Statut des prestataires de plateformes collaboratives

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Statut des prestataires de plateformes collaboratives
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Le Ministère du Travail a édité un guide juridique sur le risque de requalification en contrat de travail des préposés des Plateformes collaboratives. Avec le développement des plateformes numériques, l’économie collaborative connaît aujourd’hui un essor sans précédent.

300 plateformes concernées

Que ce soit au travers de la démultiplication, grâce à l’outil numérique, de modèles d’échanges préexistants ou de la création d’écosystèmes sociaux et économiques originaux, voire nouveaux, elle recèle au travers des 300 plateformes présentes sur ce marché dont les trois-quarts sont françaises, « un véritable potentiel de développement ».  

Certaines plateformes numériques emploient des travailleurs salariés qu’elles mettent en relation avec les consommateurs. D’autres veulent, au contraire, voir dans ces prestataires des entrepreneurs individuels qui concluent avec elles des contrats en tout indépendance. Elles se présentent alors comme de simples intermédiaires « transparents » entre une offre et une demande.

Risques des plateformes numériques d’intermédiation

Les plateformes collaboratives sont, au sein des plateformes digitales, celles qui s’inscrivent dans une relation de pair à pair. Leur caractéristique est de proposer des biens, des services et des contenus aux consommateurs qui sont produits, mis à disposition ou vendus par des contributeurs, qui peuvent être des professionnels ou de simples particuliers.

C’est sur cette base que les travailleurs passant par une plateforme numérique d’intermédiation sont susceptibles d’être qualifiés de salariés, ou de voir les sommes perçues soumises aux cotisations et contributions du régime général de sécurité sociale, par des administrations de contrôle (URSSAF, inspection du travail) et en dernier lieu, par le juge.

Si tel est le cas, compte tenu de la relation de nature triangulaire qui s’établit entre le travailleur, le consommateur et la plateforme, reste à savoir qui est l’employeur : tant la plateforme que le consommateur final pourraient être regardés comme tel, mais ce sera soit l’un, soit l’autre. Par conséquent, plus la relation de la plateforme avec le travailleur s’apparentera à du salariat, moins celle qu’il aura avec le consommateur final sera susceptible d’être qualifiée ainsi, et vice versa.

Dans un souci de meilleure clarté et de meilleure lisibilité du droit dans ce domaine, le guide du Ministère s’efforce de présenter de manière synthétique les enjeux de la qualification de travailleur salarié et les différents critères juridiques, en lien avec l’économie des plateformes numériques, qui peuvent y conduire.

Les indices de subordination

Dans ce guide, on lira avec intérêt, l’abécédaire des principaux indices de subordination. Il les envisage également en creux, lorsqu’ils sont absents ou que l’on se trouve face à leur contraire : il s’agit alors de « contre-indices » de subordination, d’indices d’indépendance. Aucun indice n’est à lui seul déterminant : 

  • Clientèle : l’exercice, par le travailleur, de l’activité pour le compte de la clientèle de son donneur d’ordre et non pour une clientèle propre est un indice de subordination.
  • Dépendance économique : la Cour de cassation prend en compte l’absence de clientèle propre, l’exercice de l’activité pour un seul donneur d’ordre ou encore la fixation de la rémunération unilatéralement par le donneur d’ordre. Elle vise parfois conjointement la subordination, d’un côté, et la dépendance économique, de l’autre. Par exemple, elle a retenu la subordination d’un chauffeur routier dont la dépendance économique était intense alors que seuls ses horaires de travail étaient contraints.
  • Déréférencement/désactivation : le procédé consistant à rendre moins « visible » un travailleur, voire à le déconnecter complètement en fonction de son comportement dans l’exercice de son activité pour la plateforme pourrait être regardé comme s’apparentant à une sanction et constituer un indice de subordination, ceci d’autant plus qu’elle est à la discrétion de l’employeur et ne repose pas sur des critères contractuels objectifs et transparents.
  • Evaluation de la prestation réalisée : l’évaluation du travailleur peut-être un moyen de contrôle pour l’employeur, voire revenir, en fait, à imposer au travailleur d’exercer son activité selon certaines modalités correspondant à autant de contraintes (horaires, lieux, respect d’un itinéraire, d’une procédure ou d’un comportement déterminés, …), d’autant plus qu’elle repose sur des critères précis.
  • Exclusivité de la prestation (en droit ou en fait), pendant l’exécution du contrat ou après que celui-ci ait pris fin (clause de non-concurrence) : l’engagement du travailleur à n’exercer que pour le donneur d’ordre est un indice de subordination, de même qu’une exclusivité qui s’impose en fait, découlant des conditions effectives d’exercice de l’activité – et qu’il faut distinguer de la « mono activité de fait » et de la dépendance purement économique qui en découle.
  • Facturation / paiement de la prestation : peut révéler la subordination du travailleur le fait que c’est le donneur d’ordre qui facture directement la prestation effectuée au consommateur final, qui doit nécessairement passer par le donneur d’ordre pour effectuer son paiement.
  • Formalités administratives liées à l’exercice de l’activité sous le statut de travailleur indépendant : la jurisprudence peut tenir compte de ce que c’est le donneur d’ordre qui accomplit ces formalités alors que légalement, elles incombent au travailleur indépendant. En revanche, l’accomplissement de telles formalités, dans le cadre d’un mandat, ne saurait suffire, à lui seul, à caractériser un lien de subordination : il doit être combiné à d’autres indices de ce dernier.
  • Formation : la formation, initiale ou continue, à l’exercice de l’activité considérée peut être regardée comme un indice du lien de subordination, notamment dans la mesure où elle reflète l’existence d’un « service organisé » En revanche tel n’est pas le cas de la prise en charge de la contribution à la formation professionnelle continue du salarié réalisée en application de la loi.
  • Géolocalisation : la géolocalisation d’un travailleur, par exemple au moyen du
  • système GPS installé dans son véhicule prêté par la société, si elle n’est pas toujours regardée comme un indice du lien de subordination, notamment lorsqu’elle répond à d’autres impératifs que l’exercice, par le donneur d’ordre, d’un pouvoir de contrôle, peut, au contraire, parfois être regardée comme révélant ce dernier. D’ailleurs, la jurisprudence voit dans la géolocalisation, utilisée pour contrôler, par exemple, le temps de travail du salarié, une prérogative si forte qu’elle encadre strictement le recours qui peut y être fait.
  • Initiative du statut de travailleur indépendant, notamment d’autoentrepreneur, sous lequel l’activité est formellement exercée : la jurisprudence tient compte de la circonstance que c’est le donneur d’ordre qui ait proposé au travailleur d’exercer l’activité sous ce statut, a fortiori lorsqu’il lui a imposé de le faire.
  • Itinéraire (fixation d’un itinéraire impératif) : il a déjà été regardé comme un indice d’existence d’un lien de subordination dans le cadre d’une distribution de journaux.
  • Lieu et horaires de travail : les contraintes relatives aux lieu et horaires de travail sont traditionnellement des indices forts du lien de subordination. Aujourd’hui, la liberté du travailleur quant aux lieu et horaires de travail se banalise au sein même de la relation de travail salariée, comme en témoignent, par exemple, le développement du télétravail ou encore du travail à temps partiel, voire exercé de manière très ponctuelle. Il n’en demeure pas moins que l’octroi d’une grande liberté aux travailleurs dans la détermination de leurs horaires et de leur lieu de travail peut diminuer le risque de requalification en salariat. Inversement, l’intensité, comme indice de subordination, des contraintes imposées en termes de lieu et d’horaire de travail peut néanmoins être réduite si elles résultent de spécificités techniques particulières en relation avec l’activité exercée.
  • Logo (ou sigle) : l’obligation faite à un travailleur de diffuser la marque du donneur d’ordre (en le portant sur lui ou sur le véhicule qu’il utilise, par exemple) peut être un indice de subordination. Tel peut ne pas être le cas, en revanche, lorsque le port de ce logo fait l’objet d’un contrat de publicité distinct  (sous réserve que ce contrat distinct n’ait pas pour objet, justement, de détourner la relation de travail).
  • Lois et règlements (application des lois et des règlements) : l’application, par le donneur d’ordre, des obligations qui lui incombent en vertu de la loi et du règlement, par exemple, celles incombant à certaines plateformes au titre de leur « responsabilité sociale » à l’égard de travailleurs qu’elle qualifie  d’indépendants, n’est pas un indice de subordination : elle n’est évidemment pas révélatrice d’un pouvoir qu’il exercerait.
  • Matériel de travail (fourniture du matériel de travail) : l’exercice par le travailleur de l’activité par des moyens qui lui sont fournis par le donneur d’ordre facilite le contrôle par ce dernier et peut aussi révéler une certaine dépendance économique du travailleur (fourniture de la matière première, de l’outil de travail, d’un uniforme, que la mise à disposition soit à titre gratuit ou à titre onéreux comme dans le cas d’une vente ou d’une location).
  • Objectifs : le fait pour le donneur d’ordre d’assigner des objectifs au travailleur, par exemple, de chiffre d’affaires à atteindre, peut révéler un lien de subordination.
  • Ordres, directives et instructions : le fait, pour le travailleur, de recevoir des ordres, autrement dit, des consignes exprimées de manière impérative, de même que des instructions ou des directives, exprimées par exemple par voie de circulaires, a fortiori si leur non-respect est susceptible de sanctions, est un indice de subordination, sauf si ces directives ont seulement pour objet de rappeler la règlementation existante (par exemple en matière de sécurité, de protection du consommateur ou de contraintes techniques réglementaires) ou les termes du contrat qui a été conclu entre le travailleur et son donneur d’ordre.
  • Prestation personnelle : l’obligation de réaliser personnellement la prestation, au lieu de recourir, pour ce faire, à des tiers, des collaborateurs, est un indice du contrat de travail, sauf parfois lorsqu’elle peut être regardée comme découlant uniquement de l’exigence de qualité de la prestation ou de sécurité du consommateur. A l’inverse, la liberté de recruter des collaborateurs est un indice d’indépendance, mais un indice seulement.
  • Règlement intérieur : l’obligation de respecter un règlement intérieur, c’est-à-dire des règles d’organisation préétablies unilatéralement par l’employeur, en-dehors des termes du contrat conclu avec le travailleur peut être, combinée à d’autres, un indice du lien de subordination. Le critère est lié à celui du lieu de travail effectif.
  • Rémunération (forme de la rémunération) : ainsi qu’il a été dit auparavant, l’existence d’une rémunération est l’une des trois conditions permettant de reconnaître l’existence d’une relation de travail salariée. Si la forme de cette rémunération n’importe pas sous cet angle, elle peut néanmoins être un indice de l’existence d’un lien de subordination. Ainsi, la rémunération au temps passé plutôt qu’au résultat est un indice de subordination, notamment lorsqu’elle révèle une surveillance étroite de l’activité par le donneur d’ordre. La rémunération sous forme de participation aux résultats est, au contraire, lorsqu’elle est exclusive ou prépondérante, un indice qui pourrait plutôt prouver une relation indépendante, même si ces formes de rémunération existent également dans le cadre du salariat.
  • Rémunération (fixation de la rémunération) : la fixation de la rémunération unilatéralement par le donneur d’ordre est un indice de subordination. Tel est notamment le cas lorsqu’une part importante de la rémunération consiste dans des « bonus », « primes », etc. que le donneur d’ordre fixe de manière discrétionnaire, sans être tenu par des stipulations contractuelles précises. En revanche, la capacité pour le travailleur de négocier la rémunération peut constituer un indice d’indépendance.
  • Sanction : le pouvoir de sanction, qui assure l’effectivité du contrôle, est un indice de subordination. Il peut consister dans la possibilité, pour le donneur d’ordre de résilier le contrat lorsque certaines conditions sont remplies, mais aussi de diminuer la rémunération ou de ne plus confier de missions à l’avenir (la déconnexion) : alors même que celui-ci appartient à tout donneur d’ordre dans tout type de contrat, la jurisprudence, dans le cadre de la mise en œuvre de la technique du faisceau d’indices, y voit parfois un indice de subordination lorsqu’il se combine à un pouvoir de contrôle.
  • « Service organisé » (intégration du travailleur dans un « service organisé ») : l’existence d’un « service organisé », au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation est un indice du lien de subordination. Elle résulte à elle seule d’un faisceau d’indices qui, associé à une rémunération, est fréquemment utilisé par les URSSAF pour constater l’existence d’une relation de travail salarié. Un « service organisé » est un ensemble de contraintes conjuguées pesant sur un travailleur et déterminées par l’employeur, dans son propre intérêt (elles peuvent résulter de l’ensemble des autres indices de subordination). Elle est essentiellement utilisée  pour caractériser la subordination de personnes dont la nature des tâches exclut qu’elles reçoivent des ordres concernant l’exécution du travail en lui-même.
  • Tarif de la prestation : la fixation, par la plateforme, du tarif de la prestation, peut constituer un indice qui, combiné à d’autres, permet de caractériser le lien de subordination.

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