Mme [E] [D] et M. [X] [D] se sont portés cautions solidaires d’un crédit accordé par la banque Chaix à la SARL Euro Mer, dont Mme [D] était gérante. Suite à une fusion, la Banque Populaire Méditerranée a pris la relève de la banque Chaix. Un crédit de 800 000 euros a été consenti à la SARL Euro Mer, remboursable par un billet à ordre. La société a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire, et la banque a déclaré sa créance. Après une mise en demeure infructueuse des époux [D], la banque les a assignés en paiement. Le tribunal a rejeté les demandes de la banque et a condamné celle-ci à verser des dommages-intérêts aux époux. La banque a interjeté appel de ce jugement. Dans leurs conclusions, les époux [D] demandent la confirmation du jugement initial et le rejet des demandes de la banque, tandis que la banque demande l’infirmation du jugement et la condamnation des époux au paiement de la créance.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/03050 – N° Portalis DBVK-V-B7G-POGU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 24 mai 2022
Tribunal judiciaire de MONTPELLIER – N° RG 19/04773
APPELANTE :
S.A Banque Populaire Méditerranée société anonyme coopérative de banque populaire à capital variable régie par les articles L 512-2 et suivants du Code monétaire et financier et l’ensemble des textes relatifs aux banques populaires et aux établissements de crédit, immatriculée au RCS de Nice sous le n°058 801 481 représentée par son directeur général en exercice
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substituant sur l’audience Me Gilbert MANCEAU, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [X] [D]
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Christine AUCHE HEDOU substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, et par Me Thibault GANDILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Madame [E] [C] épouse [D]
née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Christine AUCHE HEDOU substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, et par Me Thibault GANDILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 juin 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.
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FAITS ET PROCÉDURE
1- Par actes sous seing privé des 14 et 19 octobre 2016, Mme [E] [D] et M. [X] [D] se sont portés cautions solidaires du concours accordé par la banque Chaix à la SARL Euro Mer dont Mme [D] était la gérante.
2- Par l’effet d’une fusion-absorption en date du 22 novembre 2016, la Banque Populaire Méditerranée est venue aux droits de la banque Chaix.
3- Le 16 juillet 2018, un crédit de trésorerie de 800 000 euros a été consenti par la Banque Populaire Méditerranée à la Sarl Euro Mer, remboursable par un billet à ordre à échéance du 30 septembre 2018.
4- Par jugement du 24 septembre 2018, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au bénéfice de la Sarl Euro Mer. La banque a déclaré sa créance le 20 novembre 2018 auprès du mandataire judiciaire.
5- Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mai 2019, la banque a mis en demeure en vain les époux [D] d’exécuter leurs engagements.
6- Dans ce contexte, la banque les a fait assigner en paiement devant le tribunal judiciaire de Montpellier par acte du 27 août 2019.
7- Le tribunal de commerce de Montpellier a arrêté un plan de continuation de la société Euro Mer, par jugement en date du 15 janvier 2021.
8- Par jugement du 13 mai 2022, la liquidation judiciaire de la société a été prononcée. La banque a déclaré sa créance chirographaire et exigible pour la somme de 823 953,32 euros auprès de Me [U], mandataire liquidateur.
9- Par jugement contradictoire en date du 24 mai 2022, le tribunal judiciaire de Montpellier a rejeté l’exception d’incompétence matérielle formée par les époux [D], débouté la banque de l’ensemble de ses demandes, condamné la banque à payer aux époux [D] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec droit de recouvrement direct par Me [F], dit n’y avoir lieu à prononcer l’exécution provisoire et rejeté les demandes plus amples ou contraires.
10- Le 8 juin 2022, la Sa Banque Populaire Méditerranée a relevé appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS
11- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 6 mai 2024, la Sa Banque Populaire Méditerranée demande en substance à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence matérielle et de :
– Condamner solidairement les époux [D] à payer à la banque la somme de 823 953,32 euros outre les intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de l’échéance du billet à ordre du 30 septembre 2018, subsidiairement à compter de la lettre de mise en demeure du 13 mai 2019 ;
– Les condamner solidairement à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Me Apollis dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
12- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 28 mars 2024, les époux [D] demandent en substance à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la banque de l’ensemble de ses demandes formulées à leur encontre et de :
– Rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la banque ;
– Rejeter la demande de la banque en condamnation des époux [D] à lui payer la somme de 823 953,32 euros, outre intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 30 septembre 2018 ou du 13 mai 2019 ;
– Subsidiairement, juger que la banque ne peut poursuivre la caution au titre des dettes nées postérieurement à la fusion absorption sans manifestation expresse de la volonté de la caution, rejeter l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et rejeter la demande de condamnation des époux à la somme de 823 953,32 euros, outre intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 30 septembre 2018 ou du 13 mai 2019 ;
– Très subsidiairement, déchoir la banque de son droit de se prévaloir des engagements de la caution et rejeter l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et rejeter la demande de condamnation des époux à la somme de 823 953,32 euros, outre intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 30 septembre 2018 ou du 13 mai 2019 ;
– Infiniment subsidiairement, rejeter la demande de la banque en condamnation aux intérêts au taux légal, rejeter la demande de la banque en condamnation au titre de l’anatocisme, prononcer la déchéance des intérêts échus de la dette, pour défaut d’information annuelle de la caution, octroyer aux époux [D] un différé de paiement de deux ans, délai qui ne peut commencer à courir qu’à la date où l’éventuelle capacité d’exécution serait recouvrée ;
– En tout état de cause, condamner la banque à leur payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec droit de recouvrement direct pour Me [F].
13- Vu l’ordonnance du clôture du 15 mai 2024.
14- Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Sur l’étendue de l’engagement des époux [D]
15- L’article 2292 du code civil dans sa version en vigueur à la date de l’acte litigieux dispose que :
« Le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.»
16- Si la cour ne peut qu’approuver en son principe la décision du premier juge d’avoir considéré que les actes par lesquels M. et Mme [D] les 14 et 16 octobre 2016 se sont portés cautions solidaires de la Sarl Euro Mer dans la limite de la somme de 1200000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, et le cas échéant, des pénalités de retard et pour la durée de 60 mois pouvaient garantir la dette de la Sarl née du billet à ordre consenti le 16 juillet 2018 d’un montant de 800 000 euros à échéance au 30 septembre 2018 dès lors que le cautionnement de dettes futures est parfaitement valable et n’est pas contraire à l’exigence de détermination de son objet, elle ne pourra, au visa des dispositions sus-visées, suivre le tribunal en ce qu’il a écarté le moyen tiré par les époux [D] de l’absence d’effets de leurs engagements au titre d’un billet à ordre consenti par la banque populaire de Méditerranée deux ans après l’opération de fusion-absorption de la banque Chaix qui avait reçu leurs engagements en qualité de cautions.
17- Il est en effet de jurisprudence établie qu’en cas de fusion de sociétés par voie d’absorption d’une société par une autre, l’obligation de la caution qui s’était engagée à garantir les créances de la société absorbée n’est maintenue au profit de la société absorbante pour les créances nées postérieurement à la fusion que dans le cas d’une manifestation expresse de volonté de la caution de s’engager à les garantir (Com. 30 juin 2009 n°08-10-719, Com. 2 juin 2021, no 19-11.313).
18- Les extraits Kbis produits par l’appelante en pièces 3 et 4 indiquent que la société Banque Chaix a fait l’objet d’une radiation le 2 février 2007 avec effet au 22 novembre 2016 à la suite d’une opération de fusion – absorption par la société Banque Populaire Méditerranée.
19- La créance au titre de laquelle cet établissement invoque l’engagement des époux [D] est née d’un billet à ordre qu’elle a consenti à la société bénéficiaire du cautionnement le 16 juillet 2018, soit postérieurement à la fusion.
20- Pour juger que cette opération était sans incidence sur les effets de l’engagement des époux [D], le premier juge s’est fondé sur les dispositions de l’article 1 des conditions générales des actes de cautionnement aux termes desquelles ils se sont portés caution « au profit de la banque Chaix … ou de tout autre établissement financier qui viendrait aux droits de celui-ci, notamment dans le cadre d’une opération de fusion, à rembourser, en cas de défaillance du débiteur principal, toutes les sommes que ce dernier pourrait devoir à ladite banque dans la limité indiquée ».
21- Cependant, dès lors que n’est pas précisé notamment dans la dernière partie de la phrase précitée, que l’engagement de la caution porterait dans l’hypothèse d’une opération de fusion, sur les sommes dues au titre de créances nées tant antérieurement que postérieurement à la fusion, ces dispositions ne permettent pas de considérer qu’elles manifestent expressément la volonté des cautions de voir étendre les effets de leur obligation de remboursement à la dette issue d’un crédit accordé postérieurement au débiteur principal par un établissement bancaire différent de celui qui avait recueilli leur engagement.
22- A défaut d’avoir sollicité des époux [D] le renouvellement exprès de leur engagement auprès d’elle, la Banque Populaire Méditerranée n’est en conséquence pas fondée à se prévaloir des actes de cautionnement des 14 et 19 octobre 2016 et sera, pour ce motif, déboutée de l’ensemble de ses demandes en paiement formées à l’encontre des époux [D], leur autre moyen tiré de la disproportion de leurs engagements développé à titre très subsidiaire, devenant sans objet.
23- Partie succombante, la Banque Populaire Méditerranée sera condamnée aux dépens d’appel par application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître [F] sur sa déclaration de droit par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la Banque Populaire Méditerranée aux dépens d’appel dont distraction au profit de Maître [F] sur sa déclaration de droit.
Condamne la Banque Populaire Méditerranée à payer aux époux [D] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président