Statuts de Société : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 20/01499

·

·

Statuts de Société : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 20/01499
Ce point juridique est utile ?

MM/ND

Numéro 23/418

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 31/01/2023

Dossier : N° RG 20/01499 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HSVY

Nature affaire :

Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix

Affaire :

[A] [K]

C/

[C] [K]

S.A.R.L. [K] FRERES

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 31 janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 14 Novembre 2022, devant :

Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [A] [K]

né le 01 Janvier 1948 à [Localité 2] (40)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jessica HENRIC de la SELARL HENRIC AVOCAT, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Monsieur [C] [K]

né le 12 Janvier 1960 à [Localité 4] (64)

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 2]

S.A.R.L. [K] FRERES

immatriculée au RCS de Dax sous le n° 418 836 227, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur [C] [K], domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentés par Me Florent BOURDALLÉ de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 16 JUIN 2020

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

En 1998, Les frères [A] et [C] [K] se sont portés candidats à la concession du camping municipal de la commune d’ [Localité 2] dans les Landes. Afin d’étayer leur projet et de remporter l’appel d’offres ils ont créé, le 22 mai 1998, la société [K] Frères, société à responsabilité limitée exerçant sous la dénomination commerciale Blue Ocean, spécialisée dans la gestion d’aires de camping caravaning.

Ladite société a été créée avec un capital de 7.122 € réparti comme suit :

– Monsieur [C] [K], 700 parts numérotées de 1 à 700 en proportion de son apport de 4.985,40 € ;

– Monsieur [A] [K], 300 parts numérotées de 701 à 1000 en proportion à son apport de 2.136,60 €.

Le camping municipal nécessitait un investissement financier important dépassant les 1 million de francs.

Sur les premières années d’exploitation, Monsieur [C] [K], par ailleurs directeur général d’une société informatique basée en région parisienne, a apporté en compte courant près de 600.000 francs de ses deniers personnels pour permettre le lancement du projet (solde créditeur de son compte courant au 31 mars 2001 : 589 030,75 euros).

Associé minoritaire, mais initiateur du projet, demeurant par ailleurs sur place, Monsieur [A] [K] a été nommé gérant de la SARL [K] Frères.

Le traité de concession a été conclu par ses soins avec la commune d'[Localité 2], le 29 mai 1998, pour une durée de 25 ans, courant ainsi jusqu’au 28 mai 2023.

Sur les premières années d’exploitation, le chiffre d’affaires s’est développé pour passer à un peu plus de 245 000,00 euros en 2000, à 1 168 899 euros en 2007 et à 1 659 065 euros en 2015, chiffre le plus haut, pour redescendre à 1 453 059 euros en 2018.

Forts du développement du chiffre d’affaires du camping concédé, les frères [K], ont entrepris de concevoir et réaliser par l’entremise de la SARL [K] Frères, un Parc Résidentiel de Loisir Mixte (PRL Mixte) dénommé Airial du Seignanx, destiné à la gestion hôtelière de 70 emplacements équipés d’habitations légères de loisirs (HLL ‘ Mobil-Homes) et à la vente de 26 parcelles de terres équipées de chalets en bois.

Le parc devait être implanté sur une surface de 4 hectares de terres contiguës au camping [5], classées en zone touristique (Zone UCCH2) et propriétés de la commune d'[Localité 2].

Le 18 juillet 2014, la commission Tourisme de la commune d'[Localité 2] a approuvé la signature d’une promesse de vente de la parcelle de 4 hectares.

Une société civile immobilière dite SCI Airial du Seignanx a été créée puis immatriculée le 31 juillet 2015, son capital étant réparti de la façon suivante suivante :

‘ 10% pour la SARL [K] Frères ;

‘ 45% pour Monsieur [A] [K] ;

‘ 45% pour Monsieur [C] [K].

Selon acte authentique en date du 18 décembre 2015, la SCI Airial du Seignanx est devenue propriétaire de la parcelle de 4 hectares pour le prix de 1.200.000 € intégralement financé par le Crédit Mutuel.

Le plan de développement de l’activité de PRL Mixte mis en place par les deux frères prévoyait notamment la commercialisation de :

‘ 26 chalets sur des parcelles de terrains de 450 m², livrés clés en main pour un prix unitaire de 200.000€ en moyenne soit environ 5 millions de chiffres d’affaires ;

‘ un espace en gestion hôtelière de 70 mobil-homes de standing où les clients loueront leur parcelle à l’année (loyer moyen de 4.000 € / an) et y implanteront leur mobil-home (acheté auprès de la SCI pour un prix unitaire de 50.000 €), soit un chiffre d’affaires potentiel de 3,5 millions d’euros pour les ventes de mobil-homes et 280.000 € de loyer annuel des terrains.

Au préalable, le terrain devait être viabilisé et aménagé par la construction d’un bâtiment d’accueil, d’une salle de réunion, d’un appartement ‘ gardien et des piscines et aires de jeux devant être mises à la disposition des résidents du complexe.

Au total, les investissements requis dépassaient les 2,4 millions d’euros devant être libérés sur 2 ans. Au-delà du prêt de 1,2 millions d’euros accordé pour l’achat du foncier, deux autres prêts ont été négociés auprès de la banque Crédit Mutuel :

‘ l’un, d’un montant de 500 000,00 euros, accordé pour les premiers aménagements, visant les travaux de VRD, la construction du bâtiment d’accueil et de la loge du gardien ;

‘ l’autre, également d’un montant de 500.000,00 euros, pré-négocié en vue du financement des travaux d’aménagement ultérieurs tels que la construction de la piscine et des aires de jeux.

Parallèlement, une convention de trésorerie a été conclue entre la SARL [K] Frères et la SCI Airial du Seignanx aux fins de permettre l’achat de 4 chalets témoins et de 3 mobil-homes témoins pour un montant total de 327.000 € financés par la SARL [K] Frères.

Les ventes de chalets et mobil-homes étaient censées débuter courant du 1er semestre 2016 à l’effet de répondre de la première échéance annuelle de remboursement des deux premiers prêts, totalisant un montant de 52.658 €, appelée au 15 décembre 2016.

La réalisation de ce projet a été source de dissensions entre les frères [K], [C] [K] reprochant à [A], en sa qualité de gérant de la SARL [K] Frères, à laquelle avait été confiée la commercialisation des lots cédés ainsi que la gestion hôtelière du PRL, des choix hasardeux allant à l’encontre des conseils des professionnels consultés et des orientations initiales du projet, comme le non recours à des entreprises spécialisées, notamment en matière de maîtrise d”uvre, de réalisation des VRD et pour la commercialisation des 26 chalets avec emplacements et des 70 emplacements en location, avec vente de mobil-homes.

Le principal désaccord portait notamment sur le choix du type de copropriété pour les 26 chalets à commercialiser : copropriété horizontale classique avec jouissance privative exclusive des parcelles, ou copropriété verticale sous forme d’un lotissement classique avec cession des parcelles et un cahier des charges rigoureux, ce qui, selon [C] [K], constitue le mode habituel de réalisation des parcs résidentiels de loisirs.

A la fin de l’année 2016, [C] [K] a constaté qu’aucune vente de chalet n’était projetée à court terme et qu’en conséquence, la SCI Airial du Seignanx, ne pouvant faire face au 180.166 € d’échéances d’emprunts à venir, entrevoyait de puiser dans la trésorerie de la SARL [K] Frères par le biais de la convention de trésorerie mise en place.

Le 2 décembre 2016, [C] [K] était informé par le conseiller financier des professionnels, du Crédit Mutuel, de la nécessité de fournir des informations actualisées, pour permettre d’initier et valider les différentes lignes, concernant le 2ème prêt de 500 000,00 euros et le financement des chalets (600 000,00 euros environ), les informations fournies en 2015 n’étant plus à jour (prévisionnel, montage juridique, politique de commercialisation au moyen de pré-ventes ).

Par ce courrier, le représentant de la banque demandait une mise à jour des devis pour les travaux restant à réaliser et l’achat des chalets et des explications sur le décalage observé entre les encaissements budgétisés dans le prévisionnel et ceux réellement réalisés. Il demandait également à [C] [K] un point sur les réservations et ventes réalisées et la communication du bilan détaillé de l’exercice 2016 de la SARL [K] Frères.

Sans retour de son frère à ses demandes d’éclaircissements, [C] [K] a sollicité par courrier recommandé du 15 janvier 2017, l’organisation d’une assemblée générale des associés des deux sociétés, SARL [K] Frères et SCI Airial du Seignanx, en vain.

Demeurant au Brésil, [C] [K] a décidé de rejoindre son frère à [Adresse 7] au cours de la semaine du 6 au 12 février 2017, pour lui faire part de sa volonté de s’impliquer directement dans la gestion du projet de parc résidentiel en se concentrant sur la partie financière et juridique, demandant à son frère de l’associer à toute décision importante.

Dès le 15 février 2017, [C] [K] a entrepris de renégocier les prêts en cours en sollicitant de son frère, les prévisionnels de chiffre d’affaires. Sans réponse, deux relances ont été adressées à [A] [K] les 21 et 27 février 2017.

Dans le même temps, [C] [K] a été rendu destinataire d’une relance par la responsable du Service Administratif et Financier de la société Chalets Fabre l’enjoignant de payer une facture restée pendante depuis le 20 décembre 2016 et correspondant à un chalet d’exposition implanté sur la nouvelle parcelle.

En réponse à la demande d’explication de son frère, [A] [K] a concédé des difficultés de trésorerie non négligeables pouvant aboutir sous peu à un état de cessation des paiements.

C’est dans ce contexte que, par courrier du 2 mars 2017, [C] [K] a notamment demandé à son frère, au visa des dispositions de l’article L. 223-27 alinéa 4 du Code de Commerce, de convoquer une assemblée générale de la société ayant pour ordre du jour :

– Compte-rendu des décisions prises par la gérance sur l’opération projetée sur les terrains propriété de la SCI Airial du Seignanx ;

– la nomination de [C] [K] en tant que co-gérant.

Face à la réponse de son frère et par courriel du 4 mars 2017, [C] [K] a donné son accord pour la commercialisation des parcelles avec chalet sous le régime de la copropriété horizontale, à certaines conditions et notamment celles d’être impliqué dans l’exécution du projet et d’avoir « accès à la comptabilité de l’entreprise, à sa trésorerie, à ses contrats… »

Par acte extra-judiciaire du 10 juillet 2017, [C] [K] a saisi le Président du Tribunal de commerce de Dax, aux fins d’obtenir, au visa de l’article L. 223-27 alinéa 7 du code de commerce, la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée générale et de fixer son ordre du jour, contenant notamment la résolution portant sur sa nomination en qualité de co-gérant de ladite société.

Selon procès-verbal d’assemblée générale ordinaire annuelle tenue en date du 26 juillet 2017, Monsieur [A] [K] a de lui-même démissionné de ses fonctions en proposant à son frère d’être nommé gérant de la SARL [K] Frères en ses lieu et place, ce que celui-ci a accepté.

Selon ordonnance de référé en date du 19 septembre 2017, le président du tribunal de commerce de Dax a constaté le caractère parfait du désistement d’instance de [C] [K].

Constatant le retard enregistré dans les travaux du PLR et des branchements non conformes aux réseaux d’alimentation en eau et en électricité, au préjudice de la SARL [K] Frères, ainsi que l’immixtion de son frère dans la gestion du camping malgré sa démission, [C] [K], par ailleurs co-gérant de la SCI Airial du Seignanx avec [A] [K], a convoqué une assemblée générale extraordinaire en date du 9 octobre 2017 à l’effet de révoquer son frère de ses fonctions de co-gérant de la SCI Airial du Seignanx et ainsi permettre son éloignement physique du camping Blue Ocean.

Selon ordonnance de référé du 5 juin 2018, le Président du Tribunal d’Instance de Dax a prononcé l’expulsion d'[A] [K] et de tout occupant de son chef, de la loge du gardien indûment occupée.

Un commandement de quitter les lieux a été délivré à [A] [K] et sa compagne, Madame [M] [B] le 18 juin 2018.

Par acte du 11 septembre 2018, la SARL [K] frères et M. [C] [K] ont assigné M. [A] [K] devant le tribunal de commerce de Dax aux fins de rechercher la responsabilité d'[A] [K] pour manquements à la législation sur les conventions réglementées, infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, violation des statuts et fautes de gestion.

En l’état de leurs dernières écritures, ils ont demandé  au tribunal :

A titre liminaire, de :

‘ dire et juger irrecevable le moyen soulevé par M. [A] [K], et tiré de la prescription des faits fautifs ;

Sur la violation des dispositions législatives et réglementaires :

– condamner M. [A] [K] à verser à la SARL [K] frères la somme de 30000,00 euros de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions législatives et réglementaires ayant eu pour conséquence de retarder la prise de connaissance par M. [C] [K] de la situation financière fragile dans laquelle était la SARL [K] frères ;

Sur le non-respect de la procédure des conventions réglementées :

– condamner M. [A] [K] à verser à la SARL [K] frères la somme de 47 729,76 euros de dommages et intérêts, soit 15 909,96 euros par mobil-home, au titre des pertes de loyer et de commissionnement ;

– condamner M. [A] [K] à verser à la SARL [K] frères la somme de 5 000 euros au titre du non-respect de la procédure des conventions réglementées ;

Sur la violation des statuts de la SARL [K] frères :

– condamner M. [A] [K] à verser à M. [C] [K] la somme de 212 000 euros dans le cadre de l’action ut singuli, en raison du détournement des dividendes en contravention des dispositions statutaires ;

Sur la faute de gestion tenant à la dégradation inévitable de la situation financière de la SARL [K] frères et de l’état général du camping Blue Ocean :

– condamner M. [A] [K] à verser à la SARL [K] frères la somme de 30000 euros de dommages et intérêts, pour faute de gestion tenant à son défaut de projection et de maintien d’un niveau d’investissement constant pour permettre le renouvellement des installations du camping ;

Sur la mise en péril de la concession du domaine public et l’atteinte à l’image de la SARL [K] Frères ;

– condamner M. [A] [K] à verser à la SARL [K] frères la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du comportement déplacé dont il s’est rendu coupable et qui a fragilisé la reconduction de la concession d’occupation du domaine public ;

Sur les détournements opérées par M. [A] [K] au préjudice de la SARL [K] frères :

– condamner M. [A] [K] à verser à la SARL [K] frères la somme de :

79 712 euros au titre de la perte de loyers dus au titre de l’occupation à titre gratuit des parcelles du camping par des mobil-homes, propriétés de ses 2 filles, [R] et [N] [K], de ses compagnes successives, [S] [G] et [M] [B], et de son ancienne salariée, Mme [H] ;

45 322,46 euros au titre de la perte de commissionnement sur les mobil-homes propriétés de ses 2 filles, [R] et [N] [K], de ses compagnes successives, [S] [G] et [M] [B], et de son ancienne salariée, Mme [H] ;

20 000 euros au titre de l’absence de refacturation des consommations d’eau, d’électricité et de gaz sur les mobil-homes propriétés de ses 2 filles, [R] et [N] [K], de ses compagnes successives, [S] [G] et [M] [B], et de son ancienne salariée, Mme [H] ;

– condamner M. [A] [K] à verser à la SARL [K] Frères la somme de 24 391,29 euros au titre des versements occultes établis au profit de ses 2 filles, [R] et [N] [K], de son épouse [V] [K], ainsi que ses 3 compagnes successives, [S] [G], [X] [P] et [M] [B] ;

Sur la réparation du préjudice économique subi par la SARL [K] Frères :

– condamner M. [A] [K] à verser à la SARL [K] Frères la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier subi ;

Sur la réparation du préjudice économique subi par M. [C] [K] :

– condamner M. [A] [K] à verser à M. [C] [K] la somme de 10000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi ;

Sur les demandes reconventionnelles et de mesure avant-dire droit de M. [A] [K] :

– débouter M. [A] [K] de ses demandes de mesures avant-dire droit ;

– débouter M. [A] [K] de ses demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de M. [C] [K] à lui payer des dommages et intérêts pour faute de gestion ;

En tout état de cause,

– condamner M. [A] [K] à payer à la SARL [K] frères et à M. [C] [K] la somme de 5000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens ;

– prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement du 16 juin 2020, le tribunal de commerce de Dax a :

Dit et jugé irrecevable le moyen soulevé par M. [A] [K] et tiré de la prescription des faits fautifs,

Condamné M. [A] [K] au titre du non respect de la procédure des conventions réglementées, à payer à la SARL [K] frères la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts pour perte de loyer, commissionnement et charges courantes ;

Condamné M. [A] [K], au titre de détournements, à payer à la SARL [K] Frères la somme de 80 000 euros de dommages et intérêts pour perte de loyer, commissionnement et charges courantes concernant les mobil-homes personnels de [R] et [N] [K], ses filles, de [S] [G], [M] [B] et Mme [H], son entourage ;

Condamné M. [A] [K] à payer à la SARL [K] frères la somme de 24 391,29 euros, au titre de versements occultes au profit de ses deux filles, [R] et [N] [K], de son épouse [V] [K], son entourage [S] [G], [X] [P] et [M] [B] ;

Débouté les parties de leurs autres chefs de demande, fins et conclusions ;

Condamné M. [A] [K] à payer à la SARL [K] frères la somme de 5 000 euros et à M. [C] [K] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

Condamné M. [A] [K] aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 13 juillet 2020, M. [A] [K] a relevé appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2021 pour plaidoiries au 8 novembre 2021. A cette date l’affaire a été renvoyée à la mise en état, pour permettre aux intimés de prendre connaissance et de répliquer aux dernières conclusions et pièces communiquées par l’appelant la veille de la clôture.

Une nouvelle ordonnance de clôture est intervenue le 12 octobre 2022, pour plaidoiries à l’audience du 14 novembre 2022.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées le 8 novembre 2022, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, M. [A] [K] demande de :

Dire recevable et bien fondé Monsieur [A] [K] en son appel à l’encontre du Jugement rendu le 16 juin 2020 par le Tribunal de Commerce de Dax ;

Infirmer la décision entreprise dans ses dispositions en ce qu’elle a :

‘ dit et jugé irrecevable le moyen soulevé par M. [A] [K] et tiré de la prescription des faits fautifs,

‘ condamné M. [A] [K] au titre du non respect de la procédure des conventions réglementées, à payer à la SARL [K] frères la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts pour perte de loyer, commissionnement et charges courantes ;

‘ condamné M. [A] [K], au titre de détournements, à payer à la SARL [K] Frères la somme de 80 000 euros de dommages et intérêts pour perte de loyer, commissionnement et charges courantes concernant les mobil-homes personnels de [R] et [N] [K], ses filles, de [S] [G], [M] [B] et Mme [H], son entourage ;

‘ condamné M. [A] [K] à payer à la SARL [K] frères la somme de 24 391,29 euros, au titre de versements occultes au profit de ses deux filles, [R] et [N] [K], de son épouse [V] [K], son entourage [S] [G], [X] [P] et [M] [B] ;

‘ condamné M. [A] [K] à payer à la SARL [K] frères la somme de 5 000 euros et à M. [C] [K] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamné M [A] [K] aux entiers dépens ;

‘ Débouté Monsieur [A] [K] de ses demandes contraires aux chefs du jugement critiqué ;

Statuant à nouveau :

Débouter Monsieur [C] [K] et la SARL [K] Frères de l’intégralité de leurs demandes

A titre reconventionnel :

Condamner Monsieur [C] [K], à titre personnel, à supporter toutes les conséquences préjudiciables de la convention de prestations administratives conclue entre la SARL [K] Frères et la Société Blue Ocean devenue Green Resort ;

Condamner Monsieur [C] [K] à verser à Monsieur [A] [K] la somme de 500.000,00 euros de dommages et intérêts au titre de la réparation de l’abus de majorité commis par Monsieur [C] [K] et la somme globale de 250.000,00 € pour l’intégralité de ses autres préjudices subis tous chefs de préjudices confondus en tant qu’associé et gérant révoqué de manière brutale et vexatoire de la Société [K] Frères et de la SCI Airial de Seignanx ;

Condamner Monsieur [C] [K] à verser à la SARL [K] Frères la somme de 300.000,00 euros de dommages et intérêts au titre des fautes de gestion, du parasitisme et de la concurrence déloyale exercée par la SAS Blue Ocean grâce au concours de Monsieur [C] [K] depuis sa création en 2018 ;

Condamner Monsieur [C] [K] à payer à Monsieur [A] [K] la somme de 10.000,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Monsieur [C] [K] aux entiers dépens.

*

Par conclusions notifiées le 08 novembre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, M. [C] [K] et la SARL [K] frères demandent de :

Vu le jugement entrepris par le Tribunal de commerce de Dax en date du 16 juin 2020 ;

Vu l’article L. 223-22 du Code de commerce ;

Vu l’article L. 223-19 du Code de commerce ;

Vu l’article R. 223-20 du Code de commerce ;

Vu l’article L. 223-27 alinéas 4 et 5 du Code de commerce ;

Vu les pièces versées aux débats ;

Ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture pour voir admettre les présentes écritures et pièces ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– dit et jugé irrecevable le moyen, soulevé par Monsieur [A] [K], et tiré de la prescription des faits fautifs

– condamné Monsieur [A] [K] à verser à la SARL [K] Frères la somme de 30.000 € au titre du non-respect de la procédure des conventions réglementées ;

– condamné Monsieur [A] [K] à verser à la SARL [K] Frères la somme de 24.391,29 € au titre des versements occultes établis au profit de ses deux filles, [R] et [N] [K], de son épouse [V] [K] ainsi que ses 3 compagnes successives : [S] [G], [X] [P] et [M] [B] ;

– condamné Monsieur [A] [K] à payer à la SARL [K] Frères la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et à Monsieur [C] [K] la somme de 2.500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre au paiement des entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

Sur la violation des dispositions législatives et réglementaires,

Condamner Monsieur [A] [K] à verser à la SARL [K] frères la somme de 30.000 € de dommages et intérêts pour non respect des dispositions législatives et réglementaires ayant eu pour conséquence de retarder la prise de connaissance par Monsieur [C] [K] de la situation financière fragile dans laquelle était la SARL [K] frères ;

Sur le non-respect de la procédure des conventions réglementées,

Condamner Monsieur [A] [K] à verser à la SARL [K] frères la somme de 47.729,76 € de dommages et intérêts, soit 15.909,96 € par mobil-home, au titre des pertes de loyers, commissionnement et charges courantes supportées ;

Sur la violation des statuts de la SARL [K] Frères,

Condamner, dans le cadre de l’action ut singuli, Monsieur [A] [K] à verser à Monsieur [C] [K] la somme de 212.000 €, en raison du détournement opéré sur les dividendes en contravention des dispositions statutaires ;

Sur la faute de gestion tenant à la dégradation inévitable de la situation financière de la SARL [K] Frères et de l’état général du camping Blue Ocean,

Condamner Monsieur [A] [K] à verser à la SARL [K] Frères la somme de 30.000 € de dommages et intérêts pour faute de gestion tenant à son défaut de projection et de maintien d’un niveau d’investissement constant pour permettre le renouvellement des installations du camping ;

Sur la mise en péril de la concession du domaine public et l’atteinte à l’image de la SARL [K] Frères,

Condamner Monsieur [A] [K] à verser à la SARL [K] frères la somme de 20.000 € de dommages et intérêts au titre de la mise en péril de la concession du domaine public et l’atteinte à l’image de la société ;

Sur les détournements opérés par Monsieur [A] [K] au préjudice de la SARL [K] frères,

Condamner Monsieur [A] [K] à verser à la SARL [K] Frères la somme de :

‘ 79.712 € au titre de la perte de loyers dus au titre de l’occupation à titre gratuit, des parcelles du camping [5] par des mobil-homes propriétés de ses deux filles, [R] et [N] [K], de ses compagnes successives, [S] [G] et [M] [B] et de son ancienne salariée, Madame [H] ;

‘ 45.322,46 € au titre de la perte de commissionnement sur les mobil-homes propriétés de ses deux filles, [R] et [N] [K], de ses compagnes successives, [S] [G] et [M] [B] et de son ancienne salariée, Madame [H] ;

‘ 20.000 € au titre de l’absence de refacturation des consommations d’eau, d’électricité et de gaz sur les mobil-homes propriétés de ses deux filles, [R] et [N] [K], de ses compagnes successives, [S] [G] et [M] [B] et de son ancienne salariée, Madame [H] ;

Sur la réparation du préjudice économique subi par la SARL [K] Frères,

Condamner Monsieur [A] [K] à verser à la SARL [K] Frères la somme de 20.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice financier subi ;

Sur la réparation du préjudice financier subi par Monsieur [C] [K],

Condamner Monsieur [A] [K] à verser à Monsieur [C] [K] la somme de 10.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice financier subi ;

Sur la réparation du préjudice moral subi par Monsieur [C] [K],

Condamner Monsieur [A] [K] à verser à Monsieur [C] [K] la somme de 10.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi ;

Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur [A] [K],

Déclarer Monsieur [A] [K] irrecevable en ses demandes, motif pris de la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de commerce de Dax en date du 16 juin 2020 ;

Déclarer Monsieur [A] [K] irrecevable en ses demandes, motif pris de l’absence de lien suffisant avec le litige en cause ;

Déclarer Monsieur [A] [K] irrecevable en ses demandes, motif pris de la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de Commerce de Dax du 15 juin 2021 ;

Débouter Monsieur [A] [K] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

En tout état de cause,

– condamner Monsieur [A] [K] à payer à la SARL [K] Frères et à Monsieur [C] [K] la somme de 10.000€ chacun sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.

MOTIVATION

Rappel sur le rabat de l’ordonnance de clôture :

Avant l’ouverture des débats, et par mention au dossier, la cour a révoqué l’ordonnance de clôture et fixé la clôture à la date de l’audience, en accord avec les parties et sans renvoi à une audience ultérieure, la SARL [K] Frères et [C] [K] ne souhaitant pas répliquer aux dernières conclusions d'[A] [K].

1°) sur le fondement de l’action en responsabilité :

A titre liminaire il convient de rappeler le fondement des actions initiées par la société [K] Frères représentée par [C] [K], en sa qualité de gérant, et [C] [K], à titre personnel.

Les intimés recherchent la responsabilité d'[A] [K], soit à raison des infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux société à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion de la société [K] Frères, entre 1998 et 2017, alors qu’il en était le gérant.

Aux termes de l’article L. 223-22 du code de commerce, applicable aux SARL :

Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

(…) Outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants.

Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l’entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués…

L’action en responsabilité engagée par la société contre son gérant ou ancien gérant est dite action « ut universi » ou « universali ». Elle est fondée sur le principe que les fautes de gestion commises par le dirigeant d’une société peuvent entraîner un préjudice pour elle ; la difficulté étant que lorsque le dirigeant est également le représentant légal en fonction de la société, seul habilité à engager une action judiciaire en son nom, il y a peu de chances qu’il engage, à son détriment, une action en responsabilité au nom et pour le compte de la société victime de ses agissements.

C’est pour remédier à ce risque d’inertie que la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales a créé l’action sociale « ut singuli », autorisant l’actionnaire ou l’associé à agir au nom et pour le compte de la société, quelle que soit la part du capital qu’il détient, afin de solliciter la réparation du préjudice subi par la personne morale. Ce qui ne lui interdit pas de demander réparation, par ailleurs, au travers d’une action individuelle, du préjudice subi personnellement à condition de démontrer l’existence d’un préjudice distinct de celui de la société.

Par ailleurs, les intimés invoquent les dispositions de l’article L. 223-19 sur les conventions réglementées. Selon ce texte, «  le gérant ou s’il en existe un, le commissaire aux comptes, présente à l’assemblée ou joint aux documents communiqués aux associés en cas de consultation écrite, un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposées entre la société et l’un de ses gérants ou associés. L’assemblée statue sur ce rapport. Le gérant ou associé intéressé ne peut pas prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte dans le calcul du quorum et de la majorité…

Les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s’il y a lieu, pour l’associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences préjudiciables à la société.»

En l’espèce, la société [K] Frères recherche la responsabilité de son ancien gérant, [A] [K], au titre des manquements suivants :

‘ la violation des dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limité en matière de convocation et de tenue des assemblées générales : non convocation de [C] [K], absence de transmission à l’associé, avant chaque assemblée, du rapport de gestion, de l’inventaire, des comptes annuels, du texte des résolutions inscrites à l’ordre du jour et autres documents… ; faux procès- verbaux constatant la présence de [C] [K] soumis a posteriori à la ratification de ce dernier après la tenue desdites assemblées ; opposition d'[A] [K] à la convocation d’une assemblée générale, malgré la demande de son frère en date du 15 janvier 2017 ;

‘ la violation des dispositions de l’article L. 223-19 du code de commerce en matière de conventions réglementées : par l’implantation sur des emplacements du camping de trois mobil-homes appartenant à [A] [K], sans paiement des loyers correspondants, en acquittant un commissionnement inférieur à celui en vigueur et sans régler les consommations d’eau, d’électricité et de gaz ;

‘ les fautes de gestion tenant à la dégradation de la situation financière de la SARL [K] Frères, entraînant des résultats en net recul sur les exercices 2017 et 2018, par suite d’un recours abusif à la convention de trésorerie liant la société [K] Frères à la SCI Airial du Seignanx, également en raison d’un vieillissement des installations du camping par manque d’investissement et distribution excessive de dividendes, plus généralement d’une gestion calamiteuse.

‘ la mise en péril de la concession du domaine public et l’atteinte à l’image de la SARL [K] Frères ; il est reproché à [A] [K] d’avoir pendant au moins trois ans, et avant même sa démission de ses fonctions de gérant, rendu publics, en les adressant au maire de la commune d'[Localité 2] des courriers « assassins » adressés à son frère, également des SMS ; cette « opération destruction » de la SARL [K] Frères, auprès des pouvoirs publics, des fournisseurs de la société et d’organismes de certification se serait poursuivie après sa démission, par différents envois de courriers et comportement intempestifs ; contexte de défiance dans lequel la mairie d'[Localité 2] a décidé de résilier la concession de service public, notifiée à la SARL [K] Frères par courrier du 14 octobre 2022 ;

‘ des détournements opérés par Monsieur [A] [K] au préjudice de la SARL [K] Frères, au profit de son entourage, par la concession à titre gratuit de parcelles du camping recevant des mobil-homes appartenant à ses filles et à ses ancienne et actuelle compagnes, ainsi qu’à une salariée, sans loyers encaissés, sans rétribution ou commissionnement normal pour la location et l’entretien de ces mobil-homes par l’entremise de la SARL [K] Frères, et sans refacturation des consommations d’eau, de gaz et d’électricité.

‘ des détournements par des versements occultes au profit de ses deux filles, de son épouse [V] [K] ainsi que de ses trois compagnes successives pour un montant total de 24391,29 euros entre 2013 et 2016.

Au travers de l’action individuelle, [C] [K] entend obtenir réparation des préjudices personnellement subis du fait de :

‘ la violation de l’article 8 des statuts de la société [K] Frères en matière de répartition des dividendes, aux termes duquel «  chaque part sociale confère à son propriétaire un droit égal dans les bénéfices de la société et dans l’actif social », alors qu’à l’exception de l’exercice 2012, [A] [K] a perçu la moitié des dividendes distribués, pour 30 % des parts sociales détenues ;

‘ la gestion calamiteuse de la société ayant contraint [C] [K] à injecter 100 000,00 euros de fonds propres, dans la trésorerie de la société, fin novembre 2017, afin d’assurer le paiement des salaires des employés ;

‘ à raison des atteintes personnelles et menaces proférées par [A] [K], à l’encontre de son frère, par l’envoi de courriers à toute personne susceptible d’être en contact avec lui, afin de le discréditer, obligeant [C] [K] à fournir des explications aux différents partenaires et interlocuteurs de la SARL [K] Frères (représentants des pouvoirs publics, fournisseurs, banques, artisans intervenus sur site ) et à ses salariés.

2°) Sur la prescription de l’action en responsabilité de [C] [K], à titre personnel, et de la SARL [K] Frères :

À hauteur d’appel, [A] [K] reprend la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en responsabilité de [C] [K] et de la société [K] Frères fondée sur les articles L. 223-19 et L. 223-22 du code de commerce , au motif que les actions en responsabilité prévues par ces textes se prescrivent par 3 ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation, en application de l’article L. 223-23 du même code.

Il en déduit que [C] [K], à titre personnel et ès qualités, ne peut valablement contester des faits datant de plus de trois ans, ni prétendre que des informations lui auraient été dissimulées pour l’empêcher d’agir, alors notamment qu’il a participé à toutes les assemblées générales de la société [K] Frères organisées chaque année en tenant compte de ses déplacements en France ; qu’il avait accès à tous les documents sociaux et qu’il était co-gérant de la société Airial du Seignanx.

[C] [K] et la SARL [K] Frères s’opposent à cette fin de non-recevoir, aux motifs notamment que :

‘ lorsqu’une convention réglementée aurait dû être soumise à l’approbation de l’assemblée générale, le fait de ne pas avoir demandé cette approbation établit la dissimulation ;

‘ aucune décision de l’assemblée générale ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour faute commise dans l’accomplissement de leur mandat ; ainsi , l’approbation par les assemblées générales des exercices au cours desquels des détournements avaient été opérés ne suffit pas à démontrer que ceux-ci avaient été révélés ;

‘ [A] [K] est incapable de produire l’ensemble des convocations aux assemblées générales et justifier de la communication des pièces qu’il aurait dû adresser à son frère, avant chaque assemblée générale, entre 1998 et sa démission en juillet 2017 ; il s’agit d’une violation des dispositions législatives et statutaires qui empêche toute irrecevabilité tirée d’une prescription ;

‘ il ne peut être considéré que [C] [K] aurait eu connaissance et accepté l’acquisition par les filles et l’entourage de [A] [K] de mobil-homes placés sur le camping sans aucune contrepartie telle qu’un loyer ou encore l’établissement de rétro-commissions au profit de ce même entourage, alors que ces opérations sont inscrites dans les livres comptables sous de faux noms ( [I] et [L]), ce qui révèle une dissimulation intentionnelle de l’acte constitutif du fait dommageable ;

‘ une fois la dissimulation démontrée, ce n’est qu’au moment de la révélation des faits que le délai de prescription commence à courir, de sorte qu’aucune prescription ne saurait être soulevée dans le cadre de la présente instance initiée le 11 septembre 2018, [C] [K] n’ayant, au mieux, eu connaissance de l’intégralité des man’uvres d'[A] [K] qu’à compter de sa nomination aux fonctions de gérant le 26 juillet 2017.

‘ il ressort de l’attestation établie par [Y] [D], lui-même, co gérant de la SARL [K] Frères, pendant la période gérance de [A] [K], qu’aucune assemblée générale de la SARL [K] frères n’a été tenue en présence de [C] [K], du temps de la gérance d'[A] [K].

Aux termes de l’article L. 223-23 du code de commerce, ‘ les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, à compter de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par 10 ans’.

Il résulte de la jurisprudence que la dissimulation de la faute, qui doit être constatée pour que soit justifiée le report du point de départ du délai de trois ans, implique la volonté de cacher. En l’absence de dissimulation, le point de départ de la prescription est le jour du fait dommageable, c’est-à-dire le jour de la faute, et non celui, souvent plus tardif, où le dommage s’est manifesté.

La Cour de cassation a manifesté sa volonté de faire une stricte application de ces dispositions en écartant les raisonnements tendant à repousser le point de départ du délai de prescription dans le cas où les conséquences du fait dommageable n’avaient pu être appréciées dans toute leur ampleur qu’après l’expiration de ce délai ( Cass. Com. 20 février 2007, pourvoi n° 03-12.088).

Dans un arrêt du 30 mai 2018,(Cass. Com., 30 mai 2018, pourvoi n° 16-21.022), s’agissant de la prescription de l’action en responsabilité dirigée contre le gérant d’une SARL auquel un associé reprochait d’avoir dissimulé la signature d’une convention susceptible d’entrer dans le champ de l’article L. 223-19 du code de commerce, la cour a censuré un arrêt qui avait écarté la dissimulation alléguée, faute d’avoir recherché si un fait allégué par le demandeur à l’action, à savoir la mention, fausse, dans les rapports légaux, de l’absence de convention signée entre la société et un de ses associés, n’établissait pas la dissimulation.

S’agissant de la charge de la preuve de la dissimulation, pour une action en responsabilité fondée sur les articles L. 223-19 et L. 223-22, elle incombe à celui qui s’en prévaut :

Il convient d’examiner les fautes alléguées au regard de ces principes, pour déterminer si l’action engagée est en partie prescrite et pour quelle période, étant rappelé que l’assignation a été délivrée le 11 septembre 2018.

‘ S’agissant de la violation des dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limité en matière de convocation et de tenue des assemblées générales, force est de constater, comme l’a retenu le tribunal, que [C] [K], qui a occupé des fonctions de directeur général de société, est un homme d’affaires avisé qui a l’expérience de la gestion d’une société :

Alors qu’il ne pouvait ignorer les formalités applicables en matière de convocation des associés aux assemblées générales, il n’établit aucune dissimulation en la matière, alors que les procès-verbaux des délibérations des associés étaient publiés et qu’il reconnaît que son frère soumettait ces délibérations à sa ratification, a posteriori, de sorte qu’il avait connaissance de l’ordre du jour examiné et, certes avec quelques semaines ou quelques mois de retard, des décisions prises en assemblée générale de sorte que les faits dénoncés, à ce titre, sont prescrits pour toute la période antérieure au 11 septembre 2015.

‘ S’agissant de la violation des dispositions de l’article L. 223-19 du code de commerce en matière de conventions réglementées par l’absence de soumission à l’assemblée générale d’une convention concernant la mise à disposition d'[A] [K] d’ emplacements du camping pour recevoir trois mobil-homes lui appartenant, sans paiement des loyers correspondants, en acquittant un commissionnement inférieur à celui en vigueur et sans régler les consommations d’eau, d’électricité et de gaz :

La cour retient, au vu des pièces produites par les intimés (n°s 151-152), une dissimulation pour la mise à disposition, sans soumission d’une convention réglementée, de l’emplacement supportant le mobil-home MH 02, cette mise à disposition étant dissimulée par l’utilisation de l’identité de [T] [L]. En revanche cette dissimulation n’est pas démontrée, au vu des pièces produites, pour les mobil-homes MH1 et MH2, de sorte que la prescription de l’action visant la réparation du préjudice résultant de la mise à disposition des emplacements accueillant ces deux mobil-homes est acquise pour la période antérieure au 11 septembre 2015.

‘ Sur les fautes de gestion tenant à la dégradation de la situation financière de la SARL [K] Frères , entraînant des résultats en net recul sur les exercices 2017 et 2018, par suite d’un recours abusif à la convention de trésorerie liant la société [K] Frères à la SCI Airial du Seignanx, également en raison d’un vieillissement des installations du camping par manque d’investissement et distribution excessive de dividendes, plus généralement d’une gestion calamiteuse :

En l’absence de dissimulation établie, la prescription est acquise pour toute la période antérieure au 11 septembre 2015.

‘ Sur la mise en péril de la concession du domaine public et l’atteinte à l’image de la SARL [K] Frères, la cour constate, au vu des pièces produites par les intimés, qu’il est fait état d’agissements, remontant, pour les plus anciens au 2 mars 2017, faits pour lesquels la prescription n’est pas acquise.

‘ Sur les détournements opérés par [A] [K] au préjudice de la SARL [K] Frères, au profit de son entourage, par la concession à titre gratuit de parcelles du camping recevant des mobil-homes appartenant à ses filles et à ses ancienne et actuelle compagnes, ainsi qu’à une salariée, sans loyers encaissés, sans rétribution ou commissionnement normal pour la location et l’entretien de ces mobil-homes par l’entremise de la SARL [K] Frères, et sans refacturation des consommations d’eau, de gaz et d’électricité :

En l’absence de dissimulation démontrée, l’exploitation de ces mobil-homes par le camping Blue Ocean, pour le compte de leurs propriétaires, ayant pu être reconstituée à partir des relevés de gestion locative et des factures de rétrocession correspondantes éditées par la SARL [K] Frères, sous la gérance d'[A] [K], la cour retiendra la prescription des détournements allégués pour la période antérieure au 11 septembre 2015.

‘ Sur les détournements au préjudice de la société [K] Frères au moyen de versements au profit des deux filles d'[A] [K], de son épouse [V] [K], ainsi que de ses trois compagnes successives pour un montant total de 24391,29 euros entre 2013 et 2016 :

Les intimés font état et produisent les copies des chèques suivants émis par [A] [K] sur le compte de la société :

– Les 15 septembre 2013 au profit de ses deux filles, [R] et [N] [K] et 15 septembre 2012 au profit de son épouse [V] [K] pour respectivement 4.833 €, 4.628,79 € et 3.838,50 € ;

– Le 8 septembre 2014 au profit de Madame [P] pour un montant de 4.991€ ;

– Le 31 août 2015 au profit de Madame [B] pour un montant de 3.100 € ;

– Le 12 décembre 2016 au profit de Madame [G] pour un montant de 3.000 € ;

représentant la somme totale de 24 391,29 euros. Ils indiquent que sur les livres comptables de la SARL [K] Frères, les chèques en question visent de prétendues rétro-commissions sur gestion locative attribuées à 3 propriétaires dénommés [L], [O] ou [I].

Toutefois, il ressort des conclusions des intimés que seuls les chèques émis au bénéfice de [V] [K], [X] [P], [M] [B] et [U] [G] auraient fait l’objet d’une dissimulation sous une imputation comptable fausse. Dans ces conditions, l’action est prescrite s’agissant des versements opérés au bénéfice d'[R] et [N] [K], le 15 septembre 2013, étant relevé que ces versements apparaissent bien sur le tableau produit en pièce 61 par la SARL [K] Frères et [C] [K] comme des rétrocommissions à 90% sur gestion locative de deux mobil-homes propriétés de [N] et [R] [K].

‘ Sur la violation de l’article 8 des statuts de la société [K] Frères en matière de répartition des dividendes :

Il convient de retenir qu’à l’exception de l’exercice 2012 et sur la période de 2007 à 2016, [A] [K] a perçu 50 % des dividendes distribués, alors qu’il ne détenait que 30 % des parts sociales. Toutefois, cette répartition égalitaire des bénéfices, si elle méconnaît les dispositions statutaires, a été avalisée par [C] [K], même si celui-ci soutient que c’était le cas a posteriori, après l’établissement de procès-verbaux de délibérations auxquelles il n’avait pas participé et qui lui étaient soumis après coup par son frère pour ratification, sans qu’il puisse s’y opposer, alors qu’en réalité, étant associé majoritaire et n’ignorant pas les distributions opérées puisque notamment il en était lui-même bénéficiaire, il pouvait parfaitement remettre en cause ce partage égalitaire des dividendes distribués. En l’absence de dissimulation, l’action est prescrite pour tous les faits antérieurs au 11 septembre 2015.

‘ Sur la gestion calamiteuse de la société ayant contraint [C] [K] à injecter 100 000,00 euros de fonds propres, dans la trésorerie de la société, fin novembre 2017, afin d’assurer le paiement des salaires des employés, l’action n’est pas prescrite, la dégradation du chiffre d’affaires et du résultat de la société [K] Frères étant circonscrite aux exercices postérieurs à 2015, année qui marque le sommet atteint par le chiffre d’affaires et le résultat bénéficiaire sous la gérance d'[A] [K].

‘ Sur les atteintes personnelles et menaces proférées par [A] [K], à l’encontre de son frère, par l’envoi de courrier à toute personne susceptible d’être en contact avec lui, afin de le discréditer, obligeant [C] [K] à fournir des explications notamment aux représentants des pouvoirs publics, fournisseurs , banques, artisans intervenus sur site et salariés :

Les faits dénoncés étant postérieurs à l’année 2015, la prescription n’est pas acquise.

Dès lors, le jugement sera infirmé partiellement sur la prescription, le tribunal ayant jugé «  irrecevable le moyen tiré de la prescription » …au motif insuffisant que « bon nombre de faits ont été dissimulés par négligence ou intentionnellement… » alors que l’irrecevabilité d’un moyen empêche le tribunal de l’examiner et qu’une fin de non- recevoir peut être présentée en tout état de cause.

3° Sur les infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, les violations des statuts et fautes de gestion imputées à [A] [K], dans l’exécution de son mandat social :

‘ La violation des dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limité en matière de convocation et de tenue des assemblées générales :

En exécution de son mandat social, le gérant d’une SARL a un devoir de loyauté envers la société et la communauté des associés. Effectuant des actes au nom de la SARL, il doit ‘uvrer pour l’intérêt social. Lorsqu’il accomplit des actes d’administration de la société, le gérant est tenu de respecter les obligations légales et réglementaires applicables aux SARL, mais également celles prévues spécialement par les statuts.

L’obligation de respecter les dispositions légales et statutaires est une obligation de résultat, de sorte qu’une simple violation constitue une faute.

En application des articles L. 223-26 et suivants et R. 223-17 et suivants du code de commerce le gérant est tenu de convoquer deux types d’assemblées générales des associés :

– chaque année une assemblée générale ordinaire qui a notamment compétence pour approuver les comptes annuels de la société au terme de l’exercice clos, l’inventaire, le rapport de la gérance, décider de la distribution des dividendes et fixer la rémunération du gérant, ou encore approuver les conventions réglementées ;

– les assemblées générales extraordinaires, lorsque la situation exige de prendre des décisions impliquant la modification des statuts.

Le gérant doit avant la tenue de ces assemblées adresser aux associés au moins 15 jours avant la réunion une convocation accompagnée d’un certain nombre de documents listés par les dispositions précitées, notamment pour les assemblées générales annuelles : les comptes annuels, le rapport de gestion, le texte des résolutions proposées, ainsi que le cas échéant les comptes consolidés, le rapport sur la gestion du groupe et les rapports du commissaire aux comptes.

La preuve de l’existence et de la régularité d’une convocation à l’assemblée générale d’une société à responsabilité limitée incombe à son gérant.

En l’espèce, [A] [K] considère qu’aucune faute en la matière ne peut lui être reprochée, aux motifs que [C] [K] a signé tous les procès-verbaux et que les assemblées étaient organisées selon la disponibilité de son frère en France. Il ajoute que [C] [K] était avisé de tous les projets de développement et des démarches tant administratives que financières envisagées, comme l’établissent les courriels qu’il verse aux débats (ses pièces 71 à 74).

Cependant, il ressort de l’attestation établie par le co-gérant, [Y] [D], qu’aucune assemblée générale de la SARL [K] Frères n’était tenue en présence de [C] [K] du temps de la gérance de son frère [A]. En effet celui-ci atteste : «  A ma connaissance (et c’est le modus operandi utilisé avec moi lorsque les PV d’AG portent ma signature), [A] [K] se contentait de faire régulariser les signatures a posteriori alors que les décisions étaient le plus souvent prises seul. [C] ne venant alors que quelques fois par an en France, je ne classais les PV signés dans le registre que de nombreuses semaines (voire mois) après la date prétendue de l’AG) ».

Si [A] [K] conteste la sincérité de ce témoignage, il ne justifie pas pour autant de la convocation régulière de son frère aux assemblées générales ordinaires ou extraordinaires et la communication ou la mise à disposition, avant la tenue desdites assemblées, des documents prévus par les dispositions du code de commerce, la signature a posteriori des procès-verbaux de délibération ne pouvant suppléer l’absence de convocation préalable régulière et le non respect des obligations pesant sur le gérant en matière de convocation des assemblées générales, obligations destinées à préserver l’intérêt social.

Par ailleurs, il convient de relever que saisi par son frère, par courrier recommandé du 2 mars 2017, d’une demande de convocation de l’assemblée générale des associés, en application de l’article L. 223-27 alinéa 4 du code de commerce, en vue notamment de désigner [C] [K] co-gérant, [A] [K] n’a pris aucune initiative en ce sens, contraignant [C] [K] à saisir le tribunal de commerce de Dax pour faire désigner un mandataire chargé de convoquer cette assemblée et d’en fixer l’ordre du jour.

La cour retient en conséquence à l’encontre d'[A] [K] un manquement aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux SARL. Le préjudice pour la société [K] Frères, sur la période des faits non prescrits, sera exactement réparé par l’attribution de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 9000,00 euros, le jugement étant infirmé en ce sens.

‘ La violation des dispositions de l’article L. 223-19 du code de commerce en matière de conventions réglementées :

[A] [K] réfute tout manquement en la matière. Il fait valoir qu’il a récupéré deux mobil-homes endommagés suite au passage de la tornade de 2006, déclarés impropres à l’exploitation par l’assurance MAPA et voués à la casse, qu’il a réparés et restaurés. Ne pouvant pas les louer, en raison de l’assurance ayant indemnisé leur perte, il a choisi de les mettre à disposition du personnel en les plaçant sur une zone impropre à la location. De sorte qu’aucune convention réglementée ne devait être soumise à l’approbation de l’assemblée générale.

Ces deux mobil-homes correspondent selon les conclusions des intimés aux numéros MHP1 et MHP2. Ils ne figurent pas sur le tableau récapitulatif des pertes de loyer et commissionnement qu’ils versent en pièce 61 et aucune pièce comptable n’est produite pour justifier des pertes alléguées. Il n’est ainsi pas démontré, par [C] [K] et la SARL [K] Frères, que ces habitations légères de loisir ont donné lieu à une exploitation locative au bénéfice d'[A] [K] nécessitant de soumettre une convention réglementée à l’assemblée générale des associés.

S’agissant du troisième mobil-home, identifié sous le numéro MH02 par les intimés, exploité en gestion locative pour le compte d’un certain [L], [A] [K] soutient qu’il a prêté de l’argent à Monsieur [L], qui devait se charger de l’animation du camping et souhaitait acheter un mobil-home à Madame [Z]. A cette fin, il aurait demandé à [A] [K] de lui prêter la somme de 12000,00 euros. M [L] est ensuite partie au Canada et n’a jamais remboursé cette somme. Selon ses conclusions [A] [K] serait «  donc devenu propriétaire de fait de ce mobil-home » qui aurait été mis en location par la SARL [K] Frères pour un revenu total de 18227,97 euros, le montant des loyers et charges étant prélevé par la société [K] Frères, dans des conditions normales et similaires à celles appliquées aux autres clients du camping.

Cependant, il ressort du reçu établi par Madame [Z] et de l’attestation de vente en date du 6 juin 2012 produits par les intimés, que le prix de vente du mobil-home a été payé par chèque émis par [A] [K] à partir de son compte personnel, et que Monsieur [L] n’était pas présent au moment de la transaction (pièces 67 et 68 des intimés) ; que l’attestation de vente a été signée a posteriori au nom d'[L], sans qu’il soit possible de vérifier si la signature correspondante est bien celle de l’acquéreur désigné.

Enfin, [A] [K] reconnaît lui-même, dans différents courriers,( pièces 62 et 202 des intimés) qu’il a acheté ce mobil-home qui a été mis en location et a généré des revenus d’une moyenne annuelle supérieure à 4500,00 euros. Or, ce mobil-home ne faisait pas l’objet d’une convention écrite avec le camping et, s’agissant d’une habitation légère appartenant en propre à [A] [K], qui plus est exploitée en gestion locative par l’intermédiaire de la société dont il était le gérant, une convention réglementée aurait dû être formalisée et soumise à l’approbation de l’assemblée générale des associés, ce qui n’a pas été le cas.

Il est établi par les relevés d’occupation de parcelle et de commissionnement produits par les intimés (pièces 151 et 152) qu’au moins entre 2013 et 2015 inclus, le forfait de location a été ramené à zéro et que le taux de commissionnement du camping était de 10 % au lieu de 30 % habituellement, sur les revenus locatifs rétrocédés au propriétaire. En outre , aucune refacturation de consommation de fluides ou de forfait de nettoyage n’a été retrouvée pour le mobil-home MHO2.

Selon le tableau 61 produit par les intimés, le préjudice s’établit à 13909,92 euros entre 2012 et 2016, auxquels les demandeurs à l’action ajoutent 2000,00 euros de forfait pour consommation d’eau de gaz et d’électricité non facturées.

Compte tenu de l’incertitude relative à cette consommation, la cour porte l’indemnité réparant l’entier préjudice subi par la SARL [K] Frères, à la suite de la convention dissimulée, à 15000,00 euros et déboute les intimés du surplus de leurs demandes de ce chef.

Le jugement est infirmé en ce sens.

‘ Les fautes de gestion à l’origine de la dégradation de la situation financière de la SARL [K] Frères :

La société [K] Frères et son nouveau gérant reprochent à [A] [K] des fautes de gestion à l’origine de résultats en net recul sur les exercices 2017 et 2018, par suite d’un recours abusif à la convention de trésorerie liant la société [K] Frères à la SCI Airial du Seignanx, également en raison d’un vieillissement des installations du camping par manque d’investissement et distribution excessive de dividendes, plus généralement d’une « gestion calamiteuse ».

En matière de gestion, le gérant est astreint à une obligation de moyens.

Sur la convention de trésorerie liant la SARL [K] Frères à la SCI Airial du Seignanx, par laquelle la société mère (la SARL [K]) s’engageait à mettre à la disposition de la société filiale (la SCI Airial du Seignanx) la trésorerie excédant son besoin financier à cours terme, si l’optimisation de la gestion de la trésorerie du groupe le nécessitait, la cour constate que cette convention, approuvée à l’unanimité des associés par délibération du 20 novembre 2015, a permis de financer l’achat de mobil-homes et chalets témoins au bénéfice de la SCI Airial du Seignanx, pour 327000,00 euros, dans le courant de l’année 2016.

Les intimés reprochent à [A] [K] d’avoir fait preuve d’un comportement déraisonnable en refusant tout recours à l’emprunt et toujours tout misé sur la convention de trésorerie. Cependant, la SCI était endettée à hauteur d’ 1,7 million d’euros, au termes des deux premiers prêts négociés, et le troisième prêt, destiné à financer la seconde tranche des travaux du parc résidentiel de loisir, a été différé compte tenu du retard pris par ce projet et des nouvelles demandes du Crédit Mutuel. Il n’est donc pas anormal que la SARL [K] Frères, qui était porteur de parts sociales de la SCI, ait décidé d’utiliser la convention de trésorerie pour financer le besoin de trésorerie de sa filiale, afin de lui permettre d’acquérir les premiers chalets et mobil-homes nécessaires au lancement de la commercialisation du programme de parc résidentiel.

Si l’ expert comptable mandaté par le [Z] d'[Localité 2], pour procéder à un audit de la SARL [K] Frères, a relevé une disproportion entre les avances de trésorerie et le niveau de la participation de la SARL dans la SCI, s’interrogeant sur la complémentarité des deux activités et la stratégie commune des deux sociétés, pointant également « un risque fiscal nécessitant de prendre les mesures nécessaires pour y remédier », ces interrogations ne suffisent pas à caractériser une faute de gestion en l’absence d’analyse plus précise.

L’état de délabrement du camping dû à un manque d’investissement n’est pas non plus caractérisé au vu des seules factures produites, et avis formulés par quelques clients sur des sites d’évaluation dont l’objectivité peut prêter à discussion, non plus à la lecture du rapport APAVE qui n’a relevé aucune non conformité des installations électriques, au regard de la réglementation sur les établissements recevant du public, mais certaines non conformités remédiables au titre de la réglementation en matière de sécurité des conditions de travail.

En revanche, il est établi que le camping a nécessité des travaux importants de remise à niveau des installations de la piscine, de changement de certains équipements et de renouvellement de mobil-homes sur les exercices 2017 et surtout 2018 et 2019, d’un coût global de 678 480 euros TTC, pour les travaux, et à hauteur d’une enveloppe financière totale d’environ 800 000,00 euros, pour 40 mobil-homes acquis en crédit bail mobilier.

Si la SARL [K] Frères justifie avoir emprunté 500 000,00 euros en janvier 2018 et 400 000,00 euros en mars 2019, auprès du crédit agricole, ces crédits ont respectivement pour objet, selon les contrats produits: « bâtiment à usage de bureau des entreprises et travaux de bâtiment à usage professionnel» et «aménagement de bâtiment à usage professionnel, travaux de bâtiment à usage professionnel ».

L’enveloppe globale de ces prêts est supérieure aux travaux de réparation, d’entretien ou de rénovation facturés sur trois ans, ce qui indique qu’ils ont un autre objet ou un objet plus large que les travaux dont il est justifié, de sorte qu’il n’est pas possible d’affirmer que ces concours étaient la conséquence nécessaire d’un défaut d’anticipation et d’une insuffisance de trésorerie, par suite d’une distribution excessive de dividendes.

Enfin, il ressort du courrier de la Mairie d'[Localité 2], dénonçant la concession de service public que le camping a connu une augmentation de sa capacité entre 1998 et 2021, passant de 90 emplacements sur un hectare à 300 emplacements sur 6 hectares.

En l’absence d’information sur la chronologie de cette expansion , il n’est pas possible de déduire du seul doublement du chiffre d’affaires de la société [K] frères en quatre ans, sous la gérance de [C] [K], que le camping et la société exploitante faisaient auparavant l’objet d’une gestion calamiteuse par [A] [K].

Selon le relevé produit par [A] [K], à la date du 1er août 2017, la trésorerie de la SARL [K] Frères s’établissait à 277 447,85 euros et, selon le grand livre des comptes de la SCI Airial du Seignanx, les avances de trésorerie réalisées par la SARL [K] Frères s’établissaient à 432 506,18 euros au 31 décembre 2017. Ce qui indique, en toute logique, que la SARL [K] Frères a dégagé entre le 20 novembre 2015, approbation de la convention de trésorerie, et décembre 2017, sur deux ans, une trésorerie et une capacité d’autofinancement d’environ 700 000,00 euros, hors dividendes distribués, ce qui n’est pas à proprement parlé l’indicateur d’une gestion calamiteuse.

Quant aux désordres et non conformités des travaux réalisés sur le parc résidentiel de la SCI Airial du Seignanx, qui n’est pas partie à l’instance, invoquées par les intimés, ils ne sauraient caractériser des fautes de gestion de la part d'[A] [K], dans le cadre de son mandat social de gérant de la SARL [K] Frères .

En l’absence d’analyse comptable plus précise, les fautes de gestion ne sont pas établies et la SARL [K] Frères et [C] [K] doivent être déboutés de leurs demandes de ce chef (30 000,00 euros et 20.000,00 euros de préjudice financier distinct demandés par la société et 10 000,00 euros de préjudice financier demandé par [C] [K]).

‘ La mise en péril de la concession du domaine public et l’atteinte à l’image de la SARL [K] Frères,

Les intimés reprochent à [A] [K] d’avoir rendu public le différend l’opposant à son frère [C], plus précisément en envoyant copie, au maire de la commune des « courriers assassins » adressés à [C] [K] ainsi que d’un SMS. Ce que les intimés qualifient «  d’opération destruction » de la SARL [K] Frères auprès des pouvoirs publics se serait poursuivi en 2018 et 2019, par différents courriers adressés au maire de la commune d'[Localité 2], au président de la communauté de communes, à l’architecte de bâtiments de France et au comptable historique de la SARL [K] Frères qui a fini par démissionner.

Il est reproché également à [A] [K] d’avoir desservi la société [K] Frères auprès de fournisseurs et de l’AFNOR, par des courriers de 2019, et d’avoir fait irruption sans y avoir été invité, lors du conseil municipal du 25 mai 2020, et lors d’un inventaire réalisé par la Mairie d'[Localité 2] le 11 janvier 2022 au sein du camping.

Selon les concluants, ce contexte de défiance de nature à porter atteinte à la crédibilité de la SARL [K] Frères a conduit la commune d’ [Localité 2] à résilier la concession de service public du camping au préjudice de la SARL [K] Frères.

Toutefois, hormis le courrier du 2 mars 2017 adressé à [C] [K] et dont rien n’établit qu’il a été communiqué au maire de la commune d'[Localité 2], les courriers ultérieurs produits par les intimés, à l’appui de ce grief, et le SMS du 27 avril 2018 sont tous postérieurs à la démission d'[A] [K] de son mandat social, de sorte qu’ils ne peuvent caractériser une faute de gestion au sens de l’article L. 223-22 du code de commerce.

En outre, il ressort du courrier du nouveau maire d'[Localité 2], daté du 11 octobre 2021, que la concession de service public accordée à la SARL [K] Frères pour la gestion du camping municipal a été dénoncée pour des motifs étrangers à la mésentente de ses associés, à savoir :

– le caractère sous évalué de la part fixe et de la part variable de la redevance d’occupation, au regard du développement du camping et de son chiffre d’affaires, et le silence gardé par la SARL [K] Frères aux propositions de réévaluation formulées par la commune d'[Localité 2] par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juin 2021 ;

– les conséquences du refus du concessionnaire de modifier les conditions économiques du contrat sur les effets attendus de l’avenant de prolongation du 8 juin 2020 ;

– les risques de distorsion de concurrence tirés des conditions d’exploitation du camping municipal d'[Localité 2].

Il ressort ainsi de cette correspondance que les motifs de la résiliation de la concession de service public sont étrangers au conflit opposant [A] et [C] [K] et relèvent de l’absence d’accord entre la SARL [K] Frères, alors gérée par [C] [K], et la commune d'[Localité 2] sur la revalorisation de la redevance fixée par la convention initiale et son avenant du 8 juin 2020.

Il n’est ainsi pas démontré qu'[A] [K] aurait commis, durant son mandat social, des fautes de gestion de nature à porter atteinte au crédit de la SARL [K] Frères et qui seraient la cause de la résiliation de la concession du camping municipal.

La SARL [K] Frères et [C] [K] sont ainsi déboutés de leur demande respective de dommages et intérêts, de 20 000,00 euros pour la première et de 10 000,00 euros pour le second.

‘ Les détournements opérés par [A] [K] au préjudice de la SARL [K] Frères, au profit de son entourage :

Il ressort des pièces versées aux débats que plusieurs mobil-homes appartenant à l’entourage d'[A] [K] ont été implantés sur le camping.

Trois étaient la propriété d'[R] [K], deux celle de [N] [K], toutes les deux filles d'[A] [K].

Mesdames [S] [G], [M] [B] et Madame [H] étaient chacune propriétaire d’un mobil-home.

Or, aucune implantation n’a fait l’objet d’une contrat de location à l’année avec le camping Blue Ocean et aucune facture de location d’emplacement n’a été émise par la SARL [K] Frères à destination des propriétaires concernés.

En outre, le commissionnement du camping sur les frais de gestion locative, d’entretien et de ménage a été prélevé au taux de 10 % sur le prix des séjours encaissés, rétrocédés, au lieu du taux de 30 % habituellement pratiqué, sans que la diminution de ce taux soit justifiée, au regard de critères vérifiables par la cour. Enfin, les consommations d’eau, d’électricité et de gaz n’étaient pas non plus facturées.

En tenant compte de la prescription des faits antérieurs au 11 septembre 2015, la cour retiendra , en lecture du tableau produit par les intimés (pièce 61), que le préjudice subi par la société [K] Frères doit être réparé à hauteur de 44 000,00 euros,  en ajoutant aux loyers et commissions éludés sur la période postérieure au 11 septembre 2015 une somme forfaitaire au titre des consommations d’eau, de gaz et d’électricité non facturées.

A cet égard, il convient de préciser que les loyers qui auraient dû être réclamés à [R] [K] s’élèvent à 18001,19 euros en ajoutant aux loyers de 2016 et 2017 une somme de 762 euros correspondant au loyer du quatrième trimestre 2015. Les loyers qui devaient être réclamés à [N] [K] s’élèvent à 6962 euros. Ceux de Madame [H] à 3200,00 euros et ceux de Madame [B] à 6200,00 euros. Quant à Madame [S] [G], seul le loyer du quatrième trimestre 2015, de l’ordre de 762 euros, peut être réclamé, les intimés ne formulant aucune demande au titre des années 2016 et 2017.

S’agissant du différentiel sur les commissions prélevées par le camping, l’action est prescrite pour les séjours facturés avant le 11 septembre 2015.

‘ Les détournements au préjudice de la société [K] Frères au moyen de versements au profit des deux filles d'[A] [K] , de son épouse [V] [K], ainsi que de ses trois compagnes successives pour un montant total de 24391,29 euros entre 2013 et 2016 :

Les intimés font état et produisent les copies des chèques suivants émis par [A] [K] sur le compte de la société :

– Les 15 septembre 2013 au profit de ses deux filles, [R] et [N] [K] et 15 septembre 2012 au profit de son épouse [V] [K] pour respectivement 4.833€, 4.628,79 € et 3.838,50 € ;

– Le 8 septembre 2014 au profit de Madame [P] pour un montant de 4.991€ ;

– Le 31 août 2015 au profit de Madame [B] pour un montant de 3.100 € ;

– Le 12 décembre 2016 au profit de Madame [G] pour un montant de 3.000 € ;

représentant la somme totale de 24 391,29 euros.

Ils indiquent que sur les livres comptables de la SARL [K] Frères, les chèques en question visent de prétendues rétro-commissions sur gestion locative attribuées à 3 propriétaires dénommés [L], [O] ou [I].

Toutefois, il ressort des conclusions des intimés que seuls les chèques émis au bénéfice de [V] [K], [X] [P], [M] [B] et [U] [G] auraient fait l’objet d’une dissimulation sous une imputation comptable fausse. En outre les écritures comptables correspondantes ne sont ni produites, ni ne font l’objet d’un avis de l’expert comptable ayant certifié, à l’époque, l’exactitude des comptes sociaux.

Dans ces conditions les détournements allégués n’apparaissent pas établis et cette demande est rejetée.

‘ La violation de l’article 8 des statuts de la société [K] Frères en matière de répartition des dividendes :

A l’exception de l’exercice 2012 et sur la période de 2007 à 2016, [A] [K] a perçu 50 % des dividendes distribués, alors qu’il ne détenait que 30 % des parts sociales. Toutefois, cette répartition égalitaire des bénéfices, si elle méconnaît les dispositions statutaires, a été ratifiée par [C] [K] , même si celui-ci soutient que c’était le cas a posteriori, après l’établissement de procès-verbaux de délibérations auxquelles il n’avait pas participé et qui lui étaient soumis après coup par son frère, pour approbation, sans qu’il puisse s’y opposer, alors qu’en réalité, étant associé majoritaire, il pouvait parfaitement remettre en cause ce partage égalitaire des dividendes distribués.

Au contraire, comme le souligne l’appelant, [C] [K] a, dans un courrier du 10 octobre 2012, suggéré ce partage des dividendes par moitié, à partir de l’ exercice se terminant le 31 mars 2013, du fait qu'[A] [K] n’était plus salarié.

Le préjudice invoqué par [C] [K] n’est ainsi pas caractérisé et il convient de le débouter de sa demande tendant à la condamnation d'[A] [K] à lui payer la somme de 212 000,00 euros pour détournement de dividendes.

Sur les demandes reconventionnelles d'[A] [K] :

En première instance, [A] [K] formulait les demandes reconventionnelles suivantes :

« ‘ Condamner Monsieur [C] [K] à verser à Monsieur [A] [K] la somme de 250 000,00 euros de dommages et intérêts au titre de la réparation de l’intégralité de ses préjudices subis, tous chefs de préjudices confondus en tant qu’associé et gérant révoqué de manière brutale et vexatoire de la société [K] Frères et de la SCI Airial du Seignanx ;

‘ Prononcer l’annulation de la convention de prestations administratives conclue entre la SARL [K] Frères et la société Blue Ocean pour fraude de Monsieur [C] [K] ;

‘ Condamner Monsieur [C] [K] à verser à la SARL [K] Frères la somme de 250 000,00 euros de dommages et intérêts au titre des fautes de gestion, du parasitisme et de la concurrence déloyale exercée par la SAS Blue Ocean grâce au concours de Monsieur [C] [K] ;

‘ Condamner Monsieur [C] [K] à payer à Monsieur [A] [K] la somme de 4000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamner Monsieur [C] [K] aux entiers dépens ;

‘ Prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Le tribunal a, dans les motifs de sa décision, débouté [A] [K] de l’ensemble de ses demandes à titre reconventionnel, en considérant que «  la partie défenderesse avance des arguments ne répondant pas aux griefs soulevés contre elle dans la présente instance ».

Dans le dispositif du jugement, cette décision est incluse dans le chef de décision suivant: «  déboute les parties de leurs autres chefs de demande , fin et conclusions ».

A hauteur d’appel, [A] [K] renouvelle ses demandes reconventionnelles en majorant les sommes réclamées. La SARL [K] Frères et [C] [K] soulèvent en premier lieu l’irrecevabilité de ces demandes, en application de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 2017-891 du 6 mai 2017, suivant lequel l’appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Ils rappellent que c’est la déclaration d’appel qui indique les chefs du jugement expressément critiqués et que l’appelant ne peut, par des conclusions postérieures, sortir des limites qu’il a assignées à son appel.

La limitation de l’effet dévolutif aux questions déférées à la juridiction d’appel entraîne la conséquence de l’acquisition de l’autorité de la chose jugée aux chefs du jugement non critiqués.

[A] [K] considère qu’aucune irrecevabilité ne peut lui être opposée, car il a bien interjeté appel, en ce qu’il avait été débouté de ses demandes reconventionnelles. S’agissant de demandes relatives à la gestion de la société [K] Frères par [C] [K], il estime qu’il s’agit bien de demandes reconventionnelles parfaitement recevables.

En l’espèce, la déclaration d’appel est ainsi rédigée :

« Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués Le greffier de la Cour d’Appel de PAU vous avise de la déclaration d’appel dans l’affaire mentionnées ci-dessus dont l’objet est d’obtenir la réformation ou l’annulation de tous les chefs du jugement portant grief à l’appelant, ainsi que ceux qui en dépendent et particulièrement en ce que le Tribunal a :

– dit et jugé irrecevable le moyen, soulevé par M. [A] [K], et tiré de la prescription des faits fautifs,

– condamné M. [A] [K] au titre du non-respect de la procédure des conventions réglementées, à payer à la SARL [K] FRERES la somme de 30.000,00 € de dommages et intérêts pour perte de loyer, commissionnement et charges courantes,

– condamné M. [A] [K] au titre de détournements, à payer à la SARL [K] FRERES la somme de 80.000,00 € de dommages et intérêts pour perte de loyer, commissionnement et charges courantes concernant les mobil-homes personnels de [R] et [N] [K] ses filles, de [S] [G], [M] [B] et Madame [H], son entourage.

– condamné M. [A] [K] à payer à la SARL [K] FRERES la somme de 24.391,29 € au titre de versements occultes au profit de ses deux filles, [R] et [N] [K], son épouse [V] [K], son entourage [S] [G], [X] [P] et [M] [B]

– condamné M. [A] [K] à payer à la SARL [K] FRERES la somme de 5000,00 € et à M. [C] [K] la somme de 2.500,00€ au titre de l’article 700 CPC

– condamné M. [A] [K] aux entiers dépens comprenant le coût des frais du jugement liquidés à la somme de 104,20 € TTC.

Les dispositions du jugement étant également contestées en ce qu’il a débouté M. [A] [K] de ses demandes contraires aux chefs du jugement critiqué.

Outre le jugement critiqué ci-joint, la liste des pièces sur lesquelles se fonde l’appel est communiquée par bordereau annexé et sous réserve de la communication ultérieure desdites pièces. »

Selon l’article 562, alinéa 1er du code de procédure civile, l’ appel ne défère à la cour d’ appel que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s’entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués (cassation 2e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-13.490 ).

Selon le second alinéa de ce texte, la dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En l’espèce, les chefs du jugement expressément critiqués, tels qu’ils sont énumérés dans la déclaration d’appel, concernent la fin de non-recevoir tirée de la prescription, les demandes principales et les demandes accessoires de la SARL [K] Frères et de [C] [K].

Or, le rejet des demandes reconventionnelles d'[A] [K] n’était pas la conséquence des chefs du jugement critiqué, s’agissant de demandes sans lien suffisant avec les prétentions originaires de la SARL [K] Frères et de [C] [K], puisque ces demandes concernaient la période de gestion de [C] [K] postérieure à la démission d'[A] [K] et la requalification de cette démission en révocation déguisée, «  brutale et vexatoire ».

Dès lors, le chef du jugement ayant rejeté ces demandes reconventionnelles, par la formule : «  déboute les parties de leurs autres chefs de demande, fin et conclusions » devait être expressément critiqué.

L’appelant s’est contenté par une formule difficilement compréhensible d’ajouter dans sa déclaration d’appel « Les dispositions du jugement étant également contestées en ce qu’il a débouté M. [A] [K] de ses demandes contraires aux chefs du jugement critiqué. ».

Les demandes reconventionnelles n’étant pas des demandes contraires aux chefs du jugement critiqués, puisqu’elles tendent à obtenir un avantage autre que le simple rejet des prétentions adverses, la déclaration d’appel devait indiquer, pour saisir la cour de ces demandes, que l’appel visait également à la réformation du chef du jugement ayant débouté [A] [K] de ses demandes reconventionnelles, quitte à citer littéralement le chef décisionnel induisant ce rejet.

Et n’est pas de nature à lever cette imprécision la formule liminaire générale de la déclaration d’appel indiquant que l’appel a pour objet « d’obtenir la réformation ou l’annulation de tous les chefs du jugement portant grief à l’appelant, ainsi que ceux qui en dépendent et particulièrement en ce que le Tribunal a : …( suivent les chefs du jugement expressément critiqués).

Dès lors, la cour n’est pas saisie par l’effet dévolutif de l’appel des demandes reconventionnelles d'[A] [K].

Sur les demandes annexes :

[A] [K] qui succombe pour l’essentiel supportera la charge des dépens de première instance et d’appel ;

Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties, l’équité justifie de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné [A] [K] à payer à la SARL [K] Frères et à [C] [K], respectivement, 5000,00 euros et 2500,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens de première instance, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche, l’équité ne justifie pas de faire application des mêmes dispositions à hauteur d’appel, [A] [K] ayant obtenu l’infirmation partielle du jugement sur la prescription, le montant des condamnations prononcées et le rejet de la demande de condamnation au titre de versements occultes au bénéfice de son entourage.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu la déclaration d’appel,

Juge que la cour n’est pas saisie, par l’effet dévolutif de la déclaration d’ appel, des demandes reconventionnelles d'[A] [K],

Statuant dans les limites de la saisine de la cour

Infirme le jugement, sauf en ce qui concerne les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Retient la prescription de l’action en responsabilité exercée contre [A] [K], sur le fondement de l’article L. 223-22 du code de commerce pour la période des faits antérieurs au 11 septembre 2015, sauf en ce qui concerne les faits dissimulés retenus par la cour, à savoir :

‘ l’implantation et l’exploitation sans soumission d’une convention réglementée du mobil-home MH 02 appartenant à [A] [K], exploité sous l’identité d'[L],

‘ les versements par chèques au bénéfice de [V] [K] et [X] [P],

Condamne [A] [K] à payer à la SARL [K] Frères une somme 9 000,00 euros, pour manquements aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux SARL, en matière de convocation des assemblées générales,

Condamne [A] [K] à payer à la SARL [K] Frères une somme de 15 000,00 euros pour manquement aux dispositions sur les conventions réglementées, s’agissant de la location et de l’exploitation du mobil-home MH02 appartenant à [A] [K],

Condamne [A] [K] à payer à la SARL [K] Frères une somme de 44 000,00 euros au titre de l’exploitation locative de mobil-homes appartenant à son entourage, sans contrepartie suffisante pour la SARL [K] Frères (perte de loyers, commissionnement réduit injustifié et non facturation des consommations d’eau, de gaz et d’électricité),

Déboute la SARL [K] Frères de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 30 0000,00 euros, pour fautes de gestion tenant à un défaut de projection et de maintien d’un niveau d’investissement constant pour permettre le renouvellement des installations du camping,

Déboute la SARL [K] Frères de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 20 000,00 euros, au titre du préjudice financier,

Déboute la SARL [K] Frères de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 20 000,00 euros, au titre de la mise en péril de la concession du domaine public et d’atteinte à l’image de la société,

Déboute [C] [K] de sa demande de dommages et intérêts, à hauteur de 10 000,00 euros, pour préjudice financier,

Déboute [C] [K] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 10 000,00 euros, pour préjudice moral,

Déboute [C] [K] de sa demande tendant à la condamnation d'[A] [K] à lui payer la somme de 212 000,00 euros pour détournement de dividendes.

Condamne [A] [K] aux dépens d’appel,

Déboute les parties de leur demande respective formée en application de l’article 700 du code de procédure civile, s’agissant des frais non compris dans les dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, Le Président,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x