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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
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ARRÊT DU : 05 MAI 2022
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 20/00357 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LNMD
SAS [2]
c/
URSSAF AQUITAINE
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).
Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 janvier 2020 (R.G. n°18/02366) par le Pôle social du TJ de BORDEAUX, , suivant déclaration d’appel du 21 janvier 2020,
APPELANTE :
SAS PHLAURENTagissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
représentée par Me Clarisse MAROT substituant Me Frédéric GODARD-AUGUSTE de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
URSSAF AQUITAINE, prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]
représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 février 2022, en audience publique, devant Monsieur Eric Veyssière, président chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Eric Veyssière, président
Monsieur Hervé Ballereau, conseiller
Madame Elisabeth Vercruysse, vice-présidente placée
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Exposé du litige
Suite à un contrôle de l’inspecteur du recouvrement de l’Urssaf au sein de l’entreprise [W] [B], un procès-verbal de travail dissimulé a été établi le 8 juin 2017.
Un redressement en cotisations et contributions sociales d’un montant de 124 636 euros au titre de l’année 2016 a été chiffré par l’Urssaf Aquitaine à l’égard de Mme [B], outre le montant de majorations de redressement complémentaires pour infraction de travail dissimulé de 49 854 euros.
Par jugement du 13 novembre 2018, le tribunal correctionnel de Libourne a déclaré Mme [B] coupable des faits d’exécution d’un travail dissimulé commis du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 à Saint Seurin sur l’Isle.
Les investigations de l’inspecteur du recouvrement ont conduit à constater que la société [2] a conclu un contrat de sous-traitance avec l’entreprise [B] [W] au cours de cette période.
Le montant des factures réglées par la société [2] à l’entreprise [B] [W] et correspondant aux prestations réalisées au profit de la première, s’est élévé à 18 657,76 euros pour l’année 2016.
L’inspecteur du recouvrement a engagé la solidarité financière de la société [2] en sa qualité de donneur d’ordre du fait du manquement de son obligation de vigilance, laissant à sa charge, à ce titre, la somme de 30 609 euros de cotisations et contributions sociales au titre de l’année 2016.
Le 29 novembre 2017, l’inspecteur du recouvrement a notifié à la société [2] une lettre d’observations à ce titre.
Par courrier du 28 février 2018, en réponse aux observations de la société [2], l’inspecteur de l’Urssaf a maintenu la régularisation envisagée.
Le 1er mars 2018, l’Urssaf Aquitaine a mis en demeure la société de lui verser la somme de 33 730 euros au titre de la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue aux articles L. 8222-1 et suivants du code du travail.
Le 13 mars 2018, la société [2] a saisi la commission de recours amiable de l’Urssaf Aquitaine aux fins de contester cette mise en demeure ainsi que la réponse aux observations de l’employeur suite à la lettre d’observations du 28 févier 2018.
Le 9 octobre 2018, l’Urssaf Aquitaine a établi une contrainte, signifiée à la société le 16 octobre 2018, pour le montant de 30 609 euros au titre des cotisations dues en raison de la solidarité financière en sa qualité de donneur d’ordre du fait de son manquement à son obligation de vigilance, outre une somme de 3 121 euros au titre des majorations de retard suite au contôle de l’entreprise [B] [W] ayant donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de travail dissimulé par dissimulation de salariés.
Le 26 octobre 2018, la société [2] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde d’une opposition à cette contrainte.
Par jugement du 6 janvier 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
constaté qu’en raison du désistement de son recours devant la commission de recours amiable, la société [2] n’est plus fondée à contester le bien-fondé des chefs de redressement tout comme la régularité de la mise en demeure et la nature des sommes dues,
jugé n’y avoir lieu à statuer sur ses demandes à ces titres,
déclaré l’opposition de la société [2] non-fondée,
validé la contrainte litigieuse,
condamné la société [2] au paiement des sommes suivantes :
30 609 euros au titre des cotisations dues par l’entreprise [B] [W], dans le cadre de sa solidarité financière en sa qualité de donneur d’ordre pour l’année 2016,
3 121 euros au titre des majorations de retard,
71,98 euros au titre des frais de signification de la contrainte,
300 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens,
jugé que les frais d’exécution seront recouvrés conformément aux textes applicables en la matière,
jugé qu’il appartiendra à l’opposante de négocier directement avec l’Urssaf Aquitaine d’éventuels délais de paiement.
Par déclaration du 21 janvier 2020, la société [2] a relevé appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions enregistrées le 21 février 2022, la société demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau :
à titre principal,
juger que la contrainte est irrégulière,
invalider la contrainte litigieuse,
débouter l’Urssaf de la Gironde de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre,
à titre subsidiaire,
juger que le motif de recouvrement n’est pas valable,
invalider la contrainte litigieuse,
débouter l’Urssaf de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre,
à titre infiniment subsidiaire,
invalider la contrainte litigieuse,
à titre reconventionnel,
condamner l’Urssaf au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions du 17 février 2022, l’Urssaf Aquitaine sollicite de la cour qu’elle :
à titre principal, confirme le jugement déféré,
à titre subsidiaire :
juge l’opposition de la société [2] non fondée,
valide la contrainte établie le 9 octobre 2018 et condamne la société à lui verser les sommes suivantes : 30 609 euros au titre des cotisations dues par l’entreprise [W] [B] dans le cadre de la solidarité financière, 3 121 euros au titre des majorations de retard, 71,98 euros au titre des frais de signification de la contrainte,
en toute hypothèse :
déboute la société [2] de l’ensemble de ses demandes,
condamne la société [2] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.
