La société Banque Rhône Alpes a accordé un prêt personnel de 40 000 euros aux époux [G] le 18 août 2016, remboursable en 84 mensualités à un taux d’intérêt de 4,80 %. Le 18 décembre 2018, la banque a déclaré la déchéance du terme et a demandé le remboursement d’un montant total de 32 735,12 euros. Une convention de compte courant a également été dénoncée. Le 25 janvier 2019, la banque a mis en demeure les époux [G] après avoir refusé leur offre de règlement amiable. Le 19 avril 2021, la banque a cédé ses créances à la société Fonds commun de titrisation Ornus, qui a assigné les époux [G] le 29 août 2019 pour obtenir le paiement des sommes dues, ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive. Le jugement du 28 mars 2022 a déclaré l’action du FCT Ornus recevable, prononcé la déchéance du droit aux intérêts, et condamné les époux [G] à payer un montant résiduel de 26 654,78 euros, des dommages et intérêts, ainsi que des frais de justice. Les époux [G] ont interjeté appel le 16 mai 2022, demandant l’infirmation du jugement et soumettant plusieurs prétentions, y compris la nullité du contrat de consommation et des demandes de dommages et intérêts. Le FCT Ornus a demandé la confirmation du jugement et la condamnation des époux [G] à des sommes supplémentaires pour résistance abusive. L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 avril 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[I] [E] [H] [G]
C/
SA FONDS COMMUN DE TITRISATION (FCT) ORNUS
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2024
N° RG 22/00611 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F6LD
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 28 mars 2022,
rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dijon
RG : 11-19/764
APPELANTS :
Madame [B] [M] [G]
née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 7] (ROUMANIE)
domiciliée :
[Adresse 3]
[Localité 5]
Monsieur [I] [E] [H] [G]
né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 7] (ROUMANIE)
domicilié :
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentés par Me Isabelle-Marie DELAVICTOIRE, membre de la SCP GAVIGNET & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 53
INTIMÉE :
SA FONDS COMMUN DE TITRISATION (FCT) ORNUS, ayant pour société de gestion la société EUROTITRISATION et représenté par la Société MCS & ASSOCIES, agissant en qualité de recouvreur poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège :
[Adresse 4]
[Localité 6]
venant aux droits de la BANQUE RHONE-ALPES, en vertu d’un bordereau de cession de créances en date du 19 avril 2021
représentée par Me Delphine HERITIER, membre de la SCP LDH AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 16
assistée de Me Marco FRISCIA, avocat au barreau de TOULON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 16 mai 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Après rapport fait à l’audience par l’un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 05 Septembre 2024 pour être prorogée au 19 Septembre 2024,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon offre préalable acceptée le 18 août 2016, la société Banque Rhône Alpes a consenti aux époux [G] un prêt personnel de 40 000 euros, remboursable en 84 mensualités à un taux d’intérêts effectif global de 4,80 %.
Par courrier du 18 décembre 2018, la Banque Rhône Alpes s’est prévalue de la déchéance du terme et a sollicité le règlement de la somme totale de 32 735,12 euros dans un délai de 40 jours avant l’engagement à défaut de paiement, de poursuites judiciaires.
Une convention de compte courant a également été dénoncée.
Le 25 janvier 2019, la banque a adressé aux époux [G] une mise en demeure en indiquant refuser l’offre amiable de règlement faite par ces derniers.
Le 19 avril 2021, la Banque Rhône Alpes a cédé les créances détenues contre les époux [G] à la société Fonds commun de titrisation Ornus (ci-après « le FCT Ornus »). Les époux [G] ont été avertis de cette cession par lettre du 31 mai 2021.
Par acte du 29 août 2019, le FCT Ornus a fait assigner les époux [G] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dijon aux fins d’obtenir leur condamnation aux sommes restant impayées, soit 33 751,07 euros, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 28 mars 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dijon a :
– dit que le FCT Ornus avait intérêt à agir selon les dispositions des articles 30 et 31 du code de procédure civile,
– déclaré l’action du FCT Ornus recevable et bien fondée ;
– a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du FCT ;
– condamné solidairement les époux [G] aux dépens à payer au FCT Ornus :
la somme de 26 654,78 euros montant résiduel débiteur du prêt consenti le 18 août 2016, expurgé des intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 20 août 2019 et jusqu’au parfait paiement ;
la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que l’exécution provisoire est de plein droit.
Par déclaration du 16 mai 2022 enregistrée le 17 mai 2022, les époux [G] ont interjeté appel de la décision.
Par leurs conclusions notifiées par voie électronique le 2 août 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les époux [G] demandent à la cour de :
vu les articles 1102 et suivants, 1231 et suivants, 1355 du code civil, l’article 526 du code de procédure civile, les articles 312-1 et suivants du code de la consommation,
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 28 mars 2022,
à titre principal :
– juger l’action du FCT Ornus irrecevable faute de qualité et d’intérêt à agir,
subsidiairement :
– juger nul le contrat de consommation qu’aurait conclu la Banque Rhône Alpes avec M. et Mme [G] le 18 août 2016,
– juger que le FCT Ornus intervenant aux droits de la Banque Rhône Alpes devra restituer à M. et Mme [G] la somme de 15 345 euros (mémoire) en remboursement des échéances de prêt déjà versées à la Banque Rhône Alpes ;
– juger que M. et Mme [G] devront restituer au FCT Ornus la somme de 40 000 euros.
à titre infiniment subsidiaire :
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts du FCT Ornus le montant des intérêts déjà versés devant être imputés sur le capital,
– juger que le taux d’intérêt légal devra s’appliquer à compter du 20 août 2019.
en toutes hypothèses :
– condamner le FCT Ornus venant aux droits de la Banque Rhône Alpes à payer à M. et Mme [G] la somme de 25 000 euros de dommages et intérêts pour manquement de l’organisme prêteur à ses obligations en matière de mise en garde, de conseil et d’information et pour la perte de chance liée au non-respect des délais de rétractation en matière d’offre de crédit à la consommation,
– débouter le FCT Ornus de toutes ses demandes,
– condamner le FCT Ornus à verser M. et Mme [G] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, le FCT Ornus demande à la cour de :
– confirmer le jugement.
y ajoutant :
– d’obtenir la condamnation des époux [G] à lui payer :
2 000 euros pour résistance abusive et dilatoire,
1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
les dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 avril 2024.
– Sur l’intérêt à agir de FCT Ornus
Les consorts [G] soutiennent, pour l’essentiel, que :
– l’acte de cession de créance du 19 avril 2021, par lequel la Banque Rhône Alpes a transféré sa créance les concernant au FCT Ornus, ne mentionne pas de subrogation expresse,
– la seule mention d’une cession de créances sur le bordereau ad hoc reste insuffisant au regard des dispositions de l’article 1346-1 du code civil.
De surcroît, les appelants considèrent que c’est la société MCS et Associés qui agirait en justice pour représenter le FCT Ornus, lequel a pour société de gestion la société Eurotitrisation. Estimant que MCS et Associés n’est ni dirigeante, ni administratrice de la société Eurotitrisation, les époux [G] en concluent que sa qualité et son intérêt à agir ne sont ainsi pas établis.
Ils rappellent enfin que c’est la Banque Rhône Alpes qui a saisi la juridiction avant de céder sa créance au FCT Ornus et affirment que, faute pour la société MCS et Associés de démontrer être le représentant légal du fonds de titrisation, il ne lui est pas possible d’agir en justice.
En réponse, le FCT Ornus fait valoir que l’acte de cession de créances du 19 avril 2021, régulièrement dénoncé aux époux [G], démontre que la Banque Rhône Alpes a cédé sa créance détenue à leur égard au FCT Ornus, en conformité avec les dispositions de l’article 1346-1 du code civil, lesdites dispositions n’imposant aucune autre formalité. Il est ajouté par l’intimé que l’article L. 214-169 du code monétaire et financier prévoit que la cession de créances s’effectue par la seule remise du bordereau.
La cour observe que l’article 1346-1 du code civil prescrit :
« La subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.
Cette subrogation doit être expresse.
Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n’ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens ».
L’article L 214-69 du code monétaire et financier dispose, en son V, 1° :
« (…) V. ‘ 1° L’acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s’effectue par la seule remise d’un bordereau dont les énonciations et le support sont fixés par décret, ou par tout autre mode d’acquisition, de cession ou de transfert de droit français ou étranger (…) ».
L’article L 214-172 du même code prévoit :
« Lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l’organisme de financement, leur recouvrement continue d’être assuré par le cédant ou par l’entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l’organisme, soit par l’acte dont résultent les créances transférées lorsque l’organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances. Toutefois, à tout moment, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l’organisme ou peut être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet.
La société de gestion, en tant que représentant légal de l’organisme, peut également recouvrer directement toute créance résultant d’un prêt consenti par lui ou en confier, à tout moment, tout ou partie du recouvrement par voie de convention à une autre entité désignée à cet effet.
En cas de changement de toute entité chargée du recouvrement en application des premier et deuxième alinéas, chaque débiteur concerné est informé de ce changement par tout moyen, y compris par acte judiciaire ou extrajudiciaire.
De la même manière, la société de gestion peut confier par voie de convention à toute entité désignée à cet effet la gestion et le recouvrement de tout élément d’actif autre que les créances et les prêts mentionnés aux mêmes premier et deuxième alinéas ou s’en charger directement.(…) ».
En l’espèce, il est établi par les documents versés aux débats, que l’acte de cession de créances formalisé le 19 avril 2021 emporte cession de la créance détenue sur les époux [G] par la Banque Rhône Alpes au profit du FCT Ornus. L’acte communiqué au débat comporte notamment un bordereau où apparaissent l’identifiant de créance, le numéro de dossier et les noms et prénoms des époux [G], débiteurs.
Il convient, en outre, de relever qu’il est ici indifférent, pour la régularité de la cession de créances précitée, que le FCT Ornus ait eu recours à la société MCS et Associés aux fins de gérer la dette des époux [G], dès lors que les dispositions de l’article L. 214-172 du code monétaire et financier autorisent expressément ce mode de recouvrement.
L’intérêt à agir du FCT Ornus étant démontré dans le cadre de la présente instance, le jugement attaqué est confirmé sur ce point.
– Sur le moyen tiré de la violation par la Banque Rhône Alpes des dispositions du code de la consommation, protectrices des débiteurs
Les époux [G] allèguent que la Banque Rhône Alpes se serait abstenue de respecter les dispositions protectrices des débiteurs, contenues aux articles L.312-1 et suivants du code de la consommation. S’ils ne contestent pas la remise des fonds, soit la somme de 40 000 euros, ils affirment que le contrat ne leur a jamais été remis et que celui-ci encourt la nulllité de ce chef. Subsidiairement, ils sollicitent que la déchéance du droit aux intérêts soit prononcée à l’encontre de la banque prêteuse du fait de la violation des dispositions légales précitées.
Le FCT Ornus constate que les fonds ont été remis aux époux [G] par la Banque Rhône Alpes et assure que le contrat l’a également été, en dépit des affirmations des emprunteurs.
Au présent cas d’espèce, la cour observe que le FCT Ornus, à hauteur d’appel, ne fournit pas le contrat de prêt litigieux et ne démontre donc pas avoir respecté l’ensemble des formalités légales exigées aux articles L 312-1 du code de la consommation.
Cependant, la sanction de l’absence de production du contrat de crédit n’est pas la nullité comme cela est invoqué à tort par les époux [G], mais la déchéance du droit aux intérêts, sanction effectivement prononcée par le tribunal, et non contestée par l’intimée.
Le jugement attaqué doit être approuvé en ce qu’il a appliqué la sanction de déchéance du droit aux intérêts et condamné solidairement les époux [G] au paiement de la somme de 26 654,78 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 août 2019.
La demande tendant à prononcer la nullité du contrat de prêt est rejetée.
– Sur la demande des époux [G] tendant au paiement de dommages et intérêts pour défaut d’information par la Banque Rhône Alpes
Les appelants estiment qu’ils n’ont pas pu bénéficier des informations nécessaires, notamment concernant leur délai de réflexion et relativement à la faculté dont ils devaient disposer de renoncer aux prêts si les conditions ne leur paraissaient pas satisfaisantes.
Faute de tout document délivré, les époux [G] considèrent qu’ils ne pouvaient ni connaître leurs véritables conditions d’engagement, ni se rétracter.
Le FCT Ornus rétorque que les époux [G] étaient informés de leurs droits et que leurs allégations ne reflètent que leur mauvaise foi.
La cour constate que la déchéance du droit aux intérêts a d’ores et déjà été prononcée à titre de sanction du défaut de justification de l’accomplissement des formalités légales ayant trait à la protection des débiteurs, ce qui comprend de fait le défaut d’information relatif au délai de réflexion et au droit de rétractation et que les époux [G] ne font pas la démonstration d’un préjudice supplémentaire qui ne serait pas réparé par cette sanction.
La demande en paiement de dommages et intérêts des époux [G] de ce chef est rejetée.
– Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive
Les époux [G] estiment ne pas avoir agi avec malice durant la procédure engagée en première instance.
Ils affirment ainsi avoir tenté de résoudre le litige de manière amiable, s’être présentés aux audiences du tribunal et avoir loyalement transmis leurs écritures, auxquelles le FCT Ornus a pu répondre.
Le FCT Ornus, adhérant aux motifs du premier juge, sollicite la confirmation du jugement attaqué.
L’exercice d’une action en justice, comme la défense à une telle action constitue un droit fondamental qui ne peut dégénérer en abus sanctionné par l’octroi de dommages et intérêts que par l’effet d’une faute qu’il appartient au demandeur de caractériser.
Lejugement attaqué analyse comme étant constitutif d’une malice ou d’un abus, le fait pour une partie comparant en personne, sans l’assistance d’un avocat, d’avoir transmis tardivement des conclusions à l’adversaire, de ne pas avoir respecté le principe de la contradiction et d’avoir usé de « moyens » pour éviter que l’affaire soit plaidée.
Cette motivation apparaît insuffisante, du fait de sa généralité, pour caractériser un abus du droit d’agir en justice, lequel suppose l’établissement defautes, distinctes des seuls aléas de procédure, non caractérisées au cas d’espèce.
Infirmant le jugement entrepris, le FCT Ornus est débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné les époux [G] à verser des dommages et intérêts au FCT Ornus au titre de la résistance abusive.
Statuant de nouveau de ce chef :
Déboute le FCT Ornus de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Ajoutant au jugement déféré :
Déboute les époux [G] de leur demande tendant au prononcé de la nullité du contrat de prêt ;
Déboute les époux [G] de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour défaut d’information par la Banque Rhône Alpes, aux droits de laquelle vient le FCT Ornus ;
Condamne les époux [G] aux dépens d’appel ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,