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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 11 JANVIER 2023
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00541 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBI36
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Encadrement chambre 1 – RG n° F18/07000
APPELANT
Monsieur [E] [P]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Jonathan BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : K103
INTIMÉE
SAS KAPORAL COLLECTIONS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée déterminée à compter du 24 novembre 2008 puis contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 mai 2009, M. [P] a été engagé par la société MC LEM, aux droits de laquelle vient désormais la société Kaporal Collections, en qualité de styliste, l’intéressé exerçant en dernier lieu les fonctions de styliste-infographiste senior (statut cadre). La société Kaporal Collections emploie habituellement au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale des industries de l’habillement du 17 février 1958.
Après avoir été convoqué, suivant courrier recommandé du 22 novembre 2017, à un entretien préalable fixé au 4 décembre 2017, M. [P] a été licencié pour faute grave suivant courrier recommandé du 8 décembre 2017.
Contestant le bien-fondé de son licenciement et s’estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [P] a saisi la juridiction prud’homale le 20 septembre 2018.
Par jugement du 19 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a :
– débouté M. [P] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société Kaporal Collections de ses demandes reconventionnelles,
– condamné M. [P] au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 16 janvier 2020, M. [P] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 6 janvier 2020.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 septembre 2022, M. [P] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux entiers dépens et de le confirmer en ce qu’il a débouté la société Kaporal Collections de ses demandes reconventionnelles, et, statuant à nouveau,
– constater que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Kaporal Collections au paiement des sommes suivantes :
– 8 748 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 15 552 euros au titre de l’indemnité de préavis outre 1 555,20 euros de congés payés afférents,
– 34 992 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– ordonner la remise des documents sociaux et de fin de contrat (attestation pôle Emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte) conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,
– condamner la société Kaporal Collections au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
– condamner la société Kaporal Collections au paiement des intérêts légaux sur toutes les sommes qu’elle sera condamnée à payer et faire application de l’anatocisme,
– débouter la société Kaporal Collections de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 septembre 2022, la société Kaporal Collections demande à la cour de :
à titre principal,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [P] de ses demandes,
– dire le licenciement bien-fondé,
– débouter en conséquence M. [P] de l’intégralité de ses demandes afférentes,
– condamner M. [P] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
à titre subsidiaire,
– dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– limiter le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 15 420 euros outre les congés payés afférents pour un montant de 1 520 euros,
– limiter le montant de l’indemnité légale de licenciement à la somme de 8 692,26 euros,
à titre infiniment subsidiaire, si la cour retenait que le licenciement ne repose pas sur une cause
réelle et sérieuse,
– limiter le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 15 420 euros outre les congés payés afférents pour un montant de 1 520 euros,
– limiter le montant de l’indemnité légale de licenciement à la somme de 8 692,26 euros,
– limiter le montant des dommages-intérêts alloués à 3 mois de salaire.
L’instruction a été clôturée le 20 septembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 17 octobre 2022.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
L’appelant fait valoir que les faits fautifs allégués sont prescrits en ce que l’intimée a patienté plus de 8 mois avant de mettre en oeuvre la procédure de licenciement, et ce après avoir été informée de sa prise de contact avec un fournisseur de son employeur pour passer une commande dès le 29 mars 2017 (et non le 18 octobre 2017 comme elle le prétend), l’existence d’une enquête n’étant pas caractérisée, l’intéressé précisant par ailleurs que la faute grave est celle empêchant le maintien du salarié au sein de la société, de sorte que le licenciement qui en découle doit intervenir dans un délai restreint, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Il soutient également que si l’intimée lui reproche d’avoir développé une activité professionnelle complémentaire en qualité de co-créateur d’une marque de vêtements dont la cible pourrait prétendument concurrencer les activités de la société, et ce de façon dissimulée, il apparaît cependant que l’employeur était tout à fait informé du développement de ladite marque depuis près de 3 ans, le salarié précisant ne jamais s’être caché de contribuer au développement de cette marque, notamment sur les réseaux sociaux, la société intimée ne pouvant dès lors prétendre avoir découvert subitement une forme d’activité parallèle et apparaissant avoir ainsi donné un accord au moins implicite à l’exercice de l’activité litigieuse.
Il précise, s’agissant de la commande passée auprès du fournisseur, qu’il a simplement contacté un ami de longue date, qui s’avère être également le fournisseur de la société intimée, afin d’acheter un certain nombre de métrages pour son usage personnel, en ce qu’il avait prévu de rhabiller l’ensemble des invités d’un mariage, le simple fait d’avoir passé une commande personnelle auprès d’un fournisseur de la société intimée ne pouvant constituer un acte déloyal.
Il affirme enfin que sa marque ne fait aucunement concurrence à la marque de l’intimée, celles-ci étant en tout point différentes et ne visant absolument pas la même clientèle, et qu’il n’a en aucun cas tenté de démarcher les clients de la société intimée, de détourner sa clientèle ou de les attirer par un produit à un coût inférieur et identique.
Il souligne que l’employeur a également manqué à son obligation de lui fournir du travail et qu’il ne peut valablement se prévaloir de ses propres manquements afin de justifier du licenciement.
L’intimée réplique qu’elle a été informée le 18 octobre 2017, par un de ses fournisseurs, d’une commande importante de tissu effectuée par l’appelant mais n’étant pas destinée à la société et qu’après enquête, elle s’est aperçue du développement par son salarié d’une marque concurrente, l’intéressé, qui a ainsi cherché à obtenir d’un fournisseur de la société un tissu utilisé fréquemment par elle afin de monter sa propre collection en totale concurrence avec son employeur, sachant parfaitement que son comportement était fautif puisque, dès l’origine, il a cherché à le cacher à son employeur. Elle rappelle que ce n’est qu’à compter de la date à laquelle l’employeur a connaissance de la faute que débute le délai de prescription. Elle souligne que les affirmations de l’appelant relativement au fait que sa commande était destinée à un cadeau et non au développement d’une collection, sont mensongères, de même que ses affirmations selon lesquelles sa marque ne serait pas concurrente de celle de son employeur alors qu’elle se place dans un segment identique vis à vis des matériaux utilisés, de la clientèle et de la gamme de prix. Elle précise avoir agi dès qu’elle a été informée des faits fautifs, le 18 octobre 2017, qu’elle a alors immédiatement diligenté une enquête puis convoqué le salarié à un entretien préalable par courrier du 22 novembre 2017, aucun retard ne pouvant lui être reproché. Elle indique enfin que l’appelant est parfaitement défaillant dans la preuve de la connaissance par la société intimée de son attitude déloyale.
Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En application de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, le salarié licencié pour faute grave n’ayant pas droit aux indemnités de préavis et de licenciement.
L’employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve.
En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée de la manière suivante :
« [‘] Nous revenons vers vous suite à l’entretien du 4 décembre 2017 pour lequel nous vous avons régulièrement convoqué par courrier envoyé en recommandé avec accusé de réception le 22 novembre 2017.
Vous vous êtes présenté accompagné d’une déléguée du personnel à cet entretien.
Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui nous ont conduits à envisager à votre égard une mesure de licenciement, et avons recueilli vos explications. Toutefois, vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits, et nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave.
Nous tenons à vous rappeler les motifs nous ayant conduit à envisager votre licenciement.
Au dernier état, vous exercez les fonctions de Styliste infographiste sur la partie Denim.
En cette qualité, vous devez participer à l’animation et à toutes les tâches de recherche, de création et d’exécution relevant d’un styliste, notamment :
– Travailler sur les techniques et les innovations en matière de délavage
– Jouer avec les matières, les couleurs, les tissus
– Travailler en étroite collaboration avec des modélistes
– Travailler en étroite collaboration avec les fournisseurs.
Vous réalisez ces tâches en disposant d’une large autonomie, laquelle témoigne de la confiance que la société vous accordait.
Or, nous avons découvert l’existence d’activités parallèles vous concernant, notamment par l’alerte de l’un de nos prestataires.
En effet, un de nos fournisseurs de tissus en Turquie, DNM Textile, nous a prévenus du fait que vous l’aviez sollicité pour fournir du métrage de tissus sur une référence précise (l’équivalent de 700 jeans). Ce fournisseur nous a informés que vous profitiez de votre contact privilégié en tant que représentant Kaporal pour le solliciter en vue de développer une collection de vêtements pour votre compte personnel.
Il nous a également indiqué que vous lui aviez demandé d’observer une discrétion absolue sur le sujet, afin que Kaporal n’en ait pas connaissance. Cette volonté de dissimulation de votre part montre que vous avez pleinement conscience de participer a une activité contrevenant à vos obligations contractuelles.
Nous avons alors mené des recherches, et découvert que vous développiez une activité professionnelle complémentaire à celle accomplie au service de notre société. Vous êtes en effet co-créateur d’une marque de vêtements « lifestyle » Atelier Beaurepaire dont la cible peut concurrencer directement les activités de Kaporal.
A aucun moment, vous ne nous avez informé de cette activité parallèle, développée pour votre compte personnel.
De tels agissements traduisent un manquement grave à vos obligations contractuelles, notamment de loyauté, et marquent une rupture définitive du lien de confiance qui doit présider à nos relations.
Outre le développement de cette activité parallèle, le fait que vous l’ayez dissimulée n’est pas acceptable.
La découverte de ces faits intervient alors que dans le même temps, votre responsable déplore de n’avoir aucune visibilité sur votre planning.
Lors de notre entretien, pour toute explication, vous nous avez indiqué que ces activités ne regardaient pas Kaporal, et que vous ne vous souveniez pas précisément de la demande de métrage évoquée…
Votre attitude lors de l’entretien est venue corroborer l’impossibilité de poursuivre notre collaboration. Vous avez admis l’existence de cette activité développée pour votre compte personnel et vous n’avez pris aucun engagement de cesser de l’exercer, au contraire, estimant que cela relevait de votre vie privée.
Vous avez également justifié la sollicitation de notre fournisseur, par une demande à titre personnel. Nous ne pouvons valablement admettre votre argument d’une sollicitation à titre privé, pour vous et vos amis, compte tenu des quantltés demandées, qui auraient correspondu à plusieurs centaines de produits.
Nous ne pouvons laisser perdurer une telle situation, qui apparaît préjudiciable aux intérêts de Kaporal.
Aussi, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenclement pour faute grave. […] »
Pour caractériser le comportement du salarié ainsi que l’existence d’une faute grave, l’employeur produit les éléments justificatifs suivants :
– un mail du 18 octobre 2017, dont l’objet était « une demande de [E] [P] », lui ayant été adressé par la société DNM Textile, un de ses fournisseurs de tissus situé en Turquie, aux fins de notamment lui indiquer : « Vous pouvez voir ci-joint la conversation avec [E] [P]. J’aimerais savoir si ce demande est pour KAPORAL ou bien pour un autre client ou pour sa collection personnelle parce que je n’ai pas compris la raison qu’il veut être discret », la conversation du fournisseur avec l’appelant contenant notamment les échanges suivants :
– « […] Je développe une collection, et j’ai besoin de savoir si vous pouvez me faire la référence dave black od dans d’autre couleur, voici les besoins pour la collection : Black: 250m, Blanc : 250m, Rouge : 250m, Bleu :200m, Rose : 200m. Je vous envoie par la suite du code Pantène (la collection n’est pas pour kaporal, je compte sur toi pour ta discrétion) merci… » (mail de l’appelant du 24 mars 2017),
– « Je veux essayer de comprendre, tu travailles plus pour Kaporal ‘» (mail du fournisseur du 29 mars 2017),
– « Si bien sur … J’ai besoin pour moi personnellement, c’est pour ça que je préfère être discret » (mail en réponse de l’appelant du 29 mars 2017),
– la liste des références utilisant le tissu Dave Black,
– différents éléments relatifs à la création et à l’activité de la société et de la marque « Atelier Beaurepaire », co-créée par l’appelant en 2015.
S’agissant de la prescription, il sera rappelé qu’en application de l’article L. 1332-4 du code du travail, le point de départ du délai de prescription est constitué par le jour où l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.
En l’espèce, au vu des différentes pièces versées aux débats et notamment du mail précité du 18 octobre 2017 adressé par un fournisseur à la direction de la société intimée, mail auquel étaient joints, ainsi que cela résulte des termes clairs et précis de ce courriel, les précédents échanges issus de la conversation entre l’appelant et ce même fournisseur entre les 24 et 29 mars 2017, et dont aucun élément produit par l’appelant, mises à part ses seules affirmations de principe, ne permet d’établir le caractère frauduleux ou mensonger de ladite pièce jointe, la cour relève que c’est effectivement uniquement à la suite de ce courriel du 18 octobre 2017 que la société intimée a pu avoir accès à l’intégralité des éléments concernant l’activité du salarié et ainsi bénéficier d’une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés à ce dernier, lequel a finalement été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 22 novembre 2017.
Si l’appelant affirme que la société intimée a immédiatement été informée de sa prise de contact avec le fournisseur du 29 mars 2017 ainsi que de la teneur de sa commande de tissu, il sera constaté que cette allégation ne repose à nouveau que sur ses seules affirmations de principe n’étant corroborées par aucune autre pièce versée aux débats.
Par conséquent, les dispositions précitées ayant été respectées en ce que la procédure de licenciement a été engagée dès le 22 novembre 2017, date de la convocation à un entretien préalable, la cour relève qu’aucune prescription des faits litigieux ne peut être retenue en l’espèce, l’engagement de la procédure de licenciement pour faute grave apparaissant par ailleurs être intervenu dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs eu égard à la nécessité de procéder aux vérifications nécessaires et de se laisser un délai de réflexion, étant rappelé que le licenciement pour faute grave n’implique pas nécessairement la mise en ‘uvre d’une mesure immédiate de mise à pied conservatoire.
Par ailleurs, au vu de l’ensemble des éléments précités, il apparaît que l’employeur justifie du fait que l’appelant a procédé en 2015 à la création d’une société ainsi que d’une marque « Atelier Beaurepaire », dont l’activité, qui a dès lors été initiée durant la période d’exécution du contrat de travail, apparaît manifestement concurrente de celle de la société intimée ainsi que cela résulte de la comparaison de leurs domaines et segments d’activité respectifs, les subtiles distinctions alléguées par l’appelant apparaissant pour le moins artificielles et ne ressortant en toute hypothèse aucunement des seules pièces versées aux débats. Il résulte de ces mêmes pièces que l’appelant, qui participait, en sa qualité de styliste-infographiste senior, à l’élaboration des collections de la société intimée, a contacté un fournisseur de celle-ci situé à l’étranger pour lui commander, de manière dissimulée, une importante quantité d’un tissu fréquemment utilisé par son employeur pour ses collections, et ce dans le but de développer sa propre collection en concurrence de celle de son employeur.
Si l’appelant réplique que l’employeur était parfaitement informé du développement de sa marque depuis près de 3 ans et qu’il avait donné un accord, au moins implicite, à l’exercice de cette activité parallèle, il apparaît cependant que l’intéressé ne justifie aucunement de la réalité de ses affirmations. Les seules circonstances selon lesquelles, d’une part, une autre salariée de la société intimée (exerçant les fonctions de chargée de développement à [Localité 3] selon les conclusions de l’appelant) indique avoir eu connaissance du fait que ce dernier travaillait sur une autre marque, qu’il ne s’en cachait pas et que l’on pouvait « facilement voir sur ses réseaux sociaux et ailleurs » son activité pour cette marque, et selon lesquelles, d’autre part, un prestataire de service, collaborant avec la société intimée, avait été invité lors du lancement de la marque de l’appelant ou qu’il lui arrivait de porter des vêtements de la marque de ce dernier, ne permettent aucunement d’en déduire que la société intimée, qui n’avait aucune raison de consulter les réseaux sociaux concernant son salarié, ni de s’interroger sur la marque des vêtements portés par son prestataire, aurait elle-même effectivement eu connaissance de cette activité parallèle et, à plus forte raison, qu’elle lui aurait donné un accord, même implicite, pour lui permettre de développer sa marque.
Il sera également observé que le fait que l’appelant bénéficie d’une large autonomie dans l’organisation de son temps de travail et qu’il dispose, selon ses propres termes, d’un temps libre significatif lorsqu’il était en France, ne peut s’analyser comme un manquement de l’employeur à son obligation de fourniture de travail et, encore moins, comme un encouragement à développer une activité concurrente de manière dissimulée pendant cette période.
La cour ne peut de surcroît et en toute hypothèse que relever de ce même chef que les allégations du salarié concernant la connaissance par l’intimée de son activité sont directement contredites par ses propres déclarations dans le cadre des échanges de mails précités (« La collection n’est pas pour kaporal, je compte sur toi pour ta discrétion », « Si bien sur … J’ai besoin pour moi personnellement, c’est pour ça que je préfère être discret »).
Enfin, s’agissant des affirmations de l’appelant selon lesquelles il se serait limité à acheter un certain nombre de métrages pour son usage personnel, en ce qu’il avait prévu d’habiller l’ensemble des invités d’un mariage à titre de cadeau, outre le fait que lesdites affirmations ne sont établies ou corroborées par aucune pièce versée aux débats, la cour ne peut en outre que relever le caractère peu sérieux de celles-ci, et ce compte tenu des métrages de tissu commandés (1 150 mètres de tissu en 5 couleurs différentes permettant de réaliser plusieurs centaines de pièces) ainsi que leur contradiction avec les propres affirmations de l’intéressé dans le cadre des mails précités (« Je développe une collection, et j’ai besoin de savoir si vous pouvez me faire la référence dave black od dans d’autre couleur, voici les besoins pour la collection (…) La collection n’est pas pour kaporal).
Au vu de ces différents éléments précis, circonstanciés et concordants, il apparaît que l’employeur justifie de la réalité et de la matérialité des manquements et agissement fautifs reprochés à l’appelant, les seules pièces produites en réplique par ce dernier n’étant pas de nature, mises à part ses propres affirmations, à remettre en cause les éléments versés aux débats par l’employeur s’agissant du déroulement des faits litigieux, le salarié apparaissant avoir gravement manqué à son obligation de loyauté en menant des activités concurrentes pour le compte de sa propre marque, la cour estime que l’importance et le caractère dissimulé des agissements fautifs de l’appelant rendaient effectivement impossible son maintien dans l’entreprise.
Par conséquent, la cour confirme le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement du salarié pour faute grave était justifié et en ce qu’il a débouté l’intéressé de l’ensemble de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail.
Sur les autres demandes
En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, le salarié sera condamné à payer à l’employeur la somme de 500 euros au titre des frais exposés en cause d’appel non compris dans les dépens.
Le salarié, qui succombe, supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [P] à payer à la société Kaporal Collections la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne M. [P] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT