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à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 01 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/03292 – N° Portalis DBVK-V-B7G-POVX
ARRET N° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 23 MAI 2022 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
N° RG F 19/00334
APPELANT :
Monsieur [J] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER (Postulant) et par Me ROYER avocat au barreau de MONTPELLIER (Plaidant)
INTIMEE :
S.A.S LABASTERE 34
[Adresse 3]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, subsituée par Me LAPORTE (Postulant), et par Me Marie GIRINON, avocate au barreau de Bordeaux (plaidant)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 DECEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
La société LABASTÈRE a embauché M. [J] [Y] suivant contrat de travail à durée indéterminée du 22 octobre 2001 en qualité de chargé d’affaires, statut cadre. Le 1er janvier 2006, le salarié a été transféré au sein de la société LABASTÈRE 31, filiale de la société LABASTÈRE. Le 1er janvier 2011 a été créée une nouvelle filiale, la société LABASTÈRE 34 au sein de laquelle le salarié a encore été transféré.
Le 7 janvier 2011, le salarié, agissant en qualité de directeur général de la société LABASTÈRE 34, adressait au président une lettre de renonciation à son contrat de travail ainsi rédigée :
« Je soussigné, [J] [Y], agissant en qualité de directeur général de la société LABASTÈRE 34, nommé à cette fonction par les statuts de la société adoptés le 17 décembre 2010 (article 16.1), vous informe, par la présente, de ma décision de renoncer de façon expresse et sans réserve au contrat de travail me liant à la société LABASTÈRE 34. Ma renonciation prend effet rétroactivement au 1er janvier 2011, elle est faite sans aucune indemnité ; les éléments actuels de ma rémunération demeureront inchangés et deviendront, dans leur intégralité, afférents à mon seul mandat social. À compter de cette même date du 1er janvier 2011, toute mention faisant référence à un contrat de travail dans tout acte émanant de la société LABASTÈRE 34 serait nulle et de nul effet. »
Le 7 février 2019, M. [J] [Y] était convoqué par le président de la société en ces termes :
« Par la présente, nous vous informons de la réunion qui aura lieu le vendredi 15 février 2019 à 11 heures dans les bureaux de DEYRIS LAFOURCADE, [Adresse 1]) à laquelle vous êtes convié. Au cours de cette réunion, conformément à l’article 16 des statuts de notre société LABASTÈRE 34 il est prévu que le président de LABASTÈRE 34 statue sur la révocation de vos fonctions de directeur général de la société LABASTÈRE 34. Même si les règles statutaires autorisent une révocation du directeur général sans motivation, nous tenions à vous informer des raisons qui nous ont conduites à envisager la révocation de votre mandat, notamment à l’égard des éléments suivants :
‘ défaut de présentation du budget prévisionnel 2019 de la société LABASTÈRE 34,
‘ absences répétées aux réunions mensuelles de direction,
‘ baisse du chiffre d’affaires de LABASTÈRE 34 et forte baisse des commandes prises en 2018,
à cela s’ajoute une dégradation de nos échanges, de même avec les salariés de LABASTÈRE 34 et encore avec les directeurs des autres filiales LABASTÈRE. Par ailleurs ces derniers mois nos relations se sont détériorées et notre confiance est aujourd’hui rompue, l’ensemble de ces raisons nuisent fortement à la bonne marche de la société LABASTÈRE 34. C’est pourquoi nous envisageons votre révocation. En conséquence vous êtes invité à présenter vos observations sur cette révocation avant que la décision de révocation ne soit prise par le président lors de la réunion le 15 février prochain. Vous avez également la possibilité par tous moyens de vous exprimer par lettre ou courriel adressé au signataire de la présente avant cette date. »
Le 15 février 2019, le mandat social de M. [J] [Y] était révoqué. Ce dernier en était informé par lettre du 19 février 2019.
Le 27 février 2019, le président de la société remettait en main propre à M. [J] [Y] une lettre ainsi rédigée :
« En date du 15 février 2019 vous avez été révoqué de votre mandat de directeur général. J’apprends ce jour que vous vous êtes présenté dans l’entreprise les 18, 21, 25, et 26 février en justifiant cette présence par l’existence d’un contrat de travail. Je vous rappelle que votre contrat a pris fin lors de votre nomination en qualité de mandataire social, en conséquence votre présence sur le site n’a plus lieu d’être et je vous demande de bien vouloir cesser toute tentative d’accès dans l’entreprise. »
Sollicitant le bénéfice d’un contrat de travail et se plaignant dès lors d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [J] [Y] a saisi le 25 mars 2019 le conseil de prud’hommes de Montpellier, section encadrement, lequel, par jugement rendu le 23 mai 2022 :
a dit que M. [J] [Y] n’est pas lié par un contrat de travail avec la SAS LABASTÈRE 34 ;
s’est déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant le tribunal de commerce de Montpellier ;
a débouté la SAS LABASTÈRE 34 de ses demandes reconventionnelles ;
a laissé les dépens à la charge de chacune des parties.
Cette décision a été notifiée le 1er juin 2022 à M. [J] [Y] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 20 juin 2022.
L’appelant a été autorisé à assigner à jour fixe suivant ordonnance du 27 juin 2022.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 4 octobre 2022 aux termes desquelles M. [J] [Y] demande à la cour de :
in limine litis,
dire que la notification du jugement dont appel est nulle et ce faisant que l’appel est recevable ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
‘a dit qu’il n’est pas lié par un contrat de travail avec la SAS LABASTÈRE 34 ;
‘s’est déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant le tribunal de commerce de Montpellier ;
sur la compétence,
à titre principal,
lui dire inopposable à titre personnel le prétendu courrier de renonciation à son contrat de travail ;
à titre subsidiaire,
dire que le prétendu courrier de renonciation au contrat de travail est nul et de nul effet ;
à titre plus subsidiaire,
dire qu’il était dans un lien de subordination de sorte qu’il existait, au moment de la rupture, un contrat de travail liant les parties ;
en toute hypothèse
dire qu’il était lié à la société LABASTÈRE 34 par un contrat de travail lors de la rupture de celui-ci le 27 février 2019 ;
infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent ;
dire que le conseil de prud’hommes est compétent ;
sur le fond,
à titre principal,
évoquer le fond ;
dire qu’il a fait l’objet d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :
’42 440,50 € à titre d’indemnité de licenciement ;
’14 949,00 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 1 494,00 € au titre des congés payés y afférents ;
’69 762,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
condamner l’employeur à la délivrance des documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte) conformes à l’arrêt sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification ;
à titre subsidiaire,
renvoyer l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Montpellier ;
en tout état de cause,
condamner la société LABASTÈRE 34 à lui payer la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner la société LABESTÈRE 34 aux entiers frais et dépens.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 12 septembre 2022 aux termes desquelles la SAS LABESTÈRE 34 demande à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
dire que le contrat de travail a été rompu en date du 7 janvier 2011 ou à titre subsidiaire le 17 janvier 2011 ;
constater l’absence de tout contrat de travail la liant à l’appelant au moment de la révocation du mandat ;
dire que le conseil de prud’hommes était incompétent pour connaître des prétentions de l’appelant ;
débouter l’appelant de sa demande d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel de congés payés ;
renvoyer l’appelant à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce ;
condamner l’appelant au paiement de la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles ;
subsidiairement,
évoquer le fond du dossier ;
débouter l’appelant de sa demande d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel de congés payés.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la recevabilité de l’appel
L’appelant fait valoir que la notification du jugement indiquait à tort qu’il disposait d’un délai d’un mois pour interjeter appel et qu’ainsi son appel n’est pas tardif.
Ce point n’est pas contesté par l’intimée et la cour retient que l’appel, qui n’est pas tardif, est recevable.
2/ Sur l’existence d’un contrat de travail
L’appelant fait d’abord valoir que l’acte du 7 janvier 2011 ne peut lui être opposé dès lors qu’il a renoncé au contrat de travail non pas en son nom propre mais en sa qualité de directeur général de la société.
Mais la lettre du 7 janvier 2011 apparaît dénuée d’ambiguïté en ce qu’elle indique que son signataire, nommé au poste de directeur général, renonce au bénéfice du contrat de travail qui le liait jusque-là à la société.
L’appelant soutient encore que cette renonciation serait nulle dès lors que l’exercice d’un mandat social se borne à suspendre le contrat de travail. Mais ce moyen de nullité n’apparaît fondé sur aucun texte, l’appelant ne précisant pas les dispositions légales ou réglementaires qui prohiberaient une démission en cas d’obtention d’un mandat social et se contentant de reprocher à l’employeur de ne pas lui avoir délivré les documents de fin de contrat courant janvier 2011.
Il apparaît ainsi que le salarié a valablement démissionné par lettre du 7 janvier 2011.
L’appelant fait encore valoir que nonobstant cette démission, l’exercice de son mandat de 2011 à 2019 l’a placé dans un lien de subordination constitutif d’une relation salariale. Il fait valoir à ce titre que :
‘ les éléments de sa rémunération salariale n’ont pas été modifiés ;
‘ il ne disposait d’aucune autonomie et n’était pas un réel mandataire social dès lors que les statuts de la société précisent que le directeur général est désigné par le président de sorte qu’il ne reçoit pas de mandat de la part de la société mais une délégation des pouvoirs du président, que le directeur général assiste le président de sorte qu’il n’a pas de mission propre, que le président détermine l’étendue et la durée des pouvoirs conférés au directeur général de sorte que ce dernier n’a pas de pouvoirs propres, mais dépend du président dans la définition des pouvoirs qu’il pourrait avoir, que le directeur général doit recueillir l’autorisation préalable du président pour toutes les décisions relatives aux achats ou ventes d’actifs d’une valeur supérieure à 15 000 €, aux souscriptions emprunts excédant un montant de 15 000 € et à l’embauche et/ou au licenciement de cadres et d’ETAM ;
‘ en pratique, la gestion des salaires était assurée par M. [M], des contrats étaient imposés par les associés de la société et il devait rendre des comptes à M. [M] de manière extrêmement précise en présentant des prévisionnels à des réunions mensuelles.
Mais les limitations précitées des prérogatives du directeur général ainsi que le contrôle exercé conformément aux statuts par le président de la société sur l’activité de ce dernier ne caractérisent nullement, au vu des éléments de l’espèce, l’existence d’un lien de subordination, pas plus que l’exigence de remise de prévisionnels et de présence à des réunions mensuelles, tous éléments qui s’inscrivent au contraire dans la structuration normale de la gouvernance d’une SAS appartenant à un groupe de sociétés.
En l’absence de lien de subordination et partant de contrat de travail, il convient de retenir l’incompétence matérielle du conseil de prud’hommes, sans qu’il y ait lieu à évocation par la cour disposant d’une plénitude de compétence notamment commerciale, aucune demande présentée ne se trouvant fondées sur l’exécution ou la rupture du mandat social.
3/ Sur les autres demandes
Il convient d’allouer à l’intimée la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelant supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Déclare l’appel recevable.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Déboute M. [J] [Y] de l’ensemble de ses demandes.
Y ajoutant,
Condamne M. [J] [Y] à payer à la SAS LABESTÈRE 34 la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d’appel.
Condamne M. [J] [Y] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT