Succession et Liquidation : Conflits entre Héritiers et Épouse Survivante sur les Actifs Communs et les Contrats d’Assurance-Vie

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Succession et Liquidation : Conflits entre Héritiers et Épouse Survivante sur les Actifs Communs et les Contrats d’Assurance-Vie
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Origine de l’affaire

Du mariage de M. [A] [S] et de Mme [U] [Z] est née Mme [I] [S] épouse [D], née le [Date naissance 5] 1977. Le divorce des époux [S]/[Z] a été prononcé le 1er février 1982. M. [A] [S] a ensuite épousé Mme [J] [K] le [Date mariage 3] 1999, sans contrat de mariage, et aucun enfant n’est issu de cette union.

Décès et succession

M. [A] [S] est décédé le [Date décès 4] 2018, laissant pour lui succéder son épouse, Mme [J] [K], et sa fille, Mme [I] [S]. Les parties n’étant pas parvenues à un partage amiable de la succession, Mme [I] [S] a assigné Mme [J] [K] et la société [13] devant le tribunal de grande instance de Bayonne pour ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession, ainsi que le rapport de la prime unique de 119 000 euros d’un contrat d’assurance-vie dont Mme [J] [K] était bénéficiaire.

Décision du tribunal judiciaire

Par décision du 9 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Bayonne a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [A] [S], a réintégré la somme de 117 810 euros à l’actif successoral, et a condamné Mme [J] [K] à payer 3000 euros à Mme [I] [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Mme [J] [K] a relevé appel de cette décision.

Demandes des parties en appel

Dans ses conclusions du 18 avril 2024, Mme [J] [K] a demandé la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté Mme [I] [S] de ses demandes sur le recel de communauté et a demandé à être déboutée de la demande de rapport à la succession. Mme [I] [S] a, quant à elle, demandé la confirmation du jugement et a ajouté des demandes de communication de pièces et d’infirmation du jugement concernant les sanctions du recel.

Analyse des actifs et des primes

Le tribunal a constaté que M. [A] [S] et Mme [J] [K] étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts. Il a été établi qu’il existait des actifs communs, notamment des sommes provenant de la vente de biens propres de M. [A] [S]. Les primes versées sur le contrat d’assurance-vie ont été considérées comme provenant de fonds communs, et le contrat a été jugé comme un actif de communauté.

Caractère excessif des primes

Le tribunal a également examiné le caractère manifestement exagéré de la prime de 119 000 euros versée sur le contrat d’assurance-vie, en tenant compte de l’âge et de l’état de santé de M. [A] [S] au moment de la souscription. Il a été conclu que cette prime avait appauvri la communauté et n’avait pas servi l’intérêt commun des époux.

Décision finale de la cour

La cour a confirmé en partie le jugement du tribunal judiciaire, ordonnant à la société [16] de verser la somme de 118 863,75 euros au notaire désigné pour le partage de la communauté. Elle a également ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté, tout en déboutant les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens de la procédure ont été employés en frais privilégiés de partage.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

28 octobre 2024
Cour d’appel de Pau
RG n°
20/02845
XG/BE

Numéro 24/3282

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 2

Arrêt du 28 octobre 2024

Dossier : N° RG 20/02845 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HWH6

Nature affaire :

Demande en partage, ou contestations relatives au partage

Affaire :

[J] [K] veuve [S]

C/

[I] [S] épouse [D], S.A. [16]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 28 octobre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 03 Juin 2024, devant :

Monsieur GADRAT, Président chargé du rapport,

assisté de Madame BRUET, Greffière, présente à l’appel des causes,

Monsieur GADRAT, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur GADRAT, Président,

Madame GIMENO, Vice Présidente placée,

Madame DELCOURT, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

Grosse délivrée le :

à :

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [J] [K] veuve [S]

née le [Date naissance 7] 1954 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Marie-Thérèse HOUNIEU, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEES :

Madame [I] [S] épouse [D]

née le [Date naissance 5] 1977 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Nicolas MICHELOT de la SELARL ALQUIE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE

assistée de la S.E.L.A.R.L. BERENGER – CLEON, avocat au barreau de L’AIN

S.A. [16]

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentée par Me Olivier HAMTAT de la SELARL DALEAS-HAMTAT-GABET, avocat au barreau de PAU

assistée de Me Véronique FONTAINE de la SCP BCF & Associés, avocat au barreau de LYON

sur appel de la décision

en date du 09 NOVEMBRE 2020

rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BAYONNE

RG numéro : 18/01977

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Du mariage de M. [A] [S] et de Mme [U] [Z] est issue Mme [I] [S] épouse [D] née le [Date naissance 5] 1977 à [Localité 15].

Le divorce des époux [S]/[Z] a été prononcé le 1er février 1982.

M. [A] [S] a épousé en secondes noces Mme [J] [K] le [Date mariage 3] 1999 devant l’officier d’état civil de la commune de [Localité 18] (38), sans contrat de mariage préalable à cette union. Aucun enfant n’est issu de cette union.

M. [A] [S] est décédé le [Date décès 4] 2018 laissant pour lui succéder :

– son épouse, Mme [J] [K]

– sa fille, Mme [I] [S] épouse [D].

Les parties n’étant pas parvenues à procéder à un partage amiable de la succession, Mme [I] [S] a fait assigner Mme [J] [K] et la [13] devant le tribunal de grande instance de Bayonne aux fins notamment de voir ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial et de la succession et de voir ordonner le rapport par Mme [J] [K] du montant de la prime unique de 119 000 euros du contrat d’assurance-vie du 12 janvier 2017 dont elle a été désignée bénéficiaire.

Par la décision dont appel du 9 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Bayonne a notamment :

– mis hors de cause la société [13]

– reçu l’intervention volontaire de la société [16],

– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [A] [S] décédé le [Date décès 4] 2018 et commis Me [C], notaire à [Localité 12], pour y procéder et désigné le juge commis pour surveiller ces opérations,

– dit que la somme de 117 810 euros net correspondant à la prime versée sur le contrat assurance-vie [19] doit être réintégrée à l’actif successoral de M. [A] [S],

– ordonné en tant que de besoin à la société [16] de libérer entre les mains du notaire ci-avant désigné la somme de 117 810 euros net figurant sur le contrat assurance-vie [19] souscrit par M. [A] [S],

– dit n’y avoir lieu à application des sanctions relatives au recel successoral à l’égard de Mme [J] [K],

– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,

– condamné Mme [J] [K] à payer à Mme [I] [S] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration transmise au greffe de la cour via le RPVA le 3 décembre 2020, Mme [J] [K] a relevé appel de cette décision, dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas contestées, en ce qu’elle a dit que la somme de 117 810 euros net correspondant à la prime versée sur le contrat d’assurance-vie [19] devait être réintégrée à l’actif successoral de M. [A] [S], en ce qu’elle a ordonné en tant que de besoin à la société [16] de libérer entre les mains du notaire ladite somme et en ce qu’elle l’a condamnée à payer à Mme [I] [D] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

***

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour via le RPVA le 18 avril 2024, Mme [J] [K] veuve [S] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [I] [S] de ses demandes fondées sur le recel de communauté,

– réformer le jugement des chefs rémunérés dans sa déclaration d’appel,

statuant à nouveau

– débouter Mme [I] [S] de sa demande fondée sur l’article 700,

– débouter Mme [I] [S] de sa demande de rapport à la succession de M. [A] [S] de la somme de 119 000 euros brut, montant versé au moment de la souscription du contrat d’assurance-vie.

à titre subsidiaire

– juger qu’il ne peut y avoir rapport du montant de la prime à la succession de M. [A] [S] mais uniquement récompense au profit de la communauté ayant existé entre M. [A] [S] et Mme [K],

– condamner Mme [I] [S] à lui payer une somme de 4800 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

– condamner Mme [I] [S] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour via le RPVA le 2 avril 2024, Mme [I] [S] épouse [D] demande à la cour de :

– débouter Mme [J] [K] veuve [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions, y compris sa demande formulée à titre subsidiaire,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu’il a dit que la somme de 117 810 euros net correspondant à la prime versée sur le contrat assurance-vie [19] doit être réintégrée à l’actif successoral de M. [A] [S] et en ce qu’il lui a alloué une indemnité de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

y ajoutant

– enjoindre à Mme [J] [K] veuve [S], sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, d’avoir à lui communiquer et à communiquer au notaire chargé du règlement de la succession de M. [A] [S] :

– l’ensemble des contrats d’assurance-vie dont elle est bénéficiaire,

– l’ensemble des relevés bancaires au nom de M. [A] [S] et/ou au nom de M. [A] [S] et de Mme [J] [K] veuve [S],

– les justificatifs des modalités de financement de l’acquisition du bien immobilier situé à [Localité 11] et acquis par acte du 12 septembre 2008,

– la recevoir en son appel incident et de dire bien fondé,

– infirmer le jugement en ce qu’il a écarté les sanctions du recel à l’égard de Mme [J] [K] veuve [S].

statuant à nouveau

– dire et juger que les sanctions du recel des biens de communauté seront appliquées à Mme [J] [K] veuve [S] au titre des fonds placés sur différents comptes bancaires dont M. [A] [S] était titulaire et pour lesquelles elle n’a fourni aucune explication sur le sort des fonds communs,

– condamner Mme [J] [K] veuve [S] à lui payer en cause d’appel la somme supplémentaire de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour via le RPVA le 28 mai 2021, la société [16] demande à la cour de :

– lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte sur la confirmation ou l’infirmation du jugement,

– dans la première hypothèse, confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné le rapport à la succession à hauteur du montant net de la prime versée soit 117 810 euros et sous réserve de la production du RIB du notaire et la libération au bénéfice de la société [16] du reliquat de 1053,75 euros au regard de la saisie conservatoire pratiquée à hauteur de 118 863,75 euros,

– à défaut, infirmer le jugement et ordonner la libération du capital décès à Mme [J] [K] veuve [S] à hauteur de 118 863,75 euros sous déduction de la fiscalité éventuelle afférente et sous réserve de la régularisation de la mainlevée de la saisie conservatoire,

– laisser à chaque partie la charge de ses dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture des débats est intervenue le 20 mai 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience des plaidoiries du 3 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient tout d’abord d’observer que la décision dont appel n’est pas contestée en ce qu’elle a mis hors de cause la société [13], reçu l’intervention volontaire de la société [16], ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [A] [S] décédé le [Date décès 4] 2018, commis Me [C], notaire à [Localité 12], pour y procéder et désigné le juge commis du tribunal judiciaire de Bayonne pour surveiller ces opérations.

Ces dispositions du jugement, non contestées, sont donc devenues définitives.

M. [A] [S] étant toujours marié sous le régime légal avec Mme [J] [K] veuve [S] lors de son décès, il y a lieu au préalable, si nécessaire, de procéder à la liquidation de la communauté ayant existé entre les époux.

sur l’existence d’un actif commun et/ou d’un actif propre et les opérations de compte, liquidation et partage

M. [A] [S] et Mme [J] [K] veuve [S] se sont unis par le mariage le [Date mariage 3] 1999 sans avoir fait précéder leur union d’un contrat de mariage, de telle sorte que le régime matrimonial applicable est celui de la communauté réduite aux acquêts.

Mme [J] [K] veuve [S], si elle ne conteste plus en cause d’appel l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de son défunt mari, M. [A] [S], conteste l’existence d’un quelconque actif commun autre que les soldes de comptes bancaires au jour du décès.

Il résulte cependant des conclusions et pièces versées aux débats par Mme [I] [S] épouse [D] que :

– selon le relevé Ficoba qu’elle a sollicité (pièce 17 intimée), il existe (ou a existé) des comptes bancaires (personnels ou joints) au nom de son père dans plusieurs établissements bancaires mais qui étaient « vides » au jour du décès (cf p20 in fine de ses conclusions),

– son père a pourtant reçu la somme de 91 000 euros suite à la vente le 28 décembre 2011 d’un bien propre qu’il détenait en indivision avec sa s’ur (pièce 5 intimée),

– parallèlement, une somme de 91 000 euros a été versée sur le compte joint [17] des époux (pièce 37 intimée) le 30 novembre 2011 en provenance de l’étude notariale ayant passé l’acte,

– M. [A] [S] a également reçu, dans le cadre de la succession de sa mère, une somme de 10 934 euros tel que cela résulte de la déclaration de succession du 2 novembre 2011 (pièce 6 intimée) sans que l’on sache pour autant sur quel compte cette somme a été encaissée,

– M. [A] [S] a par ailleurs bénéficié d’un don manuel de sa mère à hauteur de 22 867 euros en juillet 2011 (150 000 francs cf déclaration de don manuel pièces 40 intimée) mais l’on ne sait pas plus sur quel compte cette somme a été encaissée,

– M. [A] [S] a acquis seul le 1er avril 1998 (pièce 25 intimée) un bien immobilier situé à [Localité 18] (38), antérieurement à son mariage avec Mme [J] [K],

– ce bien a été vendu le 29 mai 2008 pour la somme de 258 000 euros en l’étude de la SCP Royol, Meymarian, Duval-Ormezzano, notaires à [Localité 21],

– tel que cela résulte du relevé de compte [17] versé aux débats par Mme [I] [S] (pièce 36 intimée) une somme de 242 951,14 euros a été virée sur le compte joint [17] des époux le 30 mai 2008, soit le lendemain de la vente, par la SCP notariale ayant procédé à la vente,

– M. [A] [S] a acquis avec Mme [J] [K], son épouse, selon acte notarié de Me [Y], notaire à [Localité 20], du 12 septembre 2008 un bien immobilier situé à [Localité 11] pour la somme de 285 000 euros,

– il ressort du même relevé du compte joint [17] des époux qu’une somme de 290 000 euros a été virée en l’étude de la SCP [Y] [N] le 9 septembre 2008, soit 3 jours avant l’acte d’acquisition,

– si l’acte notarié du 12 septembre 2008 n’est versé aux débats par aucune des parties, il résulte des mentions de l’acte de vente de ce bien intervenu le 19 octobre 2016 (page 23 pièce intimée 27) que cette acquisition est intervenue au cours du mariage et pour le compte de la communauté, donc manifestement sans aucune clause de remploi,

– ce bien a été vendu le 19 octobre 2016 pour la somme de 255 000 euros,

– il résulte des relevés du compte joint [13] des époux (pièce 35 intimée) que deux prélèvements d’un montant identique de 119 000 euros ont été effectués le 2 février 2017 par [16] pour alimenter deux contrats n°30218953 et 30218929,

– M. [A] [S] a souscrit le 12 janvier 2017 un contrat d’assurance-vie Multiplacements 2 n°30218953 auprès de la [13] avec versement d’une prime unique d’un montant de 119 000 euros et a désigné son épouse, Mme [J] [K] veuve [S], en qualité de bénéficiaire.

Selon les dispositions de l’article 1401 du code civil, « La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ».

L’article 1402 dudit code précise que « Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi (‘) ».

Ainsi, selon l’article 1406, constituent notamment des propres « les biens acquis en emploi ou remploi, conformément aux articles 1434 et 1435 ».

Cependant, l’article 1434 dispose que « L’emploi ou le remploi est censé fait à l’égard d’un époux toutes les fois que, lors d’une acquisition, il a déclaré qu’elle était faite de deniers propres ou provenus de l’aliénation d’un propre, et pour lui tenir lieu d’emploi ou de remploi. A défaut de cette déclaration dans l’acte, l’emploi ou le remploi n’a lieu que par l’accord des époux, et il ne produit ses effets que dans leurs rapports réciproques ».

Il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient Mme [I] [S], si l’immeuble acquis par M. [A] [S] le 1er avril 1998 à [Localité 18] (38), avant son mariage, était bien un propre et s’il est établi que le bien acquis le 12 septembre 2008 à [Localité 11] l’a été partiellement avec des fonds propres à M. [A] [S] comme provenant de la vente de son immeuble propre de [Localité 18] intervenue le 29 mai 2008, faute de déclaration de remploi, l’immeuble acquis par les époux au cours du mariage constitue un acquêt de communauté.

Dès lors, les sommes provenant de la vente de ce bien commun intervenue le 19 octobre 2016 sont des fonds communs, de telle sorte que les primes versées sur les deux contrats d’assurance-vie le 2 février 2017 à hauteur de 119 000 euros chacune à partir du compte joint [13] des époux proviennent, quoi qu’il en soit, de fonds communs.

S’agissant du contrat n°30218953, objet du présent litige, souscrit le 12 janvier 2017 pendant le mariage par M. [A] [S] et alimenté par des fonds communs, il s’agit bien d’un actif de communauté.

Pour le reste, il sera rappelé que :

– en application des dispositions de l’article 1433, « La communauté doit récompense à l’époux propriétaire toutes les fois qu’elle a tiré profit de biens propres.

Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d’un propre, sans qu’il en ait été fait emploi ou remploi.

Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions »

– la somme de 91 000 euros, constituant des deniers propres de M. [A] [S], a été encaissée sur le compte commun des époux, comme rappelé ci-dessus, le 30 novembre 2011,

– la somme de 242 951,14 euros, provenant de la vente d’un bien propre de M. [A] [S], a été encaissée sur le compte joint [17] des époux le 30 mai 2008 et vraisemblablement investie dans l’immeuble commun acquis le 12 septembre 2008 pour la somme de 285 000 euros et revendu le 19 octobre 2016 pour la somme de 255 000 euros.

Aucune demande de récompense n’est cependant formulée dans le cadre de la présente instance.

En l’état des observations qui précèdent, il appartiendra au notaire, dans le cadre de ses opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux, d’interroger la société [13] sur le titulaire du contrat d’assurance-vie n°30218929, sa date de souscription, les éventuelles opérations de rachat et le solde disponible.

S’agissant de la demande de communication de pièces sous astreinte formée par Mme [I] [S], elle n’apparaît pas justifiée à ce stade en l’absence de formalisation par l’intéressée d’une demande de récompense de la communauté à M. [A] [S] (et donc à sa succession), étant rappelé qu’il est constant que la communauté est présumée avoir tiré profit des fonds propres versés sur un compte commun des époux mariés sous le régime légal, sauf preuve contraire.

A toutes fins, il sera rappelé qu’en application des dispositions de l’article 1472 du code civil, « En cas d’insuffisance de la communauté, les prélèvements de chaque époux sont proportionnels au montant des récompenses qui lui sont dues.

Toutefois, si l’insuffisance de la communauté est imputable à la faute de l’un des époux, l’autre conjoint peut exercer ses prélèvements avant lui sur l’ensemble des biens communs ; il peut les exercer subsidiairement sur les biens propres de l’époux responsable ».

Sur le caractère excessif des primes versées sur le contrat d’assurance-vie n°30218953

Il convient tout d’abord de rappeler que, s’agissant d’un actif commun tel qu’analysé précédemment, il ne saurait y avoir « rapport à la succession » des éventuelles primes excessives mais récompense due à la communauté.

En ce sens, en application des dispositions de l’article L.132-16 du code des assurances, « Le bénéfice de l’assurance contractée par un époux commun en biens en faveur de son conjoint, constitue un propre pour celui-ci.

Aucune récompense n’est due à la communauté en raison des primes payées par elle, sauf dans les cas spécifiés dans l’article L. 132-13, deuxième alinéa ».

L’article L132-13 du code des assurances précise que « Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. ».

Il est constant que le caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur s’apprécie au moment du versement, au regard de l’âge, des situations patrimoniale et familiale de celui-ci, ainsi que de l’utilité du contrat pour lui.

Il est tout aussi constant qu’il appartient à celui qui sollicite le rapport à la succession ou la récompense à la communauté des sommes versées d’apporter la preuve d’une exagération, qui plus est manifeste, des primes.

Pour retenir le caractère manifestement exagéré de la prime de 119 000 euros versés le 2 février 2017 sur le contrat d’assurance-vie [13] n°30218953, le premier juge a considéré que :

– M. [A] [S] était âgé de 70 ans au jour de la souscription du contrat d’assurance-vie litigieux,

– au jour de la souscription de ce contrat, il n’était plus propriétaire d’aucun bien immobilier et il ressort des pièces médicales versées que ce contrat a été souscrit à une période durant laquelle il souffrait d’un syndrome parkinsonien,

– de même, Mme [J] [K] veuve [S] n’offre pas de contredire qu’au jour du décès de M. [A] [S] le capital figurant sur le contrat d’assurance-vie litigieux constitue le seul patrimoine du défunt,

– compte tenu de son âge et de son mauvais état de santé, l’utilité d’un tel contrat est d’autant moins justifiée que l’unique prime versée constitue, à elle seule, le patrimoine du de cujus à l’ouverture de sa succession, en l’absence de tout autre épargne ou patrimoine immobilier.

Le contrat d’assurance-vie litigieux a été souscrit par M. [A] [P] et le 12 janvier 2017, l’intéressé est décédé le [Date décès 4] 2018.

Si la souscription d’une assurance-vie peut être analysée comme une opération de prévoyance qui sert l’intérêt commun des époux, force est de constater en l’espèce que :

– l’historique médical de M. [A] [S], non contesté par Mme [J] [K] veuve [S], témoigne de la particulière fragilité de l’état de santé de l’intéressé et de la dégradation de celui-ci quelques mois avant la souscription du contrat d’assurance-vie litigieux,

– les deniers provenant de la vente du bien immobilier commun ont été, pour leur quasi intégralité (238 000 euros sur 255 000 euros) investis dans deux contrats d’assurance-vie, dont celui objet du présent litige,

– il n’existait plus, de ce fait, aucun actif immobilier commun,

– la souscription du contrat en cause, désignant l’épouse comme bénéficiaire, avait manifestement pour seul objectif d’assurer un avantage à l’épouse dans le cadre de la liquidation de la communauté et subséquemment de la succession de l’époux – dès lors dépourvue ainsi de tout actif -, le bénéfice de l’assurance constituant un bien propre de l’épouse en application des dispositions de l’article L. 132-16 susvisées,

– le versement de la prime de 119 000 euros, qui a appauvri la communauté et n’a pas servi l’intérêt commun des époux, présente ainsi un caractère manifestement exagéré.

Mme [J] [K] veuve [S], seule bénéficiaire du contrat litigieux, doit ainsi récompense à la communauté à concurrence de la totalité de la somme à percevoir de la société [16] sur le contrat assurance-vie Multiplacements 2 n°30218953 souscrit le 12 janvier 2017 par M. [A] [S], soit la somme de 118 863,75 euros.

La décision dont appel sera réformée en ce sens et il sera ordonné à la société [16] de verser entre les mains du notaire l’intégralité des sommes détenues dans le cadre de ce contrat, à savoir 118 863,75 euros.

sur les peines du recel

Mme [J] [K] veuve [S] soutient, à titre liminaire, que le jugement ne peut qu’être confirmé de ce chef, à défaut pour l’intimée d’avoir sollicité l’infirmation ou la réformation du jugement dans ses conclusions d’appel incident.

Selon les dispositions de l’article 542 du code de procédure civile, dans sa version applicable aux faits de la cause, « L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel ».

L’article 954 dudit code, dans sa version applicable aux faits de la cause, édicte des règles précises quant à la rédaction des conclusions d’appel comme suit : « Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961.

Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs ».

Il est constant que ces dispositions s’appliquent également à l’appel incident qui n’est pas différent de l’appel principal par sa nature ou son objet.

Il résulte ainsi des textes susvisés que :

– l’intimé doit, dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile, transmettre à la cour des conclusions, répondant aux exigences des articles 542 et 954, qui doivent ainsi expressément mentionner qu’il demande la réformation, l’infirmation ou l’annulation des chefs du jugement qu’il critique,

– le non-respect de cette règle implique la confirmation de la décision de première instance.

Cette règle a été expressément rappelée par la cour de cassation dans un arrêt publié du 17 novembre 2020, de telle sorte que, lorsqu’elle a relevé appel incident le 31 mai 2021, l’intimée ne pouvait l’ignorer.

Force est de constater que le dispositif des conclusions d’intimée et d’appelante incidente du 31 mai 2021 ne répond pas aux exigences des textes susvisés, peu important la régularisation intervenue postérieurement au délai de l’article 909 du code de procédure civile.

La décision dont appel sera en conséquence confirmée de ce chef, étant observé qu’en tout état de cause, à ce stade de la procédure, Mme [I] [S] ne précise pas sur quel détournement ou dissimulation au préjudice de la communauté ou de la succession se fonde sa prétention qui reste indéterminée.

L’équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu’elles ont exposés en cause d’appel. Mme [J] [K] veuve [S] et Mme [I] [S] seront en conséquence déboutées de leur demande respective sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de la présente procédure d’appel seront employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats publics, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Bayonne du 9 novembre 2020, sauf en ce qu’il a dit que la somme de 117 810 euros net devait être réintégrée à l’actif successoral de M. [A] [S] et en ce qu’il a ordonné en tant que de besoin à la société [16] de libérer entre les mains du notaire désigné la somme de 117 810 euros net figurant sur le contrat assurance-vie [19] souscrit par M. [A] [S].

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

ORDONNE l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [A] [S] et Mme [J] [K] veuve [S].

DIT que Mme [J] [K] veuve [S] doit récompense à la communauté à hauteur de la somme de 118 863,75 euros correspondant aux sommes lui revenant au titre de l’assurance-vie Multiplacements 2 n°30218953 souscrite le 12 janvier 2017 par M. [A] [S] à son profit.

ORDONNE à cet effet à la société [16] de se libérer de la somme de118 863,75 euros qu’elle détient au titre de ce contrat entre les mains du notaire désigné par le juge de première instance.

DIT qu’il appartiendra au notaire désigné, dans le cadre de ses opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux, d’interroger la société [13] et/ou la société [16] sur le titulaire du contrat d’assurance-vie n°30218929, sa date de souscription, les éventuelles opérations de rachat et le solde disponible.

DIT qu’il appartiendra au notaire désigné d’établir l’état actif et passif de la communauté et de la succession tenant compte des éventuelles demandes de récompense et de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage conformément à la mission confiée par le premier juge et d’en référer au juge commis du tribunal judiciaire de Bayonne en cas de difficultés.

DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes.

DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

DIT que les dépens de la présente procédure seront employés en frais privilégiés de partage.

Arrêt signé par Xavier GADRAT, Président et Marie-Edwige BRUET, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

Marie-Edwige BRUET Xavier GADRAT


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