMPIER MERCEY, avocat au barreau de BEZIERS

S.A. AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Mathilde JOURNU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 02 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 mai 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [C] [F] et Madame [B] [G], propriétaires d’une parcelle située à [Localité 7] ont souscrit avec la SARL RGMC plusieurs contrats dans le cadre de la construction d’une maison individuelle, à savoir :

– Un contrat de dépôt de permis du 10 juin 2014 moyennant des honoraires de 1 500 euros HT et 1 000 euros supplémentaires par plans modifiés ;

– Un contrat d’étude du sol du 10 juin 2014 moyennant 1 500 euros HT ;

– Un contrat d’étude thermique du 10 juin 2014 pour 1 800 euros HT ;

-Un contrat « coordination » du 25 juin 2014, pour une mission d’ordonnancement pilotage et coordination, moyennant des honoraires forfaitaires de 15 822,20 euros HT pour un montant global des travaux de 213 893,13 euros TTC.

Suite à leur entrée dans les lieux en 2015, les consorts [F] ont missionné le cabinet privé Lamy Expertise et ont adressé un courrier recommandé avec avis de réception à la SARL RGMC faisant état de malfaçons, non-conformités et non-finitions non résolues.

Suite à une assignation en référé diligentée par les consorts [F], par ordonnance du 20 octobre 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Carcassonne a ordonné une expertise judiciaire et nommé M. [S] à cette fin.

L’expert déposait son rapport le 21 juin 2017.

Par acte d’huissier du 2 janvier 2018, les consorts [F] ont fait assigner la SARL RGMC devant le tribunal judiciaire de Carcassonne aux fins notamment de voir engager la responsabilité contractuelle de la SARL RGMC en sa qualité de maître d »uvre, voire de constructeur de maison individuelle.

La SA Axa France est intervenue volontairement à l’instance par acte de constitution d’avocat du 2 février 2018 et par conclusions aux fins d’intervention volontaire du 5 février 2018.

Par jugement du 4 février 2020, le tribunal judiciaire de Carcassonne a :

– Dit que la SARL RGMC a exercé une mission de maîtrise d »uvre dont le champ contractuel est déterminé par les quatre contrats souscrits entre elle et les consorts [F] ;

– Fixé la date de réception de l’ouvrage au 5 février 2016 avec réserves sur les désordres et malfaçons invoqués par les consorts [F] dans leur assignation, à savoir :

o le dallage en béton de l’entrée ;

o le dallage en sous-sol ;

o l’isolation ;

o l’OSB ;

o l’aération du vide sanitaire ;

o l’étanchéité du soubassement.

– Débouté les consorts [F] de leur demande tendant à voir engager la responsabilité contractuelle de la SARL RGMC ;

– Débouté les consorts [F] de leur demande en paiement de sommes dues au titre des intérêts intercalaires ;

– Débouté les consorts [F] de leur demande formée au titre du préjudice moral et de jouissance ;

– Débouté les consorts [F] de leur demande de communication de pièces sous astreinte ;

– Rejeté tout demande autre ou plus ample formulée par les parties ;

– Fait masse des dépens et les partage par tiers entre les parties.

Par déclaration d’appel, enregistrée par le greffe le 1er avril 2020, les consorts [F] ont interjeté appel du jugement rendu le 4 février 2020 par le tribunal judiciaire de Carcassonne sauf en ce qu’il a :

– Dit que la SARL RGMC a exercé une mission de maîtrise d »uvre ;

– Fixé la date de réception de l’ouvrage au 5 février 2016 avec réserves sur les désordres et malfaçons invoqués par les consorts [F] dans leur assignation.

Dans leurs dernières conclusions, enregistrées par le greffe le 16 février 2022, les consorts [F] demandent à la cour d’appel, au visa des articles 1147 et 1792-6 du code civil, de :

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

o Fixé la date de réception de l’ouvrage au 5 février 2016 avec réserves sur les désordres et malfaçons invoqués par les consorts [F] dans leur assignation ;

o Jugé que la SARL RGMC a exercé une mission de maîtrise d »uvre et non d’ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) ;

– Le réformer en ce qu’il a :

o Limité cette mission aux quatre contrats souscrits ;

o Débouté les consorts [F] de leur demande tendant à voir engager la responsabilité contractuelle de la SARL RGMC ;

o Débouté les consorts [F] de leurs demandes en réparation des préjudices ainsi que de communication de pièces.

– Juger que la SARL RGMC a accompli une mission complète de maîtrise d »uvre comprenant celle d’exécution et donc de suivi et de direction du chantier ;

– Condamner la SARL RGMC in solidum avec Axa France à leur payer une somme totale de 52 878,26 euros au titre des travaux de reprise ;

– « Les condamner également à 24 000 euros de dommages et intérêts pour les préjudices supplémentaires subis du fait de la non-exécution de la mission OPC et de la publicité dont elle a fait preuve » ;

– « La condamner sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé 15 jours du prononcé de l’arrêt, à communiquer à Madame [B] [G] les documents relatifs à la RT 2012 de l’étude thermique réalisée par la société NRJ diags » ;

– Assortir les condamnations financières des intérêts légaux à compter de l’assignation en référé du 21 septembre 2016 et d’ordonner leur capitalisation ;

– Condamner la société RGMC et la compagnie Axa à payer aux consorts [F] la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise, avec droit dont distraction au profit de Me Jessica Bourianes-Roques, avocat, sur son affirmation de droit.

Dans ses dernières conclusions, enregistrées par le greffe le 3 septembre 2020, la SARL RGMC demande à la cour, au visa des articles 1231-1 et 1792 du code civil, L. 113.17 du code des assurances, de :

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Carcassonne le 4 février 2020, sauf en ce qu’il a considéré la SARL RGMC comme titulaire d’une mission de maîtrise d »uvre ;

A titre principal :

– Infirmer le jugement sur ce point ;

Statuant à nouveau :

– Juger que la SARL RGMC n’a jamais contracté avec les époux [F] en qualité de maître d »uvre ;

– Confirmer le jugement pour le surplus ;

– Rejeter les demandes des consorts [F] ;

A titre subsidiaire :

– Juger que l’entreprise RGMC est assurée auprès d’Axa au titre de l’activité de maîtrise d »uvre ;

– Juger que les travaux ont été réceptionnés par les consorts [F] le 5 février 2016 ;

– Juger que Axa a assuré la direction du procès pendant la procédure de référé expertise initiée par les époux [F] ;

– Juger que pendant les opérations d’expertise, Axa n’a pas soutenu l’existence d’une réception des travaux ;

– Condamner Axa à relever et garantir la SARL RGMC de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre en principal, intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens ;

En tout état de cause :

– Condamner les époux [F] à payer à la SARL RGMC la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, y compris les dépens de première instance.

Dans ses dernières conclusions, enregistrées par le greffe le 3 décembre 2020, Axa France Iard demande à la cour d’appel, au visa des articles 1134, 1147, 1792, 1792-2 et s., 1231-1, 1240 du code civil et L. 113-17 du code des assurances, de :

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

o Fixé la date de réception de l’ouvrage avec réserves au 5 février 2016 formulées sur les désordres et malfaçons invoqués par les époux [F] ;

o Débouté les époux [F] de leurs demandes contre la SARL RGMC ;

– Confirmer le jugement en ce qu’il n’a pas retenu ni la responsabilité de la compagnie Axa au visa de l’article L. 113-17 du code des assurances, ni la mise en jeu de la police et de ses conditions particulières tant en ce qui concerne les garanties obligatoires que les garanties RC prévues au contrat ;

– Confirmer le jugement en ses dispositions qui ne portent aucune condamnation à l’égard d’Axa ;

Subsidiairement :

– Juger que l’ouvrage n’a pas été réceptionné par la volonté des maîtres d’ouvrage qui ont exprimé leur refus d’accepter les travaux ;

– Fixer dans l’hypothèse d’une réception judiciaire, la date de son prononcé au 5 février 2016 assortie de réserves expresses se rapportant à la non garantie motivée de Axa du 15 décembre 2017, aux doléances des maîtres d’ouvrages au vu du rapport Lamy, aux constatations de l’expert ;

– Rejeter toute demande de requalification de la mission d’OPC ;

– Rejeter les demandes d’indemnisation des consorts [F] sur la base d’une mission complète de maître d »uvre d’exécution et de direction des travaux ;

– Condamner la SARL RGMC à répondre seule de ses manquements fautifs dans le cadre d’une activité d’OPC non assurée et donc non couverte par Axa ;

Si la cour ne retient pas la qualification de mission OPC :

– Mettre hors de cause la compagnie Axa ;

– Débouter la SARL RGMC de ses demandes dirigées à l’encontre d’Axa faute de rapporter la preuve d’une faute, d’un manquement préjudiciable à son assuré, d’un acte assimilable à la notion de « direction du procès » au stade du référé ;

– Rejeter les demandes de la SARL RGMC au visa de l’article L. 113-17 du code des assurances ;

Infiniment subsidiaire :

– Rejeter toute demande de la SARL RGMC aux fins d’être relevée et garantie par la concluante et toute demande de condamnation in solidum au préjudice de la concluante ;

– Juger, si les garanties d’Axa étaient sollicitées, opposables à la SARL RGMC et aux tiers lésés, les conditions applicables en matière de franchise avec réactualisation, tant sur le volet obligatoire que sur le volet des garanties facultatives :

– Condamner les parties appelantes succombantes à verser à la compagnie AXA les sommes de :

o 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

o 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

o Aux entiers dépens de première instance et d’appel, incidents et frais d’expertise et de référé.

La clôture de l’instruction est intervenue le 2 mai 2024.

MOTIFS

Sur la qualification de la mission de la SARL RGMC

Le tribunal a considéré que la SARL RGMC est intervenue en qualité de maître d »uvre et non en simple qualité de coordinateur OPC au motif que l’ensemble des contrats signés démontrent que la SARL RGMC a réalisé une mission de maîtrise d »uvre organisée au travers des contrats successifs intervenus entre les parties en ayant :

– établi les plans ;

– déposé le permis de construire ;

– organisé le planning d’intervention des entreprises sur le chantier ;

– enfin, en étant intervenue au stade de la réception, même si cette dernière n’a pas été finalisée.

Il a toutefois rejeté une mission de suivi des travaux à la charge de la SARL RGMC, celle-ci n’entrant pas dans le champ contractuel des quatre contrats.

Il a par ailleurs écarté l’application des règles spécifiques et d’ordre public relatives à la construction de maison individuelle avec ou sans plan, les consorts [F] ayant conclu le 25 juin 2014 un marché de travaux concernant le gros-‘uvre, la charpente et la couverture avec la SARL Albane.

Les consorts [F] sollicitent la réformation du jugement, reprochant aux premiers juges d’avoir limité la mission de maîtrise d »uvre aux quatre contrats souscrits entre les parties sans retenir que la SARL RGMC avait assuré le suivi des travaux.

Ils estiment que la SARL RGMC a effectué une mission de maîtrise d »uvre complète, comprenant le suivi des travaux car :

– Elle s’est immiscée dans l’étude de sol et fondations ;

– Elle a choisi les entreprises, reçu les règlements qui leur étaient destinés et a établi les certificats de paiement ;

– Elle a fait appel à des sous-traitants.

La SARL RGMC sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a considéré la SARL RGMC comme titulaire d’une mission de maîtrise d »uvre.

Elle estime devoir être qualifiée de coordinateur dès lors que les quatre contrats conclus avec les consorts [F] sont des contrats de louage d’ouvrage qui prévoient chacun que le maître de l’ouvrage confie au coordinateur les missions visées par chacun des contrats, lesquelles sont étrangères à la maîtrise d »uvre.

Axa France Iard ne formule pas de demande principale relative à la qualification de la mission de la SARL RGMC.

Au subsidiaire, elle demande l’infirmation du jugement en estimant que la SARL RGMC ne s’est jamais engagée sur une convention de maîtrise d »uvre, s’étant limitée à une prestation de « coordination » correspondant à une mission de pilotage.

