Statut juridique de la marque distinctive

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Statut juridique de la marque distinctive
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Conditions de la distinctivité d’une marque

 

Le caractère distinctif d’une marque s’apprécie le jour de son dépôt  et non postérieurement  à son usage.   Conformément à l’article L 714-3 du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 et à L 711-4, la décision d’annulation ayant un effet absolu et étant, une fois devenue définitive, transmise à l’INPI pour inscription sur ses registres par le greffe ou l’une des parties en application de l’article R 714-3 du même code.

Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif: a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service; c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c), être acquis par l’usage.

En application du droit interne interprété à la lumière du droit communautaire, les signes susceptibles de représentation graphique ne peuvent constituer des marques qu’à condition qu’ils soient intrinsèquement aptes à identifier le produit pour lequel est demandé l’enregistrement comme provenant d’une entreprise déterminée et propres à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises ainsi que l’a rappelé la CJUE dans un arrêt du 18 juin 2002 Koninklijke Philips Electronics NV c. Remington Consumer Products Ltd. Le public pertinent doit immédiatement et certainement percevoir le signe comme identifiant l’origine commerciale du produit.

Aussi, pour remplir sa fonction essentielle d’identification, une marque doit être distinctive, caractère indépendant de l’originalité ou de la nouveauté qui suppose que les éléments entrant dans sa composition soient arbitraires par rapport aux produits ou services qu’elle désigne indépendamment de ses conditions d’exploitation et soient d’emblée perçus par le consommateur comme pouvant identifier l’origine du produit en le rattachant à une entreprise spécifique.

Moment pour apprécier la distinctivité

La réalité du caractère distinctif doit être appréciée au jour du dépôt de la marque et la possibilité d’acquisition du caractère distinctif par l’usage prévue par l’article L 711-2 du code de propriété intellectuelle ne constitue pas une exception à cette règle.

En effet, ainsi que l’a précisé la CJUE dans un arrêt Von Colson et Kamann c. Land Nordhein-Westfalen du 10 avril 1984, le juge judiciaire, juge communautaire de droit commun, est tenu d’interpréter dans toute la mesure du possible les dispositions internes conformément au texte des directives communautaires transposées ou non pour atteindre le résultat qu’elles visent.  Or, aux termes de l’article 3.3 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques transposé à l’article L 711-2 du code de propriété intellectuelle, « une marque n’est pas refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, n’est pas susceptible d’être déclarée nulle en application du paragraphe 1, points b), c) ou d), si, avant la date de la demande d’enregistrement et après l’usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif. En outre, les États membres peuvent prévoir que la présente disposition s’applique également lorsque le caractère distinctif a été acquis après la demande d’enregistrement ou après l’enregistrement ».

Ainsi, le principe posé par la directive est l’acquisition du caractère distinctif du signe constituant la marque au plus tard le jour du dépôt, y compris par usage, ce qu’a confirmé la CJUE dans ses arrêts Imagination Technologies c. OHMI du 11 juin 2009 et Oberbank AG, Banco Santander SA et Santander Consumer Bank AG c. Deutscher Sparkassen-und Giroverband eV du 19 juin 2014.

Dès lors, faute de disposition légale prévoyant expressément la faculté d’acquisition du caractère distinctif par un usage postérieur au dépôt, l’article L 711-2 du code de propriété intellectuelle étant sur ce point la stricte transposition du principe et non l’affirmation de son exception en l’absence de précision sur le domaine temporel de l’acquisition par l’usage, le titulaire de la marque est tenu de démontrer la distinctivité du signe constituant la marque au jour du dépôt.

Public pertinent pour apprécier la distinctivité

Le public pertinent au titre de la distinctivité, qui est le consommateur des biens et services couverts par la marque ainsi que l’a jugé la CJUE dans son arrêt August Storck c. OHMI du 22 juin 2006, est le consommateur français d’une attention et jouissant d’une information moyennes, les produits opposés, tels qu’ils sont définis à l’enregistrement, étant des produits de consommation courante.

Signes laudatifs ou intrinsèquement distinctifs

Au sens de l’article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle, l’appréciation de la distinctivité d’une marque englobe celle de sa distinctivité intrinsèque, aptitude du signe à constituer une marque pour les produits et services visés, et celle de son caractère descriptif, relation entre le signe et la désignation les produits et services visés au dépôt ou de leurs caractéristiques.

Dans la majorité des cas, ne sera pas distinctif le signe qui a une fonction laudative fortement marquée par l’utilisation d’un adjectif qui sera immédiatement perçu par le public pertinent comme vantant un mérite des effets des produits visés au dépôt. Il a de ce fait une fonction promotionnelle (exemple : « bronzage sublime »).

Dans son arrêt du 21 janvier 2010 Audi AG c. OHMI rendu sur l’application de l’article 7§1 du Règlement n° 40/94, la CJUE a rappelé que les marques composées de signes ou d’indications utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques peuvent être enregistrées malgré cette utilisation et sans que l’appréciation de leur caractère distinctif implique des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes.

En dépit de l’unité des critères d’appréciation du caractère distinctif, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et en déduisait que la distinctivité des marques verbales constituées de slogans publicitaires, du fait de leur nature même, était plus difficile à établir.

Le simple fait qu’une marque soit perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et que, eu égard à son caractère élogieux elle pourrait en principe être reprise par d’autres entreprises, n’est pas en tant que tel suffisant pour conclure que cette marque est dépourvue de caractère distinctif, la connotation élogieuse d’une marque verbale n’excluant d’ailleurs pas qu’elle soit néanmoins apte à garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services qu’elle désigne.

Toutefois, une marque constituée d’un terme laudatif, même banal (CJUE, 16 septembre 2004, Sat.1 c. OHMI), peut être distinctive à la condition qu’elle soit apte à jouer sa fonction de garantie d’origine commerciale ce qui est exclu si elle est uniquement et d’emblée perçue par le public pertinent comme un message publicitaire ou promotionnel ordinaire.

Le signe ne sera pas distinctif si le public pertinent comprend immédiatement qu’il peut user de produits particulièrement efficaces au regard de l’objectif recherché, il percevra exclusivement une appréciation qualitative tendant à vanter les mérites des produits vendus et non une garantie de leur origine commerciale.  Immédiatement et exclusivement appréhendé par le public pertinent comme un message de nature promotionnelle, le signe déposé ne sera  pas apte à remplir sa fonction de garantie d’origine et ne sera pas intrinsèquement distinctif.

Acquisition du caractère distinctif par l’usage

Le caractère distinctif du signe devant être apprécié, même en cas d’acquisition par l’usage, au jour du dépôt, les pièces postérieures à sa date peuvent être prises en considération pour éclairer les éléments antérieurs mais ne peuvent constituer des preuves d’usage.

L’usage visé à l’article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle n’est efficace que s’il remplit des critères spatiaux, qualitatifs et quantitatifs. Ainsi, la CJUE a jugé dans son arrêt du 7 septembre 2006 Bovemij Verzekeringen c. Benelux-Merkenburea que, pour les marques nationales, il est nécessaire de démontrer que la marque a acquis par l’usage un caractère distinctif dans toute la partie du territoire de l’Etat membre dans laquelle il existe un motif de refus et que, dans la zone linguistique ainsi définie, il y a lieu d’apprécier si une fraction significative des milieux intéressés identifie les produits et services de l’entreprise grâce à la marque.

Et, l’usage du signe doit être fait, conformément à la fonction essentielle de la marque, à titre de marque (arrêt de la CJUE Nestlé c. Mars UK du 7 juillet 2005), pour identifier ou promouvoir dans la vie des affaires aux yeux du public pertinent les produits et services visés au dépôt et opposés à la défenderesse : il doit être tourné vers l’extérieur et public et non interne à l’entreprise ou au groupe auquel elle appartient.

Cet usage doit enfin être sérieux en ce sens que le titulaire doit démontrer d’une part l’importance de l’usage de sa marque et d’autre part son incidence sur son caractère distinctif, les efforts du titulaire ne pouvant être pris en considération que dans la mesure où ils ont des résultats objectifs dans la perception de la marque par le public pertinent.

La CJUE précisait à cet égard dans son arrêt du 22 juin 2006 August Storck c. OHMI que pouvaient notamment être prises en considération la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles.

A titre d’exemple, dans une récente affaire, a été jugée dépourvue de distinctivité intrinsèque, la marque semi-figurative française « Bronzage sublime », celle-ci n’ayant pas non plus acquis ce caractère par l’usage qui en avait été fait avant son dépôt.  L’enregistrement de cette marque a été annulé pour tous les produits visés au dépôt.

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