À partir du 28 juillet 2010, des travaux de rénovation ont été réalisés dans un immeuble à [Localité 14] à la demande de l’ASL Mazel, représentée par la société Histoire et patrimoine Mod. Les travaux, d’un coût total de 1 559 204,55 euros, ont été effectués par la société JDA, sous la maîtrise d’œuvre du cabinet d’architecture [E] [C] et avec le contrôle de la société APACE. Parallèlement, la société FTMB a entrepris des travaux au rez-de-chaussée, exécutés par la société [L] et supervisés par la SELARL [V] [O].
En mars 2011, des désordres, notamment une fissure, sont apparus sur la façade de l’immeuble. Un rapport d’expertise a conclu que la suppression de murs porteurs avait compromis la stabilité de l’immeuble. Suite à cela, une expertise judiciaire a été ordonnée par le tribunal de grande instance de Béziers. Le 9 décembre 2019, le tribunal a déclaré irrecevables certaines demandes et a condamné la SARL JDA et la SA AXA à verser des indemnités à l’ASL Mazel et au syndicat des copropriétaires. L’ASL Mazel et le syndicat ont interjeté appel de cette décision. Le 1er juillet 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables certaines conclusions et a condamné des parties aux dépens. Les parties ont continué à formuler des demandes et des conclusions, notamment l’ASL Mazel et le syndicat des copropriétaires, qui ont sollicité des condamnations financières à l’encontre de plusieurs sociétés impliquées dans les travaux. La procédure a été clôturée le 6 mars 2024, et les parties ont été renvoyées à leurs conclusions pour un exposé plus détaillé des faits et des prétentions. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/00629 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OP7K
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 09 DECEMBRE 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
N° RG 14/01831
APPELANTES :
ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE MAZEL (ASL MAZEL)
[Adresse 13]
[Localité 9]
Représentée par Me Marianne BASTELICA-MARTINEZ, avocat au barreau de BEZIERS
Syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] représenté par son syndic la SAS HISTOIRE & PATRIMOINE GESTION, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n°401 165 089, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 13]
[Localité 9]
Représentée par Me Marianne BASTELICA-MARTINEZ, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMEES :
S.A.R.L. [V] [O] ARCHITECTE
[Adresse 7]
[Localité 14]
Représentée par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Claire LEFEBVRE de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
(ordonnance du 1er juillet 2021 d’irrecevabilité des conclusions)
E.U.R.L. FTMB
[Adresse 3]
[Localité 14]
Représentée par Me Patricia PIJOT de la SCP PIJOT POMPIER MERCEY, avocat au barreau de BEZIERS substitué par Me Anne SEILLIER, avocat au barreau de BEZIERS
S.A.R.L. NDA (CABINET D’ARCHITECTURE [E] [C])
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Julie ABEN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant non plaidant
(ordonnance du 1er juillet 2021 d’irrecevabilité des conclusions)
S.A.S. APAVE SUDEUROPE aux droits et obligations de laquelle vient la SAS APAVE INFRASTRUCTURES ET CONSTRUCTION FRANCE
[Adresse 12]
[Localité 10]
Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A. AXA FRANCE IARD, sinscrite au RCS Nanterre sous le n°B 722 057 460, en qualité d’assureur de l’entreprise [S] [L]
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Estelle MERCIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT prise en la personnne de Me [F] [J] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL JDA
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie-Pierre VEDEL SALLES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 06 Mars 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 mars 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour fixée au 13 juin 2024 et prorogée au 19 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.
EXPOSE DU LITIGE
A compter du 28 juillet 2010, d’importants travaux de rénovation et de réhabilitation ont été entrepris dans les étages supérieurs de l’immeuble sis [Adresse 6] à [Localité 14] à la demande de l’ASL Mazel (association regroupant l’ensemble des copropriétaires) représentée par la société Histoire et patrimoine Mod, maître d’ouvrage délégué.
Les travaux, d’un montant total de 1 559 204,55 euros, ont été exécutés par la société JDA. La maîtrise d »uvre a été confiée au cabinet d’architecture [E] [C] (NDA), la société APACE étant, quant à elle, intervenue en qualité de bureau de contrôle.
Concomitamment, la société FTMB, propriétaire du rez-de-chaussée de l’immeuble, a entrepris des travaux, exécutés par la société [L], assurée auprès de la société AXA, sous la maîtrise d »uvre de la SELARL [V] [O].
Début mars 2011, plusieurs désordres sont apparus en façade de l’immeuble, et notamment une fissure verticale du rez-de-chaussée au R+3 au droit de la descente de charge et de la poussée oblique des voutes.
A la demande de l’architecte, la société JDA a étayé au droit des arcs les deux voutes d’arrête de l’immeuble.
A la demande de l’ASL Mazel, la société Planisphère, spécialiste en étude structurelle, a rendu en avril 2011 un rapport selon lequel « la suppression, au niveau de la voute, des murs porteurs qui servaient à consolider l’ouvrage a entraîné la remise en cause de la stabilité de l’aile nord dans son ensemble ».
Sur assignation de l’ ASL Mazel et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14], le juge des référés près le tribunal de grande instance de Béziers a, par ordonnance du 9 août 2011, ordonné une mesure d’expertise judiciaire et désigné Monsieur [B] [U] [D] pour y procéder.
Par actes d’huissier en date des 10 et 16 avril 2014, 28 mai 2014, 9 et 13 octobre 2014 et 19 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Béziers a été saisi. Il a prononcé la jonction des procédures.
Par jugement en date du 9 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Béziers a notamment :
déclaré irrecevables les demandes formées par l’ASL Mazel et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] à l’encontre de la SARL NDA, l’EURL FTMB et la SARLU [V] [O] architecte,
condamné in solidum la SARL JDA et la SA AXA France IARD à payer à l’ASL Mazel et au syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] la somme de 7 500 euros en réparation des préjudices subis,
condamné la SARL JDA à payer à l’ASL Mazel et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné l’ASL Mazel et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] à payer à l’EURL FTMB la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la SARL NDA à payer à la société APAVE Sudeurope la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la SARL JDA et la SA AXA France IARD aux dépens, en ce compris les frais de référé et d’expertise judiciaire, avec distraction au profit de Maître Chapuis.
Par acte en date du 3 février 2020, l’ASL Mazel et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] ont régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 1er juillet 2021, le conseiller de la mise en état a notamment :
déclaré irrecevables les conclusions de la SARL NDA et de la SARLU [V] [O] Architecte ainsi que toutes leurs écritures subséquentes,
condamné la SARLU [V] [O] Architecte à payer à la SAS Apave Sudeurope la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la SARL NDA et la SARLU [V] [O] Architecte à payer chacune, à l’ASL Mazel et au syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la SARL NDA et la SARLU [V] [O] Architecte aux dépens de l’incident.
Par leurs conclusions enregistrées au greffe le 26 janvier 2024, l’ASL Mazel et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] sollicitent de voir infirmer la décision dont appel. Ils demandent à la cour de les déclarer recevables et bien fondés en toutes leurs demandes dirigées à l’encontre de la société FTMB, la SARL NDA et la société JDA. Au fond, à titre principal, ils sollicitent la condamnation de l’EURL FTMB à leur payer les sommes de 57 061,28 euros au titre des travaux de reprise augmentés des honoraires de maîtrise d »uvre et d’assurance dommage-ouvrage complémentaires engagés et 6 900,92 euros au titre des frais d’expertise judiciaire.
A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de :
– condamner l’EURL FTMB à leur payer la somme de 15 549,19 euros correspondant à la quote-part mise à sa charge au titre des travaux de reprise augmentée des honoraires de maîtrise d »uvre et d’assurance dommage-ouvrage complémentaires engagés,
– condamner la SARL NDA à leur payer la somme de 16 262,47 euros correspondant à la quote-part mise à sa charge au titre des travaux de reprise augmentée des honoraires de maîtrise d »uvre et d’assurance dommage-ouvrage complémentaires engagés,
– condamner la SARL JDA à leur payer la somme de 4 279,60 euros correspondant à la quote-part mise à sa charge au titre des travaux de reprise augmentée des honoraires de maîtrise d »uvre et d’assurance dommage-ouvrage complémentaires engagés,
– condamner la SARL NDA et la SARL JDA à leur payer la somme de 20 970,02 euros correspondant à la quote-part initialement laissée à la charge des copropriétaires,
– condamner solidairement l’EURL FTMB, la SARL NDA et la SARL JDA à leur payer la somme de 6 900,92 euros au titre des frais d’expertise judiciaire.
En tout état de cause, ils demandent à la cour de condamner solidairement l’EURL FTMB, la SARL NDA et la SARL JDA aux dépens et à leur payer la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 2 octobre 2020, l’EURL FTMB sollicite de voir confirmer la décision dont appel. Subsidiairement, elle demande à la cour de juger recevable son action à l’égard de la SARLU [V] [O] architecte et de condamner cette dernière à la relever et garantir de toute condamnation. Elle sollicite en outre la condamnation de l’ASL Mazel et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] aux dépens et à leur payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 4 décembre 2020, la SELARL Etude Balincourt, représentée par Maître [F] [J], en sa qualité de liquidateur de la SAS JDA, sollicite de voir infirmer la décision dont appel en ce qu’elle a retenu la responsabilité de la société JDA et de voir débouter l’ASL Mazel et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] de toute demande à son égard. Subsidiairement, elle demande la confirmation du jugement entrepris. En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de toute partie succombante aux dépens, dont distraction au profit de maître Vedel-Salles, et à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 30 janvier 2024, la SAS Apave infrastructures et construction France, venant aux droits de la société Apave Sudeurope, sollicite la confirmation de la décision dont appel. Elle sollicite la condamnation in solidum de l’ASL Mazel, du syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14], de la SARLU [V] [O] Architecte, de la société FTMB, de la société AXA, ès qualités d’assureur de la société [L], aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 25 février 2021, la SA AXA France IARD sollicite :
A titre principal, la réformation de la décision dont appel et la condamnation in solidum de l’ASL Mazel et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] à lui rembourser les sommes payées au titre de l’exécution provisoire.
A titre subsidiaire, de voir débouter la société FTMB et la SARLU [V] [O] Architecte de leurs demandes à son encontre.
A titre infiniment subsidiaire, de voir limiter sa condamnation à la somme de 3 750 euros, de voir dire qu’elle ne saurait être condamnée in solidum avec les intervenants à l’acte de construire et de voir condamner toute partie succombante au montant de sa franchise opposable, à savoir la somme de 1 075 euros.
En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de toute partie succombante aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 6 mars 2024.
Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
Sur la recevabilité de l’action engagée par l’ASL Mazel et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] à l’encontre de l’EURL FTMB
Le tribunal a considéré que les demandeurs n’avaient pas d’intérêt légitime au succès de leurs prétentions dirigées contre l’EURL FTMB, cette dernière n’étant plus propriétaire des biens litigieux au jour de l’assignation pour les avoir vendus à Monsieur [V] [O].
Les appelants contestent cette analyse, exposant que leur action repose sur la responsabilité délictuelle de l’EURL FTMB laquelle, selon eux, a commis, en sa qualité de maître d’ouvrage des fautes à l’origine du dommage qu’ils ont subi.
L’EURL FTMB manifeste pour sa part son accord avec le raisonnement et la solution retenus par les premiers juges.
Les appelants demandent à voir retenir la responsabilité de l’EURL FTMB, avec laquelle ils n’ont pas de lien contractuel, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage et subsidiairement de la responsabilité délictuelle, en sa qualité de maître de l’ouvrage au moment des travaux et non en sa qualité de propriétaire.
Dans ces conditions, leur action est recevable et le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur la saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes
Le tribunal a déclaré les demandes irrecevables à l’encontre des architectes faute de saisine du conseil régional de l’ordre des architectes.
Les appelants considèrent pour leur part que les clauses prévoyant la saisine du conseil régional de l’ordre des architectes et une exclusion de solidarité en cas de condamnation sont inopposables au syndicat, dans la mesure où ce dernier n’est pas partie au contrat avec NDA. Ils ajoutent que la clause prévoyant la saisine du conseil régional de l’ordre des architectes serait nulle, s’agissant d’une clause compromissoire, l’ASL Mazel n’étant pas un professionnel. S’agissant de la SARLU [V] [O], ils soutiennent que ladite clause leur serait inopposable car ils sont tous deux tiers au contrat.
Si le syndicat des copropriétaires n’est pas partie au contrat liant l’ASL Mazel à la SARL NDA, il se trouve désormais, depuis la vente des lots et sa constitution, subrogé dans les droits de l’ASL Mazel, de sorte que ledit contrat lui est opposable.
Par ailleurs, la clause prévoyant la saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes ne s’analyse pas en une clause compromissoire, le non-respect de la procédure de conciliation obligatoire entraînant non une consultation des parties en vue de soumettre leur différend à un arbitrage mais une irrecevabilité de la demande.
Il n’est pas contesté en l’espèce que le conseil régional de l’ordre des architectes n’a pas été saisi pour avis, ce qui rend les demandes de l’ASL Mazel et du syndicat de copropriétaires à l’égard de la SARL NDA irrecevables.
S’agissant des demandes de l’ASL Mazel et du syndicat de copropriétaires à l’égard de la SARLU [V] [O], elles apparaissent, ainsi que parfaitement analysé par le premier juge, irrecevables dès lors que les demandes de l’EURL FTMB, partie au contrat, sont irrecevables faute de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes, fait non contesté.
Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de l’ASL Mazel et du syndicat de copropriétaires dirigées contre la SARL NDA et la SARLU [V] [O].
Sur les désordres et responsabilités
Le tribunal a considéré, au vu des éléments du dossier, et notamment du rapport d’expertise judiciaire, que les fissures sur les façades étaient dues à la vétusté de l’immeuble, très ancien, aggravée par la suppression des cloisons du rez-de-chaussée par l’EURL FTMB et la création de réseaux enterrés en pied de façade.
Les appelants contestent au principal cette analyse. Ils soutiennent que les fissures en façade de l’immeuble sont apparues à la suite de la démolition par la société FTMB de murs porteurs en rez-de -chaussée et que cette démolition est à l’origine exclusive des désordres, de sorte que la société FTMB, maître d’ouvrage s’agissant des travaux du rez-de-chaussée, serait exclusivement responsable des désordres, lesquels d’une part excèdent les troubles normaux du voisinage d’autre part résultent de la faute de la SARL FTMB (absence de diagnostic préalable aux travaux, absence de travaux de confortement). Subsidiairement, ils soulignent les fautes de la SARL NDA, qui n’a pas tenu compte de l’état de vétusté de l’immeuble avant d’engager les travaux, et de la société JDA, qui a omis d’alerter le maître d’ouvrage (l’ASL Mazel) sur les caractéristiques de l’immeuble et son état de vétusté au moment de l’établissement du marché de travaux et de la négociation des prix.
La SARL FTMB souligne pour sa part que l’ASL Mazel, la société JDA et l’Apave étaient en charge de la totalité des travaux de structure de l’immeuble et qu’aucune étude de la structure existante n’a été effectuée avant travaux. Elle soutient n’avoir réalisé que les travaux d’aménagement intérieur, les cloisons supprimées n’étant pas porteuses, ce que le cabinet BETS a confirmé (pièce 3 de la SARL FTMB).
La SELARL Etude Balincourt, représentée par Maître [F] [J], en qualité de liquidateur de la SAS JDA, prétend qu’il incombait au maître d’ouvrage et au maître d »uvre de s’assurer de la solidité de l’ouvrage et de la possibilité ou non d’y pratiquer certains travaux, elle-même n’ayant aucune part de responsabilité dans le choix de l’emplacement des réseaux.
Selon l’expert judiciaire, les fissures sont dues en grande majorité (70 %) à la vétusté de l’immeuble. Pour lui, la suppression de cloisons en rez-de-chaussée n’est qu’un facteur aggravant des désordres (pour 15 %), tout comme les réseaux enterrés en pied de façade (pour 15 % également).
Or, l’ASL Mazel a entrepris des travaux de structure sur l’immeuble (pour un montant de 1 559 204,55 euros TTC) et a engagé un maître d »uvre (la SARL NDA), lequel avait notamment pour mission d’établir un rapport de synthèse permettant de renseigner le maître d’ouvrage sur l’état général du bâtiment et l’état particulier de ses éléments constitutifs et d’équipement (pièce 4 des appelants, page 4).
Ainsi, l’état de vétusté de l’immeuble devait être pris en compte par l’ASL Mazel et la SARL NDA avant d’engager les travaux de structure de l’immeuble, ce qui n’a pas été le cas. De ce fait, il apparaît que l’état de vétusté de l’immeuble, cause principale des désordres, ne peut être imputé qu’à l’ASL Mazel et la SARL NDA.
Parallèlement, les travaux engagés au rez-de-chaussée par l’EURL FTMB, de modeste ampleur (pour un montant de 3 588 euros TTC), ne comprenaient pas de travaux de structure, les cloisons abattues n’étant pas porteuses au départ, mais l’étant devenues, d’après l’expert judiciaire, du fait de la vétusté de l’immeuble (page 9 du rapport d’expertise judiciaire, réponse au dire de l’avocat de la société FTMB).
Il apparaît ainsi que l’EURL FTMB, en sa qualité de maître d’ouvrage s’agissant du rez-de-chaussée de l’immeuble, n’a pas engagé sa responsabilité à l’égard de l’ASL Mazel et du syndicat des copropriétaires puisque les travaux qu’elle a entrepris ne sont pas la cause des désordres mais uniquement un facteur aggravant de ces derniers. Elle n’a donc ni causé de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage, ni commis de faute engageant sa responsabilité délictuelle, les travaux entrepris concernant des refends non fondés.
S’agissant de la société JDA, l’expert retient sa responsabilité sur un plan technique à hauteur de 7,5 % du fait de la création d’un réseau enterré en pied de façade qui a aggravé les désordres.
Si l’entreprise réalisant les travaux doit s’assurer que ces derniers peuvent être faits dans les règles de l’art et sans occasionner de désordres, il apparaît qu’en l’espèce les travaux réalisés n’ont pas occasionné en eux-mêmes de désordres mais n’ont été qu’un facteur aggravant des désordres dus principalement à l’état de vétusté de l’immeuble sur lequel la société JDA ne disposait pas de regard d’ensemble, son intervention étant limitée à la création d’un réseau enterré.
Dans ces conditions, sa responsabilité ne sera pas retenue.
S’agissant des éventuelles responsabilités de la société [S] [L] et des architectes, elles ne seront pas examinées, aucune demande n’étant dirigée contre la société [S] [L] et les demandes dirigées contre les architectes ayant été déclarées irrecevables.
S’agissant des demandes présentées contre l’Apave par la SARLU [V] [O] Architecte, elles ne seront pas examinées non plus, les conclusions en appel de la SARLU [V] [O] Architecte ayant été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état.
S’agissant enfin des demandes présentées contre AXA, il apparaît, ainsi que le prétend la SA AXA, que le tribunal a statué ultra petita dans la mesure où lesdites demandes émanaient exclusivement de la SARL NDA au titre d’un appel en garantie et que les demandes dirigées contre la SARL NDA ont été déclarées irrecevables. Le jugement sera donc infirmé sur ce point et les appelants devront, le cas échéant, rembourser à la SA AXA les sommes éventuellement versées par elle au titre de l’exécution provisoire du jugement de première instance (s’agissant de l’exécution d’une décision de justice, il n’y a pas lieu à condamnation au titre du dispositif de la présente décision).
Sur les demandes accessoires
Eu égard à l’issue du litige, le jugement sera infirmé.
L’ASL Mazel et le syndicat de copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14], qui succombent seront condamnés à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
à l’EURL FTMB la somme de 3 000 euros,
à la SELARL Etude Balincourt, représentée par Maître [F] [J], en qualité de liquidateur de la SAS JDA, la somme de 1 500 euros,
à la SAS Apave la somme de 1 500 euros,
à la SA AXA France IARD la somme de 1 500 euros.
Les appelants seront condamnés aux dépens, avec distraction au profit de maître Vedel-Salles en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La cour, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 9 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Béziers, sauf en ce qu’il a dit que les demandes formées par l’ASL Mazel et par le syndicat de copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] à l’encontre de la SARL NDA et de la SARLU [V] [O] Architecte étaient irrecevables,
Déclare recevables les demandes formées par l’ASL Mazel et par le syndicat de copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] à l’encontre de l’EURL FTMB ;
Déboute l’ASL Mazel et le syndicat de copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] de l’ensemble de leurs demandes ;
Dit qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à l’encontre de la SA AXA, faute de demande émanant des parties en la cause ;
Condamne l’ASL Mazel et le syndicat de copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
– à l’EURL FTMB la somme de 3 000 euros,
– à la SELARL Etude Balincourt, représentée par Maître [F] [J], en qualité de liquidateur de la SAS JDA, la somme de 1 500 euros,
– à la SAS Apavela somme de 1 500 euros,
– à la SA AXA France IARD la somme de 1 500 euros ;
Condamne l’ASL Mazel et le syndicat de copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 14] aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Vedel-Salles.
le greffier le président