Subrogation conventionnelle et cession de contrat

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Subrogation conventionnelle et cession de contrat

Résumé de l’affaire

La SARL LA PERLE D’ORIENT a signé un contrat de location pour une caisse enregistreuse avec la SA JDC et LOCAM. Des incidents de paiement ont eu lieu, et la société LOCAM a cédé le contrat à la SA JDC. Cette dernière a poursuivi la SARL en justice pour des impayés. Le tribunal de commerce de Bordeaux a condamné la SARL à payer une somme à la SA JDC. La SARL a fait appel, arguant de l’incompétence du tribunal de Bordeaux. La cour d’appel de Bordeaux a donné raison à la SARL et a renvoyé l’affaire à la cour d’appel de Colmar. La SARL a été placée en liquidation, et la SA JDC a réclamé du matériel et des sommes dues. La SA JDC a assigné le liquidateur en intervention forcée. Les deux parties ont formulé des demandes contradictoires, la SARL demandant à être déchargée de ses obligations et la SA JDC réclamant le paiement des sommes dues. La procédure est en cours devant la cour d’appel de Colmar.

L’essentiel

Qualité à agir de la SA JDC

La SARL LA PERLE D’ORIENT, la SA JDC et la société LOCAM ont noué des relations d’affaire tripartites. Suite à des incidents de paiement de la part de la SARL LA PERLE D’ORIENT, la société LOCAM a cédé le contrat de location à la SA JDC. La possibilité de cette subrogation était clairement stipulée dans le contrat signé par la SARL LA PERLE D’ORIENT. Ainsi, la SA JDC dispose de la qualité à agir dans cette affaire, notamment en tant que garante des obligations du locataire envers le loueur.

Opposabilité des conditions contractuelles et exception d’inexécution

La SARL LA PERLE D’ORIENT a cessé de régler les mensualités prévues par le contrat malgré les relances et mises en demeure. Elle ne peut remettre en cause la validité de la résiliation du contrat par la SA JDC, ni soulever l’exception d’inexécution sans fondement. Les échanges de mails entre les parties démontrent que la SARL LA PERLE D’ORIENT a régulièrement alerté la SA JDC sur les dysfonctionnements du matériel, justifiant ainsi son refus de payer.

Demandes accessoires

La décision de première instance étant infirmée, les demandes de la SA JDC sont rejetées et elle devra assumer les dépens de première instance et d’appel. En revanche, elle devra verser à la SARL LA PERLE D’ORIENT une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 juillet 2024
Cour d’appel de Colmar
RG
21/04674
MINUTE N° 386/24

Copie exécutoire à

– Me Guillaume HARTER

– Me Thierry CAHN

Le 24.07.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 24 Juillet 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/04674 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HWRB

Décision déférée à la Cour : 31 Juillet 2018 par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX – 6ème chambre

APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :

S.A.R.L. LA PERLE D’ORIENT, en liquidation judiciaire

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

APPELES EN INTERVENTION FORCEE :

S.C.P. DAVAL HERODIN, liquidateur de la société LA PERLE D’ORIENT

[Adresse 2]

non représentée, assignée par le commissaire de justice à personne habilitée le 13.06.2023

Monsieur [P] [M], en qualité de caution de la société LA PERLE D’ORIENT

[Adresse 1]

non représenté, assigné par le commissaire de justice à personne le 10.06.2024

INTIMEE – APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A.S. JDC, prise en la personne de son Président M. [C] [O]

[Adresse 6]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

– Réputé contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL LA PERLE D’ORIENT (locataire) a signé un contrat de location n°12 14 272 (non daté), pour lui permettre de se faire livrer un système de caisse enregistreuse par la SA JDC (fournisseur) et financé par la société LOCAM (loueur), avec obligation de payer sur une durée de 36 mois, des loyers mensuels de 858 € TTC. La maintenance était incluse, les frais d’installation étant offerts.

Des incidents de paiement de loyer de la part de la SARL LA PERLE D’ORIENT sont survenus.

Le 29 mars 2017, la société LOCAM a cédé d’une part, le contrat de location longue durée qu’elle avait conclu avec la SARL LA PERLE D’ORIENT et d’autre part, sa créance sur le locataire d’un montant de 18 254,83 euros, au profit de la SA JDC.

La société JDC a assigné le 15 novembre 2017 la société la PERLE d’ORIENT et Monsieur [P] [M], son gérant en qualité de caution, devant le tribunal de commerce de Bordeaux, pour lui réclamer une somme de 47 718,21 € au principal, en vertu du contrat de location numéro 12 14 272.

Par jugement du 31 juillet 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

– condamné la SARL LA PERLE D’ORIENT à payer à la société JDC SAS la somme de 18.254,83 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2017,

– condamné la SARL LA PERLE D’ORIENT à payer à la SA JDC la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SA JDC de sa demande formée à l’encontre de la caution Monsieur [P] [M],

– débouté la SA JDC du surplus de ses demandes,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– condamné la SARL LA PERLE D’ORIENT aux dépens.

La société LA PERLE D’ORIENT a fait appel de ce jugement par voie électronique le 9 novembre 2018, et a soulevé l’incompétence du tribunal de commerce de Bordeaux, faisant référence à la clause de compétence attribuant cette dernière à la juridiction de Mulhouse.

La Cour d’appel de Bordeaux, par décision du 3 novembre 2021, a fait droit à l’appel accueillant l’argumentation fondée sur l’exception d’incompétence soulevée par la société LA PERLE D’ORIENT. Ainsi, la juridiction a :

– infirmé en toutes ses dispositions la décision rendue par le Tribunal de commerce de Bordeaux le 31 juillet 2018,

et statuant à nouveau

– Accueilli l’exception d’incompétence soulevée par LA PERLE D’ORIENT,

– Débouté la société LA PERLE D’ORIENT de sa demande d’indemnité de procédure,

– Ordonné la transmission du dossier sans délai par le greffe à la Cour d’appel de Colmar.

Il est important de rappeler que dans la procédure connue par la cour d’appel de Bordeaux, ne figuraient que deux parties, l’appelante la SARL LA PERLE D’ORIENT et comme intimée, la SA JDC.

La cour d’appel de Colmar rendue destinataire du dossier, a, par avis du 17 novembre 2021, invité les deux parties présentes au dossier d’appel, à savoir la SARL LA PERLE D’ORIENT et la SA JDC, à poursuivre l’instance et à constituer avocat. Par déclaration faite par voie électronique, la SA JDC s’est constituée intimée le 15 décembre 2021. La SARL LA PERLE D’ORIENT a constitué avocat par acte du 27 janvier 2022. Un calendrier de procédure a été mis en place le 28 janvier 2022.

Le 14 mars 2023, la SARL LA PERLE D’ORIENT a été placée en liquidation. Le 5 avril 2023, la SA JDC a adressé au liquidateur une revendication, portant sur le matériel constitué d’une configuration de deux caisses enregistreuses de marque ‘ipos 950″ et de deux Cashkeeper monnaie et deux Cashkeeper billet. En outre, elle affirme avoir déclaré une créance de 8 211,10 euros TTC au titre du contrat 200169910.

Par acte d’huissier du 13 juin 2023,la SA JDC assignait en intervention forcée devant la cour d’appel de Colmar, la SCP Daval Herodin, agissant en qualité de liquidateur de la SARL LA PERLE D’ORIENT, en lui notifiant les conclusions numéro 2, comportant appel incident et les 32 pièces du bordereau. Il était demandé à la cour de déclarer l’arrêt à intervenir opposable à ladite société.

Le mandataire ne se constituait pas intimé.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières écritures datées du 27 septembre 2022, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, la SARL LA PERLE D’ORIENT demande à la cour de :

‘Vu l’article 122 du Code de procédure civile

Vu l’article 914 du code de procédure civile sur renvoi dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce

En tant que de besoin (la Cour de Bordeaux ayant déjà infirmé le jugement en toutes ses dispositions)

INFIRMER LE JUGEMENT

STATUANT À NOUVEAU

– JUGER La société JDC irrecevable pour défaut de qualité à agir ;

Subsidiairement

– DÉBOUTER la société JDC de toutes ses demandes

Dans tous les cas

– CONDAMNER la société JDC à verser à la société PERLE D’ORIENT une indemnité de 8.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNER la société JDC aux dépens.

La SARL LA PERLE D’ORIENT dénonce l’acharnement procédural dont aurait fait preuve la SA JDC, qui a initié pas moins de trois procédures pour s’opposer à l’exécution de la décision de la cour d’appel de Bordeaux, alors qu’elle n’a formé aucun pourvoi. Cet acharnement se serait traduit par l’introduction d’une requête en interprétation (déboutée par la cour d’appel de Bordeaux), suivie d’une assignation devant le Premier président de la cour d’appel de Bordeaux (pour laquelle elle s’est désistée), puis par une contestation de la saisie des sommes qu’avait obtenue la SARL LA PERLE D’ORIENT, au titre du remboursement des sommes versées en application du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux devant le juge de l’exécution.

S’agissant du fond de l’affaire, l’appelante estime que la SA JDC serait radicalement irrecevable à agir, pour défaut de qualité, la cession de créance par la société LOCAM au profit de la SA JDC, n’ayant pas été réalisée valablement et n’étant pas opposable à la société appelante.

À titre subsidiaire sur le fond, il conviendrait de constater que les conditions générales du contrat, non signées, ne seraient pas opposables à la SARL LA PERLE D’ORIENT, de sorte que la SA JDC ne pourrait mettre en compte une clause pénale et notamment réclamer à ce titre 4 ans de loyer à titre de préjudice, pour une résiliation qu’elle aurait unilatéralement prononcée.

La SARL LA PERLE D’ORIENT soulève aussi une exception d’inexécution ; l’obligation à la charge du fournisseur de matériel n’aurait pas été remplie, de sorte que l’installation financée aurait toujours été inutilisable, de sorte qu’elle devrait être déclarée déchargée de l’obligation de verser les loyers.

Aux termes de ses dernières écritures datées du 28 décembre 2023, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, la SA JDC a formé un appel incident et demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104, 1216, 1219, 1240 & 2297 du Code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

‘ JUGER recevable et bien fondée la société JDC en ses demandes ;

‘ JUGER que la société La Perle d’Orient présente de nouvelles prétentions devant la Cour de céans ;

‘ JUGER que les demandes de la société La Perle d’Orient ne relèvent pas de la compétence de la Cour de céans ;

‘ JUGER que la société La Perle d’Orient a manqué à ses engagements contractuels en arrêtant de régler ses loyers ;

‘ JUGER que la société JDC justifie pouvoir poursuivre la condamnation de la société La Perle d’Orient ;

‘ JUGER que la société La Perle d’Orient ne démontre aucun dysfonctionnement du matériel ;

en conséquence,

‘ CONFIRMER le jugement du 31 juillet 2018 en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société La Perle d’Orient ;

‘ CONFIRMER le jugement du 31 juillet 2018 en ce qu’il a condamné la société La Perle d’Orient à régler la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles ;

‘ INFIRMER le jugement du 31 juillet 2018 en ce qu’il a condamné la société La Perle d’Orient à régler la somme limitée à 18.254,83 € ;

‘ INFIRMER le jugement du 31 juillet 2018 en ce qu’il a débouté la société JDC de sa demande formée à l’encontre de Monsieur [P] [M] en sa qualité de caution ;

statuant à nouveau,

‘ CONDAMNER Monsieur [P] [M] en qualité de caution à régler à la société JDC la somme de 47.718,21 € ;

‘ CONDAMNER Monsieur [P] [M] en qualité de caution à régler à la société JDC la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

‘ CONDAMNER Monsieur [P] [M] en qualité de caution à régler à la société JDC la somme de 9.759,86 € en remboursement des frais exposés ;

‘ FIXER au passif de la société La Perle d’Orient la créance de la société JDC, à savoir 47.718,21 € ;

en conséquence, en tout état de cause,

‘ DEBOUTER la société La Perle d’Orient de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

‘ CONDAMNER la société La Perle d’Orient à régler à la société JDC la somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles, outre les dépens de première instance et d’appel.

La société intimée soutient venir régulièrement aux droits de la société LOCAM, de sorte qu’elle pourrait obtenir la condamnation de l’appelante à lui régler des montants dus au titre des loyers impayés, de l’indemnité de résiliation, de la clause pénale et de la valeur du matériel non restitué.

Elle ajoute que l’appelante ne saurait affirmer que l’intimée ne disposerait pas de la qualité à agir, alors que le contrat qu’elle avait signé prévoyait la faculté pour la SA JDC, de céder le contrat à la société LOCAM, et que rien n’interdisait à cette dernière de rétrocéder le contrat à la SA JDC.

Cependant, il conviendrait d’infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a limité le montant des condamnations et refusé de mettre à la charge du locataire, une somme de 47 718,21 €. La caution, Monsieur [P] [M], devrait ainsi être condamné solidairement aux côtés de la société appelante.

Par ordonnance du 13 mars 2024, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et a renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoirie du 10 avril 2024.

Le dossier a fait l’objet d’un renvoi à l’audience de plaidoirie du 10 juin 2024, pour permettre à la SA JDC de produire à la cour la preuve de la déclaration de créance, portant sur le montant réclamé dans le cadre de la présente instance.

La SA JDC n’a déposé aucune pièce en ce sens.

Le dossier a été évoqué à l’audience du 10 juin 2024.

Le 13 juin 2024, la cour d’appel était destinataire :

– de l’acte de la signification réalisée par Maître [B], commissaire de justice, le 6 juin 2024, à la demande de la SA JDC, des conclusions et d’un bordereau de communication de pièces en date du 28 décembre 2023, en direction de la SCP DAVAL HERODIN, en qualité de liquidateur de la SARL LA PERLE D’ORIENT,

– de l’acte de la signification réalisée par Maître [B], commissaire de justice, le 10 juin 2024, à la demande de la SA JDC, des conclusions et d’un bordereau de communication de pièces en date du 28 décembre 2023, en direction de Monsieur [P] [M], en sa qualité de caution de la SARL LA PERLE D’ORIENT.

La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits de la procédure et de leurs prétentions, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE :

1) Sur la qualité à agir de la SA JDC :

La SARL LA PERLE D’ORIENT, la SA JDC et la société LOCAM ont noué des relations d’affaire tripartites. La SARL LA PERLE D’ORIENT(locataire) a en effet signé un contrat de location n°12 14 272 (non daté), pour lui permettre de se faire livrer un système de caisse enregistreuse par la SA JDC(fournisseur), financé par la société LOCAM (loueur), avec obligation de payer sur une durée de 36 mois, des loyers mensuels de 858 € TTC. La maintenance était incluse, les frais d’installation étant offerts.

Suite à la survenue d’incidents de paiement émanant de la part de la SARL LA PERLE D’ORIENT, la société LOCAM a cédé le 29 mars 2017, au profit de la société JDC, le contrat de location longue durée conclu avec la SARL LA PERLE D’ORIENT, ainsi que sa créance qu’elle détenait sur le locataire, d’un montant de 18 254,83 euros.

L’acte de cession précisait que la SA JDC avait ‘rempli toutes ses obligations à son égard (= LOCAM), lui ayant versé les sommes dues au titre de sa garantie’ (cf. pièce 4 de l’appelante).

Contrairement à ce que le locataire soutient, la possibilité d’une telle subrogation au profit du fournisseur, notamment en cas d’impayés, était clairement et expressément stipulée dans le contrat signé par celle-ci, qui précisait que ‘le locataire accepte, dès à présent et sans réserve, cette substitution éventuelle de Loueur et ne fait pas de la personnalité du cessionnaire éventuel une condition de son accord’ (article 16 du contrat de vente).

Cet article prévoyait la possibilité d’une cession du contrat, ce qui implique aussi la possibilité d’une rétrocession.

La cour rappelle qu’initialement la SA JDC s’était engagée comme garante des obligations à la charge du locataire envers le loueur (la société LOCAM), si bien qu’en cas de survenue de difficultés de règlement des échéances, le garant avait un intérêt économique à reprendre le contrat de location et éviter ainsi de voir sa garantie recherchée par LOCAM.

Dans ces conditions, la SARL LA PERLE D’ORIENT ne saurait soutenir utilement que la SA JDC ne dispose pas d’une qualité à agir, ou encore que cette qualité dépendrait de l’information préalable de la cession au profit du locataire, en ce sens que ce dernier ne pouvait ignorer la possibilité d’une telle cession, qui était expressément stipulée dans le contrat qu’il a signé.

2) Sur le caractère opposable des conditions contractuelles, la validité de la résiliation et l’exception d’inexécution soulevée par la SARL LA PERLE D’ORIENT :

La SARL LA PERLE D’ORIENT admet, dans ses écritures, avoir cessé de régler les mensualités prévues par le contrat et ce en dépit de plusieurs relances et notamment de deux mises en demeure de payer, qui lui ont été adressées les 3 juillet et 26 septembre 2017.

Étant donné que l’appelante ne conteste pas avoir bénéficié du matériel, objet du contrat de vente, ni même avoir débuté le règlement des mensualités, elle ne saurait aujourd’hui soutenir la non-opposabilité des conditions générales du contrat de vente, en ce qu’elles ne seraient pas signées.

La SARL LA PERLE D’ORIENT ne peut davantage remettre en cause la validité de la résiliation du contrat prononcé par la SA JDC, alors que les conditions prévues par l’article 11 du contrat intitulé ‘résiliation’ sont remplies (‘le contrat est résilié (…) huit jours calendaires après l’envoi au locataire d’une lettre de mise en demeure recommandée avec avis de réception restée en tout ou partie sans effet pendant ce délai, et ce en cas d’inexécution par le locataire d’une des clauses ou conditions du présent contrat, non-paiement d’une quelconque somme due au titre du présent contrat (…)’ et que la société n’a pas régularisé les impayés dans le délai de huit jours suivants les mises en demeure qu’elle a reçues.

L’article 1219 du Code civil prévoit qu’une partie d’un contrat peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Pour se dégager de toute obligation d’indemniser le créancier, la SARL LA PERLE D’ORIENT soulève l’exception d’inexécution, soutenant avoir à de nombreuses reprises alerté en vain la SA JDC, sur le fait que le matériel présentait des dysfonctionnements.

La SARL LA PERLE D’ORIENT n’ayant pas comparu en première instance devant le tribunal de commerce de Bordeaux, la SA JDC ne saurait lui reprocher de soulever des prétentions nouvelles en appel qui serait irrecevables, et ce d’autant plus qu’il ne s’agit là que de moyens de défense. La demande de l’appelante fondée sur ce moyen est recevable.

Après l’installation du matériel dans ses locaux, la SARL LA PERLE D’ORIENT a reçu une formation spécifique pour son utilisation, le 17 juin 2015.

La lecture des pièces produites par l’appelante à l’appui de son argumentation, et notamment la teneur des propos échangés par mails entre le gérant de la SARL LA PERLE D’ORIENT et un responsable de la SA JDC (Monsieur [I]), qui se sont échelonnés entre le 9 mars 2016 et le 31 août 2017 (annexe 5 de la SARL LA PERLE D’ORIENT) démontre que :

– le gérant de la SARL LA PERLE D’ORIENT s’est plaint de la qualité du matériel rapidement après son installation, précisant qu’il était ‘actuellement hors service depuis bientôt quatre mois’ (mail du 9 mars 2016),

– dans son e-mail du 31 mars 2016, il menaçait la SA JDC de ne plus continuer à verser les mensualités, compte-tenu des dysfonctionnements constatés,

– dans les réponses adressées par le représentant de la SA JDC (produites par l’appelante), ce dernier n’a jamais contesté l’existence des dysfonctionnements dénoncés,

– le 28 septembre 2016, Monsieur [I] précisait que ‘le contrat de location est donc remis en place depuis hier et je t’en remercie’ et demandait au gérant de voir avec sa banque, pour remettre en place le paiement des loyers pour ‘passer’ encore le mois de septembre (2016) ; il s’en déduit que la SA JDC avait accepté le principe d’une suspension de l’obligation de la SARL LA PERLE D’ORIENT de payer les mensualités durant les mois précédents, ce qui confirme l’existence d’un dysfonctionnement reconnu par la SA JDC,

– dans son mail du 19 décembre 2016, le gérant de la SARL LA PERLE D’ORIENT faisait à nouveau état de problèmes, indiquant ‘la deuxième machine qui marche toujours pas !’, ce à quoi le responsable de la SA JDC répondait qu’il se déplacerait ; mais apparemment ce déplacement a été reporté, Monsieur [I] s’en excusant dans son mail du 15 février 2017, puis du 8 mars 2017,

– à aucun moment ne figure dans les messages de Monsieur [I], la moindre contestation de l’existence et de la persistance d’un problème sur le matériel,

– il apparaît à la lecture des échanges de mail du 15 mars 2017, que les deux sociétés ont renégocié leurs relations contractuelles, avec mise en place d’un nouveau matériel : il était précisé que le contrat en cours (celui qui est invoqué aujourd’hui par la SA JDC comme fondement de sa demande d’indemnisation) allait être modifié, et qu’un second allait être mis en place ; pour la modification du contrat en cours, il était prévu de ‘enlever le matériel suivant : deux monnayeurs Cashkeeper, l’installation complète du magasin de [Localité 5] et la balance connectée du magasin de [Localité 3]’ et que ‘tout ceci te ramène le loyer actuel de 715 € hors-taxes à 167 € hors-taxes’.

Ces échanges qui ont débouché sur une renégociation, qui a entraîné le retrait de nombreux matériels, objet du contrat litigieux, et surtout généré une baisse de loyer passant de 715 € hors-taxes à 167 € hors-taxes, démontrent d’une part que les dysfonctionnements dont se plaignait le gérant de la SARL LA PERLE D’ORIENT, depuis le début de l’année 2016, portaient bien sur la majeure partie du matériel livré (sans quoi le montant du nouveau loyer n’aurait pas été divisé par 4), et d’autre part que ce dysfonctionnement a perduré pendant une période particulièrement longue de 12 mois – si l’on tient compte de la date du premier mail de réclamation de la SARL LA PERLE D’ORIENT daté du 9 mars 2016 – ou de 16 mois si l’on se réfère à l’indication présente dans le mail du 9 mars 2016, selon laquelle les dysfonctionnements perduraient depuis quatre mois.

La cour observe, par ailleurs, que les derniers mails envoyés par le gérant de la SARL LA PERLE D’ORIENT les 28 et 31 août 2017, au représentant de la SA JDC, indiquent que le problème technique n’a pas été résolu, le gérant parlant de ‘dis fonctionnement (sic) des machines que tu as mises à ma disposition’, regrettant qu’elles n’avaient toujours pas été remplacées par un nouveau modèle, et soulignant l’urgence de la situation.

Il ressort des explications précédentes que, pendant plus d’une année au moins, la SARL LA PERLE D’ORIENT a régulièrement attiré l’attention de la SA JDC sur la déficience du système installé, qui était même qualifié de ‘hors service’, sans que la SA JDC ne conteste le bien fondé de ces allégations, ni n’apporte de solution.

La cour insiste sur le fait que cette dernière n’a jamais contesté, dans ses échanges avec la SARL LA PERLE D’ORIENT, la réalité et la gravité des désordres allégués, qui sont corroborées par la décision en mars 2017 de renégocier les contrats et de remplacer un certain nombre de matériels et notamment ‘l’installation complète du magasin de [Localité 5]’.

Ces éléments d’information sont suffisants pour démontrer que la SA JDC n’a pas exécuté l’obligation de délivrance de matériel conforme à la demande, en état de fonctionnement, qui pesait sur elle.

Du fait de la longueur de la persistance de cette inexécution, et de sa nature, il convient de la considérer comme suffisamment grave, pour justifier que la SARL LA PERLE D’ORIENT soit dispensée de tout règlement.

Enfin, à titre surabondant, la cour rappelle que le dossier a fait l’objet d’un renvoi, pour permettre à la société JDC d’expliquer pourquoi il existe une différence entre le montant qu’elle réclame à la société LA PERLE D’ORIENT, dans le cadre de cette procédure (47 718,21 € au principal) et le montant de 8 211,10 € qu’elle a déclaré le 5 avril 2023 auprès de Maître DAVAL HERODIN, tel que cela relève de la teneur du courrier que ce dernier a adressé à la cour le 27 juillet 2023, et qu’aucune réponse n’a été apportée.

La décision de première instance sera dès lors infirmée.

Quant à la demande de condamnation solidaire de Monsieur [P] [M], gérant de la société LA PERLE D’ORIENT et caution, elle devient sans objet, du fait de l’infirmation de la condamnation de ladite société à tout règlement au profit de la société JDC.

En tout état de cause, les prétentions de la société JDC à son égard étaient vouées à l’échec, car la caution ne figurait pas parmi les parties présentes devant la procédure qui a abouti à l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, et n’a jamais été intimée à la présente procédure.

La notification tardive, après l’ordonnance de clôture et même les débats, des dernières conclusions de la société JDC à la caution, n’est nullement de nature à conférer à cette dernière le statut de partie à la procédure.

Dans ces conditions, la décision de première instance ayant débouté la SA JDC de ses demandes formulées à l’encontre de la caution, ne peut qu’être confirmée.

3) Sur les demandes accessoires :

Le jugement déféré étant infirmé en toutes ses dispositions, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens engagés par les parties, à l’occasion de la première instance.

Pour les mêmes motifs, les demandes de la SA JDC étant rejetées en totalité, l’intimée assumera la totalité des dépens de première instance et d’appel, ainsi que les frais exclus des dépens qu’elle a engagés en appel.

Sa demande présentée à ce titre, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sera donc rejetée.

En revanche, elle devra verser à la SARL LA PERLE D’ORIENT la somme de 4 000 euros, au même titre et sur le même fondement.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Déclare recevable l’action diligentée par la SA JDC,

Infirme le jugement rendu le 31 juillet 2018 par le tribunal de commerce de Bordeaux, sauf en ce qu’il a débouté la SA JDC de sa demande formée à l’encontre de la caution Monsieur [P] [M] et débouté la SA JDC du surplus de ses demandes,

Le confirme de ces chefs.

Statuant à nouveau des chefs de demande infirmés et y ajoutant,

Rejette l’ensemble des demandes de la SA JDC,

Condamne la SA JDC aux dépens de la procédure de première instance et d’appel,

Condamne la SA JDC à payer au profit de la SARL LA PERLE D’ORIENT une somme de 4 000 € (quatre mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la SA JDC en vue d’obtenir une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : le Président :


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