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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 8
ARRÊT DU 22 FEVRIER 2023
(n° 2023/ 38 , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/16117 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTXU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 17/06780
APPELANT
Monsieur [J] [V], Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la
« mutuelle des transports assurances », Société d’assurance Mutuelle à cotisations variables, régie par le Code des Assurances, ayant son siège à [Adresse 5],
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : [N° SIREN/SIRET 2]
représenté par Me Nathalie BAILLOD, avocat au barreau de PARIS, ayant pour avocat plaidant, Me Carole DAVIES, avocat au barreau de PARIS, toque D 1290
INTIMÉE
S.A.R.L. [7], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : [N° SIREN/SIRET 3]
représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034,
ayant pour avocat plaidant, Me Simon NDIAYE, SCP HONIG METTETAL NDIAYE (HMN & PARTNERS), avocat au barreau de PARIS, toque P 581
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre
M. Julien SENEL, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT : Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
La [9] (ci-après dénommée [9]) est une société d’assurance mutuelle à cotisations variables régie par les dispositions des articles L. 322-26-1 et suivants du code des assurances dont les statuts prévoient, lorsque l’entreprise constate que les cotisations appelées et encaissées ne permettent pas de faire face aux charges globales des sinistres et des frais de gestion, de procéder à un appel complémentaire de cotisations, conformément aux dispositions de l’article R. 322-71 du code des assurances.
La société [7] ayant une activité d’exploitation de taxis, a souscrit auprès de la [9] un contrat d’assurance n° 78101/603660, ayant pris effet à compter du 1er janvier 2010, et qui a été résilié à la demande de l’assurée par lettre recommandée avec accusée réception datée du 20 janvier 2015.
La [9], ayant enregistré pour les exercices 2011, 2012 et 2013 des pertes qui n’ont pu être compensées par l’excédent de 2014, a été placée sous administration provisoire par décision du 10 juillet 2015 de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ci-après dénommée [6]), laquelle a désigné M. [O] [T] en qualité d’administrateur provisoire.
Le 15 décembre 2015 M. [O] [T] a décidé de procéder à des appels de cotisations complémentaires à l’égard des sociétaires des groupements dont les déficits sont la conséquence de cotisations insuffisantes.
En conséquence de cette décision, il a été réclamé à la société [7], trois appels de cotisations complémentaires, au titre du contrat susvisé, pour les années 2011, 2012 et 2013, à savoir :
Année 2011 :
* Cotisations appelées TTC : 10.464,84 euros
* Taux du rappel : 30 %
* Montant du rappel TTC : 3.139,45 euros
Année 2012 :
* Cotisations appelées TTC : 10.464,84 euros
* Taux du rappel : 30 %
* Montant du rappel TTC : 3.139,45 euros
Année 2013 :
* Cotisations appelées TTC : 10.464,84 euros
* Taux du rappel : 30 %
* Montant du rappel TTC : 3.139,45 euros
soit un total de 9.418,35 euros pour les trois exercices concernés par le rappel.
Les avis d’échéances des appels de cotisations complémentaires ont été envoyés à la société [7] par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, reçue le 7 janvier 2016.
En l’absence de règlement, la [9] a, conformément aux dispositions de l’article L. 113-1 du code des assurances, adressé à la société [7] une mise en demeure de régler les sommes dues au titre des appels de cotisations complémentaires, par lettre recommandée avec avis de réception, postée le 17 juin 2016, et retournée à l’assureur avec la mention « pli avisé et non réclamé ».
Aucune suite n’a été donnée à ces courriers, et les différents échanges intervenus entre les parties, en vue de permettre un règlement amiable, n’ont pas entraîné la régularisation du paiement des cotisations complémentaires.
Par décision du 23 août 2016, l’ACPR a retiré les agréments de la [9] qui ne disposait plus du minimum de capital requis prévu à l’article L. 352-5 du code des assurances.
Par jugement du 1er décembre 2016, le tribunal de grande instance de PARIS a notamment ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la [9] et désigné maître [J] [V], mandataire judiciaire à la liquidation. Les opérations de liquidation ont été prorogées à plusieurs reprises.
Par acte d’huissier du 31 mars 2017, la société [9], prise en la personne de son liquidateur Maître [J] [V] a assigné la société [7] devant le tribunal de grande instance de PARIS aux fins de la voir condamner à lui régler les sommes dues au titre des cotisations complémentaires, outre des dommages et intérêts.
Par jugement du 29 septembre 2020, le tribunal judiciaire de PARIS, a :
– débouté la [9], prise en la personne de son liquidateur M. [J] [V], de sa demande de condamnation de la SARL [7] à lui verser des cotisations complémentaires avec intérêts au taux légal et anatocisme ;
– débouté la [9], prise en la personne de son liquidateur M. [J] [V], de sa demande de condamnation de la SARL [7] à lui verser des dommages et intérêts ;
– déclaré la [9] prise en la personne de son liquidateur M. [J] [V], tenue aux dépens dont distraction au profit de la SCP HONIG METTETAL NDIAYE conformément à l’article 699 du code de procédure civile et ordonné l’inscription de cette dette au passif de la liquidation judiciaire de la [9] ;
– fixé la créance au titre de l’article 700 du code de procédure civile de la SARL [7] à l’encontre de la [9], prise en la personne de son liquidateur M. [J] [V], à la somme de 700 euros, et ordonné 1’inscription de cette dette au passif de la liquidation judiciaire de la [9] ;
et n’a pas fait droit à l’exécution provisoire.
Par déclaration électronique du 10 novembre 2020 , enregistrée au greffe le 16 novembre 2020, Maître [J] [V] es qualités de liquidateur de la [9] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.
Par conclusions (n°2) notifiées par voie électronique le 30 juillet 2022, l’appelante demande à la cour, de :
– recevoir Maître [V], ès qualités de liquidateur de la [9] en son appel et l’en déclarer bien-fondé ;
Y faisant droit,
INFIRMER en toutes ses dispositions la décision entreprise ;
STATUANT à nouveau,
Vu l’article 1134 (ancien) et 1103 (nouveau) du code civil ;
Vu l’article R.322-71 du code des assurances ;
Vu les pièces versées aux débats ;
– juger que le sociétaire [7] a bien adhéré aux Statuts et aux Conditions Générales du contrat d’assurance de la [9] ;
– juger que conformément à l’article R.322-71 du code des assurances, une société d’assurance mutuelle à cotisations variables peut appeler des cotisations complémentaires lorsque les cotisations normales appelées pour un exercice ne permettent pas de faire face aux charges probables des sinistres de cet exercice ainsi qu’aux frais de gestion ;
– juger que la constitution des groupements de sociétaires résulte d’un procès-verbal du conseil d’administration daté du 30 novembre 2000, selon le critère objectif de l’activité professionnelle;
Vu l’appartenance de la société [7] au Groupement National des Taxis, en raison de l’activité professionnelle garantie par le contrat d’assurance conclu avec la [9] ;
Vu la décision du 15 décembre 2015 qui a décidé des rappels de cotisations complémentaires pour les exercices 2011, 2012 et 2013 pour tous les groupements de sociétaires dont le rapport moyen sur ces trois années cumulés sinistres/cotisations a dépassé 70 % ;
– juger que les exercices 2011, 2012 et 2013 sont déficitaires au regard des comptes sociaux, approuvés par les représentants des Groupements de sociétaires et certifiés par le Commissaire aux Comptes, eu égard au résultat technique négatif de chaque exercice;
– juger que le taux de rappel varie en fonction du rapport sinistres/cotisations de chaque groupement au regard des critères objectifs établis par la décision du 15 décembre 2015;
Vu le taux de rappel pour le Groupement National des Taxis, à hauteur de 30% des cotisations normales appelées sur les exercices 2011, 2012 et 2013, au regard des critères objectifs établis par la décision du 15 décembre 2015 ;
En conséquence,
– accueillir Me [V], ès qualités de liquidateur de la [9] en ses demandes ;
– condamner la société [7] à payer à Me [V], ès qualités de liquidateur de la [9], la somme en principal de 9.418,35 euros, laquelle sera augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’envoi de l’appel de cotisation complémentaire ;
– juger que les intérêts seront capitalisés dans les termes des articles 1154 (ancien) et 1343-2 (nouveau) du code civil ;
– débouter la société intimée de l’ensemble de ses moyens, fins, demandes et conclusions;
– condamner la société [7] à payer à Me [V], ès qualités de liquidateur de la [9] :
* la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts, en application des dispositions des articles (anciens) 1146 et suivants et (nouveaux) 1231 et suivants du code civil ;
* la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société [7] aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction par application de l’article 699 du code de procédure civile, au profit de Me Nathalie BAILLOD.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 septembre 2022, l’intimée demande à la cour, au visa des articles 1134 (ancien) et 1146 et s. (anciens) du code civil, dans leur version
applicable en l’espèce, de l’article 10 des statuts de la société [9], de l’article 47 des Conditions générales du contrat d’assurance n° 78101/603654, de :
– CONFIRMER purement et simplement le jugement entrepris ;
– débouter l’appelant de ses demandes,
Et, y ajoutant,
– ordonner l’inscription au passif de la liquidation de la société [9] d’une somme de 1.000 euros au titre de l’indemnité due à la société [7] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner l’inscription au passif de la liquidation de la société [9] des dépens de l’instance d’appel, dont distraction au profit de la SCP BAECHLIN en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits, procédure et moyens des parties, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture est intervenue le 7 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La [9] représentée par Maître [J] [V] sollicite l’infirmation du jugement et l’accueil de la totalité de ses demandes, la procédure prévue par l’article R.322-71 du code des assurances ayant été parfaitement respectée.
Elle fait essentiellement valoir que :
– au visa de l’article L.114-1 du code des assurances, son action n’est pas prescrite ;
– les statuts et les documents contractuels, opposables à l’intimée, prévoient expressément la possibilité pour la [9] de procéder à des appels de cotisations complémentaires, par application de l’article R 322-71 du code des assurances ;
– la [9] est par nature une mutuelle à cotisations variables, le principe de la variabilité résultant de son statut juridique ; or, une mutuelle a le devoir d’équilibrer ses comptes, sans faire appel à des capitaux extérieurs et ne peut que solliciter ses sociétaires comme le prévoient les statuts;
– M. [T], régulièrement désigné par l’ACPR en qualité d’administrateur provisoire, a décidé, le 15 décembre 2015 de procéder à des appels de cotisations complémentaires ; sa décision, parfaitement justifiée, rappelle les pertes, puis précise et motive les modalités de calculs des cotisations complémentaires qui entrent dans le champ d’application des décisions et des principes énoncés ;
– du fait de sa souscription au contrat d’assurance la sociétaire faisait partie du groupe [8] appartenant au Groupement National des Taxis ; elle a reconnu expressément avoir adhéré aux statuts de la [9] ainsi qu’à l’ensemble des conditions générales et particulières de la police d’assurance ; s’agissant de ce groupement le rapport moyen «sinistres totaux/cotisations acquises» sur les exercices déficitaires 2011, 2012 et 2013 (tableau des résultats du groupement National des Taxis) est de 99% (et donc supérieur à 95%), ce qui correspond, aux termes de la décision de M. [T], à un taux de rappel de 30% ;
– la décision de M. [T] de décider d’un tel taux au titre des appels de cotisations complémentaires, calculé suivant le rapport «sinistres/cotisations», uniquement pour le Groupement National des Taxis, est basée sur des chiffres validés par les Assemblées Générales des représentants des Groupements et par le Commissaire aux Comptes, après démonstration du caractère déficitaire de chacun des exercices, une fois connu le coût des sinistres corporels;
– le contrat contenait la mention, en caractère gras, du montant maximal des cotisations exigibles;
– le paiement des frais de gestion est bien prévu aux conditions signées lors de l’adhésion;
– la société [7] est, en conséquence, redevable, au titre des cotisations complémentaires, de la somme de 9.418,35 euros au visa des dispositions des articles 1134 (ancien) et 1103 (nouveau) du code civil ;
– la [9] dénie tout abus dans l’exercice de son droit d’appel de cotisations supplémentaires, qui si elles avaient été payées auraient permis la survivance de la société au lieu de son placement en liquidation judiciaire ; elle sollicite en conséquence la condamnation de la société [7] à lui payer une somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts, en application des dispositions des articles (anciens) 1146 et suivants et (nouveaux) 1231 et suivants du code civil.
L’intimée sollicite la confirmation du jugement faisant essentiellement valoir que :
– les conditions d’appel de compléments de cotisations, conformément aux dispositions de l’article R.322-71 du code des assurances, n’ont pas été respectées ;
– le montant maximal des compléments de cotisations ne figure pas dans la police et la [9] ne justifie pas que les compléments de cotisations soient nécessaires pour faire face, pour chaque exercice concerné, à un déficit de cotisations ;
– les éléments comptables produits ne sont pas suffisamment précis, pour justifier les appels de cotisations complémentaires ; le détail des cotisations et des sinistres par Groupement n’a pas été produit ; l’assureur n’établit pas le caractère déficitaire du Groupement National des Taxis;
– le calcul de l’éventuel déficit ne pourrait prendre en compte que les charges des « sinistres » et non les « frais de gestion », en raison de la convention particulière conclue par les parties ;
– la [9] a procédé à un usage abusif de ses droits en dévoyant l’article R. 322-71 du code des assurances en sollicitant les sociétaires sans qu’un remboursement ne soit envisagé ;les appels de cotisations supplémentaires présentent un caractère arbitraire et discriminatoire en ce que les documents ont été établis par l’appelant sans respect du contradictoire ;
– en toute hypothèse, la base de calcul des cotisations complémentaires est erronée ; un seul mode de calcul étant prévu contractuellement, seul ce mode de calcul doit être retenu et aucune somme n’excédant celle résultant de ce calcul ne saurait être demandée aux sociétaires.
Elle sollicite en conséquence le rejet des demandes de la [9] en ce qu’elles sont infondées dans leur principe injustifiées dans leur quantum, abusives et illicites.
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action de la [9]
La [9] fait valoir dans le corps de ses conclusions que son action n’est pas prescrite.
Cependant dans le cadre de la présente procédure aucune fin de non recevoir tirée de la prescription n’a été soulevée devant le tribunal et n’est invoquée devant la cour. Il n’y a pas lieu en conséquence d’y répondre.
Sur le bien-fondé des appels de cotisations
Le tribunal a débouté la [9] de sa demande de condamnation de la société [7] à lui payer les cotisations complémentaires résultant de la décision du 15 décembre 2015.
L’article L. 322-26-1 du code des assurances dispose que :
« Les sociétés d’assurance mutuelles ont un objet non commercial. Elles sont constituées pour assurer les risques apportés par leurs sociétaires. Moyennant le paiement d’une cotisation fixe ou variable, elles garantissent à ces derniers le règlement intégral des engagements qu’elles contractent.(…)».
L’article R 322-42 du même code énonce que :
« Les sociétés d’assurance à forme mutuelle garantissent à leurs sociétaires, moyennant le versement d’une cotisation fixe ou variable, le règlement intégral de leurs engagements en cas de réalisation des risques dont elles ont pris la charge ».
L’article R. 322-71 pose les contours du principe de la variabilité de la cotisation ainsi qu’il suit :
« Le sociétaire ne peut être tenu en aucun cas, sauf par application des dispositions du premier alinéa de l’article R. 322-65, ni au-delà de la cotisation inscrite sur sa police dans le cas d’une société à cotisations fixes, ni au-delà du montant maximal de cotisation indiqué sur sa police dans le cas d’une société à cotisations variables.
Le montant maximal de cotisation prévu dans ce dernier cas ne peut être inférieur à une fois et demie le montant de la cotisation normale nécessaire pour faire face aux charges probables résultant des sinistres et aux frais de gestion.
Le montant de la cotisation normale doit être indiqué sur les polices délivrées à leurs sociétaires par les sociétés à cotisations variables.
Les fractions du montant maximal de cotisation que les assurés des sociétés à cotisations variables peuvent, le cas échéant, avoir à verser en sus de la cotisation normale, sont fixées par le conseil d’administration.( )».
L’intérêt d’une mutuelle à cotisations variables est de sauvegarder le juste coût de l’assurance en adaptant les cotisations à la sinistralité réelle et aux frais de gestion exposés pour un exercice donné.
La [9] a choisi d’opter pour le principe de la variabilité des cotisations. Ses statuts, comme ceux de toutes les sociétés d’assurance mutuelles à cotisations variables, prévoient que, lorsque l’entreprise constate, pour certains exercices, que les cotisations appelées et encaissées ne permettent pas de faire face aux charges globales des sinistres et des frais de gestion, elle peut procéder à un appel complémentaire pour couvrir ses charges.
Ainsi cette faculté, prévue par l’article R. 322-71 du code des assurances, est inscrite dans ses statuts (article 10) mais également rappelée dans les conditions générales applicables au contrat litigieux, (page 11 VARIABILITE DE LA COTISATION), en ces termes :
« S’il s’avère que la cotisation dite normale appelée d’avance, ne permet pas de faire face aux charges probables d’un exercice résultant des sinistres et des frais de gestion, le Conseil d’Administration de la MUTUELLE peut décider de procéder, conformément à ses statuts, à un appel de cotisation complémentaire pour l’exercice considéré ».
« IL NE PEUT ETRE EXIGE POUR UN EXERCICE UNE COTISATION SUPERIEURE A UNE FOIS ET DEMIE LE MONTANT DE LA COTISATION NORMALE ».
La faculté ouverte aux sociétés d’assurances mutuelles de procéder à des rappels de cotisations, au visa de l’article R.322-71 du code des assurances, repose sur le seul critère de la constatation de déficits consécutifs à une insuffisance des cotisations par rapport à la charge des sinistres et des frais de gestion.
L’appel complémentaire vient ainsi s’ajouter aux cotisations normales payées pour ces exercices. Il s’impose à tous les assurés ayant bénéficié des garanties de la [9] au cours d’une ou plusieurs de ces années, dès lors qu’ils ont fait partie des groupements professionnels statutaires ayant contribué aux pertes de ces exercices. La cotisation complémentaire est due quelle que soit la situation des sociétaires et même si le contrat a été résilié, dès lors que ce contrat a été en vigueur au cours de l’un des exercices.
Enfin, il est rappelé les termes de l’article L. 612-34 du code monétaire et financier en vertu duquel : «L’ACPR peut désigner un administrateur provisoire auprès d’une personne qu’elle contrôle, auquel sont transférés tous les pouvoirs d’administration, de direction et de représentation de la personne morale».
Au cas particulier, la société [7] a bien adhéré aux statuts, aux conditions générales (n°101 du 5 avril 2004), aux conventions spéciales (n°306 du 10 août 2007) de la [9], dont elle a eu connaissance et qu’elle a acceptées, les conditions particulières des polices d’assurance signées le 8 janvier 2010 par la sociétaire y faisant expressément référence, de sorte qu’ils lui sont opposables par application de l’article R. 322-71 du code des assurances. Elle était ainsi parfaitement et suffisamment informée de la faculté de la [9] de procéder à des appels complémentaires.
M. [T], désigné administrateur provisoire de la mutuelle, le 10 juillet 2015 par l’ACPR au visa notamment de l’article L. 612-34 du code monétaire et financier, antérieurement au retrait des agréments de la [9], le 23 août 2016, et au prononcé de la liquidation du 1er décembre 2016, s’est régulièrement substitué entièrement au conseil d’administration de la [9].
Il avait ainsi parfaite compétence pour prendre les décisions dévolues antérieurement audit conseil d’administration et notamment pour décider, en son nom, de procéder à un rappel de cotisations complémentaires.
En conséquence du défaut de fonds propres de la [9], il a décidé le 15 décembre 2015 de procéder à des appels de cotisations complémentaires afin que la [9] puisse poursuivre ses activités.
Il fait état au cours des exercices 2011 à 2013, de l’enregistrement par la [9] d’importantes pertes qui ont consommé la totalité des fonds propres de la mutuelle :
* 2011 : 1 807 424 euros
* 2012 : 5 018 865 euros
* 2013 : 5 105 387 euros.
Il relève que les appels de cotisations complémentaires sont justifiés par ces pertes.
De l’examen des documents afférents aux Assemblées Générales délibérant sur les comptes des exercices 2011, 2012 et 2013. (Assemblée 2012 portant sur les comptes de l’exercice 2011 et
comprenant les principaux chiffres sur l’activité, le rapport du Conseil d’Administration, le rapport du Commissaire aux Comptes et le vote des résolutions ; Assemblée 2013 portant sur les comptes de l’exercice 2012 et comprenant les principaux chiffres sur l’activité, le rapport du Conseil d’Administration, le rapport du Commissaire aux Comptes et le vote des résolutions ; Assemblée 2014 portant sur les comptes de l’exercice 2013 et comprenant les principaux chiffres sur l’activité, le rapport du Conseil d’Administration, le rapport du Commissaire aux Comptes et le vote des résolutions), il apparaît clairement que les résultats déficitaires de ces exercices ont engendré des pertes, justifiant des appels de cotisations complémentaires, en application des dispositions légales et statutaires.
Chaque procès-verbal d’Assemblée contient effectivement en annexe, le rapport annuel du conseil d’Administration, lequel précise :
– le chiffre d’affaires de l’exercice, par activité,
– le compte de résultats, avec le montant de la charge des sinistres, les frais de gestion et le coût de la réassurance.
Les décisions prises lors des Assemblées Générales ont donc été votées, connaissance prise de l’ensemble des documents comptables certifiés par le commissaire aux comptes.
Vu ainsi les exercices déficitaires 2011, 2012 et 2013, au regard des comptes sociaux, faisant apparaître l’aggravation de la situation financière, en distinguant poste par poste les cotisations normales appelées, les charges des sinistres, les frais de gestion et les autres charges, approuvés par les représentants des Groupements de sociétaires et certifiés par le commissaire aux comptes, et eu égard au résultat technique négatif de chaque exercice.
La [9], ne pouvant faire appel à des financements extérieurs, ne pouvait faire face à ses engagements financiers consécutifs aux sinistres devant être indemnisés qu’au moyen de l’appel de cotisations complémentaires.La reconstitution des fonds propres de l’assureur n’est destinée qu’à assurer la pérennité des indemnisations des sinistres. Si la [9] n’est pas parvenue à disposer du « minimum de capital requis », d’où le retrait de ses agréments suivi de sa mise en liquidation, cette situation est indifférente à l’obligation qui pèse sur l’assureur de poursuivre le règlement des indemnités des sinistres, ce qui justifie la nécessité d’appels complémentaires, afin d’assurer la pérennité des indemnisations des sinistres, ainsi que le juste coût de l’assurance.
Dès lors que le déficit a bien été constaté sur les trois exercices considérés, le rappel des compléments de cotisations est justifié.
Si aucun traitement préférentiel ne peut être accordé à un sociétaire, cette disposition n’interdit pas à une société d’assurance à forme mutuelle à cotisations variables, de prévoir dans ses statuts, la possibilité pour son conseil d’administration de fixer le montant des cotisations et des compléments de cotisations, en tenant compte de la répartition des sociétaires, telle qu’elle est prévue par l’article R.322-58 du code des assurances, en groupements, suivant la nature du contrat d’assurance souscrit, ou selon des critères régionaux ou professionnels.
Le taux applicable est déterminé par le rapport entre le coût total des sinistres réglés pendant les trois années déficitaires (étant indiqué que les sinistres supérieurs à 1.000.000 euros n’ont pas été retenus) et le montant des cotisations « normales » émises selon le Groupement auquel appartient le sociétaire. Le taux est également déterminé en fonction des résultats globaux de chaque Groupement de sociétaires, constitué en application de l’article R.322-58 précité du code des assurances.
Par conséquent, si le Groupement est déficitaire, le pourcentage constaté du déficit est appelé à tous les adhérents du Groupement en sus de sa cotisation normale, conformément aux articles 10 et 11 des statuts.
La répartition selon les différents Groupements est effectuée selon la nature des contrats, qui sont établis en fonction de l’activité des sociétaires et a été décidée, conformément aux dispositions légales et statutaires par le Conseil d’Administration de la [9], le 30 novembre 2000.
L’attestation rédigée par Maître [T], produite aux débats par la [9], permet d’établir que les comptes ont été préalablement vérifiés par ses soins, ainsi que la répartition des cotisations pour chaque Groupement statutaire de sociétaires. Cette vérification l’a conduit à décider des appels de cotisations complémentaires, pour faire face à la charge des sinistres et aux frais de gestion, ce qui a été régulièrement communiqué à l’ACPR. Ayant notamment été nommé pour examiner les comptes et déterminer les moyens à mettre en ‘uvre pour parvenir au redressement de la [9], la remise en cause des vérifications qu’il a effectuées reviendrait à contester le contrôle exercé par l’ACPR sur les sociétés d’assurances.
Le calcul retenu pour déterminer le montant des appels de cotisations complémentaires, est expressément détaillé dans la décision précitée du 15 décembre 2015, et est également précisé dans les avis d’échéance adressés aux sociétaires.
Les Conditions Particulières (CP) signées par la société [7], indiquent expressément le Groupement auquel elle appartient, à savoir le « Groupement National des Taxis ».
Le tableau des résultats du ‘Groupement National des Taxis’ est versé aux débats. Dans la colonne « cotisations acquises » (CA), se trouve le montant des cotisations hors taxes du Groupement, sur les trois années déficitaires. Ces données sont à rapprocher de celles figurant dans la colonne « sinistres totaux nets » (S), laquelle consigne le coût total des sinistres après écrêtement des sinistres supérieurs à 1.000.000 euros.La colonne «S/CA » représente le rapport des sinistres écrêtés à 1.000.000 euros, sur les cotisations acquises.
Sont produits, par ailleurs, des extraits des traités de réassurance, dont le coût pour les sinistres supérieurs à 1.000.000 euros, s’établit comme suit :
– 11,50 % des cotisations hors taxes en 2011,
– 11.80 % des cotisations hors taxes en 2012,
– 21.00 % des cotisations hors taxes en 2013.
Il est précisé que les frais de gestion de la [9], comme indiqué dans les documents afférents aux Assemblées des exercices 2012, 2013 et 2013 se sont élevés à :
– 23,2 % en 2011,
– 19,8 % en 2012,
– 19,7 % en 2013.
En cause d’appel, sont en outre versés aux débats par la [9] :
* le relevé des cotisations « normales » pour les sociétaires du GROUPEMENT NATIONAL DES TAXIS, au titre des exercices 2011, 2012 et 2013.
* le relevé des sinistres, pour ce même Groupement et au titre des trois exercices concernés par le rappel.
* l’attestation parfaitement circonstanciée de Maître [T].
Tous ces éléments sont corroborés par les comptes annuels approuvés lors des Assemblées Générales précitées.
Il est par ailleurs établi et non contesté que le Groupement National des Taxis a toujours participé aux Assemblées, par la voix de ses représentants et avait donc la possibilité de solliciter, s’il y avait lieu, toutes explications complémentaires.
Au regard des comptes précis présentés, ayant été à l’origine de la décision de Maître [T] de procéder aux appels complémentaires, la cour constate que les cotisations réellement acquises, pour les exercices 2011, 2012, 2013 sont d’un montant inférieur à celui des sinistres, ce qui explique que ces exercices aient été déficitaires et justifie ainsi les appels de cotisations complémentaires.
Les résultats techniques des comptes sociaux, ainsi que les mêmes chiffres repris dans les tableaux « Résultats des Groupements » et « Résultats du Groupement National des Taxis », établissent que les résultats des trois exercices 2011, 2012 et 2013, sont bien déficitaires. Ces chiffres du Groupement National des Taxis sont intégralement repris dans le Tableau « Résultat par Groupement », qui est en parfaite cohérence avec les comptes sociaux.
Il appartenait bien au seul conseil d’administration ( et donc au cas particulier de Maître [T]) de fixer le taux du rappel, à l’intérieur de la limite d’une fois et demi, soit 150% de la cotisation normale de l’exercice considéré, et ce, en application de l’article 47 précité des Conditions Générales.
Le taux du rappel décidé par Maître [T], en sa qualité d’Administrateur provisoire de la [9] est bien de 30 % du montant de la cotisation normale, pour le Groupement National des Taxis, puisque le rapport des sinistres sur les cotisations a été supérieur à 95%, ce qui est largement inférieur à la limite de 150%.
Les déficits imputables au Groupement National des Taxis, dont le montant doit être ajouté à celui des pertes générées par les autres Groupements, permettent de retrouver les chiffres exposés dans les dossiers remis aux Assemblées, après certification par le Commissaire aux Comptes.
Les rappels sont proportionnés aux résultats de chaque groupement, après vérification du rapport « sinistres/cotisations » par Maître [T] dont l’attestation circonstanciée confirme qu’il a également procédé à la vérification de la répartition des cotisations pour chaque Groupement statutaire de sociétaires. Il ne peut en conséquence être considéré que la [9] s’est fournie une preuve à elle-même.
La date à laquelle a été prise la décision d’appels de cotisations complémentaires n’est pas tardive et est cohérente par rapport à la situation financière de la [9] alors que les comptes des exercices 2011, 2012 et 2013 étaient déficitaires.
La mention de la limite maximale de cotisation au sein de la police d’assurance est respectée.
(Page 11 des CG).
A défaut d’erreur de la [9], le calcul doit inclure selon les dispositions de l’article R.322-71 les frais de gestion.
La [9] a ainsi fait une juste application de l’article R 322-71 du code des assurances et aucun abus de droit n’est établi. La lecture des rapports annuels des conseils d’administration respectivement approuvés en assemblée générale montre que la situation n’a pas été occultée aux sociétaires.
Le bien-fondé de la décision qui a été prise par Maître [T] est établi et le calcul opéré par la [9] a été suffisamment expliqué et détaillé.
Maître [V], ès qualités de liquidateur de la [9], démontre donc parfaitement, que les cotisations « normales » appelées d’avance, en 2011, 2012 et 2013, n’ont pas permis de faire face aux charges de ces exercices, lesdites charges résultant des sinistres et des frais de gestion, ce qui légitime les appels de cotisations complémentaires au visa des dispositions de l’article R 322-71 précité du code des assurances.
La créance de la [9] est donc certaine, liquide et exigible et la société [7] est redevable au titre des trois exercices déficitaires 2011, 2012 et 2013, de cotisations complémentaires correspondant à la somme en principal de 9.418,35 euros, laquelle sera augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’envoi de la mise en demeure du 17 juin 2016, outre la capitalisation des intérêts dans les termes de l’article 1343-2 du code civil.
Le jugement sera infirmé.
Sur les dommages et intérêts sollicités par la [9]
Le tribunal a débouté la [9] de sa demande indemnitaire.
La [9] sollicite l’infirmation du jugement et la condamnation de la société [7] à paiement de la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts à laquelle l’intimée s’oppose.
La [9] ne démontre pas que la perte de son agrément, puis sa liquidation judiciaire, soit la conséquence directe et certaine du non-paiement par la société [7] des sommes dues au titre des appels complémentaires de cotisations.
Elle sera en conséquence déboutée de cette demande et le jugement confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
Compte tenu des motifs de l’arrêt, le jugement sera infirmé en ce qu’il a déclaré la [9] prise en la personne de son liquidateur Maître [J] [V], tenue aux dépens dont distraction au profit de la SCP HONIG METTETAL NDIAYE conformément à 1’article 699 du code de procédure civile, ordonné 1’inscription de cette dette au passif de la liquidation judiciaire de la [9] et fixé la créance au titre de l’article 700 du code de procédure civile de la SARL [7] à l’encontre de la [9], prise en la personne de son liquidateur M. [J] [V], à la somme de 700 euros et ordonné 1’inscription de cette dette au passif de la liquidation judiciaire de la [9].
En cause d’appel, la société [7] qui succombe sera condamnée à payer à la [9], représentée par son liquidateur, une indemnité de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. Elle sera déboutée de ses propres demandes de ces chefs.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort rendu par mise à disposition au greffe,
– INFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qui concerne
le débouté de Maître [V], ès qualités de liquidateur de la [9] de sa demande de dommages-intérêts ;
statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
– condamne la SARL [7] à payer à Maître [V], ès qualités de liquidateur de la [9], la somme en principal de 9.418,35 euros, laquelle sera augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 17 juin 2016 .
– dit que les intérêts seront capitalisés dans les termes de l’article 1154 (ancien) (1343-2 nouveau) du code civil ;
– condamne la SARL [7] à payer à Maître [V], ès qualités de liquidateur de la [9], une indemnité de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction par application de l’article 699 du code de procédure civile, au profit de maître Carole DAVIES ;
– déboute la SARL [7] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE