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Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du 25 JANVIER 2023
N° RG 21/00671
N° Portalis DBVE-V-B7F-CB6K
JD – C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’AJACCIO, décision attaquée en date du
7 Juin 2021, enregistrée sous le n° 18/00029
CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA R EUNION
C/
[P]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
VINGT-CINQ JANVIER
DEUX-MILLE-VINGT-TROIS
APPELANTE :
CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Sarah SENTENAC de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocate au barreau d’AJACCIO
INTIMÉ :
M. [G] [O] [N] [P]
né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 4] (BOUCHES DU RHÔNE)
[Adresse 5]
[Localité 1]
défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 novembre 2022, devant Judith DELTOUR, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Vykhanda CHENG.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023
ARRÊT :
Rendu par défaut,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Alléguant la souscription d’un prêt par la S.A.R.L. Kalliste invest, sa liquidation judiciaire le 17 septembre 2014, sa déclaration de créance le 22 octobre 2014 et le cautionnement solidaire de M. [G] [P] le 26 septembre 2009, l’impossibilité de recouvrer les créances et des mises en demeure par lettres recommandées avec accusés de réception, par acte du 20 octobre 2017, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de La Réunion a assigné M. [P] devant le tribunal de grande instance d’Ajaccio pour obtenir sa condamnation au paiement en principal de 528 035,84 au titre de ses engagements de caution.
Par jugement du 6 janvier 2020, le tribunal judiciaire d’Ajaccio a ordonné une vérification d’écriture et désigné Mme [X] [K] [E] pour y procéder.
Suivant dépôt du rapport le 28 septembre 2020, par jugement du 7 juin 2021, le tribunal judiciaire d’Ajaccio a :
– reçu la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de La Réunion en sa demande,
– adopté les conclusions de l’expert judiciaire en date du 28 septembre 2020,
– dit que le contrat de prêt immobilier du 26 juin 2009 et l’acte de cautionnement du 26 juin 2009 sont inopposables à M. [G] [P],
– dit que le contrat de prêt immobilier du 26 juin 2009 et l’acte de cautionnement du 26 juin 2009 constituent deux faux manifestes,
– débouté la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de La Réunion de ses demandes,
– condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de La Réunion à payer à M. [P] une somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté comme non fondée toute autre demande plus ample ou contraire au présent dispositif,
– condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de La Réunion à payer les dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
Par déclaration reçue le 28 septembre 2021, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de La Réunion a interjeté appel total de la décision, rappelé les dispositions de l’article 901 du code de procédure civile et indiqué que l’appel tendait à obtenir la réformation de la décision en ce qu’elle l’a déboutée de ses demandes, condamnée au paiement des dépens et de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et dit que le contrat de prêt immobilier du 26 juin 2009 et l’acte de cautionnement du 26 juin 2009 étaient des faux manifestes.
Par conclusions signifiées le 16 novembre 2021 en même temps que la déclaration d’appel suivant avis de non constitution du 2 novembre 2021, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel a sollicité :
– d’annuler le jugement pour défaut de motivation en absence de réponse aux moyens invoqués par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel,
Subsidiairement,
– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes contre M. [P],
Vu l’article 2298 du code civil, statuant à nouveau,
– juger que la caution qui a reconnu l’existence et la portée de son acte de caution a couvert son éventuelle irrégularité, que la fraude commise par la caution dans la rédaction des mentions manuscrites légales, interdit à cette dernière de se prévaloir de ces dispositions,
– condamner M. [P] en sa qualité de caution de la S.A.R.L. Kalliste Invest à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel les sommes suivantes
– capital restant dû : 286 377,38 euros
– intérêts nominaux échus de 5,14% arrêtés au 21 avril 2015 : 34 430,44 euros,
– intérêts de retard au taux de 10,14 % arrêtés au 24 novembre 2020 : 177 715,88 euros,
– intérêts de retard au taux conventionnel du 25 novembre 2020 courant jusqu’à parfait paiement : Mémoire,
soit sauf mémoire : 498 523,70 euros,
– condamner M. [P] au paiement des dépens et de 6000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle a fait valoir que le tribunal n’avait pas répondu à ses moyens tirés de l’efficacité du cautionnement irrégulier, en l’état de la reconnaissance de M. [P]. Elle a estimé que la dénégation d’écriture était intervenue tardivement, et que M. [P] avait reconnu la validité de son obligation de cautionnement par courriel et par des conclusions en soutenant sa disproportion, qu’il était comptable et avait créé une société Audit finance [G] [P] ayant pour objet l’exercice de la profession d’expert comptable et qu’il s’était porté caution solidaire d’une S.A.R.L. Kalliste invest, que la fraude commise par la caution lui interdisait de se prévaloir de la nullité de son engagement.
La signification a été faite par dépôt à l’étude après vérification de l’adresse. M. [P] n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 4 mai 2022.
L’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 2 juin 2022. L’affaire a été mise en délibéré.
Par arrêt avant-dire droit rendu le 14 septembre 2022, la cour a
– ordonné la réouverture des débats à l’audience du 10 novembre 2022 pour remise des pièces visées au bordereau de communication et le cas échéant pour observations sur l’absence au dossier des pièces communiquées,
– réservé les demandes au fond et les dépens.
À cette audience, l’appelante a déposé ses pièces. L’affaire a été mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023.
L’arrêt est rendu par défaut.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le tribunal a estimé que l’acte de prêt et le cautionnement étaient des faux manifestes ce qui justifiait de débouter la banque de ses demandes, sans répondre aux arguments de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel relativement à la reconnaissance par la caution
du droit d’agir de la banque et à l’efficacité éventuelle du cautionnement irrégulier. En effet, le tribunal a seulement et expressément adopté les conclusions de l’expert et débouté la banque de ses demandes. Pour autant, le défaut de réponse à des moyens ne suffit pas à annuler un jugement.
Cependant nonobstant sa dénégation d’écriture relevée par une ordonnance du juge de la mise en état du 24 mai 2019, suivant audience du 29 mars 2019, dans ses conclusions notifiées le 3 juillet 2018, M. [P] avait conclu sur le défaut d’information annuelle de la caution, sur l’absence de tentative de recouvrement amiable, sur sa qualité de caution personne physique pouvant bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation, sur l’octroi de délais de paiement, tous éléments qui caractérisent une reconnaissance du droit d’agir de la banque contre lui.
De plus, dans un courriel du 24 février 2015, M. [P] a écrit à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de La Réunion ‘Ça va être compliqué pour nous de rencontrer vos équipes aujourd’hui à 15 h donc je vous rédige cet email en tant que caution de Kalisté Invest et plus précisément des acquisitions immobilières effectuées par l’intermédiaire des S.C.I. Kalisté-Invest P.V. et Kalisté-Invest GI dont Kalisté Invest détient 99 % des parts sociales. À ce titre pouvez-vous nous adresser svp en retour nos engagements de cautions signés pour KI au profit du CA”.
Il résulte de ce courrier une reconnaissance de sa qualité de caution.
En effet, le non-respect du formalisme de la mention manuscrite portant engagement de caution, qui a pour finalité la protection des intérêts de la caution, est sanctionné par une nullité relative, à laquelle il est possible de renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, en connaissance du vice l’affectant.
En l’espèce, la banque ne conteste pas les conclusions péremptoires du rapport d’expertise, alors même que ce rapport a été établi sur la base de documents et modèles d’écriture discutables. En effet, M. [G] [P] était absent lors de l’accedit, réalisé en visio-conférence le 3 juillet 2020, de sorte que les modèles de comparaison d’écriture n’ont pas été établis en présence de l’expert.
Ainsi, l’affirmation selon laquelle M. [P] a détourné sciemment le formalisme de protection constitué par l’exigence d’une mention manuscrite en faisant rédiger ladite mention ou les modèles de comparaison par un tiers ou en contrefaisant son écriture, pour faire échec à la demande de paiement de la banque est vraisemblable. Elle l’est d’autant plus que la comparaison de l’écriture de la mention manuscrite du cautionnement avec les mentions manuscrites figurant sur les statuts de la société Audit finance [G] [P] rédigés en 2016, milite en faveur d’un unique rédacteur.
Quoiqu’il en soit, la banque démontre qu’après avoir souscrit cet engagement, la caution a reconnu sa qualité de caution et donc la validité de son engagement, non seulement dans un courrier adressé au créancier (pièce n°9) mais encore dans des conclusions devant le tribunal (pièce n°10), de sorte que le cautionnement doit être déclaré opposable à M. [P].
L’irrégularité du cautionnement qui pourrait résulter de la dénégation d’écriture est couverte par la reconnaissance de sa qualité de caution par M. [P] mais également du droit d’agir de la banque à son encontre. En effet, le formalisme de l’engagement de caution est sanctionné par une nullité relative comme déjà sus-mentionné.
De plus, M. [P] a exercé la profession d’expert-comptable et constitué une S.A.S.
« audit finance [G] [P] » ayant pour objet social l’exercice de la profession d’expert-comptable, l’exercice de la profession de commissaire aux comptes, l’acquisition et la gestion de tous biens immobiliers, l’acquisition de tout véhicule terrestre ou bateau, leur entretien leur vente leur mise en location. La fiche de renseignements confidentiels établie le 26 mars 2009 dans le cadre du cautionnement met en évidence des biens immobiliers évalués 3’042’810 euros, des placements évalués 69’808,46 euros des emprunts immobiliers évalués 1’803’018 euros et des crédits pour 45’514,03 euros, notamment pour l’achat d’un véhicule Ferrari d’une valeur de 83’900 euros, des biens mobiliers (véhicules, bijoux, tableaux, mobiliers) évalués 185’400 euros.
En outre, la formulation du courriel du 24 février 2015 met en évidence que M. [P] était parfaitement à même de mesurer l’importance de son engagement de caution. Ainsi écrit-il : «j’ai reconstitué l’affectation de l’emprunt souscrit par Kalisté Invest d’un montant initial de 995 k€ environ auprès du CA est libéré en capital dans les 2 S.C.I. susnommées et il semble que cet emprunt est servi à financer 4 bien comme détaillés ci-après (pouvez-vous nous le confirmer SVP ‘) ». Il détaille ensuite les quatre S.C.I. situées à La Réunion, leur valeur sur le marché, la date de défiscalisation, il précise qu’il s’agit d’une partie majeure de la dette, que les biens sont hypothéqués et susceptibles d’être vendus rapidement et il propose à la banque de s’occuper de la cession des biens pour sécuriser les transactions.
Cette reconnaissance de sa qualité de caution rapprochée de sa dénégation de signature ultérieure démontre que M. [P] s’est contredit dans une procédure judiciaire au détriment d’autrui. Elle démontre également la mauvaise foi de la caution.
La banque démontre avoir procédé à l’information annuelle de la caution successivement de l’état de la dette du cautionné au 31 décembre 2013, 2014, 2015, 2016, 2017. Elle justifie d’une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception le 25 février 2015 avant la déchéance du terme, d’une mise en demeure le 21 avril 2015 portant déchéance du terme pour 954 872,21 euros au 21 avril 2015.
Il se déduit de l’ensemble de ses éléments que M. [G] [P] doit être condamné en sa qualité de caution de la S.A.R.L. Kaliste Invest à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Réunion la somme de 286’377,38 euros au titre du capital restant dû, celle de 34’430,44 euros au titre des intérêts nominaux échus au taux de 5,14 % arrêtés aux 21 avril 2015, celle de 117’715,88 euros au titre des intérêts de retard au taux de 10,14 % arrêtés au 24 novembre 2020 la somme de 498’523,70 euros outre les intérêts au taux conventionnel jusqu’à parfait paiement.
M. [G] [P] qui succombe est condamné au paiement des dépens de première instance et d’appel. Il est également condamné à payer la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de La Réunion.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
– Infirme le jugement,
Statuant de nouveau,
– Condamne M. [G] [P] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de La Réunion la somme de 498 523,70 euros comprenant au titre du capital restant dû celle de 286 377,38 euros, au titre des intérêts échus de 5,14% arrêtés au 21 avril 2015 celle de
34 430,44 euros, au titre des intérêts de retard au taux de 10,14 % arrêtés au 24 novembre 2020 celle de 177 715,88 euros, outre les intérêts de retard au taux conventionnel à compter du 25 novembre 2020 jusqu’à parfait paiement,
Y ajoutant
– Condamne M. [G] [P] au paiement des dépens,
– Condamne M. [G] [P] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de La Réunion la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT