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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 26/01/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/05262 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T4RG
Jugement (N° 2019/1577) rendu le 22 septembre 2021 par le tribunal de commerce d’Arras
APPELANTE
Madame [B] [J]
née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 4]
de nationalité française
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Etienne Prud’homme, avocat au barreau d’Arras, avocat constitué
assistée de Me Yannick Enault et Me Grégoire Leclerc, avocats au barreau de Rouen, avocats plaidant
INTIMÉE
SA CIC Nord Ouest représentée par son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
ayant son siège social, [Adresse 3]
représentée par Me Martine Vandenbussche, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 15 novembre 2022 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 septembre 2022
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La SARL Be, dont Mme [B] [J] est la gérante, a souscrit auprès de la banque CIC Nord-ouest, par acte sous seing privé en date du 9 février 2016, un prêt professionnel destiné au financement de la création d’un magasin Shop coiffure.
Ce prêt d’un montant de 110 000 euros au taux d’intérêt de 2,90 % devait être remboursé en 84 mensualités de 1 487,01 euros.
En garantie des engagements souscrits par la SARL Be au titre de ce prêt, la banque CIC Nord-ouest a recueilli le cautionnement solidaire de Mme [J] qui, en sa qualité de gérante, s’est portée caution à hauteur de la somme de 55 000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités et intérêts de retard, et ce pour une durée de 110 mois.
La SARL Be a été défaillante dans le remboursement des échéances du prêt à partir du mois de novembre 2018.
Après des mises en demeure restées infructueuses, la banque a, par courrier recommandé en date du 8 mars 2019, prononcé la déchéance du terme du prêt et mis en demeure la SARL Be de lui rembourser la somme totale de 76 650,43 euros.
Cette mise en demeure est restée vaine.
Par courrier en date du 8 mars 2019, la banque CIC Nord-ouest a également mis en demeure Mme [J] d’avoir à honorer son engagement de caution, lui demandant 25 % de l’encours.
Par jugement en date du 22 mars 2019, le tribunal de commerce d’Arras a placé la SARL Be en liquidation judiciaire.
La banque CIC Nord-ouest a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire et mis à nouveau en demeure par lettre RAR en date du 2 avril 2019 Mme [J] d’avoir à honorer son engagement de caution et de trouver une solution amiable.
Ce courrier est resté sans effet.
La banque CIC Nord-ouest a déposé, le 16 juillet 2019, une requête en injonction de payer devant le président du tribunal de commerce d’Arras.
Par ordonnance portant injonction de payer en date du 31 juillet 2019, Mme [J] a été condamnée à payer la somme de 19 180,10 euros, les intérêts au taux conventionnel de 2,9 % à compter du 9 mars 2019, outre les entiers dépens.
Madame [J] a formé opposition à ladite ordonnance le 29 août 2019.
Par jugement contradictoire en premier ressort en date du 22 septembre 2021, le tribunal de commerce d’Arras a :
– rétracté l’ordonnance d’injonction de payer du 31 juillet 2019 rendue par Monsieur le Président du tribunal de commerce d’Arras à l’encontre de Madame [B] [J];
– condamné Madame [B] [J] en sa qualité de caution solidaire de la société SARL Be au paiement à la SA banque CIC Nord-ouest de la somme de 19 180,10 euros au titre du prêt de 110 000 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 2,90 % l’an à compter du 9 mars 2019 et jusqu’à parfait règlement;
– déclaré non fondée Madame [B] [J] en l’ensemble de ses demandes fins moyens et conclusions et l’en déboute ;
– condamné Madame [B] [J] à payer à la SA banque CIC Nord-ouest la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile;
– l’a condamnée aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais et débours de greffe taxés et liquidés à la somme de 118,51 euros ;
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;
– débouté Madame [B] [J] de l’ensemble de ses demandes.
Par acte en date du 12 octobre 2021, Mme [B] [J] a interjeté appel, reprenant dans son acte d’appel l’ensemble des chefs de la décision précitée.
MOYENS ET PRÉTENTIONS :
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique en date du 28 juin 2022, Mme [B] [J] demande à la cour, de :
– débouter le CIC de l’intégralité de ses demandes,
– déclarer recevable et bien-fondé madame [B] [J] en son appel du jugement rendu le 22 septembre 2021 par le tribunal de commerce d’Arras,
– y faisant droit : réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions
– ce faisant,
– Vu L’article L341-4,1147 anciens du code civil,
– Vu l’ordonnance portant injonction de payer,
– déclarer bien fondée madame [B] [J] en toutes ses demandes,
– prononcer la nullité du cautionnement souscrit par madame [J] en garantie du prêt du 9 février 2016 et à défaut son inopposabilité,
– en conséquence, dire n’y avoir lieu à condamnation à l’encontre de Mme [J] et débouter la SA banque CIC de toutes ses demandes,
– condamner la SA banque CIC à régler à Mme [J] la somme de 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,
– la condamner à payer à Mme [J] 3 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du CPC,
– outre les dépens.
Elle conclut à la disproportion de son engagement, les premiers juges n’ayant pas pris en compte l’engagement global de la caution constitué de cautionnements antérieurs et d’un prêt immobilier. Il devait être tenu compte, non de la seule charge financière des mensualités, mais de l’encours restant dû. Au vu de la fiche de renseignement, l’actif était largement inférieur à l’endettement global.
Lors de l’appel, la disproportion manifeste de l’engagement, s’apprécie uniquement au regard de ses seuls revenus et biens personnels, la caution étant mariée sous le régime de la séparation de biens. Il ne pouvait être tenu compte du potentiel prix de vente de la maison pour écarter toute contestation quant à la validité et la portée de l’acte de cautionnement.
Mme [J] souligne que la banque connaissait parfaitement sa situation financière et ne pouvait dès lors se retrancher derrière les mentions de la fiche patrimoniale pour tromper les premiers juges. Toutes les informations avaient été régulièrement communiquées selon le formalisme imposé par le CIC. Aux termes de ce document, il n’est proposé aucune mention sur le concubinage. Des renseignements supplémentaires auraient dû être demandés, la fiche étant particulièrement sommaire. Il existait en l’espèce une incohérence apparente à savoir l’engagement en qualité de caution pour un prêt antérieur.
Au vu des capacités financières de Mme [J] connues de la banque, un risque d’endettement né de l’octroi du prêt consenti à la société Be existait. D’ailleurs une procédure de liquidation judiciaire a été prononcée en 2019. Ce comportement de la banque l’a privée d’une chance d’éviter les conséquences dommageables de la réalisation du risque, pour le cas où la société Be ne serait pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt professionnel. Le préjudice moral et financier créé doit être intégralement réparé.
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 6 avril 2022, la banque CIC Nord-ouest demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1193 et l’article 2288 du code civil, de :
– déclarer recevable et bien fondé le CIC Nord-ouest en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions ;
– y faire droit ;
– en conséquence,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
– et statuant à nouveau,
– condamner Madame [J] [B] en sa qualité de caution solidaire de la société SARL Be au paiement de la somme de 19 180,10 euros au titre du prêt de 110 000,00 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 2,90 % l’an à compter du 09 mars 2019 et jusqu’à parfait règlement ;
– déclarer non fondée Madame [J] [B] en l’ensemble de ses demandes, fins moyens et conclusions et l’en débouter ;
– condamner Madame [J] [B] à payer au CIC Nord-ouest la somme de 2 500,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers frais et dépens
Après avoir rappelé que la sanction d’une disproportion est l’inopposabilité, elle souligne que Mme [J] ne démontre pas l’existence de cette disproportion et se contente d’affirmations.
La fiche de renseignement sur la situation patrimoniale n’établissait aucune disproportion, Mme [J] ne pouvant opposer qu’elle assumait les charges courantes de la vie, ayant elle-même partagé les charges avec son conjoint, et qu’elle était tenue par un engagement de caution antérieur, dont elle a omis, en dépit de son devoir de loyauté et de collaboration, de préciser le montant.
Compte tenu des déclarations faites par la caution, le caractère manifeste de la disproportion n’est pas établi, au vu de son patrimoine immobilier de valeur supérieure à la somme garantie, sur lequel pèse des charges modérées, l’engagement n’étant pas en outre d’un montant supérieur à trois fois ses revenus annuels.
La disproportion devant également s’apprécier au moment où la caution est appelée, en cas de disproportion retenue lors de la souscription, il convient de relever que Mme [J] ne verse aux débats aucune pièce probante justifiant de sa situation financière actuelle et se contente d’affirmations.
Il est acquis que Mme [J] est propriétaire de sa résidence principale, le prix de cette dernière suffisant, à lui seul, à désintéresser la banque des sommes dues. Même en l’absence de plus-value en 6 ans de ce bien, sa valeur libre de toute charge d’emprunt au regard du tableau d’amortissement produit par Mme [J] à la date de janvier 2020 est de 41 156,32 euros.
