Statut de l’ouvreuse de salle de spectacle

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Statut de l’ouvreuse de salle de spectacle
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L’ouvreuse de salle de spectacle vivant peut être recrutée par CDD d’usage. Aux termes de l’article L. 1242-2, 3° du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, notamment pour pouvoir des emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Ces dispositions sont précisées par l’article D. 1242-1 du même code qui stipule que parmi les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée d’usage peuvent être conclus figurent les spectacles et l’action culturelle.

Conditions du CDD d’usage d’ouvreuse

L’article L1242-12 du code du travail prévoit que le contrat de travail est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Le recours au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas l’employeur d’établir un contrat écrit comportant la définition précise de son motif. Ces dispositions sont d’ailleurs reprises précisément dans l’article III.3.1 de l’accord inter branche sur la politique contractuelle dans le spectacle vivant public et privé.

Absence de motif de recours

En l’espèce, les contrats de travail conclus entre la salariée ouvreuse et son employeur ne faisaient aucune référence au motif de recours à un contrat à durée déterminée, ce qui constitue à soi seul un motif de requalification.

Emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise

Surabondamment, les contrats de travail de la salariée, qui étaient conclus pour la durée d’un spectacle, soit deux à quatre mois le plus souvent, étaient en général séparés par quelques jours seulement, ce qui permet de retenir que cette succession de contrats avait en réalité pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ce qui est prohibé par l’article L1242-1 du code du travail.

Refus de signer un CDI intermittent

Le fait, allégué par l’employeur, que la salariée aurait refusé de signer un contrat à durée indéterminée intermittent, outre qu’il n’est pas démontré notamment par un courrier qui lui aurait été adressé en ce sens, est sans effet sur l’irrégularité des contrats à durée déterminée auquel elle a continué à avoir recours.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 19 MAI 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/10921 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6OWC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Août 2018 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 15/09015

APPELANTES

Madame Z X

[…]

[…]

Représentée par Me Crystal MAGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001

SAS SELIO

[…]

[…]

Représentée par Me Nawel LOUZARI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0495

INTIMÉE

SA SOCIETE NOUVELLE D’EXPLOITATION DE RENOVATION ET DE RENAISSANCE (SNERR) DU […]

[…]

[…]

Représentée par Me Carole BESNARD BOELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0678

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne MENARD, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre

Madame Anne MENARD, Présidente de chambre

Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre

Greffier, lors des débats : Madame Clémence UEHLI

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Fabienne ROUGE, Présidente de chambre, et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Madame X a été engagée par la SOCIÉTÉ NOUVELLE D’EXPLOITATION DE RENOVATION ET DE RENAISSANCE DU […] ([…]) en qualité d’ouvreuse, suivant douze contrats à durée déterminée entre le mois de septembre 2010 et le mois de juillet 2014.

La convention collective applicable à la relation de travail était celle des entreprises du secteur privé du spectacle vivant.

A partir du mois de septembre 2014, la société […] a décidé de faire appel à un prestataire extérieur, la société SELIO, pour assurer le placement des spectateurs. Cette société, qui est spécialisée dans les activités de soutien au spectacle vivant, a embauché en large partie les mêmes salariés que ceux qui travaillaient jusqu’alors pour le théâtre.

Madame X a donc conclu avec la société SELIO treize nouveaux contrats à durée déterminée, au cours de la période allant du 2 septembre 2014 au 28 février 2015.

Madame X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 20 juillet 2015 contre les deux sociétés, afin, après avoir vu reconnaître l’existence d’un co-emploi, d’obtenir la requalification des contrats en un contrat à durée indéterminée et à temps complet, et le paiement d’indemnités de requalifications, d’indemnités de rupture, ainsi que de rappels de salaires.

Par jugement en date du 31 août 2018, le conseil de prud’hommes de Paris a :

— constaté le désistement de Madame X de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte au droit de grève.

— requalifié les contrats conclus avec le […] en contrat à durée indéterminé.

— condamné la société […] à lui payer la somme de 775,79 euros à titre d’indemnité de requalification.

— requalifié les contrats conclus avec la société SELIO en contrat à durée indéterminé.

— condamné la société SELIO à payer à Madame X les sommes suivantes :

‘ 710,58 euros à titre d’indemnité de requalification

‘ 710,58 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 71,05 euros au titre des congés payés afférents

‘ 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

‘ 750 euros par application des dispositions des articles 700 2° du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

— débouté Madame X du surplus de ses demandes

Madame X a interjeté appel de cette décision le 1er octobre 2018, et la société SELIO en a interjeté appel le 3 octobre 2018. Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 3 novembre 2020.

Par conclusions récapitulatives du 8 janvier 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Madame X demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié les relations contractuelles en contrats à durée indéterminée, et sur les sommes allouées au titre des indemnités de requalification

— infirmer le jugement pour le surplus.

— condamner la […] à lui payer une somme de 11.253,92 euros à titre de rappel de salaire, outre 1.125,39 euros au titre des congés payés afférents

— condamner la société SELIO à lui payer les sommes suivantes :

• 5.000 euros pour l’absence d’application de la convention collective de branche

• 2.000 euros pour ne pas avoir organisé d’élection de représentants du personnel

— constater l’existence d’un co-emploi à partir du 2 septembre 2014 et condamner in solidum les deux sociétés au paiement des sommes suivantes :

• 39.307,43 euros à titre de rappel de salaire sur la base d’un temps complet pour le […]

• 3.930,74 euros au titre des congés payés afférents

• 5.546,99 euros à titre de rappel de salaire sur la base d’un temps complet pour la société SELIO

• 554,70 euros au titre des congés payés afférents

• 4.002,94 euros au titre de l’indemnité de précarité

• 400,29 euros au titre des congés payés afférents

• 2.972,74 euros à titre d’indemnité de préavis

• 297,27 euros au titre des congés payés afférents

• 8.918,22 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse

• 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Par conclusions récapitulatives du 6 janvier 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la SNERR du […] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, et sur les condamnations prononcées à son encontre. Elle sollicite le débouté de toutes les demandes et la condamnation de Madame X à lui payer une somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 10 janvier 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société SELIO demande à la cour :

— à titre principal d’infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, et de débouter la salariée de ses demandes

— subsidiairement, limiter le montant alloué à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, confirmer le montant des condamnations au titre du préavis et des congés payés afférents, et rejeter le surplus des demandes.

— en tout état de cause, condamner Madame X au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

***

MOTIFS :

– Sur l’existence d’un co-emploi

Pour soutenir que même après avoir décidé d’avoir recours à un prestataire extérieur, le […] est en réalité resté co-employeur des ouvreurs et ouvreuses, Madame X soutient qu’il continuait à donner des instructions et directives au quotidien, et à exercer le pouvoir disciplinaire.

Toutefois, la salariée ne verse aux débats aucun élément qui permettrait de retenir la persistance du lien de subordination au-delà de la date de changement d’employeur. Il apparaît au contraire que c’est la société SELIO qui organisait seul l’emploi du temps des ouvreurs et des ouvreuses, qui gérait leur temps de travail. La responsable du personnel d’accueil, que supervisait le travail au quotidien, était également une salariée de la société SELIO, et aucun élément du dossier ne permet de retenir une ingérence du […] dans le pouvoir disciplinaire exercé par l’employeur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a écarté l’existence d’un co-emploi.

– Sur la demande de requalification des relations contractuelles en contrat à durée indéterminée

Contrats signés avec le […]

Madame X fait valoir que les contrats, dont l’employeur soutient qu’il s’agissait de contrats à durée déterminée dits d’usage, avaient en fait pour objet de pourvoir un emploi permanent dans l’entreprise ; que par ailleurs, il n’est pas d’usage constant de recourir à ce type de contrat pour l’emploi des ouvreuses ; qu’enfin, les contrats de travail ne mentionnent pas le cas de recours au travail à durée déterminée dans lesquels ils se situent.

Aux termes de l’article L. 1242-2, 3° du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, notamment pour pouvoir des emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Ces dispositions sont précisées par l’article D. 1242-1 du même code qui stipule que parmi les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée d’usage peuvent être conclus figurent les spectacles et l’action culturelle.

L’article L1242-12 du code du travail prévoit que le contrat de travail est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Le recours au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas l’employeur d’établir un contrat écrit comportant la définition précise de son motif. Ces dispositions sont d’ailleurs reprises précisément dans l’article III.3.1 de l’accord inter branche sur la politique contractuelle dans le spectacle vivant public et privé.

En l’espèce, les contrats de travail conclus entre Madame X et le SNERR du […] ne font aucune référence au motif de recours à un contrat à durée déterminée, ce qui constitue à soi seul un motif de requalification.

Surabondamment, il convient d’observer que les contrats de travail de Madame X, qui étaient conclus pour la durée d’un spectacle, soit deux à quatre mois le plus souvent, étaient en général séparés par quelques jours seulement, ce qui permet de retenir que cette succession de contrats avait en réalité pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ce qui est prohibé par l’article L1242-1 du code du travail.

Le fait, allégué par l’employeur, que Madame X aurait refusé de signer un contrat à durée indéterminée intermittent, outre qu’il n’est pas démontré notamment par un courrier qui lui aurait été adressé en ce sens, est sans effet sur l’irrégularité des contrats à durée déterminée auquel elle a continué à avoir recours.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a requalifié en contrat à durée indéterminée la relation contractuelle de madame X et du […].

Contrats signés avec la société SELIO

Madame X fait valoir que l’activité de la société SELIO ne fait pas partie des secteurs dans lesquels il est possible de recourir au contrat à durée déterminée d’usage, et ajoute qu’il n’existe aucun usage constant de recourir à ce type de contrat pour l’emploi d’ouvreuse.

La société SELIO soutient de son côté que son activité consiste à apporter son soutient aux activités culturelles et sportives, toutes deux comprises dans les domaines d’activité visés par l’article L. 1242-2, 3° du code du travail, en fournissant notamment des agents d’accueil.

*

L’article L 1242-2 3° du code du travail permet le recours au contrat à durée déterminée pour des emplois relevant de certains secteurs d’activité définis par décret pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

L’article D1242-1 qui définit les secteurs d’activité concernés vise expressément les spectacles, l’action culturelle et le sport professionnel.

Il ressort de l’extrait Kbis de la SAS Selio que son activité consiste en l’assistance aux producteurs et exploitants pour l’organisation matérielle de spectacles et manifestations sportives.

Si elle n’exploite par elle-même aucune salle de spectacle, son activité se situe toutefois de ce secteur

d’activité, et elle ne peut donc par principe être exclue de la possibilité d’avoir recours au contrat à durée déterminée d’usage.

Toutefois, dans ce contexte, il lui appartient de rapporter la preuve de ce qu’il existe un usage constant d’avoir recours à des contrats à durée déterminée pour pouvoir les postes d’ouvreuse. Or elle est défaillante dans l’administration de cette preuve, se contentant de verser aux débats un unique contrat de travail conclut avec une salariée travaillant au Bataclan.

Par ailleurs, il peut être fait les mêmes constatations que celles qui ont été faites en ce qui concerne les contrats conclus avec le théâtre de Paris, sur le fait qu’ils se succèdent de manière continue, avec des périodes interstitielles le plus souvent de un ou deux jours, de sorte que ses interventions ne présentaient pas un caractère ponctuel, mais qu’il s’agissait au contraire de pourvoir un emploi permanent au sein de la société SELIO, dont l’activité est de fournir notamment aux entreprises de spectacle du personnel d’accueil.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée conclus entre les parties en un contrat à durée indéterminée.

– Sur la demande de rappel de salaire sur la base d’un temps plein

Madame X développe la même argumentation pour les contrats de travails de chacun de ses deux employeurs successifs. Elle fait valoir que l’article L3123-6 du code du travail impose à l’employeur qui engage un salarié à temps partiel à fixer avec précision la durée du travail et sa répartition ; que si la durée convenue contractuellement n’est pas respectée, cela revient à ne pas respecter les dispositions légales précitées ; qu’ayant prévu une durée ‘minimum’ de travail dans les contrats, qui est insuffisamment précise, ses employeurs encourent une présomption de temps complet ; que dans les faits, ses durées de travail étaient très irrégulières d’un mois à l’autre, que la durée contractuelle était parfois dépassée, au-delà des 10% prévus contractuellement, et que d’autre fois au contraire sa durée de travail était inférieure aux stipulations contractuelles, en raison de la pratique des jours ‘off’ consistant à demander à certains salariés de rester chez eux lorsque le nombre de réservations pour une pièce n’était pas suffisant.

Aux termes de l’article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :

1° la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

2° les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification,

3° les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée son communiquées par écrit au salarié,

4° les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat, (….).

Le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait

présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Les contrats de travail versés aux débats avec l’un et l’autre employeur montrent que les jours et les horaires de travail étaient systématiquement mentionnés. Les contrats signés avec le […] mentionne expressément la possibilité de modification ponctuelle des horaires avec un délai de prévenance. La salariée était toujours convoquée à la même heure, et elle devait rester jusqu’à la fin du placement des spectateurs, soit nécessairement une grande prévisibilité de ses horaires, qui collaient aux horaires des représentations et aux jours pour lesquels elle était mentionnée sur le tableau figurant dans le contrat de travail. Les seules variations horaires concernaient les jours où une ouvreuse était ‘de garde’ jusqu’à la fin de la représentation et la sortie des spectateurs.

Madame Y, qui était responsable du personnel d’accueil, atteste dans les termes suivants : « chaque employé convoqué au Théâtre de Paris est déclaré sur une base de 3 heures. Pour un spectacle débutant à 21 h, les membres de l’équipe sont convoqués et donc rémunérés à partir de 19 h 30. Une fois la représentation commencée, sur la demande de la Direction du théâtre, trois personnes sont désignées pour rester jusqu’à la fin de la représentation. Ils sont dits »de garde« . Ces trois personnes de garde, ne sont jamais les mêmes. Un roulement est effectué au sein de l’équipe des ouvreurs et ils sont les seuls à préciser leur heure de départ sur les feuilles de présence. Cette heure de départ dépassait les 3 heures de rémunération prévues. Ils sont donc rémunérés pour le nombre exact d’heures effectuées à savoir 3 heures et demi à 4 heures Ils sont rémunérés 3 heures même si, étant partis vers 21h15, ils n’ont effectué qu’environ 2 heures ».

Les feuilles de présences, signées par les salariés, sont versées aux débats par la société SELIO, et elle confirme que Madame X était bien employée pour une durée conforme à son contrat de travail, et que ce n’est que très exceptionnellement qu’elle restait au-delà de trois heures, et qu’elle était alors payée en heures complémentaires, étant souligné que l’employeur d’un salarié à temps partiel peut lui demander d’effectuer des heures complémentaires.

Madame X était donc parfaitement informée à chaque signature de contrat des jours et des horaires de travail, et elle pouvait disposer de son temps en dehors de ces périodes travaillées. Elle décrit la pratique des jours ‘off’, selon laquelle l’employeur aurait appelé des ouvreuses pour leur dire de ne pas venir lorsque l’affluence ne le nécessitait pas. Toutefois, elle ne donne aucune date à laquelle elle aurait ainsi été priée de ne pas travailler, ne verse aux débats aucun message qui lui aurait été adressé en ce sens.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de requalification en contrat de travail à temps plein, le jugement étant confirmé de ce chef.

– Sur les conséquences financières des requalifications en contrats à durée indéterminée

1) Indemnité de requalification

Par application des dispositions de l’article L1245-2 du code du travail, en cas de requalification d’une série de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il est dû au salarié une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné le […] et la société SELIO respectivement au paiement de 775,79 euros et de 710,58 euros de ce chef.

2) Indemnité de précarité

Aux termes de l’article L1243-8 du code du travail, lorsqu’à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée, les relations de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément du salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation.

Si cette indemnité n’est pas due pour les contrats à durée déterminée d’usage, le recours irrégulier à de tels contrats impose à l’employeur de verser ce complément de salaire, quand bien même la relation contractuelle serait en définitive requalifiée en contrat à durée indéterminée.

En ce qui concerne le […], cette indemnité a été versée à la fin de chaque contrat de travail, la demande de Madame X se fondant uniquement sur le fait que selon elle le calcul de cette indemnité aurait dû être fait sur la base d’un temps plein. Dès lors qu’elle est déboutée de sa demande de requalification en temps plein, ce chef de demande sera également rejeté.

En ce qui concerne la société SELIO en revanche, elle n’a jamais versé l’indemnité de précarité. Sur la base des salaires qu’elle a payés au cours de la relation de travail, elle sera condamnée au paiement d’une somme de 370,83 euros de ce chef, représentant 10% des sommes perçues durant la relation contractuelle.

3) Paiement des périodes interstitielles

Comme il a été indiqué plus haut pour fonder la requalification, les contrats de la salariée, avec l’un et l’autre employeur, se succédaient de manière continue, dans des conditions de travail très proches de ce qu’elles auraient été si elle avait bénéficié d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Dans ces conditions, elle se tenait à la disposition de son employeur au cours de l’ensemble de la période, peu important à cet égard que l’employeur justifie qu’à une occasion, elle s’est déclarée indisponible sur une période donnée, de la même manière en définitive qu’elle aurait pu solliciter une période de congés si elle avait été en contrat à durée indéterminée.

Il convient donc de lui allouer la différence entre les salaires perçus et ce qu’elle aurait perçu si elle avait été en contrat à durée indéterminée à temps partiel.

[…]

Madame X a travaillé entre le 13 septembre 2010 et le 21 juin 2014, sur une base de 15 heures par semaine en moyenne et pour un salaire horaire de 9,4 euros. Elle aurait dû percevoir au total 27.918 euros. Or elle a perçu au total 24.653,40 euros. La SNERR du […] sera donc condamnée à lui payer un rappel de salaire de 3.264,60 euros, outre 326,46 euros au titre des congés payés afférents.

SOCIÉTÉ SELIO

Madame X a travaillé entre le 2 septembre 2014 et le 22 mars 2015. Sur l’ensemble de la période, elle a eu quarante journées interstitielles qui auraient représentées si elles avaient été travaillées 120 heures de travail. Son salaire horaire étant de 9,8 euros, il lui est dû un rappel de salaire de 1.176 euros, outre 117,6 euros au titre des congés payés afférents.

– Sur la demande au titre des retenues abusives

Madame X fait valoir que des sommes ont été retenues chaque mois sur ses salaires, sous l’intitulé ‘brut ouvreur rendu’.

Il ressort des éléments du dossier que ces retenues correspondent aux pourboires perçus par la salariée. Son contrat de travail stipule expressément ‘en contrepartie de ses fonctions, le salarié sera rémunéré en fonction de la répartition de la masse des pourboires. Il bénéficiera toutefois de la garantie prévue par la convention collective’;

Il en résulte que la rémunération se faisait aux pourboires, et que l’employeur était tenu de garantir une rémunération minimum. C’est donc à bon droit qu’il déduisait du salaire minimum qu’il versait, le montant des pourboires qui avaient été remis à la salariée à l’issue de la soirée, et dont le montant est attesté par les fiches comptables produites.

Il ne sera pas fait droit à la demande de ce chef.

– Sur l’absence d’application de la convention collective de branche par la société SELIO

Madame X soutient que la société SELIO aurait dû appliquer la convention collective des prestataires de service du tertiaire, en ce qu’elle concerne les entreprises dont l’activité principale réside dans les services d’accueil à caractère événementiel dans le cadre de salons, conventions, colloques, ou tout autre événement de relations publiques ou commercial, les actions d’animation et de promotion dont l’objectif est de faire connaître et de vendre des produits ou services, du client aux consommateurs sur le lieu de vente (…)

En l’espèce, la société SELIO fourni du personnel d’accueil pour des lieux de spectacle et des manifestations sportives, activités qui ne relèvent manifestement pas de ce champ d’application, puisqu’il ne s’agit pas d’événements de relations publiques ou commercial.

Il ne sera pas fait droit à ce chef de demande.

– Sur l’absence d’organisation par la société SELIO d’élections de représentants du personnel

Il est constant que la société SELIO, qui y était tenu compte tenu du nombre de salariés qu’elle emploie, n’a jamais organisé d’élections de délégués du personnel, ce qu’elle ne conteste pas, se contentant d’indiquer que Madame X n’en a jamais fait la demande.

L’absence de délégués du personnel a causé à la salariée qui sera réparé par l’allocation d’une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

– Sur les demandes au titre de la rupture des relations contractuelles

Il ressort de ses écritures que Madame X ne forme de demandes qu’au titre de la rupture des relations contractuelles qui est intervenue en mars 2015, lorsque la société SELIO a cessé de lui donner le travail. Aucune demande n’est formée au titre de la rupture des relations contractuelle intervenue au mois de juillet 2014, lorsque le […] a décidé de faire appel à un prestataire extérieur.

Il est constant que la société SELIO a cessé de fournir du travail à Madame X à partir du mois de mars 2015. La salariée explique que la fin de ses prestations trouve son origine dans un mouvement de grève de l’ensemble des ouvreuses, qui réagissaient au licenciement la veille de l’une de leurs collègues qui avait accepté un pourboire alors que cela était interdit.

La société SELIO ne conteste pas véritablement ce lien de causalité, lequel est confirmé par l’information donnée à la salariée, selon laquelle l’ensemble de l’équipe du théâtre allait être renouvelée.

Aux termes de l’article L1132-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice normal du droit de grève.

Les circonstances décrites par la salariée et non contestées constituent un exercice régulier du droit de grève. Dès lors que le contrat a été requalifié en contrat à durée indéterminée, il s’en déduit que le fait de ne plus fournir de travail s’analyse en un licenciement, lequel sera déclaré nul par application des dispositions précitées.

Madame X est donc fondée à obtenir de la société SELIO, qui était son employeur à la date du licenciement, une indemnité de préavis qui compte tenu de son ancienneté est de un mois de salaire. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Elle avait moins de deux ans d’ancienneté au moment de son licenciement, de sorte que par application des dispositions de l’article L1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à la présente espèce, elle peut obtenir des dommages et intérêts en fonction du préjudice qu’elle a subi. Elle ne verse pas aux débats d’éléments sur sa situation financière dans les mois qui ont suivi, non plus que sur ses recherches d’emploi, étant précisé qu’elle était étudiante lorsqu’elle exerçait l’activité d’ouvreuse.

Au regard de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu’il lui a alloué une somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,

En ce qui concerne la SNERR […]

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Madame X de sa demande de rappel de salaire consécutive à la requalification en contrat à durée indéterminée.

Statuant à nouveau de ce seul chef, condamne la SNERR […] à payer à Madame X la somme de 3.264,60 euros, outre 326,46 euros au titre des congés payés afférents, à titre de rappel de salaire sur la base d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

En ce qui concerne la société SELIO

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Madame X de sa demande de rappel de salaire consécutive à la requalification en contrat à durée indéterminée, et en ce qu’il a débouté madame X de sa demande de dommages et intérêts pour défaut d’organisation des élections de délégués du personnel.

Statuant à nouveau de ces seuls chefs :

Condamne la société SELIO à payer à Madame X les sommes suivantes :

—  370,83 euros à titre de rappel d’indemnité de précarité

—  1.176 euros, outre 117,6 euros au titre des congés payés afférents, à titre de rappel de salaire sur la base d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

—  500 euros de dommages et intérêts pour le défaut d’organisation d’élections du personnel.

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne in solidum la SNERR du […] et la société SELIO aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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