Sous-traitance et prêt de main d’œuvre illicite

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Prison avec sursis

Le prêt de main d’œuvre illicite est un risque sérieux en matière de sous-traitance. Dans cette affaire, le dirigeant d’une société a été condamné pour travail dissimulé, prêt illicite de main d’œuvre et marchandage, à un an d’emprisonnement avec sursis et à 8 000 euros d’amende.

Conditions du prêt de main d’œuvre illicite

Sous couvert de sous-traitance, les employés du sous-traitant travaillaient presque exclusivement pour le compte de la société, tant dans leur organisation que leur recrutement et se trouvaient dans un lien de dépendance totale et un état de subordination. A travers la confusion entre les deux sociétés, leur mise à disposition dissimulait une opération illicite de prêt de main d’oeuvre, dont le but lucratif était établi par l’augmentation du chiffre d’affaires de la société malgré la diminution de ses charges salariales.

Selon l’article L. 8231-1 du code du travail, est un prêt de main d’œuvre illicite, toute opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application des dispositions de la loi, de règlement ou d’une convention ou accord collective de travail. Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d’oeuvre est interdite (L. 8241-1), toutefois, cette interdiction ne s’applique pas aux opérations réalisées dans le cadre i) du travail temporaire, du portage salarial, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins ; ii)  aux associations ou sociétés sportives ; iii)  à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs.

Une opération de prêt de main d’oeuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.

Un délit intentionnel et à but exclusivement lucratif

La jurisprudence retient la notion de coaction entre l’entrepreneur qui prête le personnel et celui qui y a recours intentionnellement. Il convient aussi d’établir l’existence d’une opération à but lucratif de fourniture de main d’œuvre. Le but lucratif de l’opération peut être établi de plusieurs manières ; tel est le cas si, pour le fournisseur, le coût de la main d’oeuvre est inférieur aux sommes perçues dans le cadre du prêt opéré ; le but lucratif est également établi dans l’hypothèse d’économies réalisées par l’entreprise utilisatrice sur l’embauche directe de salariés, par exemple, en s’exonérant de charges sociales et financières. A titre d’exemple, il  résulte de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation que le recours massif à l’intérim peut être sanctionné car source de profit pour la société fournisseur comme pour la société utilisatrice, dont la masse salariale, qui peut ainsi s’ajuster au carnet de commandes de la société, est allégée du paiement des gratifications ou primes dues à son personnel salarié (caractère lucratif de l’opération). A titre d’indice, il devient suspect qu’une société parvienne à accroître de manière très significative son chiffre d’affaire et son résultat d’exploitation sans augmenter sa charge salariale.

S’agissant de l’infraction de prêt de main d’oeuvre illicite, il convient que la mise à disposition de personnels soit exclusive de toute autre prestation ; cette exclusivité doit s’apprécier au regard des prestations du prêteur et non de celles de l’utilisateur. Concernant l’infraction de marchandage, sa caractérisation nécessite le constat d’une violation de la loi ou d’un préjudice subi par les salariés, cela peut être une absence de convention collective, de moindres avantages sociaux, des rémunérations moindres, une absence de représentation du personnel.  Le délit est caractérisé dès que les salariés mis à disposition n’ont pas bénéficié des mêmes avantages que les salariés permanents.

Périmètre de la sous-traitance

La sous-traitance est admise si l’entreprise sous-traitante i) accomplit une tâche spécifique et bien définie, ii) exerce elle-même l’encadrement de ces salariés, iii) assume le risque professionnel, iv) dispose d’une réelle capacité d’entreprendre et d’exercer en toute indépendance, v) perçoit une rémunération, en général forfaitaire, librement négociée et en principe, justifie d’un savoir-faire dont ne dispose pas le donneur d’ordre.

En l’occurrence, les salariés du sous-traitant intervenaient sans que l’identité de leur réel employeur ne puisse être connue, les donneurs d’ordre n’étaient pas informés du recours à la sous-traitance, les uniformes, véhicule, badges, bons d’intervention, etc …, étaient tous au nom et en-tête de la société. En outre, le dirigeant de la société exerçait sur les employés du sous-traitant un réel pouvoir disciplinaire puisqu’il disposait de prérogatives de contrôle et de sanctions. Le sous-traitant ne présentait donc pas d’indépendance réelle.

Délit de travail dissimulé

L’article L. 8221-3 du code du travail pose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations : i) soit n’a pas demandé son immatriculation ou a poursuivi son activité après refus d’immatriculation, ou postérieurement à une radiation ; ii) soit n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Le travail dissimulé était ici caractérisé contre l’entreprise utilisatrice et son dirigeant, en ce qu’elle s’est comportée comme le véritable employeur des personnes mises à sa disposition par le sous-traitant.

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