L’analyse des faits et des contrats signés (contrat de dépôt de permis de construire, contrat d’étude de sol, contrat d’étude thermique, contrat de coordination) et de la chronologie des interventions de la société RGMC conduisent à écarter la qualification de contrat de CCMI en l’absence de dommages ouvrage, d’appels de fonds, de garantie de livraison, et surtout l’absence de la mission d’exécution.

Pour autant le premier juge a estimé qu’il s’agissait d’un contrat de maîtrise d »uvre sans mission d’exécution des travaux (mission partielle) dans la construction de la maison des époux [F].

Il sera noté notamment que le contrat de coordination du 25 juin 2014 qui porte sur une somme de 18 822,20 euros HT est resté en partie mystérieux puisque la SARL RGMC n’a pas fourni d’explications à l’expert sur les factures produites et autres échanges entre les parties ni sur l’absence de réception.

Ce contrat avait été précédé d’un contrat de dépôt de permis, d’un contrat d’étude sol, d’un contrat d’étude thermique. Cet ensemble démontre en réalité que la SARL RGMC, qui s’intitule elle-même « entreprise générale du bâtiment/Maître d »uvre » sur son site internet, a mis en ‘uvre un contrat de maîtrise d »uvre partiel indiquant dans son mail du 1er mai 2016 qu’elle est maître d »uvre ayant d’ailleurs refusé de transmettre des informations de l’étude thermique que la société NRJ DIAGS refuse aussi de communiquer.

C’est donc à juste titre que le premier juge a pu estimer que l’ensemble des contrats signés démontrent que la SARL RGMC a, en réalité, réalisé une mission de maîtrise d »uvre organisée au travers des contrats successifs intervenus entre les parties. Elle a en effet établi les plans, déposé le permis de construire, organisé le planning d’intervention des entreprises sur le chantier et est intervenue au stade de la réception, même si cette dernière n’a pas été finalisée. Il s’agit d’une mission partielle de maîtrise d »uvre sans D.E.T (Direction de l’Exécution des Travaux).

Sur la réception (art. 1792-6 du code civil)

Le tribunal a fixé la réception judiciaire de l’immeuble à la date du 5 février 2016 aux motifs que pour constater la réception, il est nécessaire d’être en présence d’un ouvrage en état d’être reçu, cet élément pouvant résulter du fait que l’immeuble est habitable. Les consorts [F] sont entrés dans les lieux en décembre 2015 et ont, le 5 février 2016 écrit à la SARL RGMC afin de fixer la date de réception la semaine suivante au regard de cet échange, la réception peut être fixée à cette date qui indique que l’immeuble était habitable.

Il estime, par ailleurs, que la réception était intervenue avec réserves puisque dans le courrier du 5 février 2016, les consorts [F] font valoir que la SARL RGMC est « en tort sur le fait de ne pas vouloir faire signer ledit procès-verbal, que celui-ci soit avec ou sans mention de réserves, alors qu’un certain nombre sont énumérées dans le rapport d’expertise » du cabinet Lamy.

Axa France Iard sollicite l’infirmation du jugement en considérant qu’aucune partie n’a été en mesure de verser aux débats un procès-verbal de réception. Toutefois l’expert constate l’habitabilité de la maison au 5 février 2016et la prise de possession par les époux [F] coïncide avec cette date.

La date de réception sera fixée avec réserves sur les désordres et malfaçons invoqués par Monsieur [C] [F] [C] et Madame [B] [G] épouse [F] dans leur assignation, ceux-ci ayant été constaté par le cabinet Lamy Expertise et présentent tous un caractère apparent. Ces réserves concernent donc le dallage en béton de l’entrée, le dallage en sous-sol, l’isolation, POSB, l’aération du vide sanitaire et l’étanchéité du soubassement, selon les termes invoqués dans cette assignation.

Sur la responsabilité de la SARL RGMC du fait des désordres

Les désordres constatés et révélés dans leur consistance par l’expertise ne portent pas atteinte à la solidité de l’ouvrage et ne rendent pas l’ouvrage impropre à sa destination.

Le tribunal a rejeté la responsabilité de la SARL RGMC car les consorts [F] ne démontraient pas l’inexécution ou le retard dans l’exécution de ses obligations, soit la preuve d’un retard dans l’exécution des travaux en n’apportant ni la preuve de la date à laquelle le permis de construire a été réceptionné, ni par conséquent le point de départ du délai d’exécution des travaux ne caractérisaient une mission de suivi de la SARL RGMC, celle-ci n’apparaissant pas dans les quatre contrats souscrits organisant l’étendue de sa mission. Par ailleurs le bilan financier versé aux débats, la facturation de fournitures diverses seraient inopérantes à redéfinir son champ contractuel et les missions de la SARL RGMC.

Les consorts [F] n’apportent pas la preuve d’une non-assistance aux opérations de réception, ceux-ci ayant par ailleurs refusé de signer le procès-verbal sans réserve.

Les consorts [F] sollicitent l’infirmation du jugement.

Ils considèrent que la société RGMC étaient tenus d’une mission de maîtrise d »uvre complète, comprenant le suivi des travaux jusqu’à réception.

Ils reprochent à la SARL RGMC de n’avoir :

– établi ni calendrier prévisionnel, ni planning de travaux pour chaque entreprise ;

– pas permis l’achèvement de l’ouvrage dans les délais puisqu’ils ont dû aménager dans une maison non terminée comme l’a précisé l’expert ;

– pas organisé les opérations relatives à la réception avec réserve, de façon à en surveiller la levée.

Ils estiment qu’avant réception, elle était tenue d’une obligation de conseil et de résultat qui persiste jusqu’à la levée des réserves, or l’expert a constaté plusieurs désordres constitués de non conformités ou de non façons, dont il a chiffré les travaux de reprise pour rendre l’immeuble conforme aux stipulations contractuelles :

– 2 200 euros HT pour les travaux de reprise de la partie béton à l’entrée ;

– 2 550 euros HT pour les travaux de reprise du dallage en sous-sol  ;

– 23 176,72 euros HT pour remédier à l’absence d’écran sous toiture ;

– 14 238,50 euros HT pour la réalisation d’une étanchéité en soubassement ;

– 1 000 euros HT pour la réalisation d’une aération du vide sanitaire ;

– 900 euros HT pour la reprise de l’isolation des combles.

En somme, ils lui reprochent d’avoir manqué à son devoir de direction et de surveillance des travaux et de n’avoir pas fait en sorte d’obtenir des entreprises qu’elles remédient aux désordres déplorés par les consorts [F].

Il convient d’analyser les désordres dont s’agit :

– La reprise de la partie en béton de l’entrée qui présente des défauts dans les zones latérales dont l’origine selon l’expert reste encore une énigme, soit elle a été mal réalisée, soit elle a été endommagée lors du chantier. Il s’agit donc d’un problème d’exécution mais cette dalle n’est pas dessinée sur le plan de masse du permis de construire ni n’apparaît au marché de la SARL Arbane. La seule certitude est que ces désordres ne sont pas liés à la coordination ou au pilotage du chantier et donc imputables à la SARL RGMC.

– La reprise du dallage en sous-sol, relève d’un défaut lié à l’exécution et/ou à l’absence d’exécution puisqu’il s’agit d’un creux sans fissures, donc sans aucun signe de perte de stabilité. Ce défaut de conformité aux mesures de tolérance en la matière est donc imputable à l’exécution de ce lot qui n’entre pas dans la mission dévolue à la SARL RGMC ;

– L’absence d’écran sous toiture, l’expert estime qu’il n’y a pas de désordre, ce dernier ayant précisé que les défauts ne sont pas suffisants pour permettre la pénétration de neige poudreuse ;

– L’étanchéité du soubassement et l’aération en vide sanitaire, l’expert retient la nécessité de réaliser des aérations complémentaires et laisse le débat technique sans réponse concernant le mur du garage relatif aux précautions d’usage en terme de drainage. Il n’est pas contesté à ce sujet que ce sont les époux [F] qui ont exécuté le remblai.

– La mauvaise réalisation de l’isolation, c’est-à-dire l’absence de croutage de l’isolant soufflé est un problème de faute dans l’exécution qui sort du cadre contractuel entre les époux [F] et la SARL RGMC.

Il ressort de ces constats que ces désordres dont certains sont imputables à la faute des entreprises prestataires ne peuvent pas être de la responsabilité de la SARL RGMC qui n’avait pas la supervision de l’exécution de ces lots.

Sur la faute de la SARL RGMC dans l’absence de planification dans le cadre de la mission OPC

En se fondant sur le constat de l’expert qui estime que « La maison est habitable et habitée bien que les abords ne soient pas totalement terminés et qu’ils soient dangereux à proximité de la porte d’entrée » (page 17 du rapport) et l’opacité sur sa qualité réelle et le mélange des plans des règlements en mêlant prestations et fournitures et l’absence de planning prévisionnel pourtant prévu dans la mission OPC, les époux [F] sollicitent le remboursement de la somme de 18 986,64 euros et 5 000 euros au titre de comportement fautif de la SARL RGMC.

Lors de l’expertise, et suite à la production du contrat de coordination du 25 juin 2014 , M. [S] constate que si la SARL RGMC se présente comme le coordinateur, elle ne fournit aucune explication sur cette mission de coordination, ni aucun document comme par exemple des plannings et ensuite produit des éléments sans lien avec cette mission de coordination, notamment des bilans financiers et a encaissé des sommes liées à la réalisation de travaux.

C’est donc un cas de non-exécution contractuelle de la mission OPC alors que celle-ci a été facturée 18 822,20 euros HT aux époux [F], ce qui conduit nécessairement à la condamnation de SARL RGMC au remboursement de cette somme, soit 18 822,20 euros

Sur le comportement fautif de la SARL RGMC

Sur la somme de 5 000 euros concernant le comportement fautif de la société RGMC, il s’avère que que le fondement de cette demande est quasi délictuel. Sur cette base, il sera relevé que la SARL RGMC utilise un intitulé « RG GROUP Maîtrise et Conseil » visant à fiabiliser son intervention de professionnel et laissant supposer qu’elle exécute une mission maîtrise d »uvre et délivre des conseils à ses clients concernant la construction de leur maison.

Force est de constater que la SARL RG GROUP se réfugie rapidement derrière la multiplicité de ses contrats afin de s’exonérer de tout conseil que doit délivrer un professionnel de la construction, ainsi la phase de la réception a été laissée à l’initiative des époux [F], alors que le contrat OPC n’a pas été exécuté. Les époux [F] se sont trouvés devant des difficultés pour appréhender l’intervention de chacune des entreprises du bâtiment en fonction des lots à réaliser, ce comportement fautif ouvre droit légitimement à la condamnation de celle-ci au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts

En conséquence, la cour condamnera la société RGMC à la somme de 24 000 euros, somme finalement réclamée par M. [C] [F] et Mme [B] [G] dans leurs dernières conclusions.

Sur la garantie d’AXA

Axa sollicite sa mise hors de cause en considérant que :

– le contrat d’assurance ne couvre ni les activités OPC, ni de CMI non déclarées par l’assurée ;

– le contrat a été résilié au 1er janvier 2016 à la demande de l’assurée.

En cas de garantie, elle sollicite l’opposabilité des franchises et plafonds de garantie.

Enfin, concernant l’application de l’article L. 113-7 du code des assurances relatif à la direction du procès, elle considère notamment que :

– la société RGMC ne démontre pas en quoi la position d’Axa sur le refus de réception est de nature à lui nuire ;

– elle n’a jamais fixé une orientation juridique, ni de stratégie initiale à tenir pour contrarier les intérêts de son assuré. Au contraire, elle lui a permis de s’organiser et de plaider sur une mission OPC limitant son implication au champ du contrat du 25 juin 2014 ;

– RGMC a fait le libre choix de son conseil et n’a pas assigné Axa ni en référé, ni au fond suite au dépôt du rapport d’expertise ;

Axa est intervenue volontairement à l’instance.

La SARL RGMC sollicite la garantie d’Axa en cas d’infirmation du jugement sur sa mission si la cour considère qu’elle était tenue d’une mission de suivi des travaux et, partant sur sa responsabilité. Elle estime que l’expert n’a pas retenu de responsabilité au titre de la maîtrise d »uvre (de conception ou d’exécution) et que seule sa responsabilité décennale pourrait être engagée, auquel cas elle sollicite la garantie d’Axa.

Elle développe qu’Axa a eu la direction du procès dans le cadre des opérations d’expertise et a mandaté son propre conseil pour assurer la défense des intérêts de la SARL RGMC pour, au final, lui dénier sa garantie.

– Elle sollicite l’application de l’article L. 113-7 du code des assurances ;

– Elle reproche à Axa d’avoir soutenu l’absence de réception empêchant le jeu de la garantie décennale.

Les consorts [F] sollicitent la condamnation in solidum d’Axa avec son assuré. Ils font remarquer que même si le contrat d’assurance entre Axa et la SARL RGMC a été résilié au 1er janvier 2016, soit un mois avant la lettre recommandée avec accusé de réception, la réclamation se situe en période subséquente (5 ans) et Axa doit sa garantie.

La condamnation de la SARL RGMC repose sur l’inexécution du contrat OPC, activité d’OPC qui n’est pas couverte par la police BT PLUS CONCEPT à effet du 1er février 2013.

La société AXA sera mise hors de cause à ce titre, ainsi que pour la condamnation quasi délictuelle par définition non couverte par une garantie d’assurance.

Enfin, la SARL RGMC ne démontre pas que son assureur a pris la direction de son procès, la compagnie d’assurance n’étant intervenue à titre principal ni dans un premier temps en référé ni ensuite au fond, la SARL RGMC ayant été libre de choisir son conseil et de développer une série de moyens pour certains adoptés par la cour (concernant les désordres).

La SARL RGMC sera déboutée à ce titre.

Sur la demande de production sous astreinte de l’étude thermique

La société NRJ diags, qui a réalisé l’étude, n’a pas voulu délivrer au maître d’ouvrage les documents relatifs à la RT 2012, car mandatée par la société RGMC qui ne les leur a jamais communiqués.

Toutefois cette demande figurant dans le dispositif des dernières conclusions n’est pas motivée, cette demande sera rejetée ;

Sur la demande concernant les intérêts intercalaires.

Cette demande n’est pas mentionnée dans le dispositif des dernières conclusions, les époux s’en sont donc désistés, il convient de le constater.

Sur la demande de dommages et intérêts de AXA pour procédure abusive

AXA ne démontre pas l’abus de droit à son égard et sera déboutée de cette demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La SARL RGMC, succombante, sera condamnée à payer la somme de 2 000 euros à la compagnie d’assurance AXA et à payer aux époux [F] et somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise, avec droit dont distraction au profit de Maître Jessica Bourianes-Roques, avocat, sur son affirmation de droit et aux entiers dépens exposés par AXA.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme partiellement le jugement du tribunal judiciaire de Carcassonne en date du 4 février 2020 en ce qu’il a :

Dit que la SARL RGMC a exercé une mission de maîtrise d »uvre dont le champ contractuel est déterminé par les quatre contrats souscrits avec Monsieur [C] [F] et Madame [B] [G] épouse [F] ;

Fixé la date de la réception de l’ouvrage au 05 février 2016 avec réserves ;

Débouté Monsieur [C] [F] et Madame [B] [G] épouse [F] de leurs demandes au titre des désordres ;

Débouté Monsieur [F] [C] et Madame [B] [G] épouse [F] de leur demande de communication de pièces sous astreinte ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Constate le désistement de Monsieur [C] [F] et Madame [B] [G] au titre des intérêts intercalaires ;

Condamne la SARL RGMC à payer à Monsieur [C] [F] et Madame [B] [G] la somme de 24 000 euros ;

Met hors de cause la compagnie AXA France IARD ;

Déboute la compagnie AXA France IARD de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la SARL RGMC à payer la somme de 2 000 euros à la compagnie d’assurance AXA et à payer à Monsieur [C] [F] et Madame [B] [G] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise, avec droit dont distraction au profit de Maître Jessica BOURIANES-ROQUES, Avocat, sur son affirmation de droit et aux entiers dépens exposés par AXA.

le greffier le président


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