Motifs de la décision
Sur les conséquences du désistement de la société de son recours en contestation de la mise en demeure formé devant la commission de recours amiable
Le tribunal a jugé que la société s’étant désistée par courriel du 4 septembre 2018 de son recours en contestation de la mise en demeure formé devant la commission de recours amiable, elle n’est plus recevable, dans le cadre de l’opposition à contrainte, à remettre en cause le bien fondé des chefs de redressement, ni la régularité de la mise en demeure
et la nature des sommes dues ; cependant, le jugement précise que son action demeure recevable en ce qu’elle porte sur la régularité de la contrainte.
Selon la société [2], cette décision a été prise en violation du principe du contradictoire dans la mesure où l’URSSAF n’avait pas conclu sur ce moyen qui a donc été relevé d’office par le juge sans permettre à la société d’y répondre.
Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Il résulte de ce texte que l’URSSAF n’ayant pas, en première instance, soulevé de moyen tiré du désistement de la société, le premier juge ne pouvait statuer sur ce point sans recueillir au préalable les observations des parties, ce qu’il n’a pas fait. S’agissant d’une irrégularité de fond, le jugement sera annulé en ce qu’il a méconnu le principe de la contradiction.
Cependant, par l’effet dévolutif de l’appel, il incombe à la Cour de se prononcer sur les effets du désistement sur la procédure d’opposition à contrainte.
La société soutient, en premier lieu, que son désistement n’est pas valable car le signataire du courriel de désistement, Mme [L], n’a pas de délégation de pouvoir pour engager l’entreprise en ce sens.
Il ressort des pièces du dossier que Mme [L] exerce la fonction de responsable administrative et financière et qu’elle était présumée représenter la société lorsqu’elle a échangé avec l’URSSAF et la commission au nom de la société tant pour contester la mise en demeure que se désister du recours. A aucun moment de la procédure devant la commission, laquelle n’est pas soumise aux règles de représentation prévues en cas de procès, la société a dénié à Mme [L] le droit de la représenter.
Il s’en déduit que le courriel de désistement dont les termes ‘ nous n’attendons plus maintenir notre contestation et par conséquent nous nous désistons de notre recours ainsi que des juridictions à venir tel que le tribunal des affaires de sécurité sociale’ sont sans équivoque, est valable.
En deuxième lieu, la société fait valoir que, même dans le cas où la Cour déclarerait le désistement valable, celui-ci ne la prive pas de poursuivre l’opposition à contrainte conformément aux dispositions de l’article R 133-3 du code de la sécurité sociale et de contester le bien fondé des motifs du recouvrement.
Selon ce texte, si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles…
Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l’étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l’organisme créancier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification
En l’espèce, le désistement a été formulé le 4 septembre 2018. A cette date, la mise en demeure est restée sans effet puisque la société n’avait pas réglé les sommes qu’elle énonçait ; il s’ensuit que la contrainte délivrée le 9 octobre 2018 est régulière et que l’opposition à contrainte formée le 26 octobre 2018 est recevable.
Toutefois, compte tenu de ce désistement, la société n’est pas recevable à contester le bien fondé des chefs de redressement à l’occasion de l’opposition à contrainte régulièrement formée devant la juridiction de sécurité sociale. La société conserve seulement la possibilité de contester la régularité de la contrainte.
Sur la régularité de la contrainte
Celle-ci est contestée par la société aux motifs que la contrainte signifiée ne mentionne pas la période concernée ni l’existence d’une lettre d’observations à laquelle se référer et vise un rappel de cotisations alors que le recouvrement porte sur la mise en oeuvre de la solidarité financière.
En application des dispositions de l’article L 224-2 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation.
En l’espèce, la contrainte mentionne, la nature des sommes dues (cotisations et majorations de retard au titre de la solidarité financière), le montant des cotisations (30.609 euros) et des majorations de retard (3121 euros), la période concernée (2016) et fait référence à la mise en demeure du 1er mars 2018 qui précise les textes applicables et mentionne la lettre d’observations du 29 novembre 2017, de sorte que la société avait connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation
Le moyen tiré de l’irrégularité de la contrainte est donc dénué de fondement sans qu’il soit nécessaire d’examiner les moyens tirés des conditions d’application de la solidarité financière.
Il découle de ce qui précède que la société [2], dont les moyens relatifs à la contestation des motifs du recouvrement et à la régularité de la contrainte ont été écartés doit être condamnée au paiement des cotisations, des majorations de retard, des frais de signification ainsi qu’il suit au dispositif de la présente décision.
L’équité commande d’allouer à l’URSSAF la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société, partie perdante, supportera la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
la cour
Annule le jugement entrepris
statuant par l’effet dévolutif de l’appel
Condamne la société [2] à payer à L’URSSAF Aquitaine les sommes suivantes:
30.609 euros au titre de la solidarié financière des cotisations dues par l’entreprise [B] pour l’année 2016
3121 euros au titre des majorations de retard
71,98 euros au titre des frais de signification de la contraite
1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société [2] aux dépens.
Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière, à
laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps E. Veyssière