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Chambre civile
Section 2
ARRÊT n°
du 1er FÉVRIER 2023
n° RG 22/545
n° Portalis DBVE-V- B7G-CEWO JJG – C
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire de Bastia, décision attaquée du 19 janvier 2021, enregistrée sous le n° 20/814
[S]
C/
[E]
S.C.I. HOPAL
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
PREMIER FÉVRIER
DEUX-MILLE-VINGT-TROIS
APPELANTE :
Mme [G] [S]
née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 2] (Corse)
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Pierre-Henri VIALE, avocat au barreau de BASTIA
INTIMÉS :
M. [H] [E]
né le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 2] (Corse)
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Vanina CERVONI, avocate au barreau de BASTIA
S.C.I. HOPAL
prise en la personne de M. [M] [Y] en sa qualité de mandataire judiciaire, fonctions auxquelles il a été désigné par jugement du tribunal judiciaire de BASTIA le 19 janvier 2021
[Adresse 6]
[Localité 2]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 1er décembre 2022, devant la cour composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Nolwenn CARDONA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er février 2023
MINISTÈRE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée le 4 août 2021 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRÊT :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
Par arrêt du 9 février 2022, auquel il convient de se reporter pour l’exposé des faits et des prétentions des parties, dans le cadre de la procédure enregistrée n°21-81,la 2° section de la chambre civile de la cour d’appel de Bastia a :
Vu l’avis du ministère public,
Vu la demande de retrait du rôle présentée par Mme [G] [S] à laquelle M. [H] [E] s’est associé,
Prononcé le retrait du rôle de la présente procédure,
Réservé les dépens.
Par déclaration au greffe du 18 août 2022, Mme [G] [S] a sollicité la réinscription de la procédure sur le rôle de la chambre civile de la cour d’appel.
Par conclusions déposées au greffe le 23 août 2022, Mme [G] [S] a demandé à la cour de :
infirmer en toutes ses chef objet du présent appel le jugement querellé,
Statuant à nouveau,
In limine litis,
Vu l’article 851 du code civil, dire et juger [H] [E] irrecevable en sa demande de
révocation.
Vu les articles 73, 74, 108 et 378 du CPC, ordonner le sursis à statuer tant que l’enquête et la procédure pénale subséquente ne sont pas terminées.
Sur le fond des droits revendiqués,
Vu les articles 1851 et 1240 du code civil,
Infirmer la décision déféré-e en ce qu’elle a prononcé la révocation pour mésentente entre
associés,
Condamner Mr [H] [E] en la somme de 700 000 € à titre de justes dommages et intérêts.
Vu les articles 696 et 700 du CPC,
Condamner Mr [H] [E] aux entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’en la somme de 15 000 € chacun au titre des frais irrépétibles.
Sous toutes réserves.
La S.C.I. Hopal ne s’est pas toujours fait représenter ; en application des dispositions des articles 474 du code de procédure civile, le présent arrêt est rendu est réputé contradictoire.
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l’article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu’aux dernières conclusions notifiées par les parties.
SUR CE
Pour statuer comme ils l’ont fait les premiers juges ont considéré que l’acte introductif d’instance était valide, rejeté la demande de sursis à statuer, la décision pénale à venir n’étant pas démontrée et étant, de plus, sans influence sur le litige objet de la procédure, que la demande de révocation des fonctions de gérance avait bien une cause légitime et qu’il n’y avait pas lieu à faire droit à la demande de paiement de dommages et intérêts.
* Sur la demande in limine litis de déclaration de l’irrecevabilité de la demande de révocation
Il convient de relever que dans la déclaration d’appel du 3 février 2022, accompagnée d’une annexe du même jour, Mme [G] [S] a limité son appel en ne faisant pas référence à sa demande de déclaration de l’irrecevabilité de la demande présentée, examinée et rejetée par les juges de première instance.
Or, il résulte des dispositions de l’article 901 4° du code de procédure civile que la déclaration d’appel contient «les chefs du jugement expressément critiquées auquel l’appel est limité».
Principe découlant des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile qui précisent notamment que «L’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent».
En conséquence, la cour n’est pas saisie de cette irrecevabilité qui a été rejetée en première instance et qui est aujourd’hui définitive.
* Sur la demande de sursis à statuer
Mme [G] [S] fonde sa demande sur les articles 4 du code de procédure civile et 378 du code de procédure civile, faisant valoir que M. [H] [E] appuie sa demande de révocation sur les actes, qu’il qualifie de frauduleux, qu’elle aurait effectués. Elle précise qu’avec l’intimé elle a été placée en garde-à-vue le 12 août 2020, notamment, pour des faits de blanchiment, d’escroquerie et abus de bien social, qu’elle a appris que M. [H] [E] avait déposé plainte à son encontre pour abus de bien social et gestion frauduleuse, sans pour autant préciser ce qui lui était reproché, ne déférant pas aux sommations de communiquer délivrée et le ministère public ne répondant pas à ses sollicitations. Elle ajoute que la juridiction de première instance a rejeté sa demande en l’absence de toute pièce justifiant d’une action pénale et que la demande de révocation est fondée sur la mésentente entre les associés, ce qui ne peut être retenue comme une cause légitime.