La banque conteste toute violation du devoir de mise en garde, Mme [J] étant une caution avertie, en sa qualité de gérante et associée fondateur de la société et justifiant d’une expérience dans le domaine des affaires. Elle était en outre parfaitement avertie de la situation comptable et financière de la société qu’elle dirigeait et avait fondée, ayant en outre une parfaite connaissance de l’activité qu’elle entreprenait au moment de la signature.
Il n’est nullement démontré que la banque ait eu des informations ignorées de la caution sur ses revenus, son patrimoine, et ses facultés de remboursement.
Même à la supposer non avertie, Mme [J] verrait sa demande rejetée, faute d’établir le caractère disproportionné de son engagement au regard de ses capacités financières ou son risque d’endettement. Elle ne peut valablement soutenir que son endettement lors de l’engagement avoisinait les 250 % et que ces capacités financières ne lui auraient pas permis de rembourser l’engagement.
Elle estime sa créance incontestable, certaine et bien fondée, sollicitant la condamnation de la caution.
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L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2022
À l’audience du 15 novembre 2022, le dossier a été mis en délibéré au 26 janvier 2023.
MOTIVATION
Au préalable, il convient de noter que, par impropriété de langage, Mme [J] sollicite la nullité de l’engagement de caution, sans qu’aucune cause de nullité dudit cautionnement ne soit alléguée par la caution, laquelle se contente d’invoquer le caractère disproportionné de l’engagement, dont la sanction n’est nullement la nullité mais l’impossibilité pour la banque, à supposer la disproportion établie, de s’en prévaloir.
– Sur le caractère disproportionné de l’engagement de caution
Aux termes de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Selon ce texte, la proportionnalité de l’engagement de la caution au regard de ses facultés contributives est évaluée en deux temps : au jour de la conclusion du contrat de cautionnement et, à supposer l’existence d’une disproportion à cette date, au jour de son exécution, la caution pouvant revenir à meilleure fortune.
C’est la situation financière globale de la caution, c’est-à-dire ses ‘facultés contributives’, qui doit être appréhendée au jour de l’engagement.
L’exigence de proportionnalité impose au créancier de s’informer sur la situation patrimoniale de la caution, c’est-à-dire l’état de ses ressources, de son endettement, et de son patrimoine, ainsi que de sa situation personnelle (régime matrimonial).
La disproportion s’apprécie lors de la conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l’engagement souscrit et des biens et revenus de la caution, et en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d’engagements de caution antérieurs.
Au sens de ce texte et de la jurisprudence subséquente, une disproportion manifeste au regard des facultés contributives de la caution est une ‘disproportion flagrante et évidente pour un professionnel normalement diligent’ entre les engagements de la caution et ses biens et revenus.
Le contrôle de l’établissement de crédit repose sur les informations communiquées par les cautions sur une fiche de renseignement, étant précisé que la charge de la preuve pèse sur le débiteur et que l’établissement bancaire n’est pas tenu de vérifier, en l’absence d’anomalies apparentes, l’exactitude des informations contenues dans la fiche de renseignement, la communication des informations reposant sur le principe de bonne foi, à charge pour les cautions de supporter les conséquences d’un comportement déloyal.
Le prêt litigieux et le cautionnement garantissant son paiement ont été souscrits le 9 février 2016 tandis que la fiche patrimoniale dont se prévaut la banque a été remplie et signée par Mme [J] le 14 septembre 2015.
Il ressort de cette fiche que Mme [J] se déclare célibataire avec un enfant à charge, né en 2009, et gérante d’un commerce depuis 5 ans, faisant état d’une rémunération à hauteur de 2 000 euros pour elle-même et 1 200 euros pour son concubin, et de charges de 756,34 euros au titre des crédits en cours.
Il y est mentionné un patrimoine immobilier en propre, à la valeur estimée de 130 000 euros, qui est la résidence familiale, financé par un emprunt à hauteur de 111 775 euros, l’échéance finale étant juillet 2034 et le capital restant dû de 107 391,50 euros, soit une valeur nette immobilière de 22 608 euros. Y figure également un prêt personnel présentant un capital restant dû de 1 560 euros, outre un cautionnement professionnel en faveur de la Banque BP2L à [Localité 5].
La banque ne peut sérieusement soutenir que Mme [J] a manqué de loyauté à son égard et failli à son obligation d’information, en n’indiquant pas le montant du cautionnement antérieur alors même que cette dernière a méticuleusement répondu aux questions de la banque sur ce point, dont aucune ne conduisait la caution à préciser le montant de l’engagement antérieur.
Aucun reproche ne peut être fait à Mme [J] dans l’indication de ses revenus, seuls les revenus fiscaux 2014, au vu de la date de la fiche de renseignement, et les revenus fiscaux 2015 au vu de la date de signature du cautionnement, pouvant être pris en compte.
La fiche de renseignement, qui mentionnait la présence d’un cautionnement antérieur, sans indication du montant de ce dernier, présentait indéniablement des anomalies ou des imprécisions apparentes, qui auraient dû conduire la banque à se renseigner ou à tout le moins à rechercher auprès de Mme [J] des éléments complémentaires.
Cette absence d’information induite par le questionnaire succinct et lacunaire de la banque ne saurait être opposée à Mme [J] pour la priver de la possibilité de se prévaloir de l’existence de cette charge, ledit cautionnement portant sur un montant de 48 000 euros pour un prêt dont le capital restant dû au 14 septembre 2015 était de 63 907 euros, selon les indications de l’appelante non contestées.
Au jour de l’engagement de caution du 9 février 2016, le patrimoine ainsi que les ressources de Mme [J], célibataire, en concubinage, avec un enfant à charge, au regard des renseignements reportés sur la fiche de renseignement et de l’existence de ce cautionnement antérieur pour un montant conséquent, ne lui permettaient pas de s’engager en qualité de caution du prêt professionnel de 110 000 euros à hauteur de 55 000 euros, ledit cautionnement étant manifestement excessif au vu de ses facultés contributives.
Contrairement à ce qu’affirme la banque CIC Nord-ouest, c’est au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion d’établir qu’au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.
Au jour de l’appel du cautionnement, les pièces établissent que Mme [J] est désormais mariée, sous un régime de séparation de biens, selon ses indications non contestées par la banque, avec 3 enfants à charge et dispose toujours de sa résidence principale, évaluée à 130 000 euros sans qu’il soit ni allégué ni établi que la valeur dudit bien ait pu être minorée, le patrimoine net immobilier à prendre en compte étant donc de 37 037 euros en mars 2019.
Un crédit à la consommation souscrit en août 2016 est en cours, avec un capital restant dû en juillet 2019 à hauteur de 7 619,37 euros. L’appelante indique être toujours caution du prêt professionnel de la SARL LBN dont le capital restant dû est de 15 988 euros, selon ses propres déclarations non contestées par la banque.
Au vu du patrimoine net immobilier détaillé ci-dessus, des engagements souscrits et toujours en cours, et au regard de ses ressources et des charges de la vie courante pour une famille de 5 personnes, dont 3 enfants à charge, Mme [J], mariée sous le régime de séparation de biens, est en mesure de faire face à l’engagement souscrit lors de l’appel de ce cautionnement.
Dès lors, au vu de l’ensemble de ces éléments, ce moyen tiré de la disproportion du cautionnement ne peut qu’être rejeté, aucune inopposabilité dudit engagement ne pouvant être opposée à la banque.
– Sur les sommes dues au titre de l’engagement de caution
Aux termes des dispositions de l’article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Aux termes de l’article 1315 ancien du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Le contrat de prêt prévoit expressément que « le prêteur aura la faculté, sans formalité ni mise en demeure préalable, de rendre immédiatement exigibles les sommes des présentes, nonobstant les termes et délais fixés’ dans le cas d’un retard de plus de trente toujours dans le paiement partiel ou total d’une échéance en principal, intérêts et accessoires » .
L’acte de prêt et les mentions manuscrites du cautionnement rappellent que la caution solidaire renonce aux bénéfices de discussion et de division et est tenue de payer au prêteur ce que doit et devra le cautionné au cas où ce dernier ne ferait pas face à ce paiement un motif quelconque.
Le 8 mars 2019, la banque s’est prévalue de la déchéance du terme par courrier recommandé adressé à l’emprunteur et a déclaré sa créance au passif de la société Be, dans le cadre de la procédure collective ouverte à son encontre suivant jugement du 22 mars 2019, par courrier du 1er avril 2019.
À la date de la déchéance du terme, soit le 8 mars 2019, il restait dû par l’emprunteur, les échéances impayées : 7 326,92 euros, le capital restant dû : 64 282,65 euros, les intérêts au taux contractuel de 2,9 % l’an, et l’indemnité conventionnelle de 7 %.
Par courrier recommandé en date du 8 mars 2019, réceptionné le 15 mars 2019, la banque a mis Mme [J] en demeure suivant décompte joint de garantir les sommes dues à hauteur de 19 180,10 euros, correspondant à 25 % de l’encours, outre les intérêts dus jusqu’à parfait règlement.
Le quantum sollicité en toutes ses composantes, accessoires et intérêts compris, n’est nullement critiqué par Mme [J], la banque justifiant amplement au vu des pièces versées aux débats et précitées de sa créance.
En conséquence, la décision des premiers juges est confirmée en ce qu’elle a condamné Mme [J], en qualité de caution solidaire de la société SARL Be à payer la somme de 19 180,10 euros au titre du prêt de 110 000 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 2,9 % et jusqu’à parfait règlement.
– Sur le devoir de mise en garde de la banque
L’article 1147 ancien du code civil dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Le banquier est débiteur d’une obligation de mise en garde à l’égard de la caution non avertie.
Le caractère averti de la caution s’évalue au regard des aptitudes de celle-ci à comprendre la portée de son engagement, à apprécier le risque inhérent à l’engagement et de son expérience dans les affaires, mais aussi en fonction du niveau d’information sur la situation financière du débiteur principal.
La banque ne peut se décharger de son obligation de mise en garde par une clause contractuelle.
La banque, dans le cadre de son obligation de mise en garde, est soumise à une double obligation, à savoir, d’une part, attirer l’attention de la caution sur le risque d’endettement né de l’octroi des prêts au débiteur principal, notamment le risque de défaillance de l’emprunteur, d’autre part, lui exposer les risques de l’opération en tenant compte de ses propres facultés contributives.
Le banquier n’est débiteur de l’obligation de mise en garde qu’à l’égard des cautions non averties et si l’opération envisagée comporte un risque pour celles-ci. Celui qui se prévaut d’un manquement doit d’abord prouver que l’opération présentait un risque.
Si la qualité de dirigeant de la société cautionnée ne suffit pas forcément, à soi seule, à démontrer le caractère averti de la caution, il convient de relever que Mme [J], certes, seulement âgée de 31 ans lors de la souscription de l’engagement, disposait d’une expérience entrepreneuriale ancienne, ayant déclaré dans la fiche de renseignement être gérante depuis 5 ans d’un commerce et les statuts de la société LBN produits par la banque en date du 15 janvier 2013 attestant de sa qualité de gérante et associé majoritaire depuis cette date.
Outre la gérance de cette société et de la société Be, créée en 2015, il ressort des statuts de la société civile FB qu’elle était également gérante et associée majoritaire de ladite société à compter de septembre 2015.
Le secteur d’activité dans laquelle intervenait l’emprunteur lui était familier puisque similaire à celui de la société LBN. En outre, de par ses fonctions également de gérante de la société emprunteuse et d’associée majoritaire, elle avait nécessairement connaissance de la situation financière de l’entreprise, du secteur d’activité ainsi que de la trésorerie de cette dernière, sans qu’il soit justifié que la banque ait eu connaissance de toutes ces informations ou ait disposé d’informations supplémentaires qu’elle ignorait et dont elle ne l’aurait pas informée.
L’opération litigieuse n’était pas d’une particulière complexité s’agissant d’un cautionnement solidaire, opération qu’elle avait tant à titre personnel que professionnel d’ores et déjà souscrite, comme l’attestent les pièces versées aux débats.
Au vu de ces éléments, Mme [J] ne saurait être qualifiée de caution non avertie, aucune obligation de mise en garde spécifique ne pesant dès lors sur la banque, ce qui justifie la confirmation de la décision des premiers juges ayant rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [J] pour manquement à cette obligation.
– Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [B] [J] succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.
Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont confirmés.
Le sens de la présente décision commande de condamner Mme [B] [J] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande d’indemnité procédurale de Mme [J] ne peut qu’être rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce d’Arras en date du 22 septembre 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [B] [J] à payer la Banque CIC Nord-ouest la somme de 2 500 euros au sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Mme [B] [J] de sa demande d’indemnité procédurale ;
LA CONDAMNE aux dépens d’appel.
Le greffier
Marlène Tocco
Le président
Samuel Vitse