En l’espèce, il ressort de l’acte introductif d’instance que la demande de révocation de la gérante de la S.C.I. Hopal est fondée sur les actes qualifiés de frauduleux par M. [H] [E] et contraires à l’intérêt social de la dite société.
Ces actes sont, selon lui, le fait qu’il ait été noté présent lors de l’assemblée générale du 3 juillet 2018 alors qu’il était détenu à cette période en Italie, que son ancienne épouse a utilisé le pouvoir qu’il lui avait donné pour les actes de la vie courante de la S.C.I. Hopal dans le cadre d’un acte de disposition, que le produit de la vente ainsi réalisée a été versé sur le compte personnel de l’appelante, outre la discorde persistante entre les associés et la perte de confiance qui en est née.
En ce qui concerne une éventuelle instance pénale en cours, il n’est pas contestable que Mme [G] [S] a été placée en garde-à-vue le 12 août 2020, dans le cadre apparemment d’une procédure d’escroquerie et d’abus de bien social.
A la suite de cet épisode par courrier et courriels des 17, 18 et 31 août 2020, l’appelante a demandé, tant à son ancien conjoint qu’au ministère public du tribunal judiciaire de Bastia, de bien vouloir communiquer la plainte pour escroquerie déposée par M. [H] [E], et ce, sans obtenir la moindre réponse.
Les juges de première instance ont considéré que l’appelante ne démontrait pas la réalité de l’instance pénale revendiquée et ont rejeté la demande de sursis à statuer.
Or, alors que l’absence de justificatif de la procédure pénale invoquée était la motivation du jugement querellé sur ce point, l’appelante ne produit aucun autre élément, ses demandes par courriers et courriels ayant plus de deux années pour avoir été présentées en août 2020.
Ainsi, en 2022, dans le cadre de la procédure devant la cour, Mme [G] [S] ne produit aucune nouvelle demande adressée tant à l’intimé qu’au ministère public du tribunal judiciaire de Bastia, permettant d’actualiser sa situation pénale, se contentant des informations d’août 2020 pourtant déjà estimées, à raison, insuffisantes.
En conséquence, il convient de rejeter cette demande et de confirmer le jugement entrepris sur ce point, et ce, d’autant plus que la demande de révocation n’est pas fondée uniquement sur la réalité d’actes frauduleux, mais aussi sur la mésentente existant entre les associés, argument qui doit être examiné et qui est sans lien avec une éventuelle procédure pénale et ce saurait justifier un quelconque sursis à statuer
* Sur la demande de révocation de la gérante pour cause légitime
M. [H] [E] fait valoir que l’appelante a profité du pouvoir qui lui avait été remis par lui-même, pour signer ou requérir tout formulaire ou acte nécessaire au profit de la S.C.I. Hopal, pour vendre un bien immobilier de cette société, d’avoir versé le produit de cette vente sur son compte personnel et que ces actes, doublés d’une mésentente entre les associés, justifient la révocation sollicitée.
Mme [G] [S] s’oppose à la demande présentée, rappelant par la production d’un testament rédigé par l’intimé quand il était son époux l’intention libérale de ce dernier envers elle.
La demande de révocation présentée est fondée sur les dispositions de l’article 1851 alinéa 2 du code civil qui précise que «Le gérant est également révocable par les tribunaux pour cause légitime à la demande de tout associé».
Il convient donc de définir ce qu’est la cause légitime mentionnée.
Il est constant que la cause légitime de révocation judiciaire résulte d’une violation par le gérant de la loi ou/et des statuts de la société et peut même être la conséquence d’une mauvaise gestion compromettant l’intérêt social de la société.
En l’espèce, il est reproché à Mme [G] [S] d’avoir, par le biais d’un pouvoir donné par celui qui était encore son époux, vendu un bien immobilier appartenant à la S.C.I. Hopal et d’avoir versé le fruit de la vente sur des comptes personnels.
Contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, il convient que la cour analyse la cause légitime en fonction de l’intérêt de la société civile immobilière et non sur le plan des rapports entre les associés eux-mêmes ; ainsi le fait que M. [H] [E] ait fait un testament laissant tous ses biens, y compris ses parts sociales, n’est en rien un moyen déterminant quant au bien fondé de la vente entreprise, vente qui ne doit être analysée que par le prisme de l’intérêt de la société et non de ses associés.
En effet, une société civile immobilière est une personne morale dont l’intérêt peut diverger de celui de ses associés. En ce sens, se doit d’être examiné le bien fondé de la vente réalisée pour la dite société et uniquement vis-à-vis d’elle, les conditions de la vente et sa contestation n’étant qu’un moyen d’annulation de la résolution votée, mais pas de révocation de la gérante si la dite vente était dans l’intérêt de la dite société
En l’espèce, il convient de relever à la lecture de l’extrait Kbis de la S.C.I. Hopal -pièce n°2 de l’intimé- que cette dernière a pour activité «L’acquisition, la rénovation, la construction, la propriété, l’administration et l’exploitation par voie de location ou autrement de tous immeubles bâtis dont la société pourrait devenir propriétaire», activité clairement définie, excluant la vente ou la cession de bien immobilier lui appartenant et reprise dans l’article 3 de ses statuts mis à jour le 11 mai 2014 -pièce n°1 de l’intimé.
En conséquence, il est manifeste que la gérante en convoquant une assemblée générale de la société le 3 juillet 2018 pour autoriser la vente d’un bien immobilier de cette société a pris une décision contraire à l’intérêt social de celle-ci.
De plus, alors que le produit de la vente, selon l’acte notarié du 6 décembre 2018 la somme de 153 000 euros, Mme [G] [S] ne conteste pas avoir versé cette somme non sur les comptes de la société, mais sur au moins l’un des siens, à hauteur de 20 000 euros, favorisant ainsi ses intérêts personnels au détriment de ceux de la société qu’elle gérait, le solde du prix de vente ayant été, de plus, versé sur des comptes étrangers à la société.
En l’espèce, la cause légitime justifiant la révocation résulte de la faute commise par la gérante dans l’exercice de ses fonctions, faute qui en diminuant le patrimoine de la société et en l’absence de tout versement du produit de la vente cause, un dommage certain à celle-ci en compromettant son fonctionnement, pouvant entraîner sa disparition.
De plus, il est manifeste que M. [H] [E] et Mme [G] [S] étant les deux seuls associés, la procédure actuelle et la perte du rapport de confiance entre eux, illustrent une mésentente compromettant le bon fonctionnement et le devenir même de la société dont ils sont associés.
En conséquence, la cause légitime de révocation judiciaire était indiscutable et ce, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner le comportement de l’intimé dans la gestion d’autres
sociétés dans lesquelles les parties seraient associés, la cause légitime devant s’analyser uniquement dans ses conséquences dans les rapports gérant/société et non dans les rapports entre associés dans d’autres sociétés, il convient donc de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
* Sur la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [G] [S]
Le bien fondé de la révocation sollicitée ayant été confirmé en appel, la demande de dommages et intérêts de Mme [G] [S] ne peut être fondée sur le préjudice résultant de cette révocation validée par la présente juridiction.
Elle fait aussi valoir qu’elle a agi en tant que gérante sur injonction de son époux, notamment à la suite du harcèlement moral et de la violence économique subis du fait des actions de ce dernier quand ils étaient mariés.
Or, il est certain que lors de l’assemblée extraordinaire de la S.C.I. Hopal du 3 juillet 2018 et de la signature de l’acte de vente du 6 décembre 2018, suivi du versement du prix de vente sur des comptes différents de ceux de la S.C.I. Hopal, M. [H] [E] était incarcéré en Italie, purgeant une peine de 12 ans d’emprisonnement pour trafic de stupéfiants et que, par cette simple réalité, il ne pouvait avoir un pouvoir de contrainte sur celle qui était, certes encore son épouse, mais qui agissait librement dans sa vie quotidienne, et ce, même s’il est démontrée que la vie conjugale et commune des parties n’a pas été simple pour Mme [G] [S].
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en rejetant la demande de dommages et intérêts présentée.
* Sur les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
S’il est équitable de laisser à la charge de l’appelante les frais irrépétibles qu’elle a engagés, il n’en va pas de même pour l’intimé ; en conséquence, il convient de débouter Mme [G] [S] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et d’allouer, à ce titre, à M. [H] [E] la somme de 15 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Vu l’avis du ministère public du 20 août 2021,
Vu l’arrêt du 9 février 2022,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions dont la cour a été saisie,
Y ajoutant,
Déclare irrecevable l’exception de procédure soulevée par Mme [G] [S] a défaut d’avoir été incluse dans la déclaration d’appel,
Déboute Mme [G] [S] de l’ensemble de ses demandes,
Condamne Mme [G] [S] au paiement des entiers dépens,
Condamne Mme [G] [S] à payer à M. [H] [E] la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, somme incluant les frais de sommation du 16 décembre 2019